ktar et Jean devaient céder la place en milieu de nuit à Vence et Mikal (qui voulait rester dans le coup sur l'enquête malgré son rendez-vous du lendemain), tandis que Sindaré courait les tavernes tel un oiseau de nuit qu'il avait eu l'habitude d'être dans le temps.

La nuit fut longue et vraiment infructueuse. Sindaré fut obligé de se rendre à l'évidence: il aurait mieux fait de dormir plutôt que d'interroger des quidams sur ces tremblements de terre. Les tavernes, même les mieux famées, n'étaient pas le point de rendez-vous favori des séismologues, et le barde put s'abreuver de ragots jusqu'à plus soif, mais rien de mieux. Chacun y allait de sa théorie sur les secousses qui avaient eu lieu un peu plus tôt dans la journée. Pour les uns, les feys titans étaient en train de se réveiller suite à la souillure de l'industrie, et leurs baillements mécontents faisaient trembler le sol. Pour les autres, c'étaient les travaux pour le tram souterrain - ou métro - qui avaient certainement commencé plus tôt que prévu, et en secret pour que les feys ne s'en offusquent pas. Les moins imaginatifs s'en tenaient à la théorie de la secousse naturelle, mais ils étaient peu nombreux.

Quant-aux guetteurs, ils firent chou blanc, malgré une fausse alerte, peu avant l'aube. Ce n'était que le boucher qui venait certainement s'occuper de ses découpes. Ils revinrent tous au constabulaire à l'aube, prêts à partir vers l'usine de Sechim, comme convenu la veille.

Ils firent route en calèche et arrivèrent au Lac des Pairs sans encombre. L'odeur du district ne prenait pas de repos, même la nuit, et les effluves de l'activité industrielle leur piquèrent les narines pour leur souhaiter la bienvenue à destination. la chaleur de la saison n'arrangeait rien. Le cocher les déposa au croisement entre deux larges rues, leur indiquant l'entrée de l'usine qu'ils cherchaient. Celle-ci était imposante, occupant presque l'équivalent d'un pâté de maisons, et des lettres en fer forgé peint, appliquées sur le mur de briques au-dessus de l'entrée indiquaient fièrement: "ACIDES SECHIM".

Vence était rentré tard chez lui, et son fils était déjà couché. Il avait très peu pu profiter de la présence de son épouse, sachant qu'il devrait aller relever ses collègues dans la nuit. Pire, leur veille de la nuit avait été effectivement, comme il l'avait prévu, totalement inutile. C'est donc d'assez mauvaise humeur qu'il accueillit les effluves des industries. « Ouais, j'espère aussi. On n'a pas tout le temps devant nous. »

es constables se rendirent rapidement compte que, contrairement à ses voisines, l'usine Sechim ne semblait pas être en grève. Ici, aucune chaîne en fer ne cadenassait l'entrée, aucun garde ne faisait le guet pour protéger l'usine des dégradations perpétrées par des ouvriers en colère. Le rez-de-chaussée fourmillait d'activité. Le bâtiment devait s'étendre sur environ six-cent mètres carrés et la façade laissait supposer qu'elle était haute de plus de douze mètres. Le rez-de-chaussée occupait en fait presque tout l'espace et était presque entièrement dépourvu de cloisons.

Des dizaines et des dizaines d'employés s'activaient au sol ainsi que dans les couloirs suspendus qui oscillaient six mètres plus haut et longeaient d'imposantes cuves en métal. Le premier étage était accessible par un escalier visible le long d'un des murs de l'usine mais son plancher était à environ dix mètres du sol.

Les constables furent menés dans une grande pièce séparée du reste de l'espace de travail par de hauts murs après qu'un contremaître se soit enquis de la raison de leur présence et qu'ils se soient présentés. Il s'adressa à un homme qui travaillait en combinaison, penché au dessus d'une cuve, une fiole à la main et qui portait un masque et des gants de protection. « M'sieur Sechim, des constables royaux qu'aimeraient vous voir. » Des plans de travail jonchés de notes et de substances diverses couraient sur le pourtour de la pièce. Plusieurs machines se disputaient la palme de l'outil le plus étrange que les constables aient jamais pu voir. Les yeux de Jean pétillaient d'intérêt.

Le patron déposa ses outils, et enleva son masque. Les constables découvrir un visage plutôt jeune pour un propriétaire d'usine. Heward Sechim leur sourit et les salua poliment. « Messieurs les constables, bienvenue. Vous souhaitez acheter quelque chose? » Il avait l'air tout à fait sérieux dans sa méprise. Le contremaître était déjà retourné à son travail, laissant les constables seuls avec Heward Sechim.

Note pour ceux qui n'ont pas joué la première partie: la couleur de peau des humains est fort variée en Risur. Le roi et la duchesse de Shale ont notamment la peau noire, ça na donc rien de bizarre.

Modifié par un utilisateur mardi 25 juillet 2017 18:26:32(UTC)  | Raison: modification de couleurs

Jean fut devancé par Sindaré, lequel rentra directement dans le vif du sujet. Heureusement, car mille questions se bousculaient déjà dans sa tête. L'activité des lieux attisait sa curiosité et affamait son sens de la perception. Ce dernier ne se gênait d'ailleurs pas et agitait ses yeux en tout sens, pour se rassasier.

Moins attentif à la conversation, il tentait d'analyser les produits et les outils étalés un peu partis, pour comprendre sur quoi travaillait cet homme étonnamment jeune. Sans doute un alchimiste passionné.

Skooma, je te laisse gérer les éventuels jets de connaissance ou artisanat(alchimie) nécessaires.

es yeux de Sechim se plissèrent lorsque Sindaré lui annonça la mort de Nilasa. L'homme garda le silence un instant, semblant digérer la nouvelle. Soit il jouait la comédie, soit il n'était vraiment pas au courant. Peut-être Barb avait-elle préféré laisser aux constables le soin de l'annonce? Après tout, ceux-ci n'avaient pas vérifié ce que disaient les journaux exactement. Difficile de dire si l'homme pouvait ignorer ce qui était arrivé à la jeune femme.

Au bout de quelques secondes, cherchant appui sur une chaise un peu plus loin, les yeux toujours plissés, il ajouta, ignorant l'intervention de Vence: « Comment est-ce arrivé? »

Pour autant que Sindaré puisse en juger, si l'homme jouait la comédie, c'est qu'il était fichtrement doué. Le barde ne décela rien de fourbe dans son attitude.

Jean avait bien remarqué, comme ses collègues, les énormes cuves qui servaient forcément à fabriquer les acides qui faisaient la réputation de l'usine. Mais quant-aux recherches que Sechim menait dans ce laboratoire, le tieffelin n'en était pas trop sûr. Il y avait une petite forge enchantée qui semblait inachevée dans un coin de la pièce, et le reste des établis et plans de travail contenaient principalement du matériel alchimique, mais le constable, distrait, ne voyait pas le fil conducteur dans tout ce fourbi. La forge était-elle sensée, une fois terminée, travailler sans l'aide de personne? Possible, mais pas certain que ce fut son seul usage... Jean avait beau se creuser les méninges, tout cela ne faisait que le distraire...

Modifié par un utilisateur mardi 25 juillet 2017 18:33:33(UTC)  | Raison: Non indiquée

echim gardait sa contenance mais cela lui demandait visiblement quelques efforts.
« Nilasa est... hrm...était l'une de mes ouvrières. Et je suis un employeur qui s'inquiète de ses employés, même si beaucoup de mes concurrents me prennent pour un dangereux philanthrope qui a l’outrecuidance de traiter ses ouvriers mieux que du bétail. » L'ombre d'un sourire triste s'invita fugacement sur son visage. « Nilasa n'avait plus personne, je l'ai prise sous mon aile. J'espérais qu'elle finirait par s'intéresser peut-être un peu à la gestion de l'usine, et que je pourrais en faire un contremaître. Certains de mes gars vous diraient que je me prenais parfois pour son père. Mais elle n'en avait pas, et elle avait bien besoin qu'on s'occupe un peu d'elle comme vous le savez apparemment déjà. »

indaré n'y allait pas avec le dos de la cuillère, il tranchait dans le lard à grands coups de langue. Malgré l'intervention de Jean, Sechim, semblait seulement prendre conscience du mot "assassin" maintenant qu'il avait été répété.

Ses yeux se plissèrent de plus belle.
« "Ma" Nilasa? Mais de quoi parlez-vous bon sang? Ce n'est pas du tout...? Écoutez Messieurs, je ne sais pas si ce sont vos manières habituelles de procéder mais... Mais je vous ai demandé ce qui lui était arrivé et c'est là votre réponse? Vous n'avez donc pas une once de considération? Je parlerai à qui m'expliquera de quoi il retourne et j'aiderai de mon mieux mais vous... » - son regard était pointé sur le demi-elfe - « vous allez d'abord m'expliquer ce qui est arrivé avec le minimum de décence que l'on attend lors d'une conversation entre personnes polies, et vous laisserez vos sous-entendus scabreux de côté... »

Sechim avait visiblement vu rouge. Il se racla une ou deux fois la gorge, regarda ses pieds et rajusta sa veste légère. Il n'avait apparemment pas l'habitude de se mettre en colère.

Modifié par un utilisateur samedi 29 juillet 2017 21:29:01(UTC)  | Raison: Non indiquée

«  Elle a été tuée en dérobant quelque chose à quelqu'un, par quelque chose. Pardonnez cette formulation, mais elle est la stricte vérité. Si l'on ne vous en dit pas directement plus Monsieur, c'est parce que cela pourrait vous mettre en danger, comme Nilasa l'était par ses actions et probablement par certaines fréquentations. Vous avez l'air de vous être comporté comme un Père pour elle, j'en déduirai que vous n'êtes pas la cause ni l'instigateur de ces fréquentations et actions, mais peut-être savez vous quelque chose à ce sujet? L'affaire est fort délicate, et votre coopération pourrait nous aider à y voir plus clair, afin que Nilasa ne soit pas morte pour rien, et que son meurtrier ne court plus les rues, impuni. »

Uktar guettait ses réactions face à sa diplomatie somme toute relative.

echim écouta Jean et Uktar, grimaça une ou deux fois légèrement, se racla la gorge, et répondit d'un ton déjà plus serein.

« Je comprends. Je n'ai pas encore lu le journal. Il arrive souvent en retard ces derniers jours à cause des grèves et des rixes dans le quartier. Parfois, nous ne le recevons qu'en milieu de matinée, ou même à midi, les mauvais jours. Malgré tout, je craignais que cela se produise, et je suppose que je ne devrais pas être surpris. Mon oncle m'avait prévenu, en quelque sorte, il est Clairvoyant. Je ne sais pas si vous accordez quelque valeur aux anciennes pratiques, et je dois bien admettre que les visions de mon oncle se font rares et sont parfois difficiles à interpréter. Mais il y a une semaine, il m'a dit ceci : "Une fille adoptive chevauchera aveuglément le vent vers son trépas". Et il n'y a dans ma vie qu'une personne qui corresponde à cette description même si je n'ai pas légalement adopté Nilasa. Je la considérais comme une fille. Je l'ai faite inscrire sur mon testament et elle habitait ici, à l'usine. Et non, en effet, je ne fais pas ceci pour tous mes employés. Il n'y a rien d'autre à dire de notre relation. »

Il chercha une chaise pour s'asseoir, posa ses mais sur ses genoux écartés, et baissa la tête piteusement. « Je pensais que j'aurais plus de temps pour lui faire entendre raison et la faire renoncer à ses dangereux projets. Et maintenant, il est trop tard. Voyez-vous, elle a tenté pendant des années de rentrer en contact avec l'Aquilone, pour l'aider dans sa cause, peut-être y est-elle parvenue après tout. Car mon oncle a bien parlé de chevaucher le vent... Est-ce vraiment ce qui s'est passé? » Les constables savaient que la magie de vol ne fonctionnait qu'extrêmement aléatoirement en Risur mais l'Aquilone, elle, avait la réputation de pouvoir s'en servir abondamment. Que la croyance populaire soit fondée ou non, le lien que faisait Sechim était difficile à ignorer. Il continua, se blâmant pour la mort de sa fille de cœur : « J'aurais du être plus prudent et parler moins ouvertement avec mes employés de la façon dont le patronat traite les ouvriers, ailleurs. Nilasa m'a souvent écouté. Et quand je ne faisais, à mes yeux que critiquer légitimement l'injustice, je suppose qu'elle rêvait de revanche. Il me reste à prier pour que ce ne soit pas la raison de sa perte, même si l'issue est la même. Si elle est morte pour l'Aquilone, je devrai vivre avec cela. »

« 

ilasa ne me disait pas vraiment où elle allait quand elle n'était pas avec moi et je ne sais pas où elle rencontrait ses ... "contacts" ni qui ils étaient exactement. Mais, en parlant de la Taverne du Penseur... Êtes-vous déjà allé là-bas? Nilasa y a... je veux dire... avait une amie, ou une tante de cœur dirons-nous, qui travaille également pour moi, je préfèrerais la prévenir moi-même, sauf bien sûr si quelque chose s'y oppose. » Les constables supposèrent immédiatement qu'il s'agissait de Barb, ça se tenait.

Il réfléchit quelques instants avant d'ajouter : « Quant-à ces deux noms, ils ne me disent rien, mais peut-être pourriez-vous me décrire ces personnes, j'ai fait récemment des rencontres fort désagréables, mais je ne connais pas le nom des personnes en question. Je doute néanmoins que ça ait un rapport avec Nilasa mais peut-être cela pourra-t-il vous être utile, on ne sait jamais, n'est-ce pas...
La première de ces rencontres était un homme grand, blond, et j'ai remarqué qu'il y avait comme une légère et étrange odeur de graisse brûlée qui émanait de sa personne. C'était subtil mais j'ai un bon nez, à cause mes études alchimiques, et cela dénotait avec ses vêtements de bonne facture. Il voulait acheter plusieurs barils d'alkahest et a insisté pour que la vente ne soit pas répertoriée. J'ai refusé. Il s'est mis en colère, et a fait quelques lourdes allusions aux incendies qui ont eu lieu un peu partout dans le district. Mais j'ai tenu ma position, quoiqu'il m'ait passablement effrayé, je l'avoue. Même si j'étais quelqu'un de malhonnête, ou d'influençable, je fournis le gouvernement - de plus en plus difficilement d'ailleurs, à cause de la satanée pression qu'ils mettent sur les prix - et Stanfield ne plaisante pas avec les contrôles. Je l'ai mentionné à l'homme dans l'espoir qu'il renoncerait. Mais trois jours plus tard, c'est-à-dire hier, je recevais la visite de deux autres hommes, des petites frappes ceux-là. Je leur ai dit que j'avais besoin de temps pour trouver un arrangement. Je comptais en fait gagner du temps et trouver une solution. Le problème est que la police est débordée avec les récentes émeutes, la traque des casseurs, sans même parler des incendies. Bref, je les ai fait suivre par mes gars. Ils les ont perdus un peu après être arrivés dans les aiguilles. Il y a de véritables dédales là-bas... »

La description que fit Heward Sechim des deux bandits ne disait rien aux constables, mais les petites frappes ne manquaient pas dans les Aiguilles...

Modifié par un utilisateur jeudi 10 août 2017 11:00:24(UTC)  | Raison: Non indiquée