Voici une chanson que j'ai écrite pour un barde après une aventure qu'on a vécu dans une campagne oú on jouait enfant. Une grande chasse était ouverte où nous étions les proies, le chasseur était le fils du roi. C'était l'épreuve par laquelle il devenait homme puisque la proie la plus difficile à battre est l'homme. Évidemment, les armes qu'il devait utiliser étaient émoussées, il ne devait pas réellement nous tuer. Sauf que nous avons très vite compris qu'il jouait pas franc-jeu et qu'il avait bien l'intention de nous tuer, heureusement pour nous il n'a pas réussi et nous avons gagné. Le prince est devenu notre ennemi à partir de ce jour.
Bref voici la Chanson du Grand Chasseur.
Opara, auberge de « l'Ours qui jongle »Le musicien régla les cordes de son instrument de musique, et alors que les premières notes commencèrent à s'élever, les bruits des chopes et des conversations s'estompèrent petit à petit. Tous voulaient entendre la dernière chanson de Tristam.
« Je vais vous chanter la chanson du plus Grand Chasseur de tout le Taldor... A nul autre il ne peut se comparer, sa gloire est sans égale... Mais écoutez plutôt.
C'était le Prince d'un grand royaume
Quand il arriva à l'âge d'homme
Il ordonna à son chambellan
« Je veux être un chasseur, le plus grand.
Trouvez-moi une proie
Qui soit digne de moi.
Pourquoi pas un dragon,
Une manticore, un girallon ? »
« Prince, la proie idéale
Est un homme notre égal. »
« Bah ! Il faudra m'en contenter ! »
Il arriva dans un village,
Les hommes, les femmes, tous les âges,
Acclamèrent le Prince d'une même voix
Trop heureux d'être choisis comme proie.
« Celui-là est trop fort, celui-là est trop vieux,
Celle-là est trop agile, celle-là a les yeux bleus. »
Cinq enfants, chétifs et maigres, fut le choix
De celui qui allait devenir roi.
« Ah que voilà de belles proies
Qui sont bien dignes de moi.
J'espère que vous savez bien courir
Que vous tarderez à mourir...
Bah ! Il faudra m'en contenter ! »
Le départ fut donné, les enfants s'élancèrent,
Bondirent à travers la forêt, dans les herbes,
Ils avaient pour tout paquetage leur vêtement,
Un couteau, une corde , leur jugement,
Ils décidèrent sans tarder,
De se réfugier dans les marais.
Le Prince partit à son tour,
Avec son armure, son épée, ses atours.
Il prit avec lui son arbalète
Qui transperce à vingt pas une poire blette.
Cinquante hommes l'accompagnaient,
Mais en aurait-il assez ?
« Bah ! Il faudra m'en contenter ! »
Il se reposa dans une tour,
Attendant à peine quelques jours,
Les enfants arrivèrent tout crottés
D'avoir traversé le marais à pied.
« J'espère que vous êtes reposés,
Que vous pouvez encore luter !
Je déclare ouverte l’hallali
Vous ferez des trophées de prix. »
Mais les enfants étaient épuisés
D'avoir pendant des jours marché,
Bien petites sont leur peaux
Feront à peine un manteau.
« Bah ! Il faudra m'en contenter ! »
Un carreau, puis deux puis trois
Fusèrent de la tour, tirés par le roi.
D'enfants, il ne toucha pas, ô cruel destin,
Mais transperça entre les deux yeux un lapin.
Il descendit de sa tour pour avoir une meilleure vue,
Mais les enfants avaient disparu !
Qui sont ces sujets, bien indisciplinés,
Qui pour le futur roi ne veulent pas se faire tuer ?
La semaine s'est écoulée, à leur maison ils sont rentrés,
Le futur roi tout dépité, dû à son tour au château retourner.
Mais point n'est besoin pour lui de se lamenter,
Car tout le monde peut le constater,
Il est le plus Grand Chasseur c'est certain
Le Plus Grand Chasseur de Lapin !
« Bah !... »
« IL FAUDRA M'EN CONTENTER ! »
La foule hilare hurla la dernière phrase, applaudit à tout rompre le barde, et lui demanda de chanter une deuxième fois la Chanson du Grand Chasseur. Ce que Tristam fit de bon cœur, heureux de son succès.
Au fond de la taverne, un homme vida sa chope, jeta quelques pièces sur la table, sortit discrètement et se dirigea vers le palais royal.
Pour l'anecdote, on a retrouvé le barde un peu après la langue arrachée.