«  Pleinement d'accord. Au stade où on en est, et vu qu'on approche de plus en plus, il faut qu'on resserre les rangs. D'autant qu'ils se sont déjà resserrés seuls, on n'est plus que trois ... »
Il soupira, réfléchissant tout en passant la main dans sa barbe assez dure pour qu'on pense aux poils d'un balais.
«  Je crois aux coïncidences, mais pas aux successions de coïncidences. Commençons par là. »
Les enquêtes et complots l'étonneraient toujours. Nilasa semblait déjà si loin de leurs préoccupations à présent ...

L'ancien soldat nota soigneusement toutes ces informations, et remercia la vieille dame pour son amabilité et son professionnalisme.

Une fois dehors, il sourit. « Des rondes toutes les deux semaines, hein ? Je propose qu'on en fasse une, de ronde. Vu la taille du chantier, et si on ne sait pas que chercher, il y a toutes les chances du monde pour qu'ils fassent toujours le même trajet. Je propose donc justement que nous allions d'abord au commissariat du quartier rencontrer ceux qui s'en occupent, de ces rondes. Histoire qu'on voit ce qu'ils ont l'habitude d'y voir, là où ils passent généralement, et les coins qu'ils délaissent plus ou moins. Et après, on ira y faire un tour nous-même, ça nous dégourdira les jambes. »

Le mage appréciait décidément bien ce vétéran plein de ressources, qui connaissait Flint comme sa poche. Il espérait seulement que le maire, chargé de la construction du tunnel, ne baignait pas dans la combine. Pouvait-il ne pas être au courant d'un aménagement secret sous cette colline ? Près de laquelle il logeait, qui plus est...

Il tacha de mémoriser les plans du tunnel. Ce faisant, il s'interrogeait sur la logique de ce qu'il voyait. D'après ces plans, en sondant ses connaissances d'ingénieur, où donc était-il le plus plausible de dénicher un complexe industriel ?

« J'y réfléchis, Uktar, j'y réfléchis. Quoi qu'il en soit, toujours partant pour une randonnée ! Bon, sous terre, sans le ciel au-dessus de ma tête, je suis tout de même moins enthousiaste. Je me demande... Peut-être devrions-nous éviter de consulter les gardes. Notre visite pourrait remonter jusqu'à des oreilles indiscrètes, et prévenir ainsi nos "ennemis" de notre venue. Si vraiment il y a quelque chose là-dessous, certains pourraient être de mèche avec cette organisation mystérieuse. » Il haussa les épaules. En même temps, si le maire était complice, avoir consulté les plans était déjà compromettant... « Comme vous le sentez. »

Et puis, s'il pensait deviner un emplacement où ils devraient débuter leur recherche, interroger les gardes seraient inutiles.

Jean fit part de ses réflexions au groupe.

Avant de conclure : « Aussi je vous propose de nous y rendre directement. Moins il y aura de personne au courant de notre visite, mieux ce sera. »

Il suivrait cependant la décision du groupe.

« Une entrée discrète serait en effet préférable. Nous repérerons les lieux une fois sur place, avant toute action, je pense. Agissons avec prudence, quoi qu'il en soit. »

Jean n'était pas trop rassuré, à l'approche de l'action. Il était un individu plus proche du savant que de l'aventurier. La présence du vétéran, par son expérience, tout comme celle d'Uktar, un roc sur lequel il pensait pouvoir s'appuyer, le rassuraient. Il se sentait en sécurité. Aussi ne ressentait-il pas le besoin de prévenir sa hiérarchie. Selon lui, garder leur autonomie et une certaine indépendance leur permettrait de conserver une rapidité d'action. Il ressentait une certaine urgence à agir. Son instinct lui soufflait de ne pas perdre trop de temps sur les événements.

l n'était pas très difficile de trouver un coursier. Mais la plupart étaient des adolescents en quête d'argent de poche et il n'était pas garanti qu'ils ne liraient pas le message, si toutefois ils en étaient capables, pour rapporter son contenu à un criminel installé qui se chargerait d'en évaluer la teneur en informations lucratives. Comme les constables étaient parfaitement au courant de ce genre de pratiques, ils prirent le temps de passer par un bureau recommandable, à la frontière du district, avec de la cire à cacheter à disposition. Qui n'avait en effet jamais entendu parler de ces voyous de la guilde des voleurs qui extorquaient des sommes faramineuses aux maris imprudents après avoir porté un message à leur maîtresse? L'un des messages fut donc adressé à Aristide et l'autre à Sindaré, à leurs bureaux respectifs.

Une heure environ après avoir quitté la mairie des Aiguilles, les constables étaient revenus près de la Colline au Chaudron et cherchaient l'entrée du tunnel qui s'en approchait le plus. Ils trouvèrent une large rampe d'accès, dont le parachèvement avait été laissé pour plus tard, ce qui entraînait l'inévitable dégradation d'un ouvrage inachevé et abandonné aux intempéries. La rampe était boueuse et glissante. Sa pente descendante bifurquait soudainement vers l'intérieur du tunnel après une vingtaine de mètres à l'air libre. Un grillage en métal barrait l'accès au tunnel mais la façon dont il était posé permettait de le déplacer sans trop de difficulté. Ce genre de "barrière" n'empêcherait aucune personne déterminée de passer par là.

Après que Vence et Uktar aient déplacé le grillage puis l'aient remis en place, restait le problème de la luminosité inexistante dans le sombre boyau. Si deux constables voyaient suffisamment bien dans le noir pour ne pas s'empêtrer les pieds dans quelque ornière, ce n'était pas le cas du troisième. Or, il y aurait certainement deux ou trois cent mètres à parcourir avant d'arriver vraiment au niveau de la colline. La discrétion n'allait pas forcément de pair avec le confort : quelle approche allaient-ils privilégier?

Vence regarda le trou noir dans lequel ils allaient s'enfoncer. Voilà quelque chose qu'il avait toujours jalousé chez de nombreuses races, cette capacité à voir dans l'obscurité, voire même dans le noir le plus complet. Il hocha la tête, l'air sûr de lui. « Guidez-moi. Je n'allumerai un bâton éclairant qu'en cas de danger. » dit-il en prenant dans son sac ledit objet et en le tenant fermement dans sa main gauche. Puis il commença lui-même à descendre lentement, sa main droite glissant le long du mur de droite, jusqu'à la limite des ténèbres, où il s'immobilisa. « Alors, qui s'y colle pour aider l'aveugle ? » sourit-il, tentant un brin d'humour afin de détendre l'atmosphère.

Obscurité

Modifié par un utilisateur mardi 19 septembre 2017 09:43:40(UTC)  | Raison: Non indiquée

es conduits d'aération ne devaient pas encore être fonctionnels car l'air humide du tunnel prit les constables au nez, ajoutant encore un peu d'inconfort à leur promenade sur sol humide dans l'obscurité. Le dallage au sol ne semblait pas complètement stabilisé, ce qui ne rendait pas la visite plus aisée. Les constables progressèrent prudemment pour ne pas que Vence soit mis en difficulté.

Ça et là, Uktar repéra des traces de passage qui pouvaient avoir été laissées par les patrouilles ou d'autres visiteurs: des traces de semelles et un trognon de pomme - fort récent puisque pas encore mangé par les rats dont les traces de pattes s'apercevaient un peu partout - ainsi qu'un vieux mouchoir souillé.

Des échafaudages d'une stabilité douteuse étaient restés en plan ça et là mais aucun matériel ne traînait. Après avoir déjà bien avancé - il était difficile d'estimer de combien de dizaines de mètres car la vision d'Uktar et Jean ne leur permettaient pas de voir sur de très longues distances - l'oréade remarqua des barres de métal comme posées sur un mur dans un renfoncement qui donnant dans la direction de la Colline au Chaudron. L'oréade pointait tout ce qu'il voyait du doigt pour que Jean donne son avis d'ingénieur, mais cette structure resta un mystère pour le tieffelin. Le métal formait un cadre en arcs de cercles maintenu par un ensemble de rivets en métal encastrés dans le mur. Sa taille devait être approximativement d'un mètre et demi de large sur deux de haut. On aurait dit une sorte de grande fenêtre recourbée qui ne donnait pas sur l’extérieur mais sur le mur en lui-même. Le métal était oxydé, d'après son aspect bosselé. Après l'avoir touché et senti, Jean déduisit qu'il s'agissait de rouille, et par conséquent de fer. Or, le tunnel n'était en aucun cas abandonné depuis suffisamment longtemps pour que cette quantité de rouille soit présente sur le métal.

Ne trouvant rien d'autre de probant à proximité, et n'ayant pas d'autre élément pour savoir à quoi servait cette structure apparemment inutile, les constables continuèrent encore un moment et finirent par atteindre la rampe suivante sans avoir rien trouvé de plus que deux petites loges qui serviraient certainement au personnel d'entretien une fois le tunnel terminé et qui abritaient pour l'instant un mobilier extrêmement sommaire : tabourets et caisses, ainsi que l'une ou l'autre lampe à huile.

Ce tour de reconnaissance avait pris plus d'une heure, ils n'avaient pas croisé âme qui vive.

« C'est toujours très sympathique de se balader dans le noir complet quand on n'y voit goutte... » commenta Vence sur un ton aigre, rageant intérieurement de n'avoir rien trouvé et de ne pas avoir pu contribuer.

« Je suis pourtant certain qu'il y a un truc qui se passe ici. C'est sûrement bien planqué... »

Il réfléchit, tentant de former mentalement le plan des souterrains, et de visualiser l'entrée la plus proche de là où les plaques de métal avaient disparues des bateaux. « Des plaques de métal, bon sang, ça disparaît pas comme ça ! » se mit-il à râler à voix haute.

Le mouchoir n'avait pas d'initiales de brodées par hasard ?