Sindaré écoutait attentivement le discours de Lebrix. Il nota mentalement les informations les plus cruciales et repéra que le groupe échangea des regards lorsqu'il évoqua cette prêtresse Janice. Il attendit les premières réponses aux interrogations d'Uktar le bavard.

« Un flic, un militaire, très éduqué... on dirait bien un noble... Pas d'accent particulier, cela voudrait dire un noble de Risur ? » pensa tout haut Jean, en regardant Lebrix. « Mais que comploterait-il avec un consul danoran ? » Il haussa les épaules. Ah, les gens de pouvoir... si seulement nous pouvions nous passer de ces ambitieux égoïstes ! « Mais que dites-vous, un lame longue ? Vous voulez parler d'UNE lame longue ? Il était armé d'une épée ? »

Il ajouta, scrutant Lebrix de ses yeux noirs insondables, à l'affût du mensonge : « et, puisque nous volons sous un ciel de vérité, qui est le Dr. von Recklinghausen ? »

« Un noble, peut-être, oui, je ne sais pas à vrai dire. Quelqu'un d'entraîné et habitué à gérer des situations tendues en tout cas. Le bougre avait du sang-froid à revendre.

Il portait une arme à feu, en effet, mais également une épée, oui, c'est bien ce que je voulais dire... je pense qu'il a blessé Nilasa avec. Du moins c'est ce que disent les traces, vous les avez vues comme moi, n'est-ce pas? Ce n'est en tout cas pas lui qui a été blessé.

Par contre, pour ce qui est d'un homme à la peau noire de suie, je ne vois pas du tout à qui cela pourrait correspondre, même les employés dont la peau est la plus foncée n'approchent pas cette couleur! Peut-être le grand blond a-t-il des capacités de camouflage. C'est la seule explication qui me vient parce qu'il était seul avec Nilasa à l'étage à ma connaissance. Je n'ai vu personne d'autre descendre, et il n'a jamais mentionné qu'il y aurait eu un autre protagoniste. Or, s'il voulait que je me charge de couvrir les choses, il me semble qu'il avait intérêt à me dire ce genre de choses... C'est fort étrange en tout cas...

Pour ce qui est du Dr. von Recklinghausen, j'allais y venir, j'ai vérifié avec les employés tout à l'heure. Il était venu pour se faire remplir des papiers. Il avait apparemment pris un rendez-vous fort matinal. C'est un ressortissant danoran qui venait chercher un visa de voyage pour Ber. Il était relativement impatient et semblait fatigué des aller-retours entre notre consulat et le consulat Beran qu'il avait du faire pour obtenir son document de voyage. Mais ce n'est pas le meilleur. Il a été chargé tout à l'heure par un conducteur de calèche pas loin du consulat, juste après la chute de Nilasa. Il s’est fait conduire à un hôtel dans Rivage Nord, l'Oiseau Bleu. Le conducteur a attendu un bon moment, parce que von Recklinghausen lui avait dit que son argent était dans sa chambre. Mais il n'est jamais ressorti de l'hôtel, en tout cas, pas par la porte principale. Le conducteur s'est alors mis en devoir de trouver quelqu'un qui le connaîtrait pour qu'on lui rembourse la course. Il est arrivé jusqu'au consulat dans l'après-midi, entre deux clients apparemment. Pas bête le type : l'accent du docteur et le lieu de chargement lui ont fait penser qu'il avait peut-être un rapport avec nous... En tout cas, c'est ce qu'il m'a expliqué quand je l'ai trouvé à regarder à travers les grilles. Il restait là à se demander s'il allait entrer ou pas. Je vous ai noté son nom et son adresse sur un bout de papier. Il a aussi dit que son passager avait les mains en sang et portait une mallette de docteur. »

Vence se contenta de hocher la tête à la réponse de Lebrix, puis écouta les remarques et précisions suivantes.

« Dîtes-moi, savez-vous si le départ du docteur et le décès de Nilasa sont proches ? » Il y avait fort à parier que la mallette de docteur ait pu contenir les documents que celle-ci avait volé.

Sindaré voyait bien où se situait l'Oiseau Bleu, un petit hôtel sans prétention, mais plutôt coquet. Le groupe devait se trouver à une bonne demi-heure de là. Sur le papier tendu par Lebrix, il y avait une section notée "conducteur", suivie du nom "Jack Byron". Une autre section notée "références" contenait deux autres noms : "Dr. Barnaby Camp, chirurgien", et "Lynn Kindleton, Université Padwright". Le papier contenait également les adresses professionnelles associées, qui se trouvaient respectivement dans le Disctrict Central et à Rivage Nord.

Lebrix répondit à Vence sans hésiter, il avait apparemment déjà réfléchi en détails à cette question. « Il a du sortir environ au moment du décès. Je me suis demandé si il ne s'agissait pas d'un complice mais dans ce cas, sa couverture est parfaitement travaillée parce qu'il a réellement fait plusieurs visites au consulat pour ses papiers, j'ai vérifié. Et notre personnel aurait du remarquer toute irrégularité dans ses papiers danorans. Tout a l'air en ordre, mais je n'ai pas personnellement vérifié le nom des références qu'il nous a fournies pour son séjour à Flint. Je vous les ai notées également, au cas où. Notez que la couverture de Nilasa était plutôt léchée aussi... Ce qui me chiffonne si c'était un complice, c'est qu'il était peut-être moins dangereux d'avoir quelqu'un à l'extérieur, à attendre. Je n'ai pas vraiment encore d'avis sur la question à vrai dire. »

Lorsque Jean revint sur l'arme, Lebrix répondit avec assurance. « Si quelqu'un porte des armes dans l'enceinte du bâtiment, j'y prête attention, à plus forte raison si ce quelqu'un cache son identité avec la bénédiction du consul. Non pas que cela soit déjà arrivé, bien sûr, façon de parler... Il s'agit d'une épée longue, d'après la forme du fourreau. D'après la garde, je dirais que c'est le travail d'un excellent artisan, mais je n'ai remarqué aucun signe distinctif qui pourrait nous renseigner sur sa provenance ou sur l'identité de son propriétaire, ou je vous en aurais déjà fait part. »

Modifié par un utilisateur jeudi 18 mai 2017 09:51:56(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Oui, je suis assez d'accord, Uktar. Lebrix, merci pour ces informations précieuses. Une dernière interrogation, en ce qui me concerne : vous pouvez nous donner la description physique de ce docteur, s'il vous plaît ? Puis, si vous n'avez pas d'autres détails et que mes collègues en ont fini, nous vous laisserons là, si vous le permettez. »

Il était prêt à rejoindre l'Oiseau Bleu. Une petite voix susurra dans son oreille : « l'Oiseau Bleu, sympathique, comme nom. Mais l'Oiseau Étoilé, ce serait nettement mieux, quand même ! »

« Quel accord Lebrix? Je n'ai pas souvenir que l'on se soit vu ici, et vous? » dit Uktar en souriant.
« Quand a nous, nous devrions régler et y aller. Vence, par où on commence? »

Vence salua l'agent Lebrix. « Merci à vous, rentrez bien, et soyez prudent. »

Une fois l'homme parti, Vence se tourna vers ses collègues. « Peau mate... à quel point ? Oui, allons-y vite... »

Quelques dizaines de minutes plus tard, les constables arrivaient à l'Oiseau Bleu. Ils ne mirent pas longtemps à le localiser après que Sindaré ait indiqué la direction. Une pancarte bien visible arborait fièrement un étonnant oiseau bleu à la queue gigantesque relevée en demi-cercle derrière lui. Jean et Vence identifièrent un paon, oiseau que l'on ne croisait que loin en dehors de Flint, et dont le plumage délirant inspirait à Liz une certaine jalousie.

Le bâtiment était le troisième de son bloc et les constables, contournant ce dernier pendant quelques dizaines de mètres, trouvèrent une sortie arrière qui donnait dans une petite ruelle. La rue de l'entrée principale était relativement animée, contrairement à l'endroit sur lequel débouchait la sortie arrière.