rwanez avait de nombreuses motivations dans la vie : sa foi en Érastil, son désir de justice, sa bienveillance, et surtout son envie de se prouver qu'elle valait mieux qu'un simple bout d'étoffe gravé d'un symbole noble.

Elle avait passé les quelques dernières années comme novice dans un petit temple d'Érastil près de Restov. C'était un lieu où on faisait commerce de bon sens avant tout. Les fermiers, chasseurs et habitants du coin s'y rendaient pour faire part de leurs problèmes et demander conseils (dans toutes sortes de domaines allant de l'agriculture à la vie familiale), ou pour régler des disputes mineures, ou encore, éventuellement, pour prier Érastil. C'était donc à la fois un centre communautaire et un centre d'apprentissage en plus d'un lieu de culte.

Erwanez et les autres prêtres du temple servaient donc à la fois de guides spirituels, de guides de vie, et même parfois d'intermédiaires entre les habitants plus campagnards des alentours de Restov et les citadins de la ville. Ainsi, récemment, le temple avait reçu plusieurs plaintes de trappeurs et de chasseurs qui avaient été blessés par des pièges abandonnés dans le nord des Narlmarches. Ils avaient pu traiter les blessures les plus graves mais le mécontentement des blessés restaient. Les pièges semblaient venir d'un petit atelier situé à Restov, un atelier dirigé par une certaine Constance Devine.

Et, ainsi, Erwanez avait été envoyée à Restov pour rencontrer cette Constance Devine et lui faire part des reproches au sujet de l'utilisation de ses pièges. C'est en arrivant en ville qu'elle avait appris que les seigneurs-épéistes organisaient une grande exploration des Terres Dérobées, au sud. Une occasion parfaite pour se faire un nom, pour prouver sa valeur. Avant qu'elle ne puisse y réfléchir, ses pas l'avaient conduite jusqu'à l'hôtel de ville et elle avait déposé sa candidature. « Vous aurez la réponse d'ici deux jours », lui avait-on répondu. Elle se trouvait maintenant sur le devant de l'hôtel de ville, entourée d'autres inconnus qui s'étaient, eux aussi, présentés comme candidats.

Modifié par un utilisateur mercredi 31 mars 2010 01:38:30(UTC)  | Raison: Non indiquée

Constance Devine était une femme d'âge moyen aux cheveux tirant sur le roux et à l'humeur assez joviale, comme il convenait à tous les bons commerçants. Erwanez n'eut aucun mal à se renseigner et à trouver la petite échoppe où la femme vendait diverses armes et ustensiles pour la chasse et pour la pêche qui, selon l'enseigne du magasin, étaient utilisés par les meilleurs des meilleurs dans tout le Rostland.

Pas seulement par les meilleurs des hommes, par contre. pensa la jeune novice d'Érastil en pensant à la tâche qui l'avait amenée en ces lieux. C'était une chose de conseiller les paysans qui venaient demander de l'aide au temple, c'en était une autre de se faire la porte-parole de leurs reproches à une personne qu'elle ne connaissait pas. Dès qu'elle franchit la porte de la petite échoppe, une clochette retentit, signalant sa présence à la propriétaire. Celle-ci ne tarda pas à venir l'accueillir et à lui demander si elle pouvait l'aider à faire son choix parmi les nombreux articles de qualité.

Erwanez choisit de rentrer directement dans le vif du sujet et d'expliquer comment de nombreux chasseurs et même quelques voyageurs s'étaient blessés en marchant sur un piège qui portait la marque de fabrique de son échoppe. Intérieurement, elle poussa un soupir de soulagement quand elle vit que la commerçante se montrait réceptive à ses critiques et qu'elle semblait réellement compatir aux malheurs des individus dont la jeune prêtresse se faisait la porte-parole.

« Dans la région au nord de la forêt des Narlmarches, vous dites ? Oui, nous avons en effet livré des pièges plusieurs fois à des trappeurs de la région. Enfin, surtout un d'eux en particulier, un certain ... » — elle consulta un lourd registre rempli d'annotations en petits caractères et lut en suivant le texte avec son doigt — « Breeg Orlivanch, livraison à effectuer au comptoir commercial d'Oleg. » Erwanez connaissait le comptoir en question. C'était un petit lieu d'échanges commerciaux fortifiés situé au nord des Terres Dérobées, près de la forêt des Narlmarches, un endroit paisible et reculé où les quelques habitants et trappeurs du coin venaient vendre les peaux qu'ils avaient récoltés ou passer une nuit ou deux dans un bon lit.

« Je pense que ce serait plutôt à cet homme que vous devriez vous adresser », dit Constance Devine. « Ceci dit, je déplore la manière dont il utilise nos pièges et salit notre réputation. Je lui ferai parvenir un message lui demandant d'être plus prudent et de bien marquer l'emplacement des pièges avec des tissus de couleur ou un autre signe qui attire la méfiance des voyageurs. Cependant, le message sera sans doute plus clair si vous allez également lui parler face à face. »

Erwanez avait remercié l'aimable commerçante et était sortie de l'échoppe. Voilà une affaire rondement menée, pensa-t-elle. Il ne me reste plus qu'à écrire une lettre au temple pour les prévenir de ma décision de partir explorer les Terres Dérobées. Qui sait ... j'y croiserais peut-être ce trappeur imprudent et je pourrai m'assurer qu'il ne mette plus la vie des voyageurs en danger. Et c'est ainsi qu'elle occupa le reste de l'après-midi, à rédiger la missive et à trouver un porteur. La journée du lendemain passa beaucoup plus lentement — ou, du moins, c'est l'impression que la jeune fidèle d'Érastil eut, sans doute à cause de son impatience à connaître la réponse des seigneurs-épéistes.