Voici la traduction d’un récit court par Chris A. Jackson publié sur le blog de Paizo. N'étant pas du tout un spécialiste du vocabulaire nautique, j'espère n'avoir pas commis trop d'erreurs...La vengeance de la mer
« On est à nouveau dans une sale situation, mon capitaine ! » Géante se baissa pour éviter le jet d’eau qui arrivait vers elle et décocha un regard sombre vers son capitaine. Elle n’avait pas vraiment à faire grand-chose pour esquiver ; même en se hissant sur une caisse, la halfling arrivait à peine à voir par-dessus la barre du navire.
Devrin Arlos se contenta de rire et d’observer les six vaisseaux de guerre chéliaxiens qui se rapprochaient d’eux. Ils n’avaient cessé de pourchasser la
Vague nocturne depuis l’Arche d’Aroden, tout le long des côtes du Rahadoum à travers la dangereuse Étendue acérée. Ils n’allaient pas abandonner maintenant. Plus loin grondait l’Œil d’Abendégo.
« Oh, c’est très bien ainsi pour moi. Soyez pas inquiet : la
Vague nocturne peut le faire ! »
Elle contrôlait la barre avec difficulté. « Il est peut-être temps de replier la voile avant ? »
« Il en est plus que temps… mais j’espérais— » Un craquement plus sonore qu’un tir de baliste perça le hurlement du vent, attirant l’attention du capitaine vers leur poursuivant le plus proche. « J’espérais que ça se produise. »
Le mât avant principal de la frégate corentine [NdT : de la ville de Corentyn] de tête éclata et s’effondra, entraînant dans sa chute des lés de toile déchirée et des mètres de cordages entremêlés. Les marins se ruèrent pour se débarrasser des débris mais le navire changea de trajectoire et sa bôme arrière pivota sur 180°, ce qui déchira encore plus de toile.
« Bien fait pour eux ! » Vulmia Manux, le navigateur de Devrin, qui était également devenu par défaut le réparateur en chef du navire, agitait son poing en direction du vaisseau en difficulté. La
Vague nocturne avait été endommagée par les rejetons des Enfers au service des Corentyniens et le demi-elfe Mwangi l’avait encore en travers de la gorge. Mais les Corentyniens n’avaient plus de diables à leur disposition pour le moment et avaient clairement l’intention de battre le vaisseau des Brandons enflammés en recourant à la violence directe.
« Repliez la voile avant et les voiles supérieures. » Devrin fronça les yeux en regardant vers l’avant. « Vire légèrement à tribord, Géante. Fermez les écoutilles et gréez les sauvegardes ! On entre dedans ! »
L’équipage obéit sans hésitation. La paroi extérieure de la tempête perpétuelle se dressait devant eux, une barrière bouillonnante de pluie torrentielle, de vents, d’eau de mer dressée comme une montagne et de courants mortels. Un coup d’œil vers l’arrière confirma que leurs poursuivants diminuaient également les voiles mais qu’ils n’avaient pas abandonné la poursuite.
« Venez donc me cherchez, bâtards ! » hurla Devrin.
« Vous prenez tout ça personnellement, Capitaine ? » La maîtresse d’équipage de la
Vague nocturne, Gaspiya, se laissa tomber depuis le hauban du mât de misaine tout en l’observant avec un regard inquiet, sa lèvre légèrement relevée et laissant apparaître ses crocs de petite taille.
« Non mais il faut bien que quelqu’un leur apprenne qu’ils ne possèdent pas l’entièreté de la mer ! » Il tapota l’épaule de Vulmia et afficha un large sourire. « Ne t’inquiète pas. Ils sont exactement là où on le voulait. »
« Mes excuses, m’sieur. » Vulmia hocha la tête et fronça les yeux pour mieux voir à travers le vent hurlant. « C’est juste que je pense qu’on a peut-être eu les yeux plus gros que le ventre. Six contre un ? »
« Comme je viens de le dire, ne t’inquiète pas ! Ça, c’est mon boulot, d’accord ? » Devrin afficha un sourire sournois puis il indiqua du doigt le mur impressionnant formé par la tempête. « Va donner un coup de main à Géante à la barre et tiens-toi bien ! On va les écraser ! »
La tempête les frappa comme un bœuf en charge, avec des pluies si fortes qu’il peinait à percevoir le poursuivant le plus proche, s’abattant avec suffisamment de puissance pour causer des douleurs aux endroits où la peau était exposée. Les eaux de la mer grimpaient dans les airs pour former des murs verticaux dépassant les voiles les plus hautes de la
Vague nocturne puis retombaient en menaçant de les écraser. La
Vague nocturne chancela au moment où une vague passa au-dessus de la poupe du navire et Devrin eut du mal à rester debout malgré le déluge qui lui arrivait jusqu’à la ceinture. Des éclairs illuminèrent le ciel mais le capitaine se mit à pousser des cris et à rire face au danger de la tempête.
« Capitaine ! » Le garçon de cabine de Devrin, un jeune homme bien robuste provenant du Katapesh, indiqua quelque chose sur le côté du navire. « Ils essaient de nous couper la route ! »
Devrin plaça une main pour abriter ses yeux et les fronça pour observer la frégate corentine
l’Aube infernale plonger vers une vague gigantesque. « Par tous les dieux comment ont-ils pu— » Puis il aperçu la tornade d’eaux animées qui se trouvait devant le navire et tirait deux cordes épaisses à la manière d’un gigantesque cheval de trait. « Ils ont conjuré un élémentaire ! »
Une main palmée se posa sur l’épaule de Devrin. « C’est le moment, capitaine. »
Il se retourna pour se retrouver face à face avec le visage aux teints bleus de Ris, une ondine qui avait récemment rejoint son équipage. C’était Ris qui lui avait parlé du projet chélaxien visant à déverser des tonnes de déchets miniers toxiques sur la ville sous-marine d’hommes-poissons située dans le golfe de la Gueule infernale. Sur son ordre, elle avait plongé dans les profondeurs pour avertir les hommes-poissons. Étant bien incapables d’arrêter les Chéliaxiens, les hommes-poissons avaient évacué leur ville, sauvant des dizaines de milliers de vies. Et maintenant, c’était le moment du châtiment.
« Tu es certaine Ris ? Les eaux— »
Une autre vague engloutit la plage arrière de la
Vague nocturne mais, alors que le reste de l’équipage éprouvait bien des difficultés à rester debout, Ris semblait se délecter du torrent, ses lèvres s’incurvant et dévoilant des dents couleur de perle en une expression de joie. Le déluge s’écoula tout autour de sa peau bleue et de ses habits en cuir de requin, une aura de force se dégageant de sa silhouette frêle.
« J’en suis certaine, mon capitaine. » Ris leva un bras svelte pour indiquer une gigantesque colonne d’une trentaine de mètres d’eau. Un éclair illumina le ciel derrière la vague, dévoilant des milliers de silhouettes sinueuses en son sein.
Fasciné par cette vision, Devrin ouvrit la bouche. Un énorme banc d’hommes-poissons, tridents en main, avec à leurs côtés leurs compagnons marins, des silhouettes énormes et terribles, mais aussi magnifiques.
« Chante, Ris ! »
« Oui, mon capitaine. » Elle dégagea la lyre qui se trouvait dans son dos, un instrument enchanté construit à partir de coquillages, de cornes de narval et de larges perles. Une vague se dressa, prête à s’écraser contre le flanc du navire et Ris plongea directement dans les eaux agitées.
« J’espère qu’elle va faire vite ! » Vulmia hurla par-dessus le rugissement du vent et de l’eau. « Ils se rapprochent ! »
Et, en effet,
l’Aube infernale réduisait rapidement la distance qui les séparait. Au moment où il arrivait en haut d’une vague, le navire fit un mouvement brusque et les balistes produisirent un fort craquement. Les traits mortels filèrent vers la
Vague nocturne avec une précision extrême, perçant les voiles, heurtant la coque et empalant les chairs. Devrin hurla des ordres pour que le prêtre du navire, Rikkan, aille prendre soin des blessés, alors même que les vents de l’ouragan déchiraient les voiles déjà percées. Vulma, Gaspiya et les grimpeurs se hissèrent rapidement le long des enfléchures comme des araignées afin de découper les voiles déchirées mais le mal était déjà fait. La
Vague nocturne dérapa à cause du déséquilibre des poussées et faillit prendre de face une vague gigantesque.
« Capitaine ! » Géante hurlait, se battant contre la barre avec toute sa force. « Elle va se prendre la suivante si on ne regagne pas de voile dans la mâture ! »
Devrin se fraya un chemin vers l’habitacle et ouvrit la trappe qui se trouvait sous la boussole. Là, dans un écrin d’or, se trouvait une émeraude de la taille d’une pomme, avec une lueur intérieure, le cœur de la
Vague nocturne.
Le capitaine plaça une main sur la gemme et parla à voix basse. « Esprits des profondeurs, entendez mon appel. Venez prendre place à mes côtés. Hissez les voiles ! »
Les esprits de 101 marins perdus en mer émergèrent de la gemme dans un torrent translucide et filèrent à travers les airs, ignorant les vents de l’ouragan. Des tissus éthérés gonflés par des vents fantomatiques s’efforçaient de remettre la
Vague nocturne d’aplomb. Quand sa proue menaça de s’enfoncer dans la vague suivante, ils filèrent vers l’avant. Les voiles fantomatiques se dissipèrent rapidement mais elles avaient sauvé le navire.
Le regain de vitesse leur avait permis de se mettre hors de portée des balistes de l’
Aube infernale mais pour combien de temps ? Le sommet d’une vague les empêchait de voir l’
Aube infernale mais ensuite, quand les deux navires se soulevèrent, Devrin aperçut leur salut qui surgissait depuis les profondeurs.
« Elle arrive ! » hurla-t-il au moment où le mastodonte surgit hors des eaux, un orque d’une taille encore plus massive que les léviathans des profondeurs.
La baleine monstrueuse s’éleva jusqu’à la hauteur de la barre traversière principale de l’
Aube infernale puis retomba sur le navire. Le bois se brisa comme des brindilles, les planches explosant sous le terrible impact. La quille du navire se brisa avec tellement de force que Devrin ressentit le choc à travers les semelles de ses bottes. Le vaisseau, cassé en deux, sombra, 200 marins disparus en un moment de vengeance.
« Bien fait ! » hurla Vulmia depuis les hauteurs, et le capitaine et l’équipage de la
Vague nocturne poussèrent des cris de joie.
En un moment d’étrange clarté, les pluies torrentielles cessèrent. Les vaisseaux corentins restants étaient toujours là, de sombres silhouettes dans un décor de tempête enragée.
Puis, la vengeance surgit de la mer comme une horde de démons bondissant hors de l’abysse.
Des tentacules agrippèrent un navire, déchirant le bois et la chair, pendant que les mâchoires d’un mégalodon broyaient la coque d’un autre. Des milliers d’hommes-poissons grimpèrent le long du flanc d’un troisième, leurs tridents crépitant avec de l’électricité, des torrents d’eau s’abattant sur les marins chéliaxiens et les propulsant loin des ponts. Un quatrième vaisseau s’éleva soudainement alors qu’une silhouette gigantesque apparaissait en-dessous. La coquille dotée de piques de la tortue-dragon perfora jusqu’au pont du navire, et la bête se débattit, brisant le bois et écrasant les marins. Le dernier navire de l’armada tenta de fuir mais la mer derrière lui se mit à bouillonner avec la fureur des hommes-poissons. Dans sa hâte, le capitaine corentin avait sans doute oublié la tempête. Une lame les frappa sur le flanc et le navire chavira, ses mats se brisant comme des arbres abattus. Après le passage de la vague, il n’y avait plus rien d’autres que des déchets flottants.
Devrin, sous le choc, observa la scène en silence pendant un long moment. Six navires, mille deux cents marins… disparus.
« Capitaine. » Ris toucha l’épaule de son capitaine et il se retourna pour apercevoir la tristesse de l’ondine. « Je suis désolée. Je leur ai chanté la mélodie de la vengeance. Ils n’avaient pas besoin d’un tel encouragement. »
« J’aurais préféré laisser partir ce dernier navire, juste pour qu’il emmène le message au Chéliax. » Il observa la mer, mais il était évident qu’il n’y avait pas d’autres survivants. « Peut-être cela aurait-il pu empêcher un autre incident comme celui-ci. »
« Peut-être. » Ris secoua la tête. « Mais la mer est une maîtresse sans pitié, et même l’Enfer ne dispose pas de suffisamment de colère pour contredire ses volontés. »
Modifié par un utilisateur samedi 29 juin 2019 02:24:38(UTC)
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