Ils descendirent le versant nord des montagnes, sous la direction prudent d'Ulf, qui suivait une piste invisible à l'oeil non exercé, serpentant entre les crevasses, les pans instables de terrain, et les champs de neige propices à bloquer les wagons. Le soleil commençait déjà à redescendre lorsque le sol sous les roues des wagons et les sabots des chevaux se fit de nouveau relativement plat.
Ils entraient dans un pays de collines battus par les vents. Les flocons les giflaient violemment alors que le vent hurlait entre les cairns. Ulf leur expliqua qu'il s'agissait des restes d'un ancien royaume des Géant du Nord, qui avaient autrefois dominé toute la région.
Mais l'arrivée des hommes et d'autres races avaient fini par avoir raison du royaume autrefois puissant, et à présent, ces terres gelées n'étaient plus que le domaine des tombes et des ruines. Quelques géants venaient encore parfois aussi loin au Nord, pour être enterré ou mourir sur les terres de leurs ancêtres.

Le premier soir, ils s'arrêtèrent dans une combe entre deux collines, à quelques dizaines de mètres de la route. Sur les instructions d'Ulf, ils avaient disposé les chariots en demi cercle, sous un surplomb, et étaient ainsi protégés du vent et des bêtes sauvages. Le hurlement d'un loup, remarquablement clair dans la nuit, vint parfois troubler leur soirée.

Grâce aux efforts de Gabrihen, de Koya et de tout le monde, ils parvinrent finalement à stopper la contamination par la mousse noire qui rongeait leur provisions. Ils avaient bien perdu un peu de réserves, mais en chassant, ils devaient pouvoir compenser cette perte.

L'endroit était triste, et après le récit d'Ulf, ils sentaient une sorte de présence, comme celle qui hantait les cimetières. Une gravité liée à une profonde tristesse. Lorsqu'ils reprirent la route le lendemain, ils étaient remarquablement silencieux...

Au cours de la journée, ils rencontrèrent l'auteur des cris de la veille. En haut d'une colline, à quelques centaines de mètre de la caravane, un loup de la taille d'un destrier les regardait passer, son regard bleu glace fixé sur le wagon de tête. Il ne fit pas mine de les attaquer, mais Shalelu, Ulf et Sandru, qui avaient reconnu un loup de l'hiver, prévinrent tout de même le reste de la caravane de se montrer prudent et de surveiller les chevaux.


Durant une journée de plus, le loup les suivit à distance raisonnable, mais toujours présent, un peu comme une sentinelle. Finalement, ce n'est que lorsqu'ils entreprirent d'aller chasser pour la première fois, pariant sur le fait que si un prédateur pareil vivait dans la région, il devait y avoir assez de gibier pour qu'il puisse se nourrir, qu'ils comprirent la raison de cette surveillance.

Ils n'avaient pas quitté leur campement depuis deux minutes qu'un bruit de pas puissant se fit entendre. Rapidement, un géant émergea des sapins qui boisaient les pentes des collines alentours. Les arbres lui arrivaient à peine à l'épaule, mais bien qu'il porte une hache d'arme aussi grande qu'un arbre, il ne paraissait pas particulièrement agressif.

« Que venez vous faire sur les terres de mes ancêtres, voyageurs? De quel droit violez vous leur sépulture? De quel droit troublez vous leur sommeil? »

Saya ne perdait pas une miette de leur voyage. Elle qui avait toujours rêvé de voir de lointaines contrée, elle marchait à présent à des milliers de kilomètres de son village natale, entre les collines gelées et les ruines d'une civilisation disparue.

Mais le grand nord avait aussi quelque chose de sinistre...pour la première fois, elle sentait vraiment que la vie ici était l'exception. Elle n'avait jamais mis les pieds dans un désert auparavant, fut il de givre, et en dehors des arbres, de quelques écureuils et rongeurs, elle se rendait compte à quel point ils étaient seuls. Le froid n'arrangeait rien, formant des flocons de gel dans ses plumes, malgré les tenues de grand froid qu'elle portait à présent en permanence. Elle enviait presque la fourrure d'Inari.

Lorsque le géant s'avança vers eux, Saya ne put se retenir de lever les yeux pour mesurer son immense stature. Elle avait toujours eu l'habitude que ses interlocuteurs la regarde de haut, après tout, elle était vraiment frêle et de petite taille...mais le géant était un vrai titan, et les arbres ne semblaient pas être plus que des hautes herbes pour lui.

Instinctivement, elle se mit en garde, sans tirer ses armes toutefois, l'acier étant de toutes façons bien futile face à un tel adversaire.
« Nous ne faisons que passer, comme le disait mon amie, mais sans chasser, nous risquons de mourir de faim. Pardonnez notre intrusion, nous ignorions que la région était sous votre protection. »

Tel un fantôme, Sinuk sortit de l'ombre dans laquelle il s'était instinctivement réfugié à l'approche de la silhouette géante.
« Maître géant, notre caravane emprunte une route commerciale qui, même si elle n'est pas très fréquentée, peut l'être à nouveau.
En bloquer l'accès ne fera qu'attiser la curiosité des marchands, aventuriers, explorateurs ou autres.
S'ils n'y sont plus les bienvenus, cela ne peut que se finir en conflit.
Or, vous souhaitez voir renaître le royaume d'Urvuuk, et éviter que la neige rougisse à nouveau de sang humain, géant ou lupin.
C'est pour cela que, dans votre immense sagesse, vous vous êtes montrés à nous. »

Kitano n'avait pas dégainé, mais avait conservé par habitude la main gauche sur ses fourreaux.
une fois la discussion plus posée, il s'inclina bien bas devant le géant.
« Vos ancêtres doivent être fiers de voir que vous respectez toujours leur mémoire, alors même que vous êtes le dernier de votre peuple à vous dresser en ces lieux. Malheureusement, les hommes ont trop souvent oublié le respect dû aux ancêtres..... Si d'aventure nous croisons des pilleurs, je jure de leur donner la chasse »

Le samourai répondit également à la question sur la raison de leur voyage:
«  Nous devons amener quelqu'un à Minkai, ma grande soeur pour être exact. Et nous devons le faire le plus vite possible, d'où le voyage hivernal. »

Le pretre frissonna malgré lui...

« Hey... il va falloir le nourrir le loup, non? C'est qu'il doit manger plus d'une part non? »

Saya observa le géant s'éloigner avec incrédulité. Toute cette rencontre aurait pu être une hallucination, sans la présence du loup qui les accompagnait, placide.
Une fois de retour au camp, elle demanda à Sandru et Ameiko:
« Dites, vous qui avez beaucoup voyagé, et fréquenté d'autres aventuriers, ce genre de rencontre est il habituel? Je veux dire...représentant d'une ancienne civilisation, dans un lieu perdu? »

Sinuk avança tenant la bride de son cheval.
« Mais ils ne l'ont pas fait.
Aller, avançons et profitons que le soleil est encore haut. »

Koya eut un doux sourire.
« Oh, ne vous inquiétez pas pour moi. Je savais quelles seraient les conditions en partant avec vous, et pour tout vous dire, je ne me suis jamais senti aussi jeune. Et puis, je ne manquerais la vue des lacs gelés pour rien au monde! »