Journal de Bethany
Ça y est.. J'ai réduit Aaron au silence. Plus jamais il ne m'humiliera ou essaiera de mettre un frein à mes recherches. Sa disparition me soulage et me libère l'esprit, je peux enfin me consacrer a mes travaux dans le silence de notre demeure ancestrale.
En souvenir de mon frère, j'ai conserve sa mâchoire. Elle est immobile à présent et ne m'accablera plus de ses incessants sarcasmes. Il n'aura plus d'emprise sur moi. Hélas, je crois qu'il n'a pas souffert. Cet idiot était tellement enfoncé dans sa torpeur qu'il a dû croire que ce n’était qu'un rêve...
Depuis qu'Aaron n'est plus la pour me perturber, je me retrouve seule. Il me faudra à présent m'occuper de Clive à son retour et je serais alors la dernière des Covenant.
Je pourrais enfin terminer mes recherches et achever ce que nous avons commencé sur l'ile il y a bien des années. Trop de temps a été perdu, il nous a fallu plus d'une décennie pour accepter ce que nous avions fait. Seule, j’achèverai ce travail et seule, j'accepterai le legs de cette famille.
Prose de Lizbeth
La nuit, lorsque je n'arrive pas a dormir, je regarde les ruines du monastère depuis mon lit. Les reflets de l'eau qui nous sépare ondulent sur les murs de ma chambre et l'emplissent de vagues de lune. Lorsque tout est calme et que le vent ne souffle pas, il me semble entendre les moines chanter. Leurs prières glissent sur l'eau et parviennent a mes oreilles telle une berceuse. Je suis alors envahie d'une paix exquise.
Et je ne peux m’empêcher de me demander comment quelque chose qui me rassure autant peut en même temps me hanter. Lorsque minuit arrive, les chants s’arrêtent. Alors, une faible lueur apparaît a l’entrée des catacombes. Elle me permet de distinguer les ombres des moines qui se détachent a l’entrée. Et je commence a sentir la terreur insidieuse qui m'envahit, comme si l'île avait une emprise sur moi.
J'ai entendu les bribes d'une histoire racontée a demi-mot : jadis, des moines seraient morts dans d'affreuses souffrances en ces lieux. Leurs âmes torturées furent enfermées dans les catacombes. Sont-ils retenus prisonniers sur cette ile par cette même force inconnue qui m'envahit ?
Les dieux se conduisent parfois d'une façon bien étrange, comment un dieu peut-il laisser ses fidèles mourir dans sa propre église ?
Une autre force opère certainement parmi nous, une force maléfique. Est-ce cette force qui me ronge la nuit et trouble mes rêves ? L'eau suffit-elle a assurer ma sécurité ? J'aimerais, pour une nuit seulement, aller m’étendre dans l'herbe près des catacombes ; je pourrais alors échapper à ces rêves qui me hantent. Je dois mettre un terme a ces visions nocturnes et découvrir la vérité.
Notes de Jeremiah
Je reviens tout juste des menhirs. J'ignore totalement ce qui a pu inciter un peuple primitif à ériger ces pierres sur cette ile balayée par les vents. J'ai déjà vu des sites comme celui-ci auparavant, mais ces pierres m'intriguent. Pourquoi un peuple primitif prendrait-il la peine de construire des monolithes comme ceux-ci sur une ile isolée ? Il aurait été bien plus simple de construire un site rituel du même type sur le continent.
Je m’étonne que ma famille, qui possède cette demeure depuis si longtemps, n'ait jamais entrepris de recherches au sujet de nos terres. J'ai quitté le manoir alors que je n’étais qu'un enfant et je ne m’étais pas rendu compte de l’étrangeté de mon patrimoine.
Comment expliquer la présence de ces mystérieux sites archéologiques ? Même si je ne crois pas que les Pierres, le monastère en ruine et la tour de cette maison aient un lien, l’intérêt archéologique de ces trois sites est indéniable.
La tour en elle-même est une légende locale. On dit qu'elle serait apparue ici lors d'une redoutable tempête. Bien sûr, personne ne peut dire quand cela s'est produit. Ce qui est sûr, c'est qu'elle n'est plus qu'une ruine en comparaison avec ce qu'elle a du être autrefois. Et c'est certainement pour cela qu'elle a été condamnée pendant si longtemps...
Le monastère aussi tombe en ruine maintenant. C'est probablement tout ce qu'il reste d'un ordre de moines reclus. Le Rostland semble regorger de ces retraites. Un jour, il faudra que je visite l'ile, j’emmènerai peut-être les enfants...
Lettre d'Evaline
Ma très chère mère
La situation n'est pas brillante ici. Jeremiah, mon mari, qui m'a jadis charmée par sa douceur et ses sourires, est désormais distant et reclus. Je me suis rendue compte que lorsque deux personnes se rencontrent, elles ne prennent pas garde à certains défauts ; le cœur aide a pardonner. Mais à cause de son étrange obsession, Jeremiah passe toutes ses nuits enfermé dans la bibliothèque.
Nous ne passons que très peu de temps ensemble et l'exercice du devoir conjugal est devenu presque inexistant. Je me sens désemparée, surtout lorsqu'il me fait part de son désir de voir des enfants gambader autour du manoir. Que dois-je faire ?
Je passe le plus clair de mon temps seule, dans la serre, à penser à ma douce jeunesse et au riche et galant Peter Roakana, qui s'occuperait patiemment de moi et me couvrirait de précieux cadeaux comme ce collier de perles que j'aime tant. Tout aurait été si différent si j'avais suivi le chemin qui m’était tracé.
Je me sens tellement stupide de m’être mariée avec Jeremiah Covenant. Ses instants privilégiés sont ceux qu'il passe dans la bibliothèque avec pour seuls compagnons des livres qui ont deux fois mon âge. Visiblement, mon visage ne suffit pas à capter son attention.
Ma très chère mère, que me conseillez-vous faire ? J'attends votre réponse.
J’espère que cette lettre vous trouvera, vous et Père, en très bonne sante. Dites à père de ne pas s’inquiéter à cause de sa petite fille, j'ai quitté le nid mais je serai toujours présente dans son cœur.
Avec tout mon amour,
Evaline
Journal d'Aaron
Je ne peux plus dormir. Voila des jours que ces visions me hantent. Des pensées sombres et informes. Un monde de rats. J'ai vu la couronne et elle pèse sur mon front. Il ne faut pas se fier aux apparences.
Bethany, immonde sorcière, je sais que tu manigances quelque chose... Ne cherche pas a lire mes pensées. Elles sont à moi et à lui et tu ne les comprendrais pas. Chut, chut, elle ne doit pas entendre. Ma plume en dit déjà trop. Il faut que j'oublie tout cela, il faut que je dorme.
Je pourrais peut-être fuir en Varisie. C'est si loin. Ce serait une échappatoire, mais aussi un mensonge.
Correspondance de Bethany
Pourquoi perdrais-je mon temps avec ces prétentieux et ces idiots ? Je comprends maintenant que cette correspondance ne m'a rien apporté. Je viens seulement de réaliser l'ampleur des recherches de Père. La plupart de ces soi-disant sorciers ne sont que des hâbleurs jouant la comédie et n'entrevoyant que rarement la vérité.
Crowley insiste pour m'avoir a ses cotes. J'ai bien peur que sa seule ambition soit de former un harem. Il est vaniteux, grossier et malhonnête. Il est tout aussi perdu que mon frère. Le vice a eu raison d'eux. Tandis qu'Aaron s'enfonce dans sa torpeur et cherche désespérément une échappatoire, Crowley pense qu'il a eu une révélation.
Certains se sont montres indifférents ou énigmatiques. Je pense que si je continuais a correspondre avec eux, je pourrais glaner des renseignements, mais j'ai vraiment l'impression que mes recherches commencent a stagner. Je dois mettre en pratique ce que j'ai appris. Les connaissances que je cherche sont peut-être introuvables dans cette société.
Mes tâtonnements et mes échecs ainsi que les longues périodes de récupération qu'ils ont provoqué ont ralenti mon apprentissage. Les domestiques doivent se douter de quelque chose car mon état de sante change radicalement après chacun de ces rituels. Mais ils n'oseront rien dire, je pourrai toujours évoquer le legs familial. Cela devrait suffire a excuser mes accès de faiblesse. Quant a Aaron, il dépérit, comme frappe de stupeur.
Bethany
Notes de Jeremiah
Quel malheur qu'Evaline soit morte en mettant Lizbeth au monde. Elle aurait tant aimé voir les enfants grandir. Je suis certain qu'elle aurait su les remettre sur le droit chemin. Une mère sait toujours apaiser ses enfants. Je ne peux hélas pas leur apporter cette consolation. De plus, je ne comprends pas ce qui a provoque un tel comportement chez eux récemment.
Les enfants se comportent tous si mal que je n'ai pas d'autre choix que de les faire rentrer a la maison. Je leur trouverai peut-être un précepteur. J’espère qu'une fois qu'ils seront près de moi, tout rentrera dans l'ordre.
Les six dernières semaines ont été un enfer. Le précepteur a échoué. En fait, le pauvre homme a fait ses valises et est parti en pleine nuit. Aaron n'accepte aucune forme de discipline et il semble que les autres prennent le même chemin que lui.
La seule chose que je puisse faire, c'est jouer avec eux, en respectant leurs centres d’intérêts. J'ai remarque que chacun des enfants, a sa manière, se montre très curieux. Il est étrange de voir une telle curiosité à un si jeune age, mais comment pourrais-je gâcher le seul moment de paix que je peux trouver auprès d'eux.
Je sais enfin ce qui est arrive aux enfants. Clive est venu me trouver l'autre jour. Il était effrayé et en pleurs. Il y a quelques années, les enfants se sont introduits dans ma bibliothèque et ont emprunté un de mes ouvrages de recherche. Comment aurais-je pu deviner qu'un enfant de douze ans s’intéresserait à ces livres poussiéreux ?
J'ignore quel passage ils ont lu, mais je sais maintenant que c'est ce qui a provoqué cette situation, leur comportement et leurs excentricités. Clive pense qu'ils ont réveillé les esprits de l'ile. J’espère pouvoir découvrir ce que les enfants ont fait. Il se peut qu'il y ait une solution...
Malgré toutes mes recherches, je ne comprends toujours pas ce que Clive et les enfants ont bien pu faire. Aucune des incantations des livres n'a pu provoquer ce qui est arrivé. L’invocation de démons ou d'esprits ne peut avoir des conséquences si longues et si néfastes. Je me suis même rendu aux Menhirs. Je n'y ai trouvé aucun indice sur ce qui s'est passé. Si seulement ils m'en avaient parlé au moment où c'est arrivé, j'aurais peut-être pu intervenir. Mais il est trop tard, les indices se sont depuis longtemps envolés.
J'ai découvert que les pierres constituent une sorte de foyer. Ce n'est peut-être pas un hasard si tant de gens sont attirés et effrayés par cette terre. Il semble que ma propre fascination pour les Menhirs se soit retournée contre mes enfants...
Note d'Evaline
Délivrez-moi
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Délivrez-moi
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