Attente dans les coulisses

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Axel n’était pas son vrai nom. Il avait choisi un nom qui pourrait résonner dans tout le grand chapiteau, quelque chose qui pouvait se combiner avec « Attractions Aviaires ». C’est ainsi qu’il était devenu Axel, des Attractions Aviaires d’Axel, et personne ne savait qui il avait été avant de rejoindre le Cirque des Merveilles Rebelles. Il était certain que ce nouveau nom allait le mener vers sa première véritable représentation.

Sauf que ça n’avait pas été le cas…

Le chef de piste et gestionnaire du cirque se faisait appeler « Tonnerre » et, comme son surnom, il pouvait réduire au silence même une foule gigantesque, se faire entendre de tout un chacun tout en s’assurant qu’ils étaient suspendus à ses lèvres. Il était également comme le tonnerre en-dehors des spectacles : il prononçait chacun de ses mots avec force et intention. Pour Axel, le Tonnerre était la personne la plus intense, la plus sérieuse et la plus directe qu’il avait jamais rencontrée, ce qui rendait le fait qu’il n’était pas parvenu à obtenir une réponse claire de sa part au cours des cinq derniers jours extrêmement frustrant. Axel allait-il pouvoir participer au spectacle lors de la soirée d’ouverture ? Pouvait-il s’entraîner sur une des trois pistes du grand chapiteau ? Pourrait-il voir le planning des actes et voir à quel moment son numéro d’oiseaux apprivoisés conviendrait le mieux ?

Oui, mais aussi non, et aussi peut-être que oui.

Bientôt.

À la fin de chaque discussion, Axel avait l’impression qu’il avait enfin reçu une réponse de la part du chef de piste mais, dès que le Tonnerre s’était éloigné pour parler à quelqu’un d’autre, il se rendait compte qu’il n’avait reçu aucune réponse en fin de comptes.

Que pouvait-il faire d’autre ? Axel était retourné vers ses pigeons. Il avait érigé un petit stand dans un coin du grand chapiteau sombre, en-dehors du chemin des vrais artistes qui répétaient leurs numéros de cirque. Il émit un sifflement grave et l’un des pigeons plongea depuis son perchoir pour venir attraper un petit caillou emballé qui se trouvait dans sa main puis voleta autour de la tête d’Axel, le caillou dans son bec.



« C’est un bonbon ? »

La question fit se retourner Axel tout en suivant du regard le pigeon qui descendit pour venir déposer le caillou dans la main tendue d’une jeune fille portant des collants blancs. Elle n’avait pas plus de douze ans, guère plus jeune qu’Axel lui-même, mais elle se comportait avec la confiance en soi d’un individu deux ou trois fois plus âgé qu’elle.

« Non, désolé. C’est juste un caillou, » répondit rapidement Axel. Puis, comme si la mise en garde était nécessaire, il ajouta, « Ne le mange surtout pas. » Il jeta un coup d’œil rapide au-dessus de ses épaules en direction de l’endroit où ses parents et ses deux frères ainés répétaient leur numéro d’acrobaties aériennes. Ils ne semblaient guère faire attention à lui ou à sa jeune amie.

La fille, dont le nom était Odvi Kanbali se souvint Axel, observait avec curiosité le prix que le pigeon lui avait amené. « Pourquoi emballer un caillou pour qu’il ressemble à un bonbon ? »

« Il s’agira d’un véritable bonbon pendant le spectacle, mais les bonbons sont trop chers pour qu’on puisse les utiliser pendant les répétitions, » expliqua Axel. « J’ai appris aux pigeons à les donner aux enfants dans le public. »

« Je ne suis pas dans le public, » répliqua Odvi, « et je ne suis pas une enfant. Je suis une artiste. Je suis l’une des Kanbali Volants… enfin, c’était notre nom, avant, à Escadar. Maintenant, nous sommes les Cinq Qui Retombent Toujours Sur Leurs Pattes. Papa dit que c’est parce que nous n’aurons plus jamais à prendre le risque de faire une mauvaise chute. »

« Tu étais à Escadar ? » demanda Axel avec enthousiasme, oubliant complètement de maintenir son masque de professionnel blasé. Il vit le visage d’Odvi se contorsionner en une grimace et regretta d’avoir pris un ton si enthousiaste pour aborder ce sujet. « Et donc, tu as travaillé pour… elle, » termina Axel sur un ton plus neutre.

« Maîtresse Crépuscule, » dit Odvi lentement en opinant du chef. Elle déversa le reste des mots prestement, comme s’ils avaient été renfermés trop longtemps. « Elle est magnifique et grâcieuse, et elle en sait plus au sujet du cirque que même le Professeur K, et il est vachement vieux. Mais en fait, elle est monstrueuse. Son cirque, ce n’est pas les "Délices des Cieux", c’est une prison ! Ou pire, la cellule des condamnés à mort. Personne dans le public ne se rend compte qu’elle n’en a rien à faire si ses artistes se blessent ou pire, pour autant qu’elle puisse maintenir l’image parfaite qu’elle donne à son public. Je déteste tout ça. Je la déteste, elle. Papa a toujours dit que nous allions nous en sortir et, quand plusieurs d’entre nous ont décidé de quitter le cirque de Crépuscule, nous sommes venus ici pour monter notre propre cirque. Les Merveilles Rebelles, c’est nous. Et, maintenant, ma famille n’est plus obligée de se passer de filin de sécurité. Tout cela est très excitant ; il y a beaucoup de nouvelles personnes aussi, et je pense que… Je ne sais pas. C’est comme le début de quelque chose de vraiment important. »

Axel s’approcha d’elle pour récupérer son pigeon et le caillou emballé, grimaçant lorsqu’il s’appuya de manière bizarre sur son pied gauche.

Odvi fronça les sourcils. « Tu es blessé. »

« J’ai cogné ma jambe la nuit passée. C’est rien. »

« C’est une morsure de piton. »

Axel tourna son regard vers l’endroit où Maîtresse Eliza, la charmeuse de serpents, était occupée à jouer dangereusement aux alentours de la gueule de son énorme anaconda. « Une morsure de serpent ? »

Odvi pouffa de rire. « Mais non, une morsure de piton. C’est comme ça qu’on dit au cirque. Ça vient des vieux pitons. On doit se débrouiller avec ce qu’on a, et parfois ça veut dire utiliser de vieux pitons pour planter les tentes. Quand les pitons sont enfoncés encore et encore dans la terre, le dessus finit par se fendre. Et, si tu ne fais pas attention où tu marches la nuit autour de la tente, tu peux te couper la jambe sur ces pitons. Les nouveaux ont souvent des morsures de piton. Enlève ton soulier et je vais mettre un bandage sur ta cheville. J’ai appris beaucoup de choses sur la manière de traiter les blessures dans le cirque de Maîtresse Crépuscule. » La fille déroula un des tissus recouverts de craie qui entouraient ses mains et l’utilisa comme bandage de fortune.

Alors qu’Axel se penchait pour remonter sa jambe de pantalon, Odvi jeta un coup d’œil à ses pigeons qui se tenaient serrés les uns contre les autres sur le perchoir. « Ton perchoir à pigeon est vide au milieu. »

« C’est là où je me place, » expliqua Axel. « Pendant le spectacle, le harnais n’est pas posé sur le sol comme il l’est maintenant. Il vient se mettre sur mes épaules, et sous mon manteau. C’est comme ça que je cache les oiseaux avant de les dévoiler au moment du numéro. »

« Tes fils sont trop épais, » interjeta un garçon d’apparence anodine avec un visage plat, qui passait par là avec une longue barre de métal sur une épaule.

« Hod… tu sais parler ? » demanda Odvi avec étonnement.

Le garçon grogna. « Je ne parle pas beaucoup. Mais ça veut pas dire que je ne parle pas. »

Odvi se pencha vers Axel et murmura « Hod est l’assistant de la magicienne. »

Axel hocha la tête. « Je l’ai déjà vue. Mordaine la Magicienne, c’est ça ? D’après ce que j’ai entendu, elle serait vraiment très douée. »

L’acrobate leva les yeux au ciel. « Mordaine dit que Mordaine est très douée. Et que nous avons bien de la chance de l’avoir parmi nous. Et qu’elle devrait être sur la piste centrale pendant le numéro principal lors du soir d’ouverture. Et ainsi de suite. Le Tonnerre n’en est pas convaincu. »

Alors qu’Axel et Odvi parlaient entre eux de la maîtresse de Hod, ce dernier avait déposé la tige métallique et pris la cape d’Axel. Il la retourna avec précaution et indique plusieurs petites déchirures. « Le fil a détruit le tissu. Après une ou deux représentations, il se déchirera et ça dévoilera l’illusion. Utilise du fil moins épais. Et fait des boucles aux extrémités. »

« Merci, Hod, » répondit Axel, véritablement reconnaissant pour les conseils du garçon. « J’ai de la chance que tu es passé par ici. » Il s’interrompit et se demanda s’il devait prononcer sa pensée suivante à haute voix. « Mordaine… ce qu’elle dit à propos d’elle, c’est vrai ? »

Hod réfléchit tout en fronçant les sourcils. Puis son visage se fendit d’un sourire. « À tout le moins, elle a un bon assistant. »

Odvi éclata de rire, replaça le soulier d’Axel autour de sa chaussure et l’aida à se relever. Le visage de Hod devint soudainement sérieux et il reprit la tige métallique. « Elle a dit à Tonnerre que nous avions déjà un magicien, et que nous avions déjà un numéro animalier, et que donc il n’y avait pas de place pour toi. »

Axel était déchiré entre le choc et la fureur. « Pas de place pour moi ? En quoi c’est à elle de décider ? Elle est aussi nouvelle dans ce cirque que je le suis ! Je pensais que c’était Tonnerre qui était le chef de spectacle ! »

Hod sourit à nouveau, « C’est exactement ce que Tonnerre lui a dit. Il a ajouté qu’il avait déjà réfléchi à une place pour toi. »

« Oh, c’est une bonne nouvelle, » interjeta Odvi. « J’avais entendu qu’il allait dire non, parce que c’était évident que tu n’as jamais fait le spectacle en face d’un véritable public. Mais je pense que tu trouveras ta place. On a tous été des débutants à un moment. Sauf moi. Je vis sur les filins depuis aussi loin que je puisse me souvenir. »

« Je ferais mieux de retourner m’entraîner alors, » dit Axel tout en se préparant à refaire son numéro. « J’ai l’impression que cette nuit d’ouverture sera le début de quelque chose de merveilleux. »

« Oui, » dirent les enfants à l’unisson avant de retourner à leur propre travail.

Hod se retourna et sourit en regardant intensément par-dessus la tige de métal, en direction de la main tendue d’Axel. « C’est un bonbon ? »


Cette page est la traduction d'un article publié sur le blog de Paizo, écrit par Ron Lundeen et disponible à l'adressse https://paizo.com/community/blog/v5748dyo6sh3l?Extinction-Curse-Waiting-in-the-Wings.