Le magistrat était agenouillé devant son écritoire, faisant courir son pinceau sur le papier décoré de motifs floraux d'un geste plein d'élégance. L'encre bleu nuit traçait une suite de symboles complexes et inintelligibles.
Bien que cela demandait sans doute à certains de ses collègues un effort pour crypter leurs rapports, Bayushi Yoshitsune était de ceux qui pouvaient rédiger directement leurs rapports dans le code de la magistrature impériale.
Du coup, l'exercice avait un certain côté relaxant, comme pouvait l'avoir la pratique de la calligraphie "classique"...
"
Bayushi-sama ?" entendit-il à travers le shoji qui fermait l'accès de son bureau.
"
Oui ?" répondit le samurai, sans détourner son attention de sa tâche.
"
Dame Iuchi Sadako vient d'arriver, Bayushi-sama..."
"
Très bien, j'arrive..." répondit le magistrat alors qu'il achevait de tracer un caractère.
Bayushi Yoshitsune lava soigneusement son matériel de calligraphie avant de le ranger. Il aurait bien le temps de finir son rapport sur l'enlèvement de Bayushi Otado plus tard...
C'était une chose rare pour une personne de son rang mais le magistrat n'aimait pas faire attendre ceux qui venaient le voir en audience... Parfois l'issue d'une enquête pouvait se jouer à quelques minutes, il était par conséquent inutile de perdre du temps juste pour montrer que l'on n'était pas n'importe qui...
Se relevant, il lissa son hitatare avant de se diriger vers la porte. Celle-ci sembla coulisser toute seule alors que le serviteur qui l'avait appelé et qui était resté dehors l'ouvrait lentement.
Il sortit alors et passa devant le serviteur prosterné.
"
Merci Jiiro... Demande aux cuisiniers de nous préparer une petite collation puis tu pourras prendre le reste de ta journée..."
L'heimin s'inclina plus bas en guise de remerciement.
Encore une bizarrerie du magistrat... Ce dernier était différent de bons nombres de samurai. Il dirigeait sa maisonnée avec paternalisme, ne manquant pas de récompenser les bonnes actions avec la même célérité qu'il pouvait châtier les mauvaises...
Sans parler de sa générosité qui s'exprimait par toutes sortes de petits "riens" : le don à un serviteur d'une part de son repas, l'autorisation pour une servante de s'absenter pour s'occuper de sa mère malade, quelques heures de repos dans la journée...
Sa femme, dame Bayushi Tomoe, semblait issue du même moule et le couple était apprécié de leur domesticité.
Le seigneur Bayushi se dirigea vers la salle d'audience et pris place sur l'estrade où il siégeait habituellement.
Il rajusta son masque d'oni grimaçant avant de faire un geste à l'attention de ses serviteurs.
Les portes de la salle d'audience coulissèrent, laissant entrer dame Iuchi.
Cette dernière fit quelques pas dans la pièce avant de se prosterner devant le magistrat.
"
Relevez-vous, Iuchi-gozen..." fit Bayushi Yoshitsune.
"
Et installez-vous confortablement..." ajouta-t-il en désignant d'un geste de la main un coussin qu'il avait fait disposer au pied de l'estrade.
"
Comme vous le savez sans doute, notre enquête à propos de l'enlèvement de Bayushi Otado-dono nous a amené à découvrir l'existence d'un culte voué à Onnotangu-okami. Or mon fils Bayushi Miyamoto-dono, qui fréquente lui aussi le dojo de Kitsuki-sensei, m'a dit que vous lui aviez parlé d'un tel culte..."
"
Peut-être avez-vous connaissance de certains éléments qui seraient à même d'aider la magistrature impériale à faire son enquête..." fit-il, faisant implicitement comprendre à son interlocutrice qu'il lui donnait la parole...
Modifié par un utilisateur mercredi 25 février 2015 13:23:56(UTC)
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