Source : blog Paizo ; Auteur : James L. Sutter



Des gémissements résonnent régulièrement dans l'aile Est de Gravecharge, la cathédrale de Pharasma dans la ville universitaire de Lepidstadt. Pourtant, ce ne sont pas des cris haletants de mort qui sonnent si souvent à travers ce coin de l'Ustalav, mais plutôt les cris de la vie. Depuis sa construction, Gravecharge a maintenu un hospice propre et bien supervisé pour les jeunes malades et les orphelins. La juste déesse Pharasma se préoccupe autant de la transition de la vie à la mort, que de chérir également les vies les plus tragiques.

Imrijka arriva à Gravecharge dans les bras d'un gardien de la ville, enveloppé dans un uniforme en lambeaux et tenue à bout de bras. Le gardien, selon sa patrouille, avait trouvé "la chose" au cours de leur ronde de l'aube au Cromlech en Spirale, une ruine Kellid surplombant la ville qui était connue pour favoriser la mauvaise fortune et de mystérieuses disparitions, mais jamais pour des apparitions mystérieuses. C'est en entendant un bébé hurlant au milieu des menhirs d'un blanc lunaire que les gardes, assez audacieux pour enquêter brièvement sur cet endroit, l'ont trouvé et prise pour un enfant-démon quelconque égaré et presque mort au milieu des ruines étranges. Identifiée comme étant un enfant demi-orque, elle ne pouvait guère rester entre les mains de soldats entraînés à tuer des peau vertes. Mais l'argument selon lequel les questions de vie et de mort devraient être laissées à Pharasma les a convaincu de rengainer leurs lames, eux qui n'étaient pas vraiment désireux de verser le sang d'un enfant, quelle que soit sa couleur de peau.

Surnommé Imrijka d'après la première grande prêtresse de Gravecharge, Imrijka Castavelik, la fille à la peau de pistache a été nettoyée, vêtue, et placée parmi les autres orphelins de la cathédrale. Au début, elle terrifia les autres gamins, étant plus grande, plus forte et plus vigoureuse dans son mordant que certains enfants ayant le double de son âge. Mais seulement pendant un certain temps. Les prêtresses de Pharasma leurs ont ensuite expliqué les mystères issus de la volonté de leur déesse et l'immense variété de ses créations, enseignant aux enfants qu'ils étaient chanceux d'avoir une nouvelle sœur tellement unique. Pendant un certain temps, derrière les murs de la cathédrale, ceci était encore une vérité.

Quand elle était assez vieille pour comprendre et être comprise, Imrijka fut signalé aux bureaux de Jarlos Teym, haut exorciste de Gravecharge, pour la première fois. Il lui a demandé beaucoup de choses sur sa vie, ce qu'elle pensait de ses études, du clergé, des autres enfants et s'il y avait quelque chose qu'il pouvait faire pour rendre les choses plus confortables pour elle. Etant une jeune fille timide, Imrijka se sentie diminué. Les discussions suivantes se sont portées sur l'avenir, les rêves d'Imrijka, ses espérances et sa vision à long terme de son futur. Enfin, après des mois à établir une relation de confiance avec la jeune fille, Teym posa des questions sur son passé. Mais pour Imrijka, la vie a commencé avec la cathédrale, les prêtresses et d'autres orphelins. Teym pressant, insista pour obtenir d'autres réponses, alla même jusqu'à les vérifier par magie. Après un entretien particulièrement éprouvant, Imrijka, confuse, commença enfin à se poser ses propres questions : «Pourquoi son passé avait-il de l'importance ? Pourquoi Teym s'en soucie ? N'est-il pas possible que ce qu'elle pourrait être l'emporte sur ce qu'elle aurait pu être ?»

La jugeant assez mature pour savoir, Teym expliqua plus tard sa ténacité : quelqu'un était venu pour adopter Imrijka. Trois fois. Chaque fois une personne différente au cours des trois dernières années. Ce fut d'abord un homme habillé comme valet de pied, jactant beaucoup et avec plus de questions que de réponses. Il est parti après avoir éveillé les soupçons du clergé avec ses demandes trop pointues sur Imrijka. Un an plus tard, il est revenu, cette fois avec une femme humaine à la beauté vulpine qui prétendait être la mère d'Imrijka. Sauf que seul son âge apparent évoquait cette possibilité. C'était Teym et ses propres soupçons, avec sa compétence à discerner les mensonges, qui ont gardé ces étrangers à l'écart d'Imrijka. Sans oublier sa capacité inhabituelle à parler avec détachement. Enfin, après quelques mois et à une poignée de jours de la première réunion de Teym avec Imrijka, deux étrangers sont revenus, escortant un homme habillé de blanc et d'argent. Cet imposant nouveau venu parlait comme un individu habitué à être obéi et exigea qu'Imrijka lui soit remise. Ce que Teym lui refusa personnellement, souhaitant savoir avec insistance de quel droit il devrait lui remettre la jeune fille. «Le droit d'un père», persista l'homme gras. Le haut exorciste leur ordonna alors de quitter la cathédrale immédiatement, mais avant qu'ils s'exécutent l'homme en blanc sourit. «Elle n'est pas comme nous», dit-il, les yeux scintillant à la vision de l'enfant. «Excellent.»

Malgré l'explication de Teym, Imrijka compris seulement que ses parents étaient venus pour elle et que le haut exorciste les avaient renvoyés. Elle retint ses questions et ses larmes, hochant la tête d'un air absent tandis que Teym s'excusait. Mais elle n'est pas revenue dans sa chambre. Au contraire, elle sortit par les portes principales de Gravecharge, débouchant dans une rue enneigée où quelqu'un l'attendait.

Un homme en blanc assis sur le banc d'un cercle de glace entourant la place, alimentait lentement des corbeaux avec des morceaux de viande déchiquetés. En voyant à travers un tourbillon de neige silencieux entrer Imrijka dans la place, il se leva et se dirigea vers elle. Prudemment, elle s'approcha. Dans sa main gantée apparu un jeton étrange, un disque gravé de symboles barbares avec un chiffre empalée sur une lance. Il était pour elle.

Une flèche de fer pulvérisa impitoyablement la main de l'homme, éjectant en spirale dans la neige l'étrange icône. Teym était dans le cercle, une autre flèche déjà encochée dans la corde d'un arc aubépine. Autour de lui fouettait le rouge bordée de noir des inquisiteurs de Pharasma, une écharpe tissée recouverte de flocons ballottée comme une flamme par le vent tourbillonnant qui soufflait sur eux. «Rentre, gamine» commanda-t-il d'une voix avec une tonalité qu'Imrijka n'avait jamais entendu. Comme si l'homme en blanc avait été fait de glace, à aucun moment il n'avait bronché. Bien que l'icône eut atterri au loin, un enchevêtrement de doigts disjoints et de chairs pendantes, sans effusion de sang, restait tendue vers Imrijka. Ses petites défenses claquaient contre ses dents, mais elle ne cria pas.

«Une autre fois, ma chère» murmura l'homme à son attention. Ensuite, la neige se mit à tourbillonner autour de lui. Pendant un moment, il semblait ne faire qu'un avec le froid, tel un prince de blizzard né. Puis il disparut, laissant Imrijka envahie par le froid et la peur, mais pas seule. Le manteau du haut Exorciste Teym fut posé sur ses épaules, il était lourd et chaud, sentait fortement le tabac et la poussière. Imrijka imagina que c'est ainsi qu'un grand-père devait sentir. En tout cas ça n'avait pas du tout la même odeur que celle de l'homme en blanc.

Jusqu'à ce qu'Imrijka eut atteint la maturité et était parfaitement en mesure de se défendre, elle ne quittait que rarement la cathédrale Gravecharge. Quand enfin elle le fit, c'était vétue du rouge et du noir de l'habit d'un inquisiteur de Pharasma. Même après le départ à la retraite du Haut Exorciste Teym, Imrijka avait continué à servir l'Eglise et l'homme qu'elle avait adopté comme son grand-père, l'aidant dans ses activités plus savantes en tant que consultant sur les antiquités religieuses à l'Université de Lepidstadt. Elle a ensuite beaucoup voyagé dans l'Ustalav et au-delà. Escortant une expédition dans les tours osseuses de Kalexcourt, passant une nuit à l'hôtel hanté connu sous le nom de Maison Beumhal, fut reconduite hors du porche du célèbre chasseur de monstres retraité Ailson Kinder (mais pas sans avoir eu sa gravure signée de la "lune" du chasseur) et eut de nombreuses autres aventures. Elle revient régulièrement à Gravecharge, où plusieurs de ses compagnons d'enfance ont grandi, y compris dans des positions au sein de la sphère d'influence, comme Brel Vhalsik, un théologien argumentatif de l'église Kellid avec qui elle partage une relation complexe.

Mais de plus en plus ses intérêts et les recherches de Teym l'envoient au-delà des frontières d'Ustalav, où elle marche avec la bénédiction de sa déesse, qui porte un jugement sur tous ceux qui violerait les lois de la vie et de la mort. Dans ses voyages, elle fut confrontée à un préjudice important, mais des histoires de "monstre chasseur de monstres" de Pharasma, et l'arsenal toujours présent d'Imrijka, savent convaincre la plupart des fanatiques de garder la bouche bien fermée. Pendant tout ce temps, elle n'a jamais revu l'homme en blanc, du moins, pas avec une certitude totale, car il y a eu beaucoup trop d'ombres et de visages à demi reconnue pour être sûr. Elle a récupéré son étrange cadeau en ce jour neigeux et porte le disque ouvertement, en espérant que quelqu'un un jour pourrait le reconnaître, amener Imrijka à une certaine pointe d'où elle vient et lui apprendre qui elle était. Mais pour l'instant, l'avenir réserve beaucoup plus de promesses pour Imrijka que le passé... et elle l'affronte hardiment, confiante dans sa foi où qu'elle aille et sachant désormais qui elle est.