Je vais laisser jusqu'à ce we avant de me prononcer.

Une effervescence agite particulièrement les industrieux nains de la citadelle. Partout dans les moindres corridors, salles, qu’elles soient souterraines ou extérieures, partout dans les coursives des chemins des remparts, jusqu’aux grandes portes même de la ville, cette tension et cette odeur devient presque palpable si on prent le temps d’enlever son gantelet de fer et de tendre la main. Ce soir, une grande fête mettra en perce les meilleurs fût de bière, c’est un jour de liesse pour les nains, un jour de gloire et d’honneur, c’est le jour où tous ceux qui avaient gravé leur rune dans les plus lointains et profonds tunnels de la citadelle pourront cesser leur travail et se laisser à trinquer chope après chope jusqu’à plus soif, ce qui était peu dire pour un peuple à la résistance si légendaire. Mais encore fallait-il avoir fait son kangreddin et pour ce faire, avoir prouvé qu’on était passé à l’âge des responsabilités, à l’âge où on pouvait fonder son propre foyer, à l’âge où on pouvait prouver à ses pairs qu’on était prêt à battre de son propre marteau sur la grande enclume qui servait à façonner les montagnes et le monde dans lequel les nains vivaient.

La citadelle était bruyante, les marteaux qui frappaient le métal ou ciselaient les pierres précieuses, les mêmes marteaux qui fendaient les pierres ou les façonnaient sous les mains des maîtres maçons, les engrenages des impressionnantes machines qui poussaient les wagons, les ascenseurs, ou encore le vrombissement des soufflets des centaines de forges qui fondaient le métal avant de passer entre les mains des maîtres artisans, qu’il soient ferronniers, forgerons,, lapidaires ou encore diamantaires, l’industrie naine était bruyante et vivante et chacun avait un rôle bien défini dans l’incroyable organisation stricte et rigoureuse et orchestrée par des maestros implacables et imperturbables. Aujourd’hui c'est un jour particulier. Dans plusieurs clans se tenaient des rassemblements, des conseils et des réunions, bien souvent le sujet était un nain à la barbe encore courte montrant à la fois son jeune âge et son inexpérience, mais ce dernier était impatient d’en découdre car il avait prouvé sa valeur, il avait accompli son Kangreddin. Pour ceux qui n’étaient pas originaires de Heaume, il n’y avait pas de rejet ni de jalousie. Tout nain qui se montre digne du peuple robuste et fier pouvait gagner cet honneur et dans cette petite pièce étriquée et spartiate, quelques uns d’entres eux étaient debout ou adossés contre un mur en attendant que la porte s’ouvre. Ils avaient tous été conviés la veille et rien au monde n’aurait pu les empêcher de venir hier en ce lieu.

Une mission leur avait été confiée afin d’éprouver leur valeur et nul doute qu’ils n’avaient pas eu le droit de faire un faux pas. La structure naine était rigide et implacable et le moindre écart était lourdement sanctionné. Échouer n’était même pas envisageable, s’était un grand déshonneur à la fois pour soi, mais aussi pour sa famille et jeter le dévolu sur ses proches était la pire condamnation qu’un nain pouvait subir. Il perdait son nom, sa famille était privée de tout droit hiérarchique, réduits au rang le plus bas de la classe sociale et le chemin du repentir était souvent très long et presque impossible. Ainsi était la société naine, mais les jeunes nains ici présents aujourd'hui n'avaient pas pensé à l’échec, c’était donner du crédit au Sombre Forgeron, ils pensaient à la route de la gloire et de la fierté dont pourrait s’enorgueillir leur famille et les générations à venir chanteraient leurs gloire et leur fierté d’avoir eu un ancêtre aussi illustre. Mais ce n’était pas non plus une mince affaire que de se faire une place et un nom, aussi minime soient ils. Nombre de héros nains avaient fini dans l’oubli ni même de tombeau afin de leur accorder une ultime dignité. Nombre de nains étaient tombés avant même d’avoir pu se faire un nom… Aujourd’hui cinq nains étaient réunis dans cette pièce. Ils n’étaient pas tous originaires de la citadelle, comme le montraient leurs vêtements ou encore leurs symboles claniques, mais ces cinq là avaient un point commun : ils avaient réussi leur Kangreddin ! Ils venaient de vivre une incroyable aventure digne des plus grandes légendes du peuple fier et maintenant ils étaient attendus par le Grand Intendant lui-même et le Grand Administrateur de Heaume pour un debriefing avant de pouvoir rejoindre leurs clans, leurs familles et leurs amis. La soirée aura une saveur toute spéciale pour ces jeunes barbouzes héros en un seul jour, mais quelle journée !