id-du-Faucon... S'il y avait quelques chose de pourri dans ce monde c'était bien cette petite bourgade. Elle ressemblait à une petite ville itinérante comme savent si bien les construire les varisiens. Un amas de planches, de tourbe, de tentures huilées, de cordages et de bric-à-brac exposé à ciel ouvert. Une ville sale, industrielle, où l'on trimait chaque jour pour quelques pincettes dans les scieries, les charbonneries ou le long des docks. Les bûcherons avaient rangé leurs haches et quitté leurs camps pour venir encore grossir les rangs de la communauté violente et alcoolisée de Nid-du-Faucon. Les rues n'étaient pas pavées mais recouvertes par endroit de sciures et de cendres qui disparaissaient au fil des heures dans des ornières boueuses. Car c'était l'hiver...

Un hiver bien ordinaire en somme, une température pas encore assez froide pour qu'il gèle mais suffisamment pour qu'il neige tous les jours ou presque. Les congères grossissaient le long des baraques de fortunes et des quelques rares bâtiments plus solide que comptait la ville. La ville semblait plongée dans une léthargie, une sorte d'hibernation où l'on se terrait chez soi, essayant de ne pas ouvrir la porte pour garder la chaleur. Malgré cela chaque semaine on dénombrait quelques morts qu'ils soient écrasés par l'effondrement de leur habitation de fortune sous le poids d'une neige trop pesante, asphyxiés dans leur sommeil par la fumée d'un brasero et même brûlés vifs en voulant dormir trop prêt d'un feu. A ceux là il fallait encore rajouter ceux qui se laissaient mourir de froid et de désespoir après avoir trop bu et ceux qu'on retrouvait mystérieusement assassinés dans une sombre ruelle ou encore ceux que la maladie emportait car il ne pouvait se payer que de faux remèdes.

Il y avait bien quelque chose de pourri ici et il gangrenait tout et tout le monde de la simple planche à l'artisan maladif. Du bûcheron mauvais comme la teigne à ce Consortium qui dirigeait tout et tout le monde donnant du travail aux uns et laissant crever de faim d'autres. Les dieux même semblaient détourner leur regard de cette ville et de cette misère, en tout cas les Bons ceux qui pouvaient avoir pitié des âmes perdues. Les cieux étaient le témoignage de cette absence, toujours gris ou laiteux tel une chape, une prison spirituelle. Et quand il ne neigeait pas il pleuvait une drache à vous glacer les os. Un temps à ne pas mettre un chien dehors...

Et pourtant quatre nains passaient la porte nord de la ville après avoir lutté pour arriver jusque là. Leur pas s'enfonçaient dans une neige haute de près de trente centimètres un véritable pour progresser lorsqu'on ne mesure pas plus d'un mètre vingt. Ils ne s'étaient pas fait que des amis dans la bourgade et la notoriété acquise après le sauvetage des enfants s'était vite estompé parmi le gros de la population. Ce n'était pas le cas des nains qui vivaient à Nid-du-Faucon, le communautarisme c'était renforcé grâce à l'Eglise et à Helgi mais aussi grâce au projet de Snarl qui avait donné du travail à quelques représentants du peuple vigoureux mais aussi un but à atteindre. Aujourd'hui ils étaient là pour l'un de ces nains, Durond Durargent alias Durdur n'était pas revenu avec ses camarades lors de leur dernière virée. Il ne pouvait pas les avoir abandonné. Après une journée de recherche les nains de Fort-Torag qui l'avait laissé au Canard assis en charmante compagnie ne l'avaient pas retrouvé tout comme la naine avec qui il avait partagé sans doute un moment d'intimité...

Modifié par un utilisateur jeudi 5 novembre 2015 14:56:44(UTC)  | Raison: Non indiquée

Alors que ses pas crissaient dans la neige, l'esprit de Snarl se promenait encore dans les recoins de Bilskirnir. Un nom proposé par Algrim mais qui avait flatté son ego. Hmmmmm ? Hum, enfin, disons plutôt que le fort sera un refuge depuis lequel la sagesse et l'inventivité rayonneront sur le monde, tel un joyau scintillant au soleil ! Et puis, depuis le retour à Nid-de-Faucon, Algrim était un motif de satisfaction. Son projet de chapelle qu'il avait mené en secret à son terme était des plus réjouissant. Il avait donc voulu récompenser ce fidèle sujet. Hein ? Un loyal compagnon.

Autre sujet de bonheur, Silgrid. Ses propres arguments, imparables de par leur logique et leur intelligence, l'avaient convaincue et il s'en félicitait tous les jours. Capable durant son absence de protéger son joyau, un peu leur bébé, elle ferait à n'en pas douter une merveilleuse reine. Pardon ? Depuis que j'ai passé cette couronne, je me demande des fois ... En tout cas, elle menait les gardes à la baguette, avec assiduité, et il partait serein quant à la sécurité de Bilskirnir.

Même Igor trouvait grâce à ses yeux. Il avait étudié les parchemins et vendu le tout un bon prix à son maître, non sans qu'il ait jeté un œil dessus auparavant. Tout ce qui concernait Droskar pouvait bien être revendu à un humain ... Il logeait de plus au fort et semblait s'être bien intégré à la petite communauté qui se développait, ce qui n'était pas gagné au départ.

Son pied buta malencontreusement contre un tas de neige un peu plus haut. Un genou à terre et de la poudreuse plein la barbe, il jura, son bras gauche enfoncé dans la neige, le poing engourdi après avoir heurté le sol invisible. Se redressant, il se frotta vigoureusement les mains, la mine renfrognée, pour chasser la terre gelée qui était restée collée à son gant. Des brins d'herbe parsemèrent la neige de tâches verdâtres. Cette vision guida ses pensées vers Laurell. Cet empoté de Borodek avait préféré se prélasser dans les auberges de la ville plutôt que de s'occuper de la mission pourtant simple qu'il lui avait confiée. Ramasser des champignons devait bien être dans les cordes de ce guide forestier, non ?! Comment Algrim et lui avaient-ils pu naître de la même mère ?! Mais au fond de lui, il s'en voulait. Il avait promis à l'herboriste de lui ramener ces champignons. Maintenant, il devrait aller s'excuser auprès de la dame et aurait une dette envers elle. Borodek devra se surpasser pour ramener du bon gibier à tout le monde, s'il voulait se faire pardonner et devenir le garde-chasse du roi Snarl le Brillant. Pffff !

Peu à l'aise pour randonner dans l'épais manteau neigeux, l'arrivée sur Nid-de-Faucon apporta un profond soulagement à sa fierté secouée. Leur ville était pourtant d'une saleté repoussante, d'une misère affligeante, sans aucune fierté. Et il sentait bien que les humains le vénéraient moins, malgré sa Couronne. Cette race avait la mémoire courte, il est vrai. Mais après tout, ils seraient tous morts alors que lui-même n'aurait pas encore un seul cheveu gris. Un roi devait bien faire preuve de compassion ...

La proposition d'Algrim lui seyait, il convint donc de trouver Helgi.

Algrim souria à la vue de son protégé, s'avançant vers lui pour lui faire une accolade fraternelle. Il libéra la place dans son dos pour que chacun puisse serrer la poigne du représentant de la foi naine en cette bourgade.

Retirant sa mitaine droite avec les dents, il se rapprocha du brasero, laissant ses mains au-dessus du feu afin de les réchauffer sans les brûler. Sa main noire prendrait plus longtemps à se réchauffer que celle à la chair visible, mais gardera la chaleur encore un peu lorsqu'elle ne sera plus au-dessus de la source de chaleur.

Pour ne pas parler dos à Helgi, Algrim se retourna, remuant ses fesses désormais face au feu, comme si elles se réchaufferaient plus vite de la sorte.

« Pourtant c'est bien c'quon fait ! » dit-il en souriant.

« L'temps est pas au voyage et on vient de loin, c'est normal qu'on a des trucs à faire ici aussi. Y a un des nains, Durdur si tu connais, qu'est pas rentré avec l'groupe, pasqu'il fricotait au Canard assis, qu'y z'ont dit. Comme c'est vachement près d'chez Kreed, à vol de mots, et qu'on a toujours une ardoise qu'il a pas réglée ce j'm'e la pête, on s'est dit qu'il a p'tet eu une embrouille qu'il a pas bien digéré. Enfin qu'y z'ont pas digéré, vu que la tapineuse qu'il caressait aurait aussi donné dans l'invisibilité.

Avant d'aller poser des questions qui fâchent, je m'suis dit qu'on s'rait bien avisé de passer d'abord te voir pour connaître les nouvelles fraîches, mais pas gelées, de c'qui s'passe à Nid-du-Faucon. Vu qu'entre l'moment où les autres sont rentrés et qu'on soit viendu, ben y a du temps qu'a passé ! » Souriant de toutes ses dents, parlant à Helgi comme à un ami, lui qui n'est pas du genre bavard semblait se lâcher devant le nain. Etait-ce la responsabilité qu'il avait ou ressentait via le travail de la chapelle ou pour montrer à Snarl, la voix du groupe, ce qu'il pouvait faire ? Impossible à définir.

« Alors, quelles nouvelles ? »

Snarl accueillit les braises du brasero avec un soulagement stoïque. Encore un serviteur zélé. Rââââ ! Un compagnon serviable. Il sourit chaleureusement à Helgi, comme un prêtre heureux de retrouver un jeune disciple.

« Rien que d'apercevoir l'église réchauffe le cœur ! Même si ce brasero est une bénédiction. Merci de nous accueillir dans la chaleur de ton foyer, Helgi. »

Après une brève poignée de main, il allait entamer les explications quant à leur venue lorsque Algrim le devança. D'abord surpris, ses yeux arrondis s'étirèrent en même temps que ses lèvres, en signe de contentement. Ce petit se bonifie à mon contact. Oui, il s'épanouie, même !

Parfois, ses dents grinçaient ou un visage douloureux déformait ses traits jovials en entendant le style familier du moine. Mais Snarl fut heureux qu'il ait pris la parole. Il hocha la tête, satisfait.

Modifié par un utilisateur samedi 24 janvier 2015 17:37:09(UTC)  | Raison: modif CA

« Merci Helgi. » dit un Algrim souriant de toutes les dents qui lui restaient.

Il avait fait sa part, pensait-il, désormais c'était à Snarl de prendre la direction des opérations avec son statut de leader de leur petit groupe. Il n'était pas pressé de quitter le coin du brasero, mais il savait qu'ils ne trouveraient rien en restant se dorer la couenne.

Il se tourna face au feu afin de réchauffer son torse et sa barbe qui dégoulinait déjà du givre qui y avait élu domicile à l'extérieur. Il tenta d'emmagasiner le plus de chaleur avant de repartir dans les rues et, sans doute, trouver un peu de réconfort dans quelques verres d'alcool issus des tavernes qu'ils ne manqueront pas de visiter.

La petite bourgade n'était pas réjouissante au début de l'automne et maintenant que l'hiver était venu c'était encore moins le cas. Effectivement Igor qui connaissait bien cette ambiance là pour être le seul à avoir habité à Nid-du-Faucon plusieurs de ces hivers savait qu'il ne valait mieux pas mettre le nez dehors de jour comme de nuit et préférait de ce côté plonger le nez dans ses bouquins car Shavaros ne l'envoyait pas récupérer ou négocier un cadavre frais avec les fossoyeurs qui s'épargnaient alors le labeur de creuser une tombe sur un sol gelé en profondeur. Bref le règne de l'hiver était aussi celui de la mort. « Je suis d'accord avec toi Borodek on ne se sépare pas. Il faut penser aussi à trouver un logement pour ce soir. Il est encore tôt mais nous avons du passer une nuit dans le bois dans une cabane à cause de toute cette neige pour venir jusqu'ici. On ne peut pas espérer faire le trajet rapidement pour être ce soir au Fort. D'autant qu'il nous faudra peut-être plusieurs jours avant de savoir ce qui a bien pu arriver à Durargent. »

Helgi acquiesça aux propos d'Igor. « Effectivement cela peut prendre un peu de temps. L'avantage c'est qu'il y a très peu de naines à Nid-du-Faucon, certaines viennent spécialement pour s'occuper du bûcherons nains pendant l'inter-saison on les retrouve dans des tentes de fortune en supplément de la maison des plaisirs. Ce qui est étonnant c'est que si c'est une naine de petite vertu qui a eu à faire notre nain, qu'on ait laissé rentrer cette dernière au Canard assis. »

Modifié par un utilisateur samedi 31 janvier 2015 17:47:25(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Ah ? Il m'avait pourtant paru que le Canard Assis pouvait justement proposer ce genre de service à des aventuriers souvent ... esseulés sur ce plan, justement, non ? Bon, peut-être n'exerçait-elle pas cette profession. Bref, allons en tout cas visiter ce campement et la maison des plaisirs. Nous aviserons ensuite. Si vous êtes d'accord. »

Après avoir demandé des précisions sur leur emplacement, il quitta à regret la chaleur bienfaisante du foyer de Torag en direction du campement.

Igor râla évidemment à l'idée de ressortir mais ce fut bien moins que d'habitude. Un léger sourire apparut sur son visage lorsque Snarl prononça les mots maison des plaisirs. Il acquiesça de la tête et suivit le groupe.