Luculla acquiesça silencieusement, encore tremblante. Mais avant de s'étendre à nouveau, elle se redressa un peu plus, et embrassa Caliban sur la joue. Rougissante, elle se recoucha, mais sa voix était presque assurée lorsqu'elle murmura.
« Merci Caliban. Pour tout. »

Quand on parle du loup...Luculla entra justement au Bec et Ongles sur ces entrefaits, chargée d'un plateau de brioches au raisin encore fumantes.
« Hey tout le monde! Pour fêter mon retour, je vous ai préparé ça! Allez y! Servez vous, elles sont là pour ça! »

Alors que les autres clients venaient recupérer les viennoiseries, Luculla croisa le regard de Caliban, et son sourire s'élargit.
« Caliban! J'espérai bien que v...tu serais là! Tout va bien? Tu as l'air ailleurs... »

Elle vint s'asseoir à sa table, récupérant au passage deux brioches qu'elle lui tendit.
« Tiens, mange un morceau, ça te remontera le moral! Je... »
Elle s'assombrit un peu.
« Je ne sais pas si je t'ai assez remercié de m'avoir sauvé. Et je n'ai pas non plus eu l'occasion de remercier tes amis. Je... »
Elle soupira.
« ...je sais que je ne devrais pas poser cette question. C'est vraiment ingrat de ma part, mais je ne peux pas m'empêcher de me demander...qu'est ce qui vous amenait dans ce souterrain? Pourquoi...pourquoi est ce que vous m'avez aidé contre ces monstres? »

Luculla mordit elle aussi dans une des brioches, encaissant silencieusement ce que Caliban venait de lui annoncer. Elle paraissait un peu secouée, mais finalement, elle lui sourit.
« "Une personne proche"? Je l'espérais, mais...disons que je suis heureuse que tu me le confirmes, Caliban! »

Elle hésita à nouveau, mais inspira profondément, calmant ses nerfs, et poursuivit.
« Ecoute...j'ignore exactement de quel groupe tu parles. Mais...la Rose...tu veux dire les adeptes de Milani? »
Elle baissa d'un ton, jetant un regard inquiet autour d'elle.
« Et tu es impliqué là dedans? Mais c'est dangereux! Enfin, ce serait hypocrite de ma part d'essayer de t'en dissuader, après tout, je ne sais pas ce qui ce serait passé si tu n'avais pas été là, mais quand même. Et...enfin, pourquoi avez vous besoin d'une base d'opération? Qu'est ce que tu fais, exactement? »

Cette fois, Luculla du s'assurer qu'elle était bien assise pour ne pas tomber de sa chaise. Toutes ces révélations commençaient à faire beaucoup pour la boulangère. Mais en se remettant de sa surprise, elle finit par murmurer.
« Les Corbeaux d'Argent! J'en ai entendu parler, mais...c'est vous!!? Je...et bien...c'est vraiment...enfin, je m'en doutais un peu, mais tout de même. C'est... »

Elle soupira, incertaine.
« J'hésite un peu, à vrai dire...je suis ravie que tu défendes une cause si noble, mais...tellement de risques! Kintargo a besoin de vous, mais il n'y pas un autre moyen? Je... »
Elle inspira profondément.
« ...Je ne veux pas qu'il t'arrive malheur! »

Luculla hésita avant de répondre, pesant soigneusement ses paroles.
« Je...Ce que tu fais est très noble Caliban, et je comprends. Honnêtement, Desna m'en sois témoin, j'aimerai avoir le courage dont tu fais preuve pour aider ceux qui en ont besoin. »

Son regard se voilà un instant.
« Mais si tu dois t'engager dans cette voie, je préfère savoir exactement ce qui se passe. Alors s'il te plaît, si tu veux en parler, parle moi sincèrement. Je...même si je ne participe pas vraiment à votre combat, je dois admettre que ce serait une bonne nouvelle de savoir que vous faites des progrès en ces temps troublés. »

En revanche, la proposition de Caliban pour le lendemain, bien qu'elle semble un peu la prendre au dépourvu, lui apporta également un immense sourire, l'oeil brillant.
« Bien sûr! Je serais ravie de passer du temps avec v...avec toi! Et puis, c'est bien le moins que je puisse faire. Même si je dois admettre que je ne suis pas non plus la plus grande connaisseuse de la mode... »

23 Sarénith 4716 - milieu de matinée


Le lendemain, Luculla était sur son trente-et-un. Enfin, rien de bien riche, mais élégant malgré la sobriété forcée. Après tout, une boulangère, surtout en période de loi martiale, ne roulait pas exactement sur l'or. Mais l'heure n'était pas à ces considérations un peu sinistres. Après tout, cette journée était l'occasion ou jamais d'oublier un peu les problèmes de Kintargo et de chercher, à la place, les avantages que la ville avait à offrir!

Luculla saisit l'occasion de guider Caliban à travers son quartier natal, le Vieux Kintargo. L'endroit n'était pas aussi misérable que Toits-Rouges, mais on pouvait tout de même sentir la pauvreté qui affectait toute la zone. Le Vieux Kintargo possédait encore un port de pêche, des ateliers, des manufactures, et des commerces, mais la prospérité était depuis longtemps passée. Cependant, le quartier avait aussi une autre caractéristique: la solidarité. Les habitants, bien que presque tous dans le besoin, se soutenaient les uns les autres, faisaient de leur mieux pour aider leurs voisins et la communauté, et tiraient, ensembles, le Vieux Kintargo vers le haut en attendant des lendemains meilleurs. Et la chaleur des habitants était contagieuse.

Tout au long de leur promenade, Luculla se rapprochait de Caliban, n'hésitant pas à poser sa main sur le bras de l'inquisiteur, ou à passer son bras sous le sien. De l'extérieur, ils passaient probablement pour un couple...

Elle le mena jusqu'à une petite boutique, les Septs Voiles, tenue par trois varisiennes, Simza, Emyralda et...Samira, que Caliban reconnu sans peine. Après tout, elle aussi travaillait pour la Rose. Et elle était présente lors de leur rencontre avec le chef de l'organisation. Mais en ces circonstances, elle se contenta d'un clin d'oeil discret à l'adresse de Caliban. Luculla les salua avec chaleur. Les varisiennes, ravie d'avoir un client, vinrent lui donner un coup de main pour essayer de trouver quelque chose qui aille à Caliban...enfin, deux d'entres elles. Simza se contenta de soupirer et marmonna une excuse pour s'éclipser.

Trouver la bonne tenue ne fut pas une mince affaire non plus, mais les varisiennes étaient plus que disposées à négocier le prix. Après tout, les clients ne se bousculaient pas. Sur leurs conseils, et surtout ceux de Luculla, ils optèrent pour une tenue pratique, sobre, mais plutôt élégante. Pantalons noirs, une demi-cape relativement courte pour souligner sa carrure, et des tuniques de lin brodées. Luculla lui trouva également une veste cousue de fils rouges et cuivrés. Il n'était peut être pas à la pointe de la mode de la cour impériale, mais il pouvait largement passer pour un marchand ou un noble mineur...et surtout, il faisait plus jeune.

Luculla l'examina de la tête aux pieds, focalisant son oeil sur les détails.
« Tu es magnifique Caliban! Comme quoi, il s'agissait surtout de révéler ton élégance naturelle! Bon, je te taquine, mais c'est vrai que ça te va mieux que ce que tu portais l'autre jour. Qu'est ce que tu en penses? »

Luculla élargit encore son sourire.
« Je n'en doute pas! Crois moi, tu as l'air bien plus noble que la plupart des "nobles" de cette ville! Je...ne savais pas que tu avais de la famille. Outre ta mère, tu as quelqu'un d'autre? Des frères et soeurs? Ton père? »

Elle s'assombrit, et demanda un peu craintivement.
« Une femme, peut être? »

Elle s'est surtout concentrée sur toi, donc tu n'as pas noté grand chose, mais peut être quelque chose pour faire un meilleur cache-oeil?

Luculla retint sans vrai succès un soupir de soulagement.
« Ah, je vois...tu sais, ça n'a rien de gênant, surtout si tu n'as jamais vécu en ville pendant de longue période! Et puis...si jamais tu cherches un endroit où te loger, c'est un moment idéal: avec les troubles qui secouent le pays, les prix n'ont jamais été aussi bas! Je peux même t'aider à chercher. Ou si tu préfères, j'ai de la place, en attendant que tu trouves quelque chose. Il y a une chambre à l'étage de la boulangerie que je n'utilise pas. Tu serai près du centre ville...et, disons, de ton travail. » ajouta-t-elle en jetant un coup d'oeil furtif aux tailleuses varisiennes.

Là, c'est un peu comme tu le sens! Mais sa version actuelle est en cuir bon marché et rongé par l'air salé du Vieux Kintargo. Faire mieux ne devrait pas être trop difficile. Mais si tu as d'autres idées, n'hésite pas non plus!

En atteignant le seuil de sa porte, Luculla sembla hésiter un instant. La journée avait été magnifique. En fait, c'en était au point qu'on aurait pu oublier la poigne de fer qui gouvernait maintenant Kintargo. Dans les rues ensoleillées, il flottait encore ce parfum de liberté que les Kintargans affectionnaient. La boulangère se resaisit, et abandonner son idée première, remerciant Caliban pour ce moment et lui faisant promettre de se revoir bientôt.



Samira se montra intéressée autant qu'intriguée par la demande de Caliban.
« Aha! C'est pour la petite boulangère? Je demanderai bien si elle t'a tapé dans l'oeil, mais ce serait sans doute de mauvais goût. Je vais voir ce que je peux faire...tu as une idée ou tu me fais confiance? Enfin...dans l'absolu, je pense que je devrais pouvoir faire ça pour une quinzaine de pièces d'or... »

Elle se pencha vers lui.
« Sincèrement...qu'est ce que tu en penses de Luculla? Tu sais qu'avec ce que nous faisons...S'engager n'est peut être pas prudent? Après, je te comprends, elle est mignonne, mais est ce que tu penses que c'est sérieux? »

Samira resta un instant silencieuse, réflechissant aux paroles de Caliban.
« Je ne mettais pas tes motivations en doute. Je voulais simplement m'assurer que dans le conflit qui nous attends, tu étais conscient des risques d'avoir quelqu'un d'aussi proche. Mais je vois que tu y as longuement réfléchi. Et puis...après tout, je suis simplement une des partisanes de Milani, qui suis-je pour douter d'un de ses meilleurs agents à Kintargo? Crois moi! Je vais faire de mon mieux pour que ce cadeau soit à la hauteur. »
Elle ponctua sa remarque d'un clin d'oeil.

Ne t'embête par pour les vêtements, quelques pièces d'or n'ont pas une grande importance.