epuis toujours, Andreï Malaparte avait été bercé par les légendes, les contes et les histoires héroïques. Il ne se souvenait plus exactement si ses parents lui en comptaient autrefois, avant leur mort, mais depuis qu'il avait suivi les guerriers jusqu'à Restov et qu'il avait rejoint une des nombreuses écoles d'épéistes de la ville, c'était comme cela qu'il s'évadait.

Il avait écouté, lu et imaginé des centaines d'histoires où de preux et vaillants chevaliers-épéistes venaient à bout de terribles maux qui ravageaient le pays et terrorisaient les pauvres gens. Chaque fois qu'il travaillait à la forge et que le travail devenait pénible, chaque fois qu'il s'entraînait au combat et que ses muscles endoloris le faisaient souffrir, et chaque fois qu'il avait un moment de libre, il s'imaginait de telles histoires. Et même, parfois, il s'imaginait les vivre.

Lorsque la nouvelle se répandit à travers la ville de Restov, Andrei comprit que son heure était venue. Il aurait bien sûr pu continuer sa formation dans l'école de combat mais, comme les plus âgés de ses maîtres le répétaient souvent, seul la pratique et le vrai danger peut vraiment vous faire progresser. Tout comme il avait décidé de suivre l'épéiste jusqu'à Restov il y a de nombreuses années de cela, il venait de décider que sa voix l'entraînerait maintenant vers les Terres Dérobées, et qu'il conquerrait ces territoires sauvages au nom de sa patrie, du Brévoy.

Ce n'était pas le premier élève-épéiste à avoir eu cette idée : trois mois plus tôt, un de ses amis et compagnons-étudiants, un certain Miles Brandy, avait décidé lui aussi de quitter l'école de combat et de partir en aventure dans les Narlmarches, pour retrouver les traces de son oncle qui était un aventurier et avait trouvé la mort dans la région. De puis son départ, Andréï n'avait plus eu de nouvelles de son compagnons.

Il se retrouvait devant l'hôtel de ville de Restov, où il venait de déposer sa candidature. Le clerc avait promis une réponse deux jours plus tard.

Par Gorum, que ces deux jours avaient été longs ! Andréï avait tenté de faire passer le temps en se noyant dans le travail, mais sans grands succès. Au moins, cela lui avait permis de penser et, comme d'habitude, quand il laissait ses pensées voyager, elles se dirigeaient vers des légendes, des combats héroïques et des monstres épiques.

Il repensa aussi à Miles Brandy et à l'histoire qu'il racontait au sujet de son oncle qui avait disparu dans les Narlmarches. Selon Miles, son aventurier d'oncle était un grand tueur de tatzlwyrms.

Andréï se voyait déjà pourfendre ces terribles créatures qu'on disait apparentées aux dragons pour défendre les colons bréviens. Il s'agissait de créatures à mi-chemin entre la réalité et la légende, dont il était difficile de savoir si elles existaient vraiment ou s'il s'agissait d'un mythe. D'après certains récits, il s'agirait de gros reptiles avec des gueules de dragons aux dents acérées et de puissantes griffes, qui cracheraient des vapeurs mortelles comme les dragons crachent du feu.

Le jour où il était censé recevoir la réponse des seigneurs-épéistes, il s'était levé plusieurs heures avant l'aube. Incapable de se rendormir, il avait préparé et vérifié plusieurs fois son équipement et ses bagages : il voulait se tenir prêt à partir en exploration dès que possible.