Totalement surpris par la prise de parole du dragon, Gravius pensa Ainsi, c'est vrai. Les dragons parlent notre langue ? Qui l'eut crû. Mais qu'Escad vienne de le comparer à un rat multicolore ne va pas arranger les choses si les dragons sont des êtres fiers... Essayons de détourner l'attention.

« Votre taverne ? Est-ce qu'on peut savoir ce qui vous fait dire ça ? Et pourquoi ne pas descendre de là-haut tant que vous y êtes. Je peux sans doute vous offrir un verre si... heu... si vous buvez de la bière ? Je dois avouer que votre présence ici m'intrigue. » Termina l'acteur sur une note qu'il voulait engageante.

Gravius se contenta d'observer ses compagnons répondre pendant qu'il croisait les doigts pour que Blondin et Papi ne commettent pas d'autres impairs. En tout cas, pour l'instant, l'acteur semblait voir une issue non-violente au problème et ce n'était pas pour lui déplaire.

En attendant que la taverne ferme, le dragon se tint tranquille, évitant de jeter ses sortilèges...et le résultat fut rapidement visible. Rinston arrêta presque immédiatement de baîller, et le nombre d'incidents ou le ton monta chuta brutalement. L'électricité qui courait dans l'air s'était quelque peu dissipée...au point que pour la première fois depuis une semaine, la Mâchoire de Fer atteignit l'heure de la fermeture sans bagarre ni altercation.

Le soleil était couché, et les derniers clients sortaient. Le couvre feu approchait, et la taverne allait fermer. Rinston semblait un peu étonné qu'ils soient encore là, et aussi que pour une fois, sa taverne avait atteint l'heure de la fermeture tranquillement.
« Merci! Je ne sais pas comment vous avez fait, mais merci! Hum...Le couvre feu approche, en revanche, mais si vous voulez rester ici, ça ne m'ennuie pas, je vous dois bien ça. »

C'est à ce moment là que le dragon dissipa son sortilège d'invisibilité, provoquant un hoquet étranglé chez le tavernier.
« Ce n'est pas entièrement grace à eux. Vendalfek, pour vous servir. Maintenant, si ça ne vous ennuie pas, je peux savoir quelle est votre proposition, et pourquoi je devrais abandonner ma tanière actuelle?  »

Le dragon...siffla? Cela ressemblait vaguement à une trille au pipeau, mais à en juger par ce qui teintait ses pensées, ce devait être l'équivalent d'un petit rire.
« Je viens de la Taverne du Blaireau Enragé. C'est là que je nichais avant qu'elle ne soit brûlée jusqu'aux fondations. J'ai du me trouver une nouvelle tanière, et je dois avouer que je m'amuse bien, ici! J'ai même pu recommencer à créer mon trésor! Du moment que je peux m'amuser et garder un oeil dessus...et bien, pour l'instant, la vie est belle! Je réitère ma question cependant...qu'est ce qui vous a amené dans ma taverne. »

La bestiole ne manquait pas d'aplomb, c'était certain. Mais son effronterie était excusable. Son foyer a brûlé, après tout. Pour autant, Escad avait suivi l'échange avec une certaine consternation. Ce bidule pouvait-il vraiment être un allié fiable ? Servirait-il à autre chose qu'à faire des farces ? « Dites donc...vous ne croyez pas que Laria aurait son mot à dire ? » lança-t-il à Caliban, avant de s'adresser au dragon. « Ton trésor ? » Escad avait employé le tutoiement tout naturellement. « Si Laria est d'accord, et que tu souhaites nous rejoindre, on t'aidera à transporter ton tas de bric et de broc. »

Dorian s'appliqua à expliquer son plan, les jambes sur la table.

« Les Plumes rouges font d'la contrebande d'alcool au Dragon Bleu, la taverne la plus mal famée d'la ville. J'pense qu'on devrait leur couper cette source d'revenu pour les déstabiliser et parvenir jusqu'à Scarplume qui se terre dans ses taudis. Voilà l'plan :

-On s'habille en garde, on a l'habitude, faudrait qu'on sache qui est l'gars le plus haut gradé et le l'plus raciste pour bien montrer qu'on est pas là pour rigoler, donc ça c'est l'étape un. On trouve l'identité de celui qui pourrait avoir le plus d’intérêt à déstabiliser leur commerce d'alcool.

-On demande à Zéa de nous faire parvenir l'heure à laquelle on risque le moins d'se faire défoncer par une armée de Tief. Son réseau de sans-abri devrait nous permettre de garantir le meilleur moment pour mettre l'étape trois. en place. L'étape deux consiste donc à repérer le terrain le mieux possible grâce au réseau des Sabots fendus.

-On intervient au Dragon Bleu. Déguisé en garde, on a d'l'experience maintenant. Et on met fin à leur trafic. Ou en tout cas on le ralentit assez pour intervenir le lendemain dans la zone de Scarplume. Avec un peu d'chance et le bazar qu'on aura mis entre les gardes et les tief, il sortira ou se montrera plus actif pour qu'on l'intercepte. C'est l'étape trois.  »

Dorian respira un bon coup et dit pour terminer :

« Concernant les Serres. J'pense qu'on devrait rentrer en contact avec eux dans l'avenir. Peut-être grâce à l'aide des soeurs. Si on ralentit les Plumes Rouges. Y aura peut-être moyen d'les mettre dans nos poches pour des opérations à venir. »

Caliban avait écouté attentivement les récits avant d'incorporer ses propres infos et remarques :

« Et une fois qu'ils seront occupés ailleurs, nous pourrions mener une offensive sur la maison Ombrage avec l'aide de nos amis mercenaires. Si nous arrivons à les éjecter de leur quartier général et point d'observation ils perdront en influence et nous pourrons les remettre à leur place.

...


Concernant les uniformes c'est un bon plan, ils ont dupé la milice et la petite noblesse, il ne fait aucun doute que des racailles se feront piéger eux aussi. Le mien est resté ici, je ne sait pas si les autres les ont ramenés chez eux ou si ils ont fait comme moi. »

Escad écouta l'exposé avec intérêt. Le gamin n'avait pas chômé. « Bien joué, Dorian ; beau boulot ! » le félicita-t-il avant d'adopter un ton autoritaire : « Maintenant, vire tes pieds de la table. » Il but une longue lampée de jus de groseille avant de s'adresser à Cornelius. « Les uniformes ? J'ai toujours le mien, Caliban aussi... ne va pas me dire que tu l'as perdu !? » Escad était atterré par le manque de rigueur dont pouvait faire preuve l'acteur.

Escad s'accorda un moment de réflexion, le temps de rassembler ses idées afin de s'exprimer de façon aussi claire que possible. « Ça remonte à quatre ans. Les choses ont pu changer, mais... quand j'étais sergent du guet dottari, il y avait cinq capitaines, tous humains ; un pour chaque quartier de la ville, district verdoyant mis à part. Moi, j'étais posté à Villegre, pas très loin d'ici d'ailleurs. Mon capitaine était Nostra Cetha. Je saurais même pas vous dire si c'est un homme ou une femme, et ça faisait l'objet de bon nombre de paris entre nous. Enfin bon, Cetha venait de Couronne d'Ouest, où il/elle aurait gravi les échelons avec une rapidité fulgurante. Si on pouvait éviter de parler en son nom, ça m'arrangerait; je n'ai pas envie d'attirer l'attention sur moi. »

Restaient les quatre autres. « Le capitaine de Port Yolubilis a changé avec l'arrivée de Barzillai, je crois. Du coup, je ne le connais pas vraiment et je ne peux rien vous dire à son sujet, mis à part qu'il est sans doute loyal envers les Thrune. Hadrix Pictor, au Vieux Kintargo, est une femme dont il y a peu de choses à dire, qui a acquis sa position grâce à son père, gouverneur du Pic du Diable. » Il passa une main dans sa barbe et prit le temps de finir son verre. Il n'était pas habitué aux longs exposés, et il avait peur de perdre ses auditeurs.

« Les deux derniers sont sans doute les plus intéressants. Tiberius Sapiensis, de la Pointe de Jarvis, était un modèle pour beaucoup de gardes kintargans, moi compris. Un vieux de la vieille comme on en fait plus, qui a toujours affiché son mépris d'Asmodéus et sa loyauté envers le Chéliax d'autrefois. C'est un miracle qu'il soit toujours à son poste, et ce serait bien de se souvenir de lui. Sapiensis pourrait peut-être, un jour, faire un allié potentiel. »

« Et puis il y a le capitaine de Toits-rouges... Ulix Pera. Je ne le connais pas personnellement, mais sa réputation le précède. Un type brutal et vicieux, diablement efficace, redoublant d'ingéniosité quand il s'agit de trouver de nouveaux moyens d'infliger la douleur. C'est probablement notre homme. » Escad se tourna vers Dorian et déclara calmement : « Un ancien gosse des rues, d'ailleurs. Ça te donne une idée de ce que tu pourrais devenir si tu continues dans cette voie. »

Laria avait l'air un peu sceptique.
« Je l'aurais contactée par oiseau messager, mais si vous préférez vous y rendre en personne...je ne sais pas si elle pourra nous aider à faire diversion, en revanche, je ne pense pas que les sans-abris de Toits-Rouges veuillent prendre plus de risques...Enfin, c'est à elle d'en juger. Soyez prudents avec le couvre feu! En attendant, je vais voir ce que les Chiens Noirs peuvent faire pour nous aider. »
Elle jeta un regard autour d'elle, et se pencha plus près.
« Et je me demande si notre nouveau compagnon, ce dragon dont le nom m'échappe, ne pourrait pas garder un oeil ouvert pour trouver notre saboteur. Si il se rend invisible, il y a de bonnes chances qu'il puisse le prendre en flagrant délit. »


Victorius, resté silencieux jusque là, hocha la tête.
« Diviser pour régner. Tu devrais émigrer à Galt, Dorian, tu trouverais sans doute un poste au gouvernement! Je vous accompagne, une lame de plus ne sera pas de trop. »

Le Galtan suivit Dorian après avoir salué Laria, attendant les autres à la porte.
« Vous venez? »

Les cinq compagnons souhaitèrent au revoir à Laria, et quittèrent la Longue Route. La haute silhouette de l'Académie Docur projetait son ombre presque jusqu'à eux. L'après midi venait de commencer, mais il allait falloir traverser toute la ville, ce qui prenait une bonne heure. Les rues étaient calmes, surtout dans les quartiers, les étudiants ayant rejoints leurs cours, et les fonctionnaires leurs bureaux.
Le Pont Morne, en revanche, était lui étrangement tranquille. D'ordinaire, les marchands et camelots, ainsi que leurs clients, rendaient la circulation difficile, mais ce jour là, les étals étaient plus épars, les passants, moins nombreux. La taxe de 2 pièces de cuivre pour traverser le pont devait commencer à prélever son dû: les marchands qui n'espéraient pas des ventes décentes ne risquaient pas la dépense.
Malgré tout, la dépense était mineure pour eux, et ils purent continuer leur route sans problème. Les ennuis ne refirent leur apparition que lorsqu'ils entrèrent dans les rues décrépites de Toits-Rouges.

Escad et Dorian ouvrait la voix, le jeune roublard leste comme un chat, et l'ancien garde à peine moins discret en se faufilant dans les rues, entre les déchets et les gravats. Mais leur chance ne dura pas. Gravius, prenant garde à rester dans les ombres, ne vit pas l'obstacle, et trébucha, ce qui n'aurait pas été un problème si Caliban, distrait lui aussi, ne lui était pas rentré dedans. Les deux hommes se retrouvèrent les quatre fers en l'air, entraînant Victorius avec eux. Alors qu'ils se relevaient, contusionnés, mais plus blessés dans leur amour-propre qu'ailleurs, ils réalisèrent sur quoi ils avaient trébuché. Un cadavre dépassait de la ruelle, et c'était son pied qui avait provoqué la chute. Le tiefling était mort, une large plaie sanglante en travers de la gorge.


A ce moment là, une voix s'éleva, forte et assurée.
« Hey, les gars! On a des peau-blanche qui se sont perdus! »
Un trio de tiefling, portant des capes écarlates, et leurs épées tirées, surgirent de la ruelle, derrière une pile de caisses. Leur leader, une tieflinne à la peau rouge vif, les cheveux blancs, leur lança.
« Vous êtes pas dans le bon quartier! Vous vous êtes perdus en route? »

Une autre lui mit un coup de coude, lui indiquant les armes. Les regards se firent plus durs.
« Ne faites pas de bêtises...vos bourses, et tout le monde peut s'en tirer indemme. Personne ne viendra vous aider si vous résistez. »

Modifié par un utilisateur jeudi 5 mai 2016 20:51:27(UTC)  | Raison: Non indiquée