Ija, conjuratrice "iconique"

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À Kiutu, un village calme sur la côte est du lac Terwa, on conte souvent aux jeunes enfants qui grandissent dans le coin des histoires concernant les ruines qu’on peut apercevoir de l’autre côté, sur le rivage, séparé du patelin par des eaux peu profondes. Certaines histoires évoquent des monstres draconiques qui hanteraient et terroriseraient ceux qui posent le pied au-delà du seuil du temple enfoui, et d’autres parlent d’ombres ailées qui viennent à Kiutu la nuit pour emmener vers les ruines les enfants qui ne se comportent pas bien. Quel que soit le récit, l’ambiance qui entoure les anciennes ruines de Selsanglant est profondément emprunte de terreur et de dangers pour les habitants de Kiutu. La plupart des enfants se lassent d’entendre ces histoires quand ils deviennent adolescents et se mettent à les considérer comme des inventions, même si les ruines restent toujours un sujet tabou. Mais Ija et les siens ont toujours accepté qu’elle était une enfant différente ; la jeune fille n’a jamais vraiment perdu la curiosité de son enfance.

Dès le jeune âge de 4 ans, Ija a fait preuve d’une sagesse inhabituelle pour les enfants de son âge à Kiutu. Même avant qu’elle ne soit suffisamment âgée pour enseigner, Ija était capable de créer des univers imaginaires entiers de son propre crû et, alors qu’elle ne savait pas encore former des phrases complètes, elle remplissait souvent des calepins de croquis avec des dessins de créatures et de personnages issus de son imagination et inspirés par les histoires à travers lesquelles ses parents racontaient ce qu’ils avaient vu au cours de leurs voyages. Sa mère, une artiste locale nommée Ataya, était en extase devant le talent d’Ija pour fabriquer des mondes. Elles passaient souvent des journées entières ensemble à dessiner des histoires, Ataya esquissant des dragons fantastiques – les créatures préférées d’Ija – pour que la toute jeune fille les colorie. Ensemble, ils créaient de toutes pièces des myriades de personnages. Et Ija développait une grande affinité pour un dragon rose gribouillé par sa gribouillait et qu’elles décidèrent d’appeler Tuku.

Une fois devenue suffisamment âgée pour voyager au-delà des environs du village, Ija se baladait souvent jusqu’au bord du lac tout proche, son calepin de croquis en main, là où son père venait régulièrement en aide à des biologistes venant de toute la région pour réaliser des études pratiques sur le lac Terwa. Elle posait aux scientifiques des questions sur les animaux qui vivaient au-delà des frontières sûres autour de Kiutu et offrait en retour un dessin représentant la manière dont elle imaginait ces créatures.

La plupart des scientifiques trouvaient le « charisme conversationnel sans fin » d’Ija plutôt adorable mais son père l’envoyait régulièrement quérir du matériel pour les recherches ou des provisions au village. Et, tout en étant certaine qu’elle s’était bien comportée, elle ne parvenait jamais à vraiment se débarrasser du sentiment d’avoir fait quelque chose de mal.

Pendant son adolescence, l’imagination d’Ija restait fort active : les notes qu’elle était censée prendre lors de ses leçons ou pendant les exposés scientifiques de son père étaient souvent couvertes de petits dessins, et elle passait régulièrement de longues minutes à rêver tout éveillée pendant les leçons de ses tuteurs, tout en observant les ruines de Selsanglant de l’autre côté du lac, s’imaginant que Tuku fondait depuis les airs et affrontaient les monstres qui y étaient tapis au cours de combats épiques. Mais, alors que son imagination avait été source de réjouissance pendant ses plus jeunes années, la liste des choses qu’on attendait d’Ija et qu’elles ne parvenaient pas à fournir s’allongeait de plus en plus au fil de sa croissance. Et les doux souvenirs des journées passées à rire et à dessiner avec sa mère et les collègues de son père se firent de plus en plus lointains. Alors que ses parents, ses tuteurs et ses pairs l’incitaient à grandir, Ija se retranchait de plus en plus dans son imagination et, chaque nuit, elle trouvait le réconfort en imaginant Tuku qui glissait avec élégance à travers les nuages éclairés par la lune plutôt que de penser à ce qu’elle avait fait (ou aurait pu faire) de mal pendant la journée.

Un jour, lors d’un court voyage éducatif vers le fleuve Terwa avec son enseignant et quelques autres enfants, Ija se retrouva séparée du reste du groupe : elle avait été fascinée par un petit taillis de plantes aux couleurs vives et s’était éloignée sans dire un mot. Tout en observant la flore étrange et magnifique autour d’elle et en notant les formes inhabituelles des feuilles dans son calepin, elle se mit à rire en pensant à Tuku qui l’aiderait à attraper les fleurs et les feuilles qui se trouvaient au-delà de sa portée. Les oranges, rouges et violets des fleurs autour d’elle semblèrent briller d’une lueur surnaturelle quand elle les tenait tout près de son visage, et Ija aurait pu passer des heures entières à cet endroit sans se lasser. Son exploration sauvage prit cependant fin de manière abrupte quand elle entendit son enseignant appeler son nom au loin. Se rendant compte qu’elle avait raté la leçon et craignant d’être punie, elle se mit à courir pour rejoindre son groupe, son visage empreint de honte.

Quand Ija arriva au sommet d’une petite élévation qui surplombait la berge du fleuve et aperçut son groupe, elle remarqua que son enseignant et les autres enfants écarquillaient les yeux de surprise et de confusion. Ija baissa le regard pour s’examiner, s’attendant à voir ses habits dans un état embarrassant ou marqués par des taches ou des larmes qu’elle n’avait pas remarquées, mais il n’y avait rien d’inhabituel sur sa personne. Elle se tourna pour regarder par-dessus son épaule gauche, puis sa droite, et partagea immédiatement leur émerveillement. Tuku, manifesté sous forme physique, se tenait à quelques mètres derrière elle, observant les autres villageois avec curiosité. Ija s’émerveilla sans dire un mot : comment pouvait-elle voir si clairement son ami imaginaire ? Comme se faisait-il que Tuku soit là et pas seulement dans ses rêves éveillés ? Son enseignant s’avança, les yeux fixés sur le front d’Ija, où le médaillon runique qu’elle s’était fabriquée des années plus tôt pendait sur un bandeau. La rune brillait, et un symbole identique se trouvait sur le front de Tuku.

“Ija,” demanda son enseignant sur un ton émerveillé, « depuis combien de temps es-tu un appelle-dieu ? »

Elle se contenta de secouer la tête, tentant de comprendre ce qui se passait. Avait-elle encore fait quelque chose de mal ?

Son enseignant se mit à genoux pour la regarder droit dans les yeux tout en parlant. Tuku renifla de manière défensive derrière elle quand l’enseignant âgé tendit la main vers Ija, puis se calma rapidement lorsqu’il se mit à parler. « Mon grand-père était un réfugié de la Plaie du Monde, tu sais. Il avait fui Sarkoris il y a un siècle de cela, alors qu’il n’était qu’un enfant, quand les démons se sont emparés de son pays. Il avait abandonné la plupart des traditions de son peuple quand il a rencontré ma grand-mère et s’est établi ici à Kiutu, mais il racontait des récits de son enfance. Les plus mémorables étaient ceux qui concernaient les appelle-dieux, des Sarkoriens capables de conjurer un puissant allié venant de plus loin que notre réalité, pour aider et guider les gens dans les moments difficiles. Les Sarkoriens appelaient ces creatures des dieux, mais d’autres les nomment des éidolons et ne les vénèrent pas comme le peuple de mon grand-père le faisait. On dirait que tu es un appelle-dieu toi aussi, Ija, et que ce dragon—»

« Tuku, » dit-elle sans réfléchir.

« —Tuku, comme tu dis, est ton éidolon, » expliqua son enseignant. « Tout comme toi et Tuku partagez un lien, symbolisé dans la rune qui brille sur vos corps, les runes sacrées des appelle-dieux sarkoriens brillaient aussi quand les dieux étaient parmi eux. »

Ija se retourna et jeta un regard interrogateur à son éidolon. Tuku lui rendit le même regard et pencha la tête un peu à la manière d’un chien domestique qui s’attend à ce que son maître lance un bâton. Qui était cette étrange créature, qui n’était pas aussi imaginaire qu’elle l’avait toujours pensé ? Elle avait l’impression de déjà si bien le connaître. Elle l’avait créé lorsqu’elle était tout jeune enfant après tout… n’est-ce pas ?

Un petit groupe de chercheurs qui travaillaient non loin de là en aval sur la rivière s’étaient rapprochés de l’endroit où Ija et son éidolon se tenaient. Son père était parmi eux. Aucun d’eux ne semblait effrayé par Tuku ou par sa rune brillante. Ils étaient simplement curieux, intéressés dans un nouvel élément qu’ils pourraient mentionner dans leurs rapports. Son père, cependant, semblait fier et débordant de joie en voyant la nouvelle vocation de sa fille. Remarquant la confusion dans le regard d’Ija, son enseignant lui offrit quelques mots réconfortants. « Oui, tu as encore beaucoup à apprendre à propos de toi-même, Ija. Ta difficulté à suivre la voie qui était tracée devant toi vient peut-être du fait que tu avais une voie différente à suivre, un chemin à parcourir côte à côte avec Tuku. Nous sommes incapables de t’enseigner ces choses, tes parents et moi. Tu dois en apprendre plus sur toi et sur ton lien avec Tuku par toi-même. Mais n’aie crainte, nous t’aiderons autant que possible et je suis certain que Tuku te guidera également, à sa façon. » L’enseignant s’interrompit un moment pour réfléchir. « N’aie pas peur, ma petite. Il n’y a peut-être personne d’autre qui suit la voie qui s’ouvre devant toi, mais tu ne seras jamais vraiment seule dans ton voyage. »

Pendant les semaines et les mois qui suivirent, Ija et Tuku voyagèrent loin de Kiutu, plus loin qu’elle n’avait jamais été avant, à Nantambu où les bibliothèques de la Magambya promettaient des réponses à son appel (si elle parvenait à se concentrer suffisamment pour les lires). Mais, contrairement aux leçons de sa jeunesse, Ija trouvait que les questions qu’elle se posait étaient des motivations suffisantes pour pouvoir apprendre par elle-même. Et, comme elle apprenait plus facilement en faisant qu’en lisant ou en écoutant une leçon, le fait qu’elle pouvait désormais explorer les limites de son pouvoir et de l’étrange lien qu’elle partageait avec son cher Tuku voulait dire qu’elle parviendrait toujours à trouver la volonté de se lever et de faire face aux défis du nouveau jour, ensemble.

Ija a rencontré de nombreux chercheurs de savoir au cours de ses voyages, et elle fait un compagnon loyal, bien qu’un peu espiègle. Tuku a tendance à être plutôt distant et grognon quand il interagit avec toute autre personne qu’Ija, mais il s’habitue peu à peu à ceux qui, de toutes évidence, ne veulent aucun mal à la conjuratrice. Ensemble, Ija et Tuku prévoient de visiter la Cicatrice de Sarkoris un jour, pour découvrir tout ce qu’ils peuvent apprendre au sujet de leur lien de la part des appelle-dieux qui reviennent sur ces terres maintenant que la Plaie du Monde est refermée. Jusqu’à ce jour, cependant, Ija et Tuku vont là où leurs envies les mènent et reviennent régulièrement à Kiutu pour partager des dessins et des récits oraux de leurs aventures avec sa famille et ses amis.


Cette page est la traduction d'un article publié sur le blog de Paizo à l'adressse https://paizo.com/community/blog/v5748dyo6shoj?Meet-the-Iconics-Ija et écrit par Lu Pellazar.