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Offline poulosis  
#21 Envoyé le : dimanche 15 octobre 2017 16:56:04(UTC)
poulosis
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Oradin
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En tant que représentant de l’église d’Abadar sur les routes de commerce et ailleurs, Oradin avait en permanence le souci des apparences. Il se devait de montrer à tous ce que la civilisation apportait en demeurant un parangon de noblesse et de diplomatie, quel que soit son interlocuteur. Cette préoccupation de rester un modèle pour tous constituait un défi de tous les instants pour un nain. Même un nain élevé parmi les humains. Frapper le naturel, il revient au marteau, comme disait son forgeron de père.

Il ne s’était pas senti si mal depuis sa première crise de lupitude, comme il appelait sa malédiction ! Le soir après la Morsure, malgré les soins magiques, il avait bien détecté une chaleur anormale à son bras, en s’endormant. La nuit avait été peuplée de cauchemars sans fin. Des bêtes, tantôt déguisées en homme, tantôt loup, voire les deux en même temps, s’ingéniaient à le courser, pour lui arracher des morceaux de biceps ou de cuisse, lui labourer le visage ou les entrailles. Il s’était réveillé avec un long hurlement de loup. Tout avait été de mal en pis, à partir de cet instant. Il se rappelait comme si c’était hier des visages horrifiés de ses compagnons, alors qu’il tentait de communiquer avec eux, au combat suivant. Enfermé dans un mutisme inquiet, il s’était lâché à son retour à Magnimar. Les tavernes du quartier des docks résonnaient sans doute encore de ses grognements et hurlements, imbibés d’alcool et autres substances hallucinogènes. Son réveil en cellule avait été encore plus rude que ce matin.

Toutefois, dans les circonstances présentes, la tête dans un étau et le regard sous l’eau, espérer garder une prestance digne d’Abadar était perdu d’avance. Il réussit malgré tout à arracher un maigre sourire, avant de marmonner un borborygme incompréhensible tout en se jetant à plat ventre près du bol offert par le chaman. Dire qu’il avait remercié ce maudit sauvage ! La première gorgée, à moitié dans sa barbe, fut comme un courant d’eau fraîche circulant dans ses entrailles. À la deuxième goulée, une tornade souffla sous son crâne, évacuant la pression sur son passage. La troisième chassa les derniers goudrons de fumée de ses poumons. Il sourit béatement, avant de se renverser sur sa couche, les bras en croix, apaisé. Brave sauvageon, finalement…

Peigné et propre sur lui, il retrouva Hakeen pour discuter du voyage vers Baie-de-Roderic. « Bien le bonjour, maître Hakeen ! Désolé pour mon attitude. La rencontre avec le chaman a été des plus... captivantes ! Je crois que j’ai un peu perdu pied. Mais les visions que j’ai reçues confirment ma volonté de me rendre à Gruankus au plus vite. Toute la Varisie est en danger. Si elles s’avèrent juste, et je n’ai aucune raison d’en douter, c’est un culte des plus sombres qui se cache derrière toute cette histoire. Croyez-moi, ça me coûte de le dire, mais l’idéal serait que je trouve un transport maritime pour m’y rendre au plus vite. Mais voyager avec des pirates, groumff ! Je vais tout de même t’accompagner, il est possible que je recueille davantage de précisions sur notre ennemi. Surtout, s'ils sont au courant, il sera intéressant de connaître leur attitude face à cette situation. Qui sait, il existe peut-être parmi ces forbans des gens sensés, inquiets de voir se transformer leur source de revenu en terres dévastées, et disposés à m’aider... »

Modifié par un modérateur dimanche 1 juillet 2018 16:56:53(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline mdadd  
#22 Envoyé le : mardi 17 octobre 2017 22:34:04(UTC)
mdadd
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Comme tout remède issu des concoctions de sorciers ou chamanes, celui-ci était infecte et il avait fallu un gros effort de volonté pour Oradin afin de parvenir à finir le bol – Il fallait souffrir pour être beau – disait l’adage, le serviteur de Torag ne se savait pas aussi laid, même si les nains n’étaient pas un modèle de beauté selon les critères des serviteurs de Shelyn… Une mauvaise nuit remplie de cauchemars, un réveil difficile, l’antidote du shoanti à la peau glabre avait fait son effet. Le prêtre se sentait de nouveau frais et disposé à poursuivre sa quête, même si parfois il y avait quelques vertiges qui troublaient sa vue et faisaient légèrement vaciller son équilibre. Mais il en fallait bien plus pour vaincre la volonté et la résistance d’un représentant du peuple robuste et fier. Serrant parfois les dents pour chasser le moindre voile devant ses yeux ou affermir sa marche et rendre son pied sûr, il était prêt pour suivre le maître marchand dans le repaire des pirates. Ce serait sans aucun doute une rude journée…

Baie-de-Roderic. Harcelée par les Tribus gobelines qui infestaient les Monts Plaies de Brumes, par les bandits de Bois-Grognons ou par les pirates du Golfe de Varisie, le petit port de Baie-de-Roderic avait fini par capituler en faveur de ces derniers il y avait une petite décennie. Après tout la ville avait été fondée par un Corsaire, il était normal que les pirates la revendiquent, surtout après avoir été chassés de Port-Énigme depuis l’arrivée des Mages du Code. Le gouverneur de Baie-de-Roderic était sans aucun doute un de ces anciens seigneurs des mers, pirates bien-sûr, un poste à haut risque et très convoité, donc très difficile à préserver, occupé à ce jour par la capitaine Jess Manche Dorée. Les pirates se servaient désormais de cette ville, comme lieu de commerce pour tous les marchands qui avaient des réticences à rentrer dans Port-Énigme, maintenant surnommée la Cité du Code. Maitre Hakeen précisa que la Gouverneure s’assurait que les pirates touchaient leur part de chaque transaction, sans oublier bien-sûr sa commission. On pouvait assimiler cela d’une sorte de taxe locale comme il en existait sous d’autres formes dans les grandes villes, taxe redistribuée entre les capitaines et seigneurs pirates selon les Lois du Partage des marins. Ainsi la Gouverneure avait la plus grosse part, puis les seigneurs pirates se taillaient une bonne part du butin et enfin les capitaines de moindre envergure se partageaient le reste. Pour pouvoir prétendre à une part, un capitaine devait être inscrit dans le registre de la Gouverneure et donc être reconnu parmi les pirates. Oradin dut bien reconnaître qu’il y avait donc une sorte de législation à Baie-de-Roderic qui régissait le commerce, même si celle-ci était assez en écart avec la Loi du Commerce divulguée par le Gardien du Premier Coffre-Fort.

Un petit groupe avait quitté le campement pour gagner la petite ville portuaire : Maître Hakeen, Oradin, trois varisiens dont le chef de caravane et un associé ulfe du maître marchand. Après une petite vingtaine de minutes de marche, ils arrivèrent en vue des habitations et de la grande palissade de rondins taillés en pointe en haut pour former une protection contre les attaques terrestres. Étant donné sa situation géographique, encaissée à l’embouchure de la Chavalie qui descendait des Plateaux de Storval au Nord, les Monts Plaies de Brume et Bois-Grognons au Sud, la ville était surtout ouverte sur le Golfe de Varisie et son accès terrestre était assez restreint. Toutefois, Baie-de-Roderic était le passage obligatoire pour traverser la Chevalie grâce à son bac, certes payant, mais qui permettait aux caravanes de passer. Sinon il fallait remonter loin dans les terres des shoantis pour trouver un guet, ce qui faisait un détour considérable. Le Bac était extérieur à l’enceinte de la petite ville, mais la taxe de passage était bel et bien incluse dans les accords de commerce locaux. Les trois varisiens et l’associé ulfe se séparèrent du petit groupe ici pour aller négocier le passage de la caravane varisienne où les ulfes avaient leur part à payer, tandis que Maître Hakeen et Oradin poursuivaient vers la porte gardée qui se découpait dans la palissade – « Il y a un droit d’entrée par personne. Moins on est nombreux, moins c’est cher » - commenta le marchand

Du reste, celui-ci se présenta aux gardes de faction, des hommes qui avaient plus l’air de matelots attifés d’un uniforme de milicien aux couleurs de la ville, qu’à de véritables soldats. Hakeen avait prévenu Oradin que les matelots étaient habitués à se battre, guère étonnant pour des pirates, et donc faire la veille et le quart à la coupée des bateaux à quai revenait à monter la garde à l’entrée de a ville, comme ici. Mais c’étaient avant tout des forbans à n’en point douter et il fallait tout de même se méfier de leur loyauté envers leur capitaine. Ici c’était évidemment la Gouverneure. Il présenta donc Oradin comme étant son associé et ils venaient pour affaires avec des contacts locaux. Mettant la main à la bourse, Maïtre Hakeen avait glissé deux pièces d’argent dans la main du milicien qui avait parlé en premier et ce dernier les laissa passer sans poser plus de questions ou faire de problèmes, même si les deux miliciens avaient lorgné sur le nain des pieds à la tête plusieurs fois. Le duo entra enfin dans la petite ville portuaire. La plupart des maisons étaient faites de bois, de rondins ou de planches, et comportaient pour certains plusieurs étages. Des cheminées de pierre, d’où sortait une épaisse fumée noire, servaient à repousser le froid mordant de l’hiver et la fraîcheur qui persistait pratiquement toute l’année. Il y avait beaucoup d’animation, comme si la vile elle-même était une grande taverne ou bordel où chaque maison serait une table différente ou une alcôve différente où attendaient des prostitués aux tenues criardes et extravagantes. Au milieu de cette effervescence, plusieurs marchands occupaient des étals à même la rue sur des planches en bois parfois recouvertes de nappes en tissus épais et protégés par un toit de tente. Rares étaient les devantures de bâtiments appartenant à des magasins, des échoppes ou autre. On avait l’impression que tout se passait dans la rue, les tables des tavernes, les étals des marchands, etc. et que les maisons étaient simplement des lieux pour dormir la nuit une fois tout le matériel de valeur rangé ou caché.

Le duo se fraya un chemin dans les artères principales de Baie-de-Roderic, au milieu des équipages venus faire escale et dépenser leur maigre solde le temps d’une cuite, d’une passe avec une prostituée ou encore le temps d’une bagarre avec un autre équipage rival. Les rues étaient peu entretenues et ressemblaient à des pistes de boue puante et collante, remplies de détritus qui faisaient le bonheur des rats et d’ornières remplies d’eau croupie où pullulaient des nuées de gros moustiques noirs. Elles allaient en descendant vers le port où on voyait une forêt de mâts et gréements se dresser et occuper une surface peut-être plus grande que la petite ville elle-même. Quelques rares poteaux en aciers surmontés de lampes-tempêtes formaient un cordon étiré qui marquaient les artères principales depuis l’entrée terrestre jusqu’au port. Très espacées, la nuit elles devaient laisser de nombreux coins d’ombre propices aux coupe-jarrets. Hakeen et Oradin marchaient la tête baissée pour forcer le passage, il était impossible de ne pas regarder où on mettait les pieds sans risquer de glisser ou de heurter un détritus ou encore de mettre le pied dans un trou. Par ailleurs, la foule incessante favorisait une avancée plutôt en force forçant les gens à s’écarter, plutôt que de tenter d’esquiver chaque individu dans un slalom chaotique et hasardeux, peut-être tout autant que les réactions imprévisibles des habitants et locaux qui pour certains titubaient la bouteille de tord boyau à la main.

Hakeen

Visiblement, Hakeen savait où il allait, il n’avait pas besoin de se repérer, ce qui n’était pas le cas d’Oradin qui s’était rapproché de lui et le suivait comme son ombre. Toutefois, malgré les cris incessants, l’animation continue, il était clair qu’il y avait une grande tension qui planait sur Baie-de-Roderic. Parfois celle-ci éclatait pour un simple regard de travers ou une bousculade un peu trop appuyée et finissait en un affrontement sanglant où les armes sortaient systématiquement plutôt que de régler ça aux poings comme il était courant dans les bagarres de comptoir. Aussi, Hakeen qui devait sans doute s’en être rendu compte lui aussi, avait ralenti l’allure et prenait parfois le temps de s’écarter d’un groupe plutôt que de continuer à avancer tête baissée. Il avait la main sur la garde de son épée et invita Oradin à rester près de lui et de se tenir constamment prêt à se battre – « il n’y a pas vraiment de notion de meurtre ici. Il est courant qu’un affrontement se termine par la mort d’un ou plusieurs individus sans que cela entraîne forcément l’intervention du Guet et que des personnes soient condamnées. D’ailleurs il n’y a pas de Guet ici, chacun s’occupe de sa propre défense. Nous allons voir un marchand que je connais et qui a pignon sur les quais. C’est un emplacement de choix mais l’accès depuis la porte terrestre est difficile. Surtout que là ils ont tous l’air sur les dents… »

Modifié par un utilisateur dimanche 1 juillet 2018 16:57:07(UTC)  | Raison: Non indiquée

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Offline poulosis  
#23 Envoyé le : samedi 21 octobre 2017 00:11:32(UTC)
poulosis
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Oradin
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Encore un peu vacillant par moment, Oradin devait fournir beaucoup d’efforts pour suivre son compagnon aux foulées bien plus longues. Heureusement que la foule ralentissait l’allure de ce dernier, sans trop retarder la sienne propre. Sa maîtrise de la technique du renversement lui facilitait la vie, en l’occurrence. Et s’il ne mettait pas à terre ses vis-à-vis, il savait les écarter sans ménagement. Il ronchonnait encore, après la tentative de maître Hakeen de le persuader que les pirates avaient mis en place une sorte de droit commercial. Ils obéissaient à une seule loi : l'argent ! Point à la ligne. Ils étaient surtout des être sans foi, ni loi autre que celle qui servait leurs propres intérêts. Parcourir les rues de cette cité révélait leur mentalité décadente. Quelle dépravation que de contempler ces marchandises humaines outrageusement exposées à tous les regards ! Une législation pirate ?! Un vol en bande organisée, plutôt ! Sans même évoquer la provenance de la marchandise !

Oradin était écœuré par cette ville qui n’en avait que le titre. L’entretien laissait totalement à désirer, maugréa-t-il en pensée, tout en évitant une ornière, manquant alors de glisser dans la boue. Les rats disputaient aux moustiques le titre de nuisible de l’année. Au moins les rongeurs avaient-ils leur utilité, en débarrassant les rues de quelques détritus... Tout paraissait vulgaire : les crapules déguisées en soldats, les prostituées et coupe-jarrets, les soiffards titubant. Même un renifloir bouché trouverait l’odeur entêtante. L’insécurité était criante : des bagarres à tout bout de champ, des meurtres impunis et le guet invisible. Et que dire de la sécurité extérieure, avec une simple palissade de rondins de bois en guise de fortifications ! Les barbares savaient mieux vivre ensemble que ces habitants. Au moins, ils avaient des principes respectables, eux. Ils étaient autonomes. Les puissants à la tête de cette cité étaient juste des parasites suçant le sang des bonnes sociétés qu'était le commerce, sans rien laisser aux inférieurs.

Ronchon, le nain l’était, à ce moment précis. Ce n’était pourtant pas dans ses habitudes. Les derniers événements avaient été plutôt éprouvants. Les décès de trop nombreux amis avaient dégradé son humeur d’ordinaire plus joviale. En outre, se sentir aussi mal dans son corps n’était pas dans ses habitudes. Abadar y veillait et ses bienfaits le protégeaient de nombreux maux. Aucune maladie ne pouvait ainsi entamer sa robuste constitution. L'énergie divine traversait ses mains pour soigner aussi quelques états de santé désagréables. Du reste, peut-être aurait-elle pu chasser ces maudits vertiges qui perturbaient encore son esprit et ralentissaient de temps en temps sa marche forcée. Mais son cœur noble préférait garder ses grâces à l’attention des blessés, encore nombreux dans les rangs de la caravane.

Le nain grogna : « notion de meurtre inconnue ?! Au moins, si un de ces forbans part en enfer, ou je ne sais quel maudit royaume divin proches de ses convictions, personne ne me cherchera des poux ! » Enfin, le premier sourire de la journée apparut sur son visage. Trempé dans l'ironie et le sadisme. Même un paladin pouvait trouver le mal séduisant, dans cette cité. « On pourrait ralentir, déjà, et juste suivre le flux. Je me demande pourquoi l’atmosphère est si tendue... »

Modifié par un modérateur dimanche 1 juillet 2018 16:57:20(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline mdadd  
#24 Envoyé le : mardi 24 octobre 2017 22:11:36(UTC)
mdadd
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Serrant les dents, maugréant parfois lorsqu’un contact était un peu plus rude qu’un autre, Oradin ne saurait dire s certaines bousculades étaient provoquées et volontaires ou pas et par réflexe il portait régulièrement la main sur ses armes ou ses possessions ne serait-ce que pour voir si elles étaient toujours en place et pas dans la main d’un éventuel pick-pocket. Sa facilité à renverser ses ennemis lui permettait de se frayer un chemin plus facilement qu’à un autre qui aurait de courtes jambes comme lui. Il palliait ainsi à la différence de taille avec maître Hakeen qui avec son gabarit de colosse du grand nord avait finalement plus de peine à se frayer un passage lorsque la foule était plus dense. Plusieurs fois ils furent obliger de recourir à quelques mouvements de bras et baffes pour écarter un insistant ou un ivrogne titubant qui manquait de s’effondrer sur l’un d’eux et au final, à force de coups de coudes, d’épaules et de patauger dans la bouillasse, ils parvinrent enfin en vue des quais marquant ainsi la fin de cette partie du périple. Le marchand marqua un court arrêt comme pour faire un tour d’horizon avec le regard, puis il hocha la tête et s’enfonça dans la jungle de la foule des quais. Entre les marins qui profitaient de leur escale, les gros bras qui déchargeaient ou chargeaient les navires, ; les marchands ambulants qui gravitaient partout en quête de l’objet rare ou d’un acheteur providentiel, d’une milice toute aussi vilaine que les pirates qui prenait soin de récupérer la taxe de la gouverneure et tout simplement les badauds allant du gamin des rues au vieillard édenté qui ne manquaient pas de trainer partout et de se mêler de tout, il y avait du monde qui fourmillait sur les quais. Ca bougeait beaucoup, ça allait vite, un véritable capharnaüm bien loin des structures carrées et réglementées du port de Magnimar ou d’un port de guerre comme celui d’Augustana en Andoran.

Comment pouvait-on s’y retrouver dans un tel chaos ? Oradin pouvait se laisser aller au désespoir tellement il était dépité, mais pas un vaillant nain paladin du Gardien du Premier Coffre-Fort comme lui ! Serrant les dents et carrant les épaules, il suivit le marchand ulfe qui finalement semblait savoir où il se dirigeait. Quelques heurts et évitements plus tard, ils se retrouvèrent à marcher sur une sorte de dédale de pontons et quais flottants qui délimitaient un labyrinthe de canaux où tanguaient barques et canotes qui se mêlaient aux embarcations un peu plus grandes qu’étaient les bateaux de pêche. L’odeur du poisson pas toujours frais était omniprésente et cette fois les rats se battaient contre les chats pour s’approprier les restes de poisson et arrêtes encore à rogner, dans un spectacle digne des gladiateurs d’arènes. Parfois plusieurs rats s’associaient pour combattre te repousser un gros chat de gouttière au poil rêche et hirsute, lorsque ce n’était pas une bande de chats malingres au poil râpé qui se battaient contre des gros rats bien dodus ou une autre bande de chats tout aussi affreux. Quant à ce qu’il se passait dans l’eau, mieux valait ne pas tomber, des remous apparaissaient parfois lorsque quelque chose avait le malheur de plonger et en général rien ne remontait flotter à la surface… Remontant son écharpe sur le nez afin de filtrer les odeurs de marée, Hakeen s’avança enfin vers un cabanon ouvert sur les quais qui devait donner sur une ruelle en partie arrière. Mais la devanture de cet étrange « magasin » s’ouvrait bien sur le ponton et un étal barrait l’accès en arrière-boutique. Différentes choses trainaient sur une nappe bigarrée de pourpre et de noir, allant de la breloque sans doute récupérée dans la cabine d’un bateau conquit par les pirates à des pièces d’accastillage permettant d’effectuer sans doute quelques réparations suite aux dommages provoqués par les abordages.

L’arrière-boutique était une sorte de pièce de stockage contenant plusieurs caisses et tonneaux, ainsi que des pièces de gréement comme des rouleaux de cordage ou des grands rouleaux de toile qui devaient sans doute permettre de réparer voire remplacer des voiles. La luminosité était plutôt faible dans cette partie de boutique, l’éclairage étant simplement formé par une pauvre lanterne suspendue qui grinçait sur son support au gré du vent et qui fournissait une faible lumière rougie à travers ses vitres salles et ternies. Oradin n’avait guère besoin de lumière pour distinguer les personnes assises sur des caisses en fond de boutique, elles étaient quatre et devraient sans doute être là pour la protection du grand échalas qui s’était avancé derrière l’étal pour accueillir les visiteurs. L’humanoïde devait approcher les six pieds et était en soit un colosse. Les épaules larges, un visage carré au front fuyant de par son ascendance monstrueuse et sa mâchoire prognathe qui laissait ressortir deux crocs d’une bouche large et grasse. Le demi-orque était habillé en forban avec un pantalon court qui s’arrêtait aux mollets et qui paraissait usé, à la tunique courte rayée et sans manche, les pieds nus, il portait une barbe brune hirsute et fournie tout comme sa tignasse qui se dressait sur sa tête. Faisait-il partie de ces gredins qui embarquaient sur des rafiots et attaquaient les navires ou était-ce un marchand qui habillés comme eux lui permettait d’avoir de meilleurs rapports avec eux afin d’écouler leur marchandise ? Pour sûr, sa marchandise n’était pas de première main, mais elle avait le mérite d’être en bon état visiblement et donc de pouvoir contenter un second voire troisième propriétaire.

Hakeen s’approcha de lui. Visiblement ce dernier le reconnut et ouvrit sa large bouche, bavant légèrement et montrant davantage sa bestialité dentaire dans ce qui devait ressembler à un sourire – « Hakeen ! Espèce de vieux bandit ! Encore en train d’écumer les routes et à détrousser les honnêtes gens ! » – Ce à quoi l’interpelé répondit avec la même emphase et le même sourire – « Grudd ! Espèce de pirate ! Encore en train de piller les navires et à terroriser les honnêtes gens à ce que je vois ! » – Les deux hommes s’empoignèrent vigoureusement comme s’ils allaient rentrer en lutte ou quelque chose du genre, à moins que ce soit un début de bagarre. Ils avaient l’air aussi fort l’un que l’autre, même si le demi-orque avait l’avantage de la taille et la carrure. Puis après quelques secondes ils se regardèrent après quelques empoignades et se mirent à rigoler pendant de longues secondes. Hakeen et Grudd se décalèrent sur une extrémité de l’étal, laissant tout loisir à Oradin d’admirer la marchandise voire de l’explorer sous toutes ses coutures. Le marchand ulfe et le revendeur demi-orque échangèrent quelques mots qu’eux seuls pouvaient entendre, sans doute dans un langage étranger. Les consonances paraissaient assez abruptes mais elles n’étaient pas gutturales comme le langage orc qu’Oradin savait reconnaître même s’il ne le comprenait pas. C’était sans doute un dialecte assez proche de celui que le maître marchand utilisait parfois avec ses comparses ulfes le soir à la veillée sauf quand Oradin était là, car pour rester courtois avec le nain, ils reprenaient la langue commune afin qu’il comprenne la conversation. Puis au bout de quelques instants, Hakeen fit signe à Oradin d’approcher et lui confia à vois ténue – « Grudd voit tout et entend tout ce qu’il se passe à Baie-de-Roderic. Et comme nous l’avons ressenti en traversant la ville, c’est très tendu en ce moment. D’après lui, il y a eu plusieurs naufrages sans explication dans le Golfe de Varisie. Certains ici pensent que c’est dû au fantôme de Roderic, le corsaire qui fonda la ville, pour d’autres à des opposants au pouvoir établi et enfin pour d’autres encore, il y aurait la présence d’un navire fantôme qui sillonnerait le Golfe et attaquerait tous les navires qu’ils soient marchands ou pirates, comme une vengeance aveugle sur tout ce qui flotte. Les princes pirates et capitaines de navires sont très inquiets et suspicieux envers tout le monde et la ville pourrait vite devenir le théâtre d’affrontements sanglants. Si tu as des questions ou des requêtes, tu peux faire confiance à Grudd. Il trouvera les réponses et les solutions… Enfin parfois il faut mettre la main dans la bourse bien-sûr… Tout est négociable ici. Les marchandises comme les renseignements et les services. Mais n’ait crainte, je veillerai à ce que ce vieux forban n’exagère pas dans ses tarifs ! »

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Offline poulosis  
#25 Envoyé le : vendredi 27 octobre 2017 12:41:01(UTC)
poulosis
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Oradin
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Oradin regrettait presque de s’être laissé convaincre de ne pas abandonner son armure au camp de la caravane. Abandonner aurait été le mot juste, car pour lui, elle était aussi importante que n’importe quel compagnon, voire davantage. Elle l’avait sauvé de nombreuses morts certaines, en interceptant un coup mortel qu’il n’avait pu esquiver. Sa fidélité était sans faille. En outre, c’était un cadeau de son paternel, qui l’avait forgée lui-même. En ce sens, il la considérait comme une sœur partageant la même parenté. Une de ses sœurs aimantes et protectrices. Ses semblables n’étaient guère handicapés par le port de cet équipement. Harnaché de pied en cap ou nu comme au premier jour, il avançait toujours à la même vitesse, aussi ne lui avait-elle jamais pesé. Même la nuit, dormir avec elle n’était pas un obstacle. Le soir, avant de se coucher, il priait Abadar de lui accorder un repos réparateur. Ses vœux étaient toujours exaucés et il pouvait ainsi conserver son harnois pour dormir paisiblement, baigné dans la magie divine de sa foi. Lorsqu’il était sur la route, au milieu de nulle part, se réveiller déjà vêtu d’une épaisse seconde peau pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Bien sûr, en ville, il se permettait de la quitter. Dans une telle promiscuité, en digne représentant de son église, il se faisait toujours un devoir d’apparaître sous son meilleur jour, et ne pouvait donc se permettre de laisser quelques effluves dégrader son image. Or il avait bien essayé, un soir d’estomac glougloutant de bière et de tête légère, de se laver avec, mais la tentative s’était révélée infructueuse. Voire même dangereuse. Car déjà, se redresser le matin exigeait un effort soutenu, même pour sa force exceptionnelle, alors depuis le fond de la baignoire remplie d’eau... C’était un miracle d’avoir reçu de l’aide. Mais il y avait toujours quelqu’un pour vous aider, en ville. Gloire à Abadar !

Ainsi n’avait-il pas ôté son armure depuis bien longtemps. Mais dans l’épisode “je traverse un labyrinthe de planches instables et glissantes d’humidité, au-dessus d’un infâme cloaque révulsant, aux remous inquiétants”, il fallait bien dire que la présence de sa frangine lui apportait quelques sueurs froides. Car le moindre faux pas le ramènerait dans la situation du fameux bain. Sauf qu’ici, dans cette ville aux airs de taudis infesté de prédateurs, il valait mieux tenter de remonter en marchant au fond, qu’espérer attendre une très hypothétique aide extérieure. Au moins ce passage eut-il le mérite d’étouffer ses bougonnements, pour se concentrer un peu plus sur l’endroit et la façon où il posait ses semelles de marbre. Plus calme, il se fit la réflexion que venir jusqu’ici sans tout son barda se révélait payant. Cette décision n’avait ainsi offert aucune opportunité aux pickpockets des rues de cette ville. Comment en effet voler sa bourse ou fouiller son sac quand il n’y en avait pas ? Ensuite, s’il venait à disparaître au fond de ces eaux saumâtres, son équipement profiterait à la valeureuse communauté de voyageurs. Ceux-ci l’avaient mieux accueilli en leur sein que ses propres frères de l’église d’Abadar, depuis sa malédiction. Ce serait sa dernière satisfaction que de leur léguer cet héritage, aussi maigre soit-il. Qui sait, peut-être que la petite qui avait perdu sa mère et à qui il avait déjà donné une médaille, voudrait conserver ses outils pour sculpter des choses, à son tour ? Cette pensée le rasséréna et amena un sourire sur ses lèvres. Ses parents le tannaient gentiment pour qu’il s’établisse en ville une bonne fois pour toute, et bâtisse un foyer avec une femme. La question de la famille et du clan se posait toujours, et plus encore chez les nains sans doute. A fortiori pour des nains isolés dans une grande cité humaine. Mais Magnimar était son foyer, il s’y sentait à l’aise, y avait sa famille et ses amis. Sa foi prenait encore beaucoup de place dans son quotidien. Il avait toujours la bougeotte et aucun désir de s’installer n’avait titillé son esprit. Aussi la possibilité de laisser ses effets à ses braves gens le réconfortait. Même si cela perturberait sans doute ses parents. Il faudrait qu’il leur explique, à son retour, d’ailleurs.

Ainsi devisait-il avec sa frangine, qui lui répondait de ses habituels grincements de cuir et crissements de métal, lorsqu’enfin, lui et Hakeen parvinrent chez son ami. Il écarquilla les yeux en découvrant la nature de son interlocuteur. En fils de cité humaine, Oradin n’avait pas hérité de la haine des orcs, si courante chez ses semblables des montagnes. Il ne put cependant masquer son malaise à approcher de si près un consanguin des pilleurs de ville qu’étaient les orcs. S’ils n’étaient plus que des ennemis historiques pour lui, ils n’en restaient pas moins des destructeurs redoutables de toute civilisation. Il serra le manche de sa hache, sous la pelisse prêtée par Hakeen, et orienta son attention sur les quatre autres occupants de la boutique. Sans les scruter trop longtemps, pour éviter de provoquer leur colère, il détailla leur attitude et leur équipement. Il aurait bien invoqué la vision de son dieu, pour analyser leur âme, mais préférait éviter de les scruter trop longtemps et provoquer leur ire. De toute façon, ses hommes étaient forcément de moralité douteuse, comme tous les habitants de cette ville. Tout comme la provenance de leurs marchandises, du reste. Il devait donc s’attendre au pire.

Après leur rituel et petite discussion, Hakeen l’invita enfin à se joindre à la discussion. Il jeta un coup d’œil nerveux au dénommé Grudd, avant de répondre de sa voix rocailleuse, en le fixant dans les yeux. « La vision qui m’a été confiée prévoit un grand cataclysme sur la région. Une menace redoutable a pris naissance à Gruankus. Les morts se relèvent et se propagent comme une épidémie. Si on ne les arrête pas, c’est bien plus que la Varisie qui pourrait en pâtir. Il me faut aller là-bas au plus vite. J’aurais besoin d’un navire et d’hommes pour effectuer la traversée, mais n’ai pas grand chose à offrir. Ceci dit, le pirate qui sera capable de ramener le calme dans la Baie ne gagnera-t-il pas en prestige ? Au point de briguer un poste important, à mon avis… Si vous pensez que personne ne me suivra, peut-être pourriez-vous m’apporter quelques informations sur ce lieu ? »

Face à des ennemis, le plus sûr était de rester sur son terrain. Oradin avait donc choisi la vérité, en exposant la nature du danger, et la confiance, en Hakeen et à son ami, malgré ses aprioris.

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#26 Envoyé le : mercredi 1 novembre 2017 16:13:23(UTC)
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Durant le discours d'Oradin, plusieurs fois le demi-roque avait serré les mâchoires, faisaient saillir ses pommettes anguleuses. Il regardait parfois en arrière vers les quatre forbans assis sur les caisses et plusieurs fois il fit un signe discret de la main au nain pour qu'il baisse d'un ton afin de parler moins fort. Le serviteur d'Adabar put remarquer du reste qu'au début de son discours, les quatre hommes avaient arrêté leur partie de dés et semblaient mine de rien tourner leur attention vers ce qui se disait au comptoir. C'était sans doute la raison pour laquelle Grudd et Hakeen s'étaient mis à l'autre bout histoire de mettre le plus de distance possible entre eux et les quatre hommes.

A la fin du discours, le demi-orque enchaîna aussitôt tandis qu'il saisissait des objets sur le comptoir. II les montra à Hakeen et Oradin et commença à vanter leurs mérites, essayant même de les leur vendre tout en essayant de les persuader qu'ils faisaient une affaire - « Mais tu sais bien Hakeen que je ne garde que les meilleures pièces pour toi. Regarde cette lame. Sa forme courbe et la teinte de son alliage font tout de suite penser à une origine osirienne. Il y a des gravures près de la garde et le pommeau est incrusté de pierreries. C'est sans aucun doute un cimeterre de grande qualité, tu en tireras toute satisfaction en le maniant ou tu en tireras un très bon prix en le revendant dans le Nord. Je suis sûr que dans les grandes cités, certains collectionneurs amateurs d'exotisme paieraient cher pour cette arme. J'ai entendu dire qu'à Korvosa il y avait un noble... La maison Arkonas il me semble... Regardes, ce n'est pas de la camelote que je te propose là ! »

Grudd

Pendant plusieurs minutes, le marchand ulfe et le revendeur demi-orque semblèrent tenir un discours de négoce sur divers objets qui dénotaient des breloques sur le comptoir. Grudd semblait y mettre du cœur à l'ouvrage et plusieurs fois il se déplaça parmi les caisses en arrière boutique pour sortir encore un objet "extraordinaire" et le proposer à Hakeen ou même Oradin pour une somme qu'ils ne peut trouver concurrence. Petit à petit les quatre olibrius se semblèrent se désintéresser d'eux et reprirent leur partie de dés, ayant sans doute assez d'entendre Hakeen rechigner devant les objets et les dévaloriser afin d'en tirer des prix au plus bas jusqu'à provoquer un air outragé du demi-orque - « ta proposition est presque une insulte maître Hakeen ! Nous ne serions pas amis, je t'aurais réduit à l'état de pulpe pour faire des offres pareil ! »

Finalement, Hakeen céda quelques pièces d'or au demi-orque pour l'acquisition de deux pièces de superbe soierie sans doute récupérées d'un navire marchand vudrain et dont la négociation fut assez rude. Tandis que le demi-orque déposait les deux rouleaux d’étoffe sur le comptoir, il se pencha vers le nain et glissa à voix basse - « Soyez demain à l'aube près de l'embarcadère du bac à l'entrée de la ville. Il y a un vieux pêcheur du nom de Dugham. Soyez prêt à partir sur le champ... Avec une bourse de 50po. »

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#27 Envoyé le : mercredi 1 novembre 2017 17:22:55(UTC)
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Oradin avait bien sûr baissé d’un ton. Il n’avait pourtant pas eu l’impression de parler si fort, mais il est vrai que sa voix était grave et portait loin. En tout cas, cette attitude le rassura sur les intentions de ce demi-orque. S’il voulait dissimuler aux ruffians qui jouaient derrière, l’aide qu’il comptait apporter à sa propre mission, c’est qu’il n’avait pas un mauvais fond, contrairement à la provenance de sa camelotte. A priori, s’il restait dans cette ville dépravée, ce n’était pas par conviction de partager une espèce d’idéal de liberté illusoire, lequel ressemblait surtout à une vaste mystification, en l’occurrence. Il aurait bien aimé savoir ce qui retenait le receleur dans ce repère de pirates. Prendre le temps de discuter avec lui autour d’une chope, pour découvrir son histoire.

« Comment ?! » Devant les gros yeux inquiets de son interlocuteur, il se reprit aussitôt et baissa d’un ton, pour répondre sur la même intonation que lui. « C’est aimable de votre part, Grudd, et je l'accepterais bien volontiers. Hélas, je ne dispose pas de cinquante pièces d’or. Je vous l’ai dit, je n’ai rien à offrir d’autre que la volonté de débarrasser ce golfe d’une terrible menace. Tout juste dispose-je de deux pièces, qui risque d’être englouties si je repasse les portes de la cité… Ou bien...  » Il prit une inspiration, qu’il relâcha très vite. « J’ai quelques talents pour soigner des blessures en tout genre. Peut-être puis-je profiter du reste de la journée pour gagner ce pécule en offrant mes services, à un endroit que vous me conseilleriez ? La sortie de tavernes qui distribuent autant de gnons que de boissons, par exemple, ou auprès de femmes molestées par leur client, ou... enfin voyez... Les gens de qualité peuvent bénéficier de soins magiques, mais pour le commun des mortels, ce service est beaucoup moins accessible. Pour une modique somme, avec les nombreux accidentés que doit connaître cette ville violente, je pourrai éventuellement compléter mon offre. »

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#28 Envoyé le : mercredi 1 novembre 2017 22:24:42(UTC)
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Hakeen

Le marchand ulfe posa une main ferme sur l'épaule d'Oradin puis une autre sur l'avant-bras de Grudd, soufflant tout bas - « C'est entendu pour 40 po pas une de plus. Paiement à l'aube » - Puis d'une voix plus forte - « Allez maître nain ! Il va falloir emporter ces étoffes avec toute la délicatesse que la soie l'exige. » - Le temps de la négociation était révolu. En moins de temps qu'il ne fallut pour le dire, le dévot d'Adabar se retrouva chargé des deux rouleaux de tissus, chacun devant sans doute peser facilement une vingtaine de livres et étant assez encombrant. Le demi-orque les avait emballés dans de la toile afin de les protéger des agressions extérieures, puis Oradin et Hakeen étaient repartis du stand toujours par le chemin précaire des pontons flottants jusqu'à atteindre les quais puis la traversée infernale de la ville.

Le marchand ulfe ouvrait la marche, écartant sans ménagement ceux qui gênaient leur progression et ne disait mot depuis qu'ils avaient quitté le demi-orque. Son attitude avait changé, il était tendu et avait constamment la main sur la garde de son épée, lorsque ce n'était pas sur le manche de sa hachette de l'autre côté. Il regardait régulièrement sur les côtés et profitait de regarder la progression du nain derrière lui pour scruter aussi dans cette direction. Derrière, Oradin n'avait pas le temps de souffler. Il devait porter les deux rouleaux avec le plus grand soin possible d'une part et suivre le rythme rapide imposé par le marchand ulfe et ce dans une ville en effervescence, une jungle urbaine chaotique au sol pourrissant et chargé d'obstacles. Le retour serait un véritable calvaire, pire qu'à l'aller et Hakeen semblait avoir fait vœu de silence au moins jusqu'à la sortie de la ville, voire jusqu'au campement de la caravane.

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#29 Envoyé le : jeudi 2 novembre 2017 15:52:40(UTC)
poulosis
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Oradin
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10 kgs sur chaque épaule n’étaient guère un souci pour le paladin. Sa race était naturellement robuste pour porter des charges lourdes sans même ralentir. Et lui-même était un exemplaire plutôt costaud. Aussi là, c'était un peu comme s'il avait des épaulettes en plus sur son armure. Ces charges lui rappelaient l’époque où déjà, adolescent, il suivait son père sur les foires pour vendre ses boucliers, armes, armures et ustensiles en tout genre, munis des outils pour réparer et affûter les lames, et transportant tout ce fatras sur l’épaule pour l’installer sur l’étal. Peut-être était-ce depuis ce temps qu’il appréciait ce mélange douceâtre d'odeurs métalliques et huileuses. Le souvenir d'une époque où il se sentait aimé et protégé par le cocon familial. Son père était un forgeron respecté et aussi une force de la nature, qui l'avait toujours inspiré. Sa mère servait Folgrit. Une femme douce, généreuse et aimante. Oui, il avait eu une enfance heureuse. L’image d’une gueule baveuse et fétide interrompit ses rêveries, déclenchée par l'immonde pestilence du chien sauvage rôdant à ses pieds. Il ne se détourna pas d’un iota et la bête pouilleuse couina en s’écartant, la queue entre les jambes.

Levant les yeux, il contempla le dos du colosse qui lui dégageait la route. Le marchand avait perdu une partie de sa famille et des compagnons très chers. Pourtant, il poursuivait sa vie, droit comme un i face à l’adversité, comme devant la foule. Cet homme avait décidé de payer pour qu’il continue sa mission. Selon quels principes ? Pourquoi l’aidait-il ainsi ? Était-il un fidèle d’Abadar, choisissant de soutenir un servant du dieu tutélaire de son activité principale, pour s'acheter une place dans l'au-delà ? Ou agissait-il en tant que frère d’armes, qui avaient combattu et survécu ensemble ? À moins que la perspective d'une région dévastée par la non-vie soit sa seule préoccupation. Peu lui importait, dans le fond. Oradin était bien tombé, en voyageant dans sa caravane. Il remercia silencieusement le Juge des Dieux pour sa clémence. Personne ne faisait attention à eux, dans cette foule, à part en tant que proie. Mais ils auraient bien tort de s’attaquer à lui… et à son ami.

« Maître Hakeen… Je vous remercie pour votre aide. Je ferai en sorte de créditer votre compte, à la banque d’Abadar. Vous en avez bien un, n’est-ce pas ? » Il laissa quelques secondes passer, avant de poursuivre. « Et qu’avez-vous, à la fin ? On dirait que nous sommes poursuivis par des loups ? Il m’étonnerait que ces forbans soient très intéressés par quelques rouleaux d’étoffe, si ? »

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#30 Envoyé le : dimanche 12 novembre 2017 23:48:02(UTC)
mdadd
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La course se poursuivit malgré la requête d’Oradin. Le marchand Ulfe continuait comme si une mouche l’avait piqué ou qu’il craignait quelque chose et pourtant il ne desserra pas les dents jusqu’à ce que le duo fût enfin sorti de la ville et qu’ils furent à quelques encablures des portes et de leurs sentinelles. Il ralentit un peu l’allure, ce qui permit au prêtre de se mettre à sa hauteur. Hakeen semblait toujours soucieux mais i se détendait à chaque pas et il se permit même un commentaire tandis qu’il regardait parfois en arrière – « Parce que nous étions en danger maître Oradin, dévot d’Adabar. Dès l’instant où nous faisons montre de posséder de l’argent ou que nous ayons des marchandises précieuses, comme ces soieries fort coûteuses, nous somme la cible des malfrats qui pullulent dans ce bouge qu’ils osent appeler ville. Je sais qu’il y a plusieurs factions, ici. Les partisans de la Gouverneure qui se permet de taxer la moindre transaction de commerce, les quatre hommes en arrière-boutique en faisaient partie. Dès l’instant où un marchand dresse son étal, les hommes de la Gouverneure s’installent pour surveiller la moindre vente et prélever ainsi directement la taxe. C’est de l’extorsion pure et simple, mais c’est le prix pour être protégé et assurer son commerce. Et puis i y a autant de factions que d’équipages pirates qui ne sont pas contre un petit vol en règle su le moindre individu semblant montrer de l’intérêt pour eux. Quand on parle d’intérêt, quelqu’un qui a des bourses biens remplies, qui a des signes extérieurs de richesse ou qui transporte des marchandises ayant une valeur non négligeable. Deux ballots de soie représentent plus que ce qu’un matelot peut gagner en 1 an de piraterie. Alors il ne faut pas traîner dans ces cas-là, croyez-moi maître nain. »

« Pour ce qui est du compte, oui j’ai un compte an Grand Coffre, comme tous les marchands. Mais vous ne me devez rien. Si votre action permet de rendre le Golfe plus sûr pour les navires marchands, alors ce sera bien plus que ce que je vais payer pour vous demain matin. Grudd fait partie d’une organisation appelée les Yeux de la Nuit. Lui et ceux de son ordre s’étendent dans toutes les villes bordant le Golfe et sont en quelque sorte des sentinelles. Vous pourriez en être, maître nain. La particularité de ces personnes est d’avoir une faculté concernant leur vision. Il y a ceux qui voient dans le noir, comme vous et Grudd et ceux qui voient dans la nuit comme les demi-elfes. Il s’agit de rester vigilent et de faire passer des messages, afin de prévenir toute apparition ou développement de l’Ombre. Et quand je parle d’Ombre, je parle de forces malveillantes, la piraterie n’en fait pas partie, mais par contre cette histoire de bateau fantôme qui sillonne le Golfe de Varisie et sème mort et destruction même parmi les pirates, oui. Baie-de-Roderic est au bord de la guerre civile. Les Yeux de la Nuit ont rapporté aussi de l’agitation à Port-Énigme. Je pense que ça ne tardera pas à gagner Ponte-Sable voire Magnimar. Je ne sais pas au juste ce que fomentent ces dévots de l’innommable Déesse Pâle, mais ça ne présage pas un avenir glorieux, ce qui est très mauvais pour tout le monde et le monde du commerce. Alors demain je paierai votre transport jusqu’à Gruankus, ce sera ma façon à moi de contribuer à faire cesser tout ça pour le bien du commerce, de mon commerce aussi par là même. »

Chemin faisant le duo fut rattrapé par les caravaniers varisiens qui étaient partis négocier leur passage au Bac et ensembles ils regagnèrent le campement pour une nouvelle veillée remplie des chants et danses folkloriques des gens du voyage qui permettait d’animer les soirées et égayer les cœurs même les plus tristes. Le souvenir de l’attaque et des morts était bien présent dans les esprits, mais il fallait aller de l’avant et ne pas regarder en arrière. Ce qui s’était passé était immuable et l’avenir restait incertain. I fallait avancer et pour le moment, profiter de l’instant présent. Shoantis, Ulfes, Varisiens, tous se retrouvaient devant des grands feux et chacun partageaient leurs chants, danses, repas, boissons…

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Offline poulosis  
#31 Envoyé le : vendredi 17 novembre 2017 02:46:17(UTC)
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Le paladin fut heureux d’échapper enfin aux miasmes putrides de ce lieu fétide, indigne d’être sauvegardé parmi les trésors d’Abadar. Toutefois, les explications d’Hakeen, quant à son ami et les Yeux de la Nuit, le réconcilièrent quasiment avec l’endroit. Il songeait déjà à écrire un rapport sans concession au sujet de Baie-de-Roderick, destiné à sa hiérarchie. Aussi la présence d’un groupe de veilleurs en son sein adoucit son humeur. Des gens de bonne moralité subsistaient encore dans ce cloaque. Non seulement cela, mais ils se souciaient des autres et avaient endossé un rôle de protecteur. Peut-être existait-il un moyen de s’appuyer sur leur présence pour redorer le blason de cette cité ? Bon, Oradin était un idéaliste. En tant que bras armé d’Abadar, il n’était pas non plus qualifié pour orienter la stratégie de son église. Il se contenterait donc de remonter l’information. Quoi qu’il en soit, cette organisation pourrait éventuellement l’aider davantage dans sa mission actuelle, qui sait ?

Il demanda à son ami si le pêcheur chargé de sa traversée du golfe jusque Gruankus appartenait aux Yeux de la Nuit, selon lui. « Je me demande qui dirige une telle société. Quel mode de fonctionnement elle a adopté ? Comment ses membres communiquent-ils ensemble, par exemple ? Se connaissent-ils tous ? Comment y postule-t-on ? Enfin, je ne compte pas y entrer dans l’immédiat, mon dieu réclamant déjà toute mon attention, mais une coopération est tout à fait envisageable. »

C’était sa dernière soirée en compagnie de la caravane. Brinquebalé dans le chariot, au départ de ce voyage pour chasser des pirates en milieu hostile, il n’aurait pas misé une pièce là-dessus, et pourtant, il se sentait bien parmi ces gens. Tous l’avaient accepté tel qu’il était, et traité avec respect. Ils avaient partagé tant de moments, soudés dans les plus difficiles comme dans les plus heureux. Assis non loin d’un feu rougeoyant, Oradin profitait de son ultime soirée dans ce convoi de tolérance. Nul doute que l’équipage suivant serait moins chaleureux, mais il n’y songeait pas du tout, en cet instant. Serein, il partagea une chope, puis quelques autres encore, avec Hakeen et ses ulfes. Si bien qu’en les quittant, la bonne humeur aidant, il rejoignait des varisiennes pour participer à leurs danses. Malgré toute sa concentration, chacun dans l’assemblée put constater qu’Abadar n’enseignait pas la danse; En tout cas pas varisienne. Non, plutôt maritime, le pas chancelant, tout ça... Cela les fit beaucoup rire. Toute la communauté lui paya un coup. Les sensations de l’expérience chamanique toute récente se rappelèrent à son bon souvenir, déboulant par vaguelettes déstabilisantes. Il sut alors que le moment de se coucher approchait, ou il apâterait les poissons le lendemain.

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#32 Envoyé le : samedi 25 novembre 2017 17:18:53(UTC)
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La soirée se prolongea tard dans la nuit ; Les varisiens avaient ce chic pour transformer une veillée en une nuit replie de chants et de danses folkoriques toutes plus endiablées et colorées au rythme des flammes qui dansaient dans les grands feux de camp et des musiques des divers instruments, que ce soient les tambours traditionnels shoantis, les flutes, violes de gambe et luths varisiens, les voix et chants se perdaient au milieux des bruits de grelots qui ornaient les robes rouges et ors des danseuses varisiennes qui ondulaient autour des feux telle des tigresses envoûtées. Il était difficile de décrocher le regard, comme s’il y avait une certaine magie hypnotique dans ces danses, chants et musiques. Les futs d’alcool se vidaient, ici une danseuse venait saisir la main d’un spectateur pour l’entraîner avec son foulard orné de grelots dans une danse que seuls, les hommes varisiens pouvaient suivre, mais cette nuit, c’étaient aussi les ulfes et les shoantis qui même s’ils n’étaient que des barbares, étaient invités et… maladroits.

Oradin termina assez tard avant de se retrouver de nouveau dans une tente le nez contre sa couverture. IL n’était plus très sûr de la fin des évènements durant la soirée, ni à quel moment il avait réussi à prendre congé et à tituber jusqu’à sa couche. Avait-il été aidé ? Il ne s’en souviendra pas de toutes les façons et quelle importance cela avait du reste. Demain matin à l’aube, il prendra congé des shoantis, des varisiens et même des ulfes et il sera sans doute balloté dans une barcasse de pêche toute la journée, luttant contre les nausées et la crainte ancestrale que les nains nourrissaient pour cette masse mouvante et chaotique qu’était la mer. Ca non, les nains n’étaient pas faits pour naviguer sur les océans, mais bien pour avoir les deux pieds bien ancrés au sol. Le dévot d’Adabar se laissa bercer par les bruits lointains où la fête se poursuivait à l’extérieur de sa tente, il rejoignit très vite le monde de Desna, les rêves, les cauchemars, une mer agitée, des nuages sombres, un bateau fantôme, cette fumée verte, des lacédons, des éclairs, une tempête…

Oradin avait encore envie de dormir lorsque Maître Hakeen vint le réveiller. Dehors il faisait encore sombre même si le prêtre pouvait apercevoir une légère nuance dans le ciel étoilé. L’aube allait paraître, il n’avait plus beaucoup de temps avant de regagner l’embarcadère du Bac de Baie-de-Roderic. Le marchand ulfe déposa une grande bourse rebondie près du dévot – « la maigre contribution de la Guilde Marchande afin de rétablir les voies maritimes du commerce dans la Baie de Varisie. C’est ici que nos routes se séparent Maître Oradin dévot d’Adabar. Nous levons le camp ce matin et il y a beaucoup à faire. J’espère que nous nous retrouverons un jour sur les routes du commerce. Je ne manquerai pas de prendre de vos nouvelles à chaque fois que je passerai au Grand Coffre de Magnimar. Ce fut une belle et heureuse rencontre et je ne regrette en rien de vous avoir eu comme allié durant le périple qui nous a conduits jusqu’ici. Le Maître du Premier Coffre-Fort veille sur vous comme il veille sur les marchands et les routes du commerce. » - Il tendit une main franche et ferme au nain avant de retourner très vite aux préparatifs de départ de la caravane varisienne.

Lorsqu’Oradin fut prêt à partir, équipement sur le dos et bourse bien remplie en poche, les shoantis avaient déjà disparus, ne laissant rien derrière eux. Ils avaient certainement emporté leurs morts afin de les enterrer ou plutôt dresser leurs cairns sur les terres sauvages et arides de ces barbares. Les caravaniers varisiens et les marchands ulfes étaient à pieds d’œuvre pour plier les tentes, ranger tout le matériel, atteler les chevaux, aligner les charriots, distribuer un copieux repas car le prochain serait dans de longues heures, bref tout le monde savait ce qu’il avait à faire et s’y activait avec ardeur, une effervescence que connaissait Oradin depuis le début du voyage. Lui sa route partait dans l’autre direction, vers la ville ou plutôt l’entrée de la ville. Il fit ses adieux aux caravaniers et aux marchands avant de partir sans se retourner vers sa destinée. Désormais il serait seul, enfin pendant un temps avec ce vieux pêcheur dont avait parlé le demi-orque, puis une fois au cœur de la tempête, il ne devra compter que sur lui-même face à ce bateau fantôme et ses faiseurs de morts-vivants.

Les nains marchaient toujours d’un pas plus court que les humains, mais toujours régulier et sans s’arrêter, ce qui faisait au final des marcheurs endurants que beaucoup avaient du mal à suivre. Lorsque les premières constructions furent en vue, Oradin sut immédiatement qu’il arrivait prochainement au terme de son voyage terrestre. Sur sa droite, une construction ressemblant à une ferme fortifiée marquait m’endroit où se trouvaient les pontons de l’embarcadère du Bac permettant de traverser a rivière. Les caravaniers allaient passer par là, sans doute dans une petite heure voire deux. Le nain serait déjà loin alors. Il s’approcha des pontons, sans trop se soucier e l’activité que les quais jouxtant la cour intérieure de la ferme. Seul le mur en arcades séparait la cour des quais, mais il était possible de fermer les arcades par des herses et ainsi protéger la cour et les occupants de la ferme d’éventuels assauts extérieurs. La ferme en elle-même était constituée de plusieurs bâtiments, un corps de ferme assez grand avec des dépendances permettant sans doute de stocker des charriots, du matériel, des marchandises, des animaux, etc. Quant au bâtiment principal, il devait servir de ferme-auberge, d’habitat pour les propriétaires et les ouvriers du Bac et sans doute aussi de bâtiment administratif pour les transactions avec le bac. Celui-ci était représenté par 4 grandes barges à fond plat permettant chacun de supporter un grand charriot et son attelage. Sur les autres pontons, quelques bateaux de pêche se préparaient à partir. Les marins s’activaient pour charger les filets et le matériel pour une ou plusieurs journées de navigation. Généralement ils partaient pour 2-3 jours avant de revenir les caisses pleines de poisson frais et frétillants pour la criée locale.

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#33 Envoyé le : vendredi 1 décembre 2017 02:14:03(UTC)
poulosis
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Le paladin répondit aux paroles d’Hakeen par la phrase rituelle de son dogme, après toute proclamation, prière ou autre acte solennel. « Ainsi soit jugé. » L’air jovial, il ajouta, en tâtant la bourse qui pendait à sa ceinture, « ceci nous aidera tous. », le deuxième aphorisme habituel de l’église d’Abadar lorsque l'on recevait un cadeau. « Surtout, votre accueil a été formidable et je partage le plaisir de notre rencontre. J’aurais tellement voulu faire davantage pour vous. Sachez que je veillerai à faire fructifier votre investissement. Si vous avez d’autres ballots à transporter, pensez à moi ! » enchaîna-t-il, le regard malicieux, en s’esclaffant et en tendant son bras en guise de salut, pour lui saisir l’avant-bras à son tour. « Qu’Abadar remplisse vos coffres et protège vos voyages. J’aurai grand plaisir à vous revoir, sur la route ou dans un temple. » Puis il avait été trouvé la petite, qui le regardait souvent travailler ses pièces de métal au coin du feu. Il lui confia les quelques outils de base, qu'il avait fabriqués chemin faisant, dans ses moments de liberté. « Ce ne sont que de modestes ustensiles, mais ils pourront accompagner tes premiers gestes. Peut-être deviendras-tu une artiste, qui sait ? Tu resteras dans mon cœur, marmouse. Entretiens la flamme qui brille en toi et puisse Desna te sourire. »

Oradin parvint à une colline dominant le campement. Il s'arrêta pensivement. Se décidant enfin, il saisit Durirak, le gigantesque marteau qui reposait entre ses épaules, et renforçait encore sa carrure massive. Durirak avait plusieurs significations, en langue naine. Marteau-loup était la plus simple et traduisait à la fois le concept du propriétaire, le marteau du loup, et le genre du marteau, le marteau qui hurle comme un loup. On pouvait aussi le comprendre comme le loup qui écrase. Il était fier de son arme typiquement naine, l'aboutissement des nombreuses années de formation passées auprès de son père, le fruit de dizaines d'heures de travail passées à le forger dans les meilleurs métaux, puis à le sculpter. Le marteau était un objet magnifique. Il racontait les passages clés du premier siècle de vie du nain. La ville de sa naissance, ses parents, son premier amour, Abadar, le chaman shoanti, tous y figuraient, sous une forme ou une autre. Et bien sûr, sa malédiction. Ses deux bras tendus firent tournoyer la magnifique œuvre d'art et le marteau chanta. Un trou sculpté dans sa tête mastoc canalisait l'air, produisant un hurlement de loup à faire blêmir les plus intrépides des hommes. Quiconque l'entendait était saisi aux tripes, et ressentait la peur primale de la proie cernée par une meute de prédateurs affamés, hurlant sous la lune. C'est ainsi qu'il salua une dernière fois les varisiens et toute la caravane.

Parvenu face à la mer, il jeta un regard résigné sur la mer. Son odeur puissante, portée par le vent du large, réussit ce que le froid du matin n'était parvenu à faire : lui serrer le ventre et déclencher un frisson qui se propagea dans tout son dos. La promesse d'un océan de tourments pesait davantage sur ses os que tout son imposant barda. “Près de l’embarcadère… un vieux pêcheur… Dugham”, avait dit Hakeen. En d'autres circonstances, il se serait arrêté à la ferme pour se restaurer copieusement. Mais l'ami d'Hakeen avait précisé "dès l'aube", aussi ne s'attarda-t-il pas. Leste comme une roue de moulin, la silhouette trapue du nain avançait vers les barques des pêcheurs. Il cherchait du regard un homme qui pouvait correspondre au seul indice dont il disposait sur son physique : un homme âgé. Il héla celui qu’il jugeait le plus ancien. « Salut, mon brave ! Je cherche un certain Dugham. »

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#34 Envoyé le : lundi 11 décembre 2017 19:53:50(UTC)
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Avançant sur le quai parmi les pêcheurs en train de s’affairer pour l’appareillage, Oradin recherchait quelqu’un d’un âge avancé, un vieux loup de mer sans doute, un de ces hommes à la peau parcheminée avec peut-être un menton en galoche, des yeux tellement ridés et plissés qu’on pouvait se demander s’ils étaient ouverts ou fermés, des cheveux blancs et filasses, peut-être encore plus rares, une pipe en bouche ou en train de chiquer et donc cracher un long jet noirâtre sur une cible invisible tout en montrant une dentition jaunie irrégulière avec de nombreux manquants et enfin un vieux bonnet en laine qui avait fait son temps. Ca courait de partout dans tous les sens, les patrons de pêche criaient des ordres aux matelots qui accouraient le plus vite possible tels des chiens bien dressés, ne voulant pas être celui qui ferait manquer la marée à son maître, on chargeait des filets, des caisses en bois, des tonneaux, du matériel de réparation comme des planches, des scies, des marteaux ou des clous ou encore un calfat qui venait vérifier l’étanchéité des bateaux avec sa fibre de lin ou de chanvre et son badigeon de brai, cette substance puante, visqueuse, collante épaisse et noire qu’il fallait chauffer pour la ramollir, bref ça travaillait dur déjà alors que le soleil commençait à peine à darder ses rayons sur les eaux due la rivière qui finissait sa course dans la baie du Golfe de Varisie.

Le jeune nain commençait à questionner les uns et les autres, se faisant souvent bousculer par des matelots très pressés qui ne lui répondaient pas. Il trouva son salut chez un calfat qui, de son badigeon dégoulinant manquant d’éclabousser le serviteur d’Adabar de la tête aux pieds, désigna un bateau à un mât qui rentrait dans la catégorie des moyens parmi la flotte de pêche. Autour bien-sûr de l’agitation mais très peu de cris d’un éventuel capitaine. Se frayant un chemin sur le quai puis le ponton, Oradin se servit amplement de sa capacité d’évitement et de bousculade pour avancer dans ce tumulte jusqu’à enfin apercevoir un vieillard assis sur un tonnelet près de la barre sur le gaillard arrière du bateau. L’homme était la caricature tant attendue, tenant une pipe à long tube et tout petit foyer d’une main et une canne de l’autre, une canne d’un bois noueux et tortueux dont il se servait pour frapper le pont du bateau de plusieurs coups qui semblaient être suffisants pour donner des ordres étant donné la promptitude des gamins autour à exécuter une tâche. Le bateau avait une grille au centre du pont principal, ouverte, elle permettait aux matelots d’y engouffrer du matériel et du fret. Le gaillard arrière était juste une surélévation par rapport au pont principal permettant de laisser un espace dessous pas plus haut que 3 pieds et dans lequel les matelots engouffrèrent des filets bien pliés et de nombreux cordages roulés en bobines plates (lovés). Tirant quelques bouffées de sa pipe, le vieil homme frappait la cadence avec sa canne, un œil fermé, l’autre ouvert, comme s’il visait quelque chose. Il avait l’air de ne rien manquer aux manœuvres de chargement, marquant son accord ou désaccord par des coups plus ou moins appuyés sur le pont.

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#35 Envoyé le : mercredi 13 décembre 2017 02:09:48(UTC)
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Oradin grommelait encore à propos de ce viandar goudronneur qui avait failli ternir irrémédiablement son armure impeccable. Il en avait calanché pour moins que ça ! Heureusement pour sa vie, l'impudent n’avait propulsé aucune goutte de cette aberration naturelle jusque lui. Il approcha le creux de son coude à portée de son visage, y plongeant sa barbe imposante pour inspirer à fond en son sein. L’odeur du bon métal amoureusement entretenu emplit ses poumons, chassant pour un temps l’odeur entêtante du poisson. Sa raison savait pourtant que la pêche n’avait pas encore eu lieu. Mais son imagination ne l’écoutait pas et s’opposait à elle, une nouvelle fois. Tous ces bateaux qui s’apprêtaient pour la curée lui imposaient une suggestion trop puissante, pour qu’elle n’impose pas à sa sœur ennemie ce fumet de flasquaille écœurant, lequel avait bercé leur hôte bien malgré lui, une partie de son enfance. On ne pouvait ignorer les effluves de ces immondes bestioles écailleuses et froides, lorsque l’on vivait à Magnimar, une cité portuaire ouverte sur la mer.

Une deuxième raison pour l'épargner, le bouche-trou l’avait mené à destination, face à laquelle il s’arrêta, stoïque. Il saisit de ses mains calleuses l’intérieur de la cavité supérieure de sa hache passée à son ceinturon, formée par les deux larges lames incurvées en forme de papillon et dont les pointes se rejoignaient presque. Le duvet fauve qui recouvrait ses doigts épais s’agitait en tous sens, contrairement à ses lourdes tresses rouille, bien serrées par des anneaux gravés dans un métal gris mat, qui se balançaient uniquement lors des épisodes venteux les plus soutenus. Indifférent au souffle de Gozreh, le nain contemplait le capitaine de ce navire. Un vieux débris aussi inquiétant que son rafiot. Il devait être aussi ancien que lui, ce qui représentait un âge canonique, pour un humain. Abadar ! Je vais confier ma vie à ça ?! La foi n’était pas toujours rassurante et suivait des méandres chaotiques. Au moins, l’homme savait ce qu’il faisait, contrôlant chaque activité à son bord depuis son poste surélevé. En outre, son autorité semblait intacte. Il exhala un soupir de résignation puis héla le bonhomme, lui demandant la permission de monter à bord.

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#36 Envoyé le : mercredi 27 décembre 2017 19:13:02(UTC)
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Le vieux marin donna un coup un peu plus fort sur le pont. Aussitôt les jeunes matelots cessèrent leur ballet incessant et s’immobilisèrent, tandis que le patron de pêche rivait son regard sur Oradin – « Et qui le demande…. Mmmh hein ? » – Sa voix n’avait rien d’amical, il semblait contrarié et les matelots avaient soudain le regard fuyant lorsque le nain tentait de les regarder pour y lire leurs intentions. Il y eut un instant de silence qui devint vite pesant et pourtant autour les autres bateaux continuaient leurs préparatifs et donc il y avait foison de cris et de bruits qui se mêlaient aux rires des mouettes, fort nombreuses par ici. Cela ne dura sans doute qu’un battement de cil, mais c’était déjà bien trop long selon les goûts de certains.

Finalement le vieil homme désigna un coin du pont avec le bout de sa canne – « Vous vous posterez là et n’y bougerez pas tant que nous serons à la manœuvre. Vous mettrez votre barda dans l’entrepont avec les aussières et autres matériels. Je sais que les nains et les bateaux ne font pas souvent bon ménage. Je vous conseille de retirer votre armure, on nage beaucoup moins bien avec ça sur le dos et je vous conseille aussi de toujours tourner la tête vers la poupe quand vous nourrirez les poissons… » - Il tapota deux fois sur le pont avec sa canne et se tourna vers les matelots – « Corne de bouc ! Vous attendez quoi, chiabrenas ! Pas question de rater la marée, mordiable ! » – La phrase et les jurons n’étaient pas encore terminés que les matelots, qu’ils soient jeunes ou vieux, malingres et de robustes gaillards, se précipitèrent pour continuer leur travail sans protester, comme si leur vie en dépendait. Oradin eut tout juste le temps de grimper par la coupée, sentant déjà le sol devenir mouvant à chacun de ses pas, il ressentait les mouvements de roulis et de tangage du bateau dès l’instant ou quelqu’un montait dessus ou en descendait ou tout simplement s’y déplaçait.

Plusieurs minutes s’écoulèrent encore avant qu’un autre ballet chasse le précédent. Quatre matelots restèrent à bord : deux rudes gaillards à la peau burinée qui devaient avoir eu un passif plutôt sombre lorsqu’on voyait leurs tatouages et les blessures que l’un d’eux arborait, ils devaient avoisiner la trentaine. Le troisième était un jeune adulte qui ne devait pas avoir eu un passif de piraterie. Pourtant il avait le pas sûr et ses deux aînés avaient l’air de le laisser diriger la manœuvre. Enfin il y avait un gamin d’une douzaine d’année qui ne semblait pas être maltraité même s’il était assez maigre, selon les critères nains. Parmi les matelots qui avaient chargé le bateau de pêche, une demi-douzaine était restée sur le ponton, aidant à la manœuvre en écartant le bateau avec des gaffes ou en larguant les amarres avant que celles-ci soient lovées dans l’entrepont. Le vieux marin s’était levé et avait calé le tonnelet qui lui servait de siège. Il se plaça devant la barre et commença à donner ses ordres sans crier, contrairement aux autres patrons de pêche – « Le bègue à la barre ! Cul de jatte à la voile ! Bidou dans le mât ! Œil d’aigle à la sonde ! » – Et chacun s’exécuta. L’un des aînés saisit la grande barre à pleines mains tandis que le gamin grimpait en haut du mât avec une agilité de singe, l’autre aîné commença à hisser la grand-voile à grand efforts sur un cordage qui passait dans des poulies tandis que le jeune homme se plaçait à la proue avec une longue cordelette roulée en boucles à laquelle pendait une sorte d’obus en plomb.

Autour d’eux, les autres bateaux prenaient aussi leur élan et y allaient de la manœuvre d’appareillage. Très vite toute une flottille de voiles envahit toute la largeur de la rivière et s’élançait vers la mer à des allures plus ou moins rapides suivant la taille des bateaux et la surface de leur voilure. Dugham maintenait une allure plutôt modérée mais il se positionnait tout de même dans le groupe de tête, une dizaine de bateaux. Oradin pouvait sentir le bateau pendre de la gite et de la vitesse à mesure qu’il descendait le courant de la rivière, sentant chaque embardée et lame de fond qui venait taper la coque, entendant le bois craquer, les cordages grincer et se tendre, les poulies parfois protester sous la tension mais quand même faire leur office, la voile avait claqué au départ mais à présent elle semblait maîtrisée. Le jeune homme à la proue plongeait souvent le plomb et laissait filer la cordelette, avant de la remonter et de compter les marques. Parfois il levait la main ou gauche et dépliait un ou plusieurs doigts. Aussitôt, le vieux marin reléguait un ordre au barreur – « tribord doucement » – ou encore – « bâbord 30 » – ainsi qu’au gamin redescendu du mât et à l’aîné qui était avec lui – « relâche 2 coudées » – ou – « tendez 1 coudée » – ce qui avait un effet immédiat sur la gite, l’allure et la route que prenait le bateau. Visiblement tous les bateaux se livraient à cette manœuvre étrange, sans doute pour éviter des hauts fonds, récifs, bancs de sable ou autres dangers.

Il fallut peu de temps avant de quitter la rivière et de rejoindre la mer du Golfe de Varisie. Le passage était tumultueux. Les courants se croisaient et formaient remous et vagues qui provoquèrent des mouvements de roulis et tangage en plus de la gite provoquée par la force du vent. La flottille de pêcheurs s’étiola dans le Golfe, chacun rejoignant sa zone de pêche plus ou moins secrète connue seulement de chaque patron de pêche. Dugham comme les autres savaient où aller et c’était un savoir qu’il ne transmettrait probablement qu’à son descendant ou successeur, s’il en avait un. Comme à l’accoutumé, il prit la direction du Nord et le bateau faisait grand-voile pour filer à toute allure, laissant derrière eux Baie-de-Roderic et les autres bateaux de pêche. Sur le pont, le jeune pilote avait quitté la proue pour venir aider le mousse et le matelot à ranger les aussières et à déployer les filets. Ils les étalèrent sur le pont en plusieurs bandes. Le vieux patron de pêche regardait l’horizon, le ciel et la grand-voile, la main posée sur un cordage qui prenait sa source en haut du mât, passait dans une poulie du bastingage et s’enroulait autour d’un tourillon sur lequel s’était activé plusieurs fois celui qui répondait au doux sobriquet de Cul de jatte pendant les manœuvres. Après avoir fait plusieurs vérifications, Dugham relâcha le bout et ordonna la mise en eau des filets, tâche à laquelle s’attelèrent les marins aussitôt, ce qui provoqua des mouvements de roulis et de tangage à mesure que les filets plongeaient et provoquaient de la traîne, avant que le tout finisse par se stabiliser – « Vous pouvez vous relever, maître nain. Le seul danger qui vous guette désormais, c’est de passer par-dessus bord si le bateau fait une embardée. Alors ayez toujours une main pour vous et une main pour le navire. Le bègue, aujourd’hui on garde la Cap et on serre la côte. »

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Offline poulosis  
#37 Envoyé le : samedi 30 décembre 2017 20:02:59(UTC)
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À peine sur le pont, il s’étala de tout son long. Ses semelles de marbre avaient grand peine à accrocher le pont en bois, humide de rosée matinale. Aucune meurtrissure sur le corps, bien sûr : son armure le protégeait efficacement d’une simple chute de toute sa hauteur. Mais sa fierté, c’était autre chose… Jurant dans sa barbe, d’une façon peu digne d’un chevalier, il se releva en agrippant le bastingage. Moitié marchant, moitié patinant, il fit ensuite le tour jusqu’à atteindre l’endroit indiqué par le capitaine, fixant attentivement le sol devant lui, les jambes arqués et le cul en arrière, les mains crispées sur le garde-fou. Enfin parvenu à destination, il s’assit et, ignorant ostensiblement les regards de l’équipage, qu’il imaginait aisément moqueur, il descendit son sac de son dos pour en retirer une paire de bottes, avant d'enlever celles qu'il portait. Elles échangèrent leur place, la version magique prenant l'emplacement prévu dans son paquetage, et la version classique se glissant à ses pieds. Il en profita pour retirer sa corde.

Oradin avait plusieurs raisons d’obéir à Dugham. Déjà, ne disait-on pas que le capitaine était le seul maître à bord, après les dieux. Or il ne serait pas dit qu’il bafouerait l’autorité légitime ! Ensuite, l’ancêtre n’était pas un jambon, ou alors, un jambon bien salé (désolé, Dugham signifie jambon cru, alors forcément, je n'ai pas résisté, hahaha !). Il était l’expert, sur le bateau. Le paladin n’était pas suffisamment idiot pour l’ignorer, ni même fier au point de lui refuser cette vérité élémentaire. Enfin, il avait déjà manqué de tâcher irrémédiablement sa magnifique armure, alors ce n’était pas pour l’exposer maintenant aux embruns. Toutes ces argumentes concourraient à suivre le conseil de Dugham et enlever son armure. Et pourtant, hors de question pour lui de l’ôter. Car l’humain ignorait sans doute la relation particulière entre Oradin et son armure. Il n’allait tout de même pas se dévêtir en public ! Son amour-propre en avait déjà pris un bon coup derrière la caboche, impossible de se retrouver entièrement nu devant tout le monde. Ça, non !

Le nain utilisait depuis longtemps un système pour protéger son équipement de la pluie. Dugham avait raison de dire que les nains et l’eau ne faisaient pas bon ménage. Encore moins un armurier nain. Oradin était un roc ambulant. Rien sur lui, ou presque, qui ne soit minéral. De ses bottes à son heaume, en passant par son armure, sa ceinture et ses armes. Rien ou presque qu’il n’ait fabriqué lui-même, puis assisté son père pour les enchanter. Or l’eau était l’ennemi privé numéro un. C’était elle qui grignotait peu à peu les terres, creusait dans la roche les lits des rivières et amenait la rouille. Une horreur. Aussi devait-il s’en protéger, à tout prix. Il avait donc intégré à son sac une toile huilée qu’il pouvait déployer sur lui et l’ensemble de ce qu’il transportait, en un tour de main. L’eau de pluie perlait ainsi dessus, rendue aussi inoffensive qu’une étincelle contre un tablier de forgeron.

Il se redressa et s’employa tant bien que mal à dérouler son système anti-pluie. Puis, à l’aide de la corde précédemment sortie, il s’attacha au bastingage, s’entourant le tronc avec, tout en passant alternativement dans les barreaux et anneaux à portée. Il avait choisi le coin à l’écart de tout cordage, désigné par le capitaine. Ainsi, solidement arrimé, il s’appuya sur la garde-fou des deux mains, la mine satisfaite. « Finalement, la mer, ce n’est pas si terrible ! »

Au fond de lui, un grand vide s’était néanmoins creusé. Il ne sentait plus la terre sous ses pieds. Celle qui lui donnait l’énergie de vivre, le socle inamovible sur lequel s’articulait son existence, sa source régénérative. Toute cette eau lui donnait le tournis. Chaque embrun qui s’abattait sur sa toile cirée lui provoquait des frissons de répugnance. Il sentait déjà le goût infect de l’eau de mer dans sa bouche. Le sel s’incrustait peu à peu dans sa barbe soyeuse, pour la rendre rêche et irritante. Il dégagea sa main droite pour retirer ses anneaux qui la coiffaient, et les rangea dans une poche de sa ceinture, à l’abri. Il avait envie de hurler sa détresse. Ce maudit gratte-papier ! Il allait lui donner des raisons de ne plus l’envoyer en mission sur l’océan. Ça, il ne perdait rien pour attendre. En attendant, le loup avait la queue basse.

Il se tourna vers Dugham et grogna : « combien de temps, pour atteindre notre destination ? »

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#38 Envoyé le : jeudi 11 janvier 2018 21:30:38(UTC)
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Le vieux marin resta concentré quelques instants vers l’horizon. Il semblait chercher quelque chose au loin, au niveau de cette ligne mouvante que formait la mer avec le ciel. Le bateau de pêche avait pris une allure de croisière, chevauchant la houle et les vagues près des falaises. Pour Oradin, ces mouvements de roulis et de tangage répétés étaient une vraie torture. Selon lui, ont naviguait bien trop près des récifs, ce qui ne manquerait pas tôt ou tard de finir en catastrophe lorsque la coque se briserait sur un rocher affleurant la surface de la mer. Le nain avait remarqué que la houle venait frapper régulièrement les pans de roche qui s’élevaient de façon abrupte et formaient la côte. Cet obstacle générait un mouvement de ressac qui augmentait l’effet de houle et projetait de la mousse en surface. Par ailleurs le vent venait lui aussi frapper les falaises, ce qui provoquait des turbulences tourbillonnantes qui venaient saisir la mousse en surface ainsi que l’humidité légère, pour venir la projeter au visage des pêcheurs et du nain. Un véritable enfer aux yeux du serviteur d’Abadar, contrairement aux pêcheurs qui semblaient apprécier ce genre de traitement. Après ce moment contemplatif, Dugham répondit d’une voix lointaine sans quitter l’horizon des yeux – « Trois jours... Si tout va bien... Un peu moins avec de la chance... » – Le bateau de pêche filait à toute allure contre vents et marées, subissant des contraintes assez violentes entre les vagues impressionnantes et les lames de fond qui venaient frapper la coque comme si on venait de donner un coup de bélier sur la porte d’un château. Les marins avaient compris qu’il était inutile de lancer les filets. Ils les avaient préparés sur le pont, mais ils s’affairaient à tirer le meilleur parti des vents et du bateau, selon les directives du patron de pêche. Ce dernier, malgré son âge et son aspect de vieux débris, avait vraiment l’air de s’y entendre et était entièrement respecté par ses hommes. Chacun de ses gestes, chacun de ses mots, chacun de ses regards, était interprété aussitôt comme un ordre à exécuter immédiatement. Personne, que ce soit un des anciens flibustiers ou le jeune pilote ou encore le jeune mousse, personne n’osait visiblement contredire ou contrecarrer ou faire attente le patron pêche. Oradin pouvait entendre le bois de la coque et du mât craquer, les cordages se tendre, le vent siffler dans la voile, celle-ci étant si tendue qu’on avait l’impression qu’elle allait se déchirer à chaque rafale de vent. Mais l’ensemble tenait bon, du moins pour l’instant…

Commença alors une lente agonie pour le pauvre Oradin. La matinée fut un calvaire, mais pire encore fut l’après-midi. Tant qu’il était question de naviguer, le nain serrait les dents et prenait sur lui. L’agitation sur le bateau était perpétuelle. Les marins manœuvraient les cordages, les poulies, la barre, faisant rouler le bateau d’un bord à l’autre afin de toujours optimiser les vents changeants et parfois contraires. Pour eux cela semblait normal. Ils vivaient une journée ordinaire de navigation. Ils parlaient entre eux, blaguaient, riaient, se permettant même de faire une pause déjeuner lorsque le soleil fut à son zénith. Ce fut à ce moment-là que les choses commencèrent à devenir plus difficiles pour le nain. Dès qu’il fut question de nourriture, de boissons, même si ce n’était que de l’eau, ou peut-être par ce que ce n’était que de l’eau douce d’ailleurs, le nain redécouvrit ses cours d’anatomie et notamment l’emplacement de son estomac. Bien sûr, on lui proposa à manger et à boire. Mais encore fallait-il qu’il y parvienne. Peu importait, aussi bien Dugham que ses hommes, personne n’insistait, certains étaient même de leurs conseils – « Y faut manger monseigneur. C’est le meilleur moyen de vaincre les nausées et les maux d’estomac. Sinon vous allez entièrement vous vider et lorsque vous n’aurez plus rien à rendre, ce sera vos tripes et votre estomac qui finiront sur le pont. » – L’après-midi passa donc avec la même agitation que la matinée. Le patron de pêche continuait à surveiller l’horizon, souvent vers l’ouest, là où s’étendait au loin un chapelet d’îles. De ce qu’en savait le serviteur d’Abadar, les pirates qui avaient quitté Port–Énigme à l’arrivée des Mages du Code, avaient construit des comptoirs sur ces archipels. Le danger pouvait donc venir de là mais elles semblaient si lointaines que les pêcheurs verraient sans aucun doute les voiles des pirates suffisamment longtemps à l’avance pour réagir en conséquence.

L’après-midi touchait à sa fin. Les premières lueurs du crépuscule commencèrent à zébrer de nuances violacées le ciel magnifique ciel bleu. Le vieux capitaine donna quelques ordres pour sécuriser la navigation. Celle-ci se ferait à petite voile et avec des tours de veille. L’allure serait ainsi grandement diminuée, il était visiblement dangereux de naviguer trop près des côtes la nuit, la visibilité étant beaucoup trop réduite. Juste au moment du crépuscule, il y eut beaucoup d’agitation. Visiblement, le passage de relais entre le soleil flamboyant de Sarenraé et la Lune de Desnas, provoquait des changements remarquables concernant la houle qui soudain s’agitait fortement jusqu’à ce que la Lune trône au milieu des étoiles, pour se calmer à nouveau, mais aussi les vents qui se faisaient plus forts tandis que la température baissait considérablement. Au bout d’une heure d’intense agitation, les choses devinrent plus calmes, pour le plus grand bonheur du nain et à la nuit tombée, il eut comme une sorte d’accalmie en mer. Sur le bateau, les marins cessèrent de s’agiter, se relayant à la barre ou à la proue pour la veille. Les autres se rassemblèrent près du mât pour partager un repas plus copieux que dans la journée, repas réchauffé à un brasero allumé pour l’occasion, le tout arrosé d’une rasade de rhum, pour les deux anciens boucaniers, de bière pour le jeune mousse ou de vin pour le quartier–maître pilote et le capitaine. Le bateau s’agitait moins, il avançait toujours mais ne roulait quasiment plus. De nouveau Dugham proposa à Oradin de venir partager leur moment de détente et de convivialité. Dans tous les cas, personne ne se préoccupait on ne s’interrogeait, sur la présence pour le moins incongrue du nain à bord, ni sur la destination. Visiblement, ce n’était pas leurs affaires et cela leur allait très bien. Moins ils en savaient, moins ils pourraient fournir d’informations si jamais ils étaient capturés puis interrogés.

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Offline poulosis  
#39 Envoyé le : lundi 15 janvier 2018 01:55:12(UTC)
poulosis
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Oradin
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L’air piteux, le nain serrait les dents, le teint cendreux. Les conseils des hommes de Dugham, à propos de son régime alimentaire, traversaient une oreille, roulaient et tanguaient sous sa caboche, provoquaient une nausée difficilement contenable, puis ressortaient par l’autre oreille, poussés par son souffle profond mais accéléré, lequel s’était calé sur son rythme cardiaque aux palpitations affolées. Trois jours ! Avec de la chance ! Tant pis pour son infidélité temporaire : il priait Desna à chaque vague qui heurtait le bateau, faisant vibrer la coque. Il écoutait les gémissements du bois, compatissant. À moitié délirant, il songeait au triste destin de ces arbres qui avaient été arrachés à de la bonne vieille terre bien solide, moussue et épaisse, vibrante d’énergie entre ses doigts. Pas comme cette immonde eau salée et écœrante, qui s’agitait en tout sens, rendait flasque tous ceux qui l’habitaient ou y trempaient trop longtemps ! Même pas bonne pour la tourbe d’un bon whisky.

Depuis de nombreuses heures, les coups de boutoir incessants de la mer épuisaient sa carcasse pourtant solide. Ses pognes, rendues insensibles par l’humidité et le froid, peinaient à le maintenir agrippé à la rambarde. Ses bras, bien que renforcés par la magie de sa ceinture, tremblaient comme des pépites dans un tamis. Il était heureux de s’être attaché avec sa corde. Pourtant, il ne pouvait rester indéfiniment ainsi. Il n’était pas un chiar mais un paladin d’Abadar, morbleu ! Il devait faire bonne figure. En outre, l’organisation dont lui avait parlé Grudd l’intéressait. Il aurait bien aimé en savoir davantage. Peut-être ce vieux grigou de capitaine voudrait bien le renseigner… Il voulait savoir notamment comment fonctionnait leur système de communication. Il pourrait en avoir besoin, dans cette mission ou une autre. Seulement, ses hommes n’étaient peut-être pas dans la combine. Il attendrait la fin du repas pour en savoir plus.

Malgré sa nausée, il se détacha méthodiquement, laissa sa corde arrimée sur le garde-fou puis s’avança aussi dignement que possible. Nauséeux, le pas mal assuré sur le pont détrempé, il avait la démarche chaloupée, en raison du mouvement, totalement imprévisible de son point de vue, de cette satanée coque de bois. Tout en approchant le groupe, son regard fixait régulièrement les membres d’équipage. Il les avait vus travailler. C’était des braves gars, travaillant trop durement pour être malhonnêtes. Il était inutile de tester leur âme, comme sa foi en Abadar le lui autorisait. Et quand bien même : en pleine mer, il n’était pas assez rigide ou stupide pour arraisonner qui que ce soit et priver les marins de l’un des leurs. Il lui restait suffisamment de lucidité pour savoir qu’il n’aurait de toute façon pu faire quoi que ce soit, vu son état, en terrain aussi hostile. C’est donc en confiance, et en ravalant sa fierté, qu’il parvint… à table.

« Hé bien, les gars, ce n’est pas un boulot de mou du pieutard, que vous vivez là ! Je ne mangerai plus le poisson de la même façon ! » Pour la énième fois, il se passa une main détrempée dans la barbe, pour évacuer l'eau et le sel, avec un résultat mitigé. « Vous ne devez pas souvent voir des nains à bord, n’est-ce pas ?! », ajouta-t-il en s’esclaffant, les joues rouges. « Non, çaaaa… La mer n’est pas notre amie. Je ne sens plus mes esgourdes. Je suis sûr que vous ne mangez pas du chaud, à bord, ou bien... ?! »

Modifié par un modérateur dimanche 1 juillet 2018 17:00:32(UTC)  | Raison: Non indiquée

Offline mdadd  
#40 Envoyé le : dimanche 21 janvier 2018 16:01:20(UTC)
mdadd
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Oradin fit l’effort de rejoindre les marins au repos le soir à la veillée. Bien-sûr ils tournaient pour prendre la vigie et la conduite du bateau de pêche et visiblement même le patron malgré son âge séculaire prenait la barre d’une main ferme et sûre pendant tout un quart afin de permettre aux autres de se reposer ou de se restaurer. La nuit venue, tous s’aménagèrent un petit coin sur le pont pour y passer la nuit. Il ne fallait pas grand-chose. Quelques couvertures, quelques peaux animales en guise de fourrure, un petit coin près du bastingage, tous trouvèrent un endroit entre le mât et le gaillard arrière où fut ensuite tendue une toile goudronnée surélevée par deux piquets en boit comme pour le toit d’une tente afin de se parer de la pluie. Puis chacun se réserva un moment pour rester seul à contempler l’eau ou les étoiles fort nombreuses par cette nuit sans nuages. Il semblerait que la nuit qui avait étendu son grand manteau étoilé, ait gagné un grand respect dans cet équipage et lorsque le serviteur d’Abadar se joignit à eux, sans pour autant renier ses vœux pour le Maître du Premier Coffre-fort, il eut l’impression que la déesse de la nuit était au-dessus d’eux à les regarder avec des yeux d’argent, ce regard…

Les tentatives d’engager la conversation ne furent pas boutées par les membres d’équipage. Le métier de pêcheur était très dur et ingrat. Il ne rapportait pas beaucoup d’argent par rapport à l’investissement en temps, en sueur et en sang, mais avait le mérite d’être toujours une incroyable aventure, un combat permanent avec la mer, l’océan et même les créatures qui y vivaient. Car il n’y avait pas que des poissons sous cette surface sombre et mouvante pouvant se déchainer à chaque instant au moindre coup de vent. Et même dessus, les bateaux n’étaient pas toujours de bon augure. Le Golfe de Varisie partageait ses eaux entre les pêcheurs, les marchands mais aussi les pirates et ceux-ci même s’ils ne s’intéressaient pas souvent aux simples pêcheurs, il ne fallait certes pas tenter le diable avec eux et rester la queue basse avec ces gens-là. Parfois Dugham les emmenait plus loin que leur zone de pêche, comme aujourd’hui. Il avait ses raisons et personne dans l’équipage n’aurait osé lui demander lesquelles, cela ne les regardait pas, c’était le pacha à bord et il avait droit de vie ou de mort sur chaque membre de l’équipage, il commandait, ils agissaient. Jusqu’à maintenant, i leur était déjà arrivé d’effectuer une mission de la sorte. Le patron de pêche faisait toujours son possible pour protéger le bateau et son équipage, il ne ferait rien qui les mettrait en danger et généralement l’équipage était correctement récompensé en contrepartie de cette expédition. Sur le retour, nul doute que leurs filets seront garnis et leur soute remplie de poisson frais. La pêche serait bonne et la solde de l’équipage serait meilleure que d’ordinaire. Chacun se mettait à rêver ce qu’ils pourraient faire de ce petit bonus de solde. Un cadeau pour une femme, une nuit d’ivresse dans une taverne de Baie-de-Roderic pour un autre, améliorer l’ordinaire pour le jeune pilote qui avait femme et enfant à nourrir, malgré son jeune âge, le mousse ne savait trop quoi en faire et il plaisanta à s’imaginer acheter son propre bateau de pêche et devenir pacha à son tour. Il ne fallait pas être grand psychologue pour Oradin pour comprendre que ses questions concernant les Yeux de la Nuit resteraient sans réponse à part s’il les posait directement à Dugham un moment où ils seraient seuls et en secret. Hors même sur le pont d’un bateau de pêche et avec un équipage de confiance, le vieil homme restait fermé à ce genre de discussion, toisant sévèrement le prêtre nain du regard lorsque celui-ci avait commencé à tendre la moindre petite perche. Il n’insista donc pas.

La discussion prit une autre tournure lorsque le sujet des nains sur la mer fut abordé. Les deux matelots, anciennement pirates sans doute, rirent et racontèrent de nombreuses anecdotes sur un pacha nain parmi les plus terribles pirates qui écumait les océans plus au sud dans des eaux plus chaudes. On disait que son navire était une véritable forteresse flottante faite de bois et de pierre et qu’il était équipé de tellement de balistes et catapultes qu’il était impossible de s’approcher de lui sans être sous la menace de ses tirs. Oui il y avait des nains sur les bateaux parmi les pirates, même parmi les marchands, car les nains de Varisie étaient plus marchands que flibustiers mais il fallait reconnaitre qu’ils n’étaient pas nombreux, peut-être une population de 1% environ. Plus couramment on rencontrait des halfelins, de très bons gabiers, couramment des demi-elfes et demi-orques qui trouvaient là une place qu’ils ne trouvaient pas dans les populations terrestres. Les demi-elfes faisaient de très bonnes vigies et de très bons pilotes et navigateurs, les demi-orques de bons timoniers et combattants lors des… abordages. Les demi-orques étaient bestiaux et intimidants, c’était un avantage pour terroriser l’adversaire.

Oradin se perdait dans les discussions de marins, les bateaux, les termes, les manœuvres, la nuit, l’organisation d’un navire, la conduite d’un navire, la vie à bord, l’équipage de Dugham connaisait tellement d’histoires et d’anecdotes qui n’étaient pas toutes liées à la piraterie mais parfois tout simplement à la pêche et des évènements spectaculaires. Les sons se perdirent dans la nuit, tandis que la fatigue venait en même temps que l’esprit s’embrumait sans doute aidé par le rhum que distribuait de temps en temps Dugham avec certes parcimonie. Le prêtre ne pouvait pas dire à quel moment il avait rejoint les bras de Desna, la nuit, les étoiles, le vent, les eaux sombres et mouvantes, les masses sombres de la côte qui se découpait dans la semi-clarté de la voute nocturne, ces yeux, ce regard, un regard intense, des étoiles aux éclats d’argent dessinaient cette silhouette d’yeux de genre masculin, il en était certain, ces yeux le regardaient, le transperçaient comme s’ils étaient capable de le voir nu sous son vrai jour, il ne pouvait rien lui cacher, il savait tout, étrange sentiment au demeurant et pourtant Oradin ne se sentait pas en danger comme si cette enfant de la nuit veillait plutôt sur lui au lieu de l’espionner ou de l’assaillir. Les yeux se perdirent vers le Nord-Ouestet le prêtre suivit la direction du regard. Dans son étrange rêve il se voyait même se lever pour s’appuyer sur le bastingage et regarder dans la direction qu’empruntait le navire. Il vola au-dessus de la mer à une vitesse de plus en plus folle, quittant la côte et prenant le large. A l’Est, il passa devant une grande ville portuaire, une ville ancienne encaissée dans une vallée entourée de hautes collines. Une rivière la traversait et une arche gigantesque couverte de rune marquait l’entrée de sa rade derrière lequel s’étendait le port où les bateaux étaient encrés ou amarrés. Mais sa route ne s’arrêtait pas là. Un petit bateau de pêche, un autre que celui de Dugham, faisait voile entre une ile à la forme étrange, une jungle, un cratère volcanique, elle ressemblait à une sorte de corne et le petit bateau de pêche filait à vive allure entre elle et la côte de Varisie. Il remontait au Nord pour sortir du Golfe. Mais la nuit arriva plus vite qu’on ne s’y serait attendu. Les eaux semblaient s’agiter, le ciel était si sombre qu’il n’annonçait rien de bon. Très vite les éclairs, le vent, des trombes d’eau, le petit bateau de pêche semblait n’être qu’une coquille de noix sur cet océan si agité. Il allait sans aucun doute sombrer, les éléments semblant se déchainer sur lui.

Oradin passa très près du bateau. Il y avait du monde à bord qui s’accrochait comme il pouvait et se tassait au fond de la barcasse. Seul un jeune homme courait sur le bastingage dans un exercice d’équilibriste extraordinaire, en se retenant par une corde accrochée en haut du mât et effectuait seul toutes les manœuvres, la barre, les manœuvres de la voile, défiant les éléments déchainés. En passant si près de la barcasse de pêche, Oradin croisa le regard du jeune homme, il était si jeune et pourtant il y avait tant de détermination… Avait-il les pupilles argentées ? C’était passé si vite… Le prêtre avait eu l’impression que pendant cette fraction de seconde, le pêcheur l’avait vu… Une lueur apparut dans la tempête, un phare allumé sans doute pour guider les bateaux dans la tourmente et le petit bateau de pêche suivit cette lueur salutaire. Le prêtre prit de la hauteur, semblant presque s’envoler vers les étoiles. Il se retrouva au-dessus des montagnes et au-dessus même… de la tempête. Il pouvait voir à travers malgré les ténèbres. Le phare était une sorte de grand feu d’huile versée dans une grande coupelle en fonte par des gens qui attiraient ainsi les bateaux dans une petite crique certes partiellement abritée de la tempête mais aux récifs saillants. De nombreuses épaves étaient là échouées dans les rochers montrant la violence des naufrages. Oradin voulut crier avertir le jeune pêcheur ou faire quelque chose comme éteindre le feu ou les naufrageurs qui l’alimentaient, mais comme dans tout cauchemar, il n’était que le témoin impuissant de ce qui était inéluctable… Le bateau entra dans la crique poussé par le vent et les vagues, pour venir se fracasser sur les récifs. Une griffe des récifs géante emporta le jeune pêcheur. Ce furent les ténèbres.

Oradin se réveilla en sursaut, en sueur, le gout d’eau de mer dans la bouche. Tout tournait autour de lui, il fut pris de vertiges et mit un moment avant de sentir des mains fermes le secouer et des voix l’appeler. Les cris étaient lointains puis de plus en plus fort et il lui fallut se concentrer pour se rendre compte que c’était lui qu’on appelait. I se redressa d’un seul coup, manquant de tomber en avant mais retenu par les mains fermes et calleuses des pêcheurs. Il faisait jour. Le bateau était amarré à un ponton et il y avait un peu d’agitation sur les quais. Dugham faisait partie de ceux qui secouaient le nain – « Nous sommes arrivés à Gruankus » – fit-il simplement – « Desna a veillé avec grande bienveillance sur notre traversée. Il semblerait que vos prières aient été entendues. Je ne saurais trop vous conseiller d’aller à "la Chope et la Bouteille". Demandez à ce vieux fou de Tardoc de vous parler du chemin des contrebandiers. »

Modifié par un utilisateur dimanche 1 juillet 2018 17:00:46(UTC)  | Raison: Non indiquée

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