Après avoir effectué quelques emplettes, le groupe se dirigea vers la plus grande taverne locale. Le moment était venu de créer une réputation pour le Revenant et de recruter assez d'hommes pour reprendre la mer dans de bonnes conditions. Chaque soir pendant plusieurs jours, la même scène se répétait :

« Oyé, oyé ! Forbans d'Almery, venez donc écouter l'incroyable histoire du Revenant !
Avec ce soir, une promotion exceptionnelle ! Pour chaque marin motivé, un verre de grog offert !

Vous rêvez d'aventure et de richesse ! Laissez-vous tenter par l'équipage du capitaine Finnegan et rejoignez une équipe jeune et ambitieuse ! Nos exploits sont nombreux : explorateurs d'îles aux trésors, égratineurs de crabes géants, massacreurs de gobpoulpes, pourfendeurs de morts vivants ! Venez ajouter le votre à cette liste !

Notre navire est flambant neuf et les conditions de travail à la pointe, avec notamment un magnifique code de pirates qui répondra à toutes vos préoccupations déontologiques et la présence non pas d'une, mais de deux prêtresses de notre Grande Déesse !

Vous voulez en savoir plus et découvrir comment ce fier guerrier est venu à bout d'un requin géant ? découvrir les astuces de notre éclaireur, qui a bravé la mort plus que quiconque ici ? ou écouter les exploits de nos dames magies, qui terrassent nos ennemis à coup de rayons de glace ou de foudre ?

Rassemblez-vous, pauvres hères, car mon histoire ne fait que commencer ! »

Amandine revint sur le navire accompagnée d'un immense demi-orque. Elle paraissait décidée et passa auprès de chacun des officiers, leur priant de la rejoindre dans la cabine du capitaine. Une fois tout le monde réuni, elle se leva et débuta son discours sur un ton inhabituellement exalté.

« Chers amis ! Je ne vous ai rien raconté de ma vie et en sais très peu sur la votre, finalement. Mais j'imagine que comme pour moi, tout n'a pas été rose. Et pourtant, certains épisodes exceptionnels vous rappellent certainement ce qui fait de vous de véritables frères de la côte ! J'étais jeune et écervelée à l'époque ... pas si différent de maintenant, en fin de compte ... Enfin bref, mon père venait de casser sa pipe. Je savais que j'allais devoir m'occuper des morpions. Mais j'avais pas quinze ans ! Alors j'ai voulu fuir cette responsabilité. J'ai embarqué comme mousse sur un navire marchand. enfin, c'est ce que je croyais. Un navire marchand ? Des put!@$ d'enfoi#*& d'esclavagistes, oui ! Comme je le disais, j'étais jeune. Je dus servir ce pervers de capitaine et croyez-moi, j'en connais dorénavant un rayon sur les vices de certains dégénérés. C'est Besmara qui me sauva déjà cette fois-là, mais je ne le compris que beaucoup plus tard. Le tonnerre grondait et la mer s'agitait. Le navire revenait les coffres pleins d'une vente plutôt juteuse. Une proie de premier choix pour les pirates du coin. C'est ce qui arriva, bien sûr. Les hurlements de souffrance de cet équipage maudit était une douce musique à mes oreilles. Un géant à la face toute verte pénétra alors dans la cabine du capitaine où j'étais enchaînée pour satisfaire le débauché. Il tenait fermement un immense cimeterre dans sa large pogne. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il découvrit la scène. Après un bref regard en arrière, il referma la porte et s'approcha en levant sa lame à deux mains. Pour tout vous dire, j'ai bien cru ma dernière heure arrivée ! Mais la puissante lame fendit la chaîne qui me ligotait. Un échange de regard et de nom plus tard, je filais me cacher dans un recoin secret de la cabine. Le navire fut mis à sac et laissé à la fureur des éléments, comme offrande à Besmara. Il était en trop mauvais état pour être récupéré, de toute façon. Mais contre toute attente, il tint bon. Suffisamment de temps pour permettre à la mer de se calmer et pour que je puisse regagner la côte dans un radeau de fortune. Hé oui, j'étais déjà charpentier à cette époque ... et la terre n'était pas si loin. »

Amandine arrêta là son discours, avant de regarder chacun de ses amis. Des compagnons avec qui elle avait frôlé la mort à de nombreuses reprises. Elle tendit le bras vers le demi-orque resté assis à ses côtés, et qui paraissait pourtant plus grand qu'elle. Des scarifications ciselaient tout son visage, tel un réseau de veines sombres courant autour de sa bouche aux crocs proéminents, de ses yeux noirs légèrement enfoncés et de son nez aplati si typique de ceux de sa race. Un bandana noir retenait de longs cheveux d'ébène aussi épais que des drisses. Son battoir de main enserrait une lame courbe aux proportions dignes d'inspirer le respect même aux plus téméraires des forbans. Le large cimeterre de l'histoire, sans aucun doute. Un collier de poils drus achevait de dresser le portrait d'un demi-orque massif et intimidant. Une austérité accentuée par un puissant fumet qui se dégageait de sa personne. Un mélange de tabac, de sueur et d'alcool typique des tripots des Entraves.

« Compagnons d'infortune, je vous présente Tog. Le pirate qui me sauva cette fameuse nuit. Je l'ai retrouvé sur cette île. Incroyable, n'est-ce pas ?! Je ne peux m'empêcher de penser que notre rencontre n'est pas due au hasard. Le vent de Besmara m'a conduit jusqu'à lui, c'est évident. À chaque fois qu'Elle est intervenue, Elle m'a sauvé la mise, j'ai changé de vie et suivi mon destin. » La prêtresse marqua un temps d'arrêt. Ses épaules se soulevèrent et s'abaissèrent soudainement pendant qu'elle expirait bruyamment pour marquer sa résolution. « Je dois vous quitter et suivre le sort réservé par ma déesse. Nous avons discuté avec Tog. C'est un prêtre, lui aussi ! Nous ne vénérons pas le même dieu, mais il est quand même sympathique. Un marin compétent et un solide gaillard, qui cherche sa place au sein d'un équipage. Je vous demande de l'accueillir sur le Revenant. Son dieu le conduit parfois à certains excès mais qui peut dire qu'il ne s'y est jamais abandonné ? Et ses aspirations sont ailleurs, comme vous le découvrirez si vous lui laissez sa chance. Je suis sûr que chacun d'entre vous en tirera profit. Nous avons réglé ses ... affaires sur cette île, de sorte qu'il est libre de vous suivre. Je lui devais bien ça. »

Elle écarta brièvement les bras en pinçant les lèvres dans un demi-sourire. « Nous y voilà. Vous me manquerez tous, soyez-en certains. » Elle jeta un bref regard à Uk mais s'adressa à Idriss. « Prenez soin de votre navire et de votre équipage, Cap'. Et toi, mignon p'tit mousse, surveille bien ton maître ! » Avant de taper sur l'épaule du géant. « Tu es entre de bonnes mains. Écoute leurs conseils et veille sur eux comme tu as su le faire pour moi. »

Sur ce, sans plus de cérémonies, elle sortit de la cabine à grands pas. Son destin l'appelait ailleurs au plus vite mais chacun avait pu apercevoir son regard humide, qui n'était pas dû aux embruns ...

Alors que la chance allait enfin pouvoir être de leur coté, une salle nouvelle arrivait. Leur prêtresse ne souhaitait pas continuer l'aventure.

Le barbare laissa aller ses émotions pour la première fois depuis qu’ils étaient ensembles. « Je ne comprends pas. Même si nos débuts nous ont été imposés, nous avions tous la vocation de faire fortune en suivant la voie de l'aventure ! Nous avons subit les quatre volontés d'un groupe d'officiers esclavagistes puis avons peiné à nous défaire de nos chaines. Tu dis toi-même en avoir chier par le passé ! A coup sur nous en avons tous bavé à notre façon !

Et, alors que nous disposons enfin de notre liberté et d'un équipage de taille décente, tu nous quittes ! Non, je ne comprends pas ! » Il laissa passer quelques longues secondes. « Enfin, chacun sa destiné ! »

Puis, se reprenant, il passa près du nouveau. « Toi, avec ta tronche, tu as intérêt à bosser comme un fou pour espérer nous faire oublier Amandine ! Même avec un cuir moulant, tu ne seras jamais mon type ! »



BM privée. Carte des Entraves. Équipage de la Promesse.

Modifié par un utilisateur lundi 28 juillet 2014 14:47:50(UTC)  | Raison: Non indiquée

Amandine se retourna sur le pas de la porte à la question du capitaine. Elle acquiesça de la tête.

« Oui, je pense. Voir où sont mes petits. Ce qu'ils deviennent. On verra bien en route. Ma déesse est capricieuse ... »

Elle jeta un regard désolé à Uk. Elle savait qu'il ne comprendrait pas. Seules les personnes de foi pouvaient saisir son comportement. Elle adressa un coucou timide de la main à Gus. Ce drôle d'oiseau lui manquerait.

Modifié par un utilisateur lundi 28 juillet 2014 23:31:21(UTC)  | Raison: Non indiquée

Amandine hocha la tête.

« Merci Cap' ! Bon vent au Revenant ! J'aurai grand plaisir à entendre parler de ses hauts-faits. C'est un peu mon bébé, aussi. Prenez-en soin. »

Ses pas résonnèrent dans la coursive puis sur le pont. Amandine avait quitté l'équipage.


« Capitaine, puis-je vous parler seul à seul avant de prendre mes quartiers ? C'est important. Je serai bref. »

La voix était grave et profonde. Elle faisait trembler les os et vibrer la poitrine, comme des chants de marins criés à tue-tête dans une taverne. Tog avait prononcé ses premiers mots.

« Merci capitaine. Je suis bien sûr intéressé par un emploi sur le navire. Mais j'ai quelques exigences à fixer avant le départ et je voulais que les choses soient claires entre nous avant l'appareillage du navire. Sans mettre en cause votre autorité devant vos officiers. »

Il posa son cimeterre contre la couchette et croisa les bras. Il se racla grassement la gorge avant de commencer sa tirade.

« Tout d'abord, vous l'aurez compris avec Amandine, un prêtre n'a qu'un seul véritable maître et il s'agit de son dieu. Je sers Cayden et Il passera toujours avant vous, capitaine. L'un de ses préceptes commande que la cause de mon voyage soit juste. C'est là ma deuxième exigence. Je ne travaille pas avec des esclavagistes. Si vous comptez profiter d'un tel trafic, je préfère quitter le Revenant immédiatement. Pas d'assassinat gratuit non plus. Tuer en combat, c'est une chose, achever un mourant, passe encore, mais assassiner froidement un être doué de conscience en est une autre. Je ne m'y opposerai pas nécessairement mais je ne serai pas votre homme. Enfin, je me dois d'honorer Cayden chaque jour et boire en son honneur. Tant que je n'aurai pas ma propre intimité à bord, je désire donc profiter d'une permission : celle de me servir une chope tous les jours dans les réserves, qui doivent toujours contenir au moins une barrique d'un breuvage alcoolisé quelconque. Cela peut se faire en cachette, car je suis conscient que les humains ont parfois des difficultés à rester raisonnable avec les boissons fortes. Ce n'est pas mon cas. Je ne suis jamais saoul en service et extrêmement rarement en dehors. Une unique chope me suffit, mais elle est indispensable à la communion avec ma divinité. »

Le géant à la peau vert sombre décroisa ses bras et repris son arme impressionnante.

« Amandine m'a affirmé que vous étiez intelligent. C'est pourquoi je me permets de vous parler librement et en toute franchise. J'espère que tout cela ne vous causera aucun souci. Si c'est bien le cas, sachez que je suis travailleur et endurant. Toujours de bonne humeur, je m'acquitterai de mes tâches avec ardeur. Je ne discute pas les ordres et respecte les capitaines qui prennent soin de leurs hommes. Votre ... prédécesseur sur mon précédent navire a trop abusé de sa position pour que je tolère d'autres méfaits et que je ne mette pas en garde le suivant. Si nous faisons affaire conformément à mes doléances, vous deviendrez mon capitaine et aurez ma loyauté inconditionnelle. Si vous pensez ne pas pouvoir les respecter, quittons-nous en bons termes. »

Le capitaine croisa les bras.

« T'en demandes pas mal pour un nouveau, mon gars. Je sais pas ce que t'a dit Amandine, mais on est des pirates, pas des assassins. On a un code. On le respecte. On encourage les membres des navires qu'on attaque à nous rejoindre. Ils ont leur part sur le butin, comme tous les autres hommes. Si tu appelles ça de l'esclavage, tu es libre de partir.

Pour ce qui est de ton dieu, j'le connais pas et j'me moque de ce qu'il te demande tant que tu fais ton boulot. Chacun a le droit d'honorer qui il veut, tant qu'il respecte le Code. Ici, on prie plutôt Besmara. Si ton dieu te demande de boire tous les jours, soit, mais je ne veux pas de privilèges à bord de mon navire. Il y a une distribution de rhum le soir pour tous ceux qui le veulent, tu pourras y participer comme les autres. Mais je ne veux pas te voir boire en dehors, compris ?

Avec le temps, si tu gagnes notre confiance, on te laissera plus de libertés. Mais pour l'instant on va te garder à l'œil, je préfère te prévenir.

D'autres points à éclaircir ? »

Enfin seul, Idriss réalisa que sans Amandine, il allait devoir s'occuper de l'inspection du navire et des hommes. Il espérait que les nouvelles recrues soient efficaces. Un bon abordage, voilà qui ferait du bien à tout le monde. D'ici là, les prochains jours devraient être consacrés à la formation en mer des nouveaux et l'assignation de chacun à un poste en fonction de ses compétences. Uktaho devrait probablement les initier à l'art de l'abordage.

Le prêtre écarquilla les yeux à l'ordre du second. « Laisser mes armes loin de moi ?! ... Grumph ! Désolé, je n'ai pas l'habitude de dormir loin d'elles. Et l'équipage du navire sur lequel je me trouvais gardait les siennes. »

Il réfléchit quelques secondes puis soupira. « Bon, très bien. Mais je tiens particulièrement au cimeterre. Un héritage, vous comprenez ... » Ce faisant, il se délesta de ses armes en les fixant soigneusement à un râtelier.

Dans l'entrepont, il chercha une place près du centre de gravité du navire, histoire de ne pas être trop chahuté en cas de grabuge. Mais il ne provoquera pas d'esclandre si la seule place disponible était près de la proue ou de la poupe. Tog n'était pas le mauvais bougre.

Le prêtre se retourna au son de la douce voix provenant de derrière son dos. Il faillit en perdre ses yeux. Quelle beauté ! Ses formes rondes, la délicatesse et la précision des traits !

Il lui sourit largement tout en la saluant d'un signe respectueux de la tête.

« Merci, madame Nausicaä ! Cuisinière ? Hé bien ! Si tes plats sont aussi réussis que tes tatouages, ce n'est pas sur le Revenant que je vais maigrir ! Enchanté de te rencontrer. Togolgkro Chope-Puissante. Mais appelle-moi Tog. J'espère que nous aurons l'occasion d'échanger quelques recettes de nos spécialités respectives. »