Korva fit tourner une pièce entre ses serres, une manie qu'elle avait quand elle réfléchissait.
« Et bien...leur chef, je ne sais pas, mais on devrait quand même pouvoir les approcher sans prendre trop de risques, je pense. Ils seront sans doute sensibles au fait qu'on les approche directement plutôt que d'essayer de les arnaquer. Par contre, je ne sais pas quand vous pensiez poursuivre votre offensive contre les Plumes Rouges, mais arranger quelque chose avec les Serres risque de prendre un moment.. »

Korva haussa un sourcil lorsqu'il mentionna de ne pas s'y rendre armé.
« Parle pour toi! »
Elle éprouva le tranchant de ses serres sur la table, y laissant une profonde marque.
« Parce qu'on prend des risques, quand même! C'est un bon plan pour les faire sortir de leur cachette, mais si jamais ils décident de ne pas agir tout de suite, et de plutôt nous filer pour nous attaquer dans un coin tranquille? On peut tenter le coup, cela dit, mais ni moi ni mes sœurs n'iront là dedans désarmées. Surtout que ce ne serait pas très logique pour des pickpockets. On sait qu'ils agissent autour du Pont Morne, cela dit, donc on peut tenter le coup sur la rive Nord, c'est là qu'on a les meilleures chances. Et si on fait de la reconnaissance, il faudra le faire discrètement et séparément. Mais on peut essayer ça! »

Les abords du Pont Morne étaient un terrain idéal pour les pickpockets. Rien d'étonnant à ce que les Serres de la Rivière l'aient choisis comme terrain de prédilection.
A l'approche du pont, qui était gardé, une sorte de marché improvisé s'était formé, composé en partie de vendeurs qui ne souhaitaient pas prendre la peine de payer la taxe imposée par Barzillai. Les dottari faisaient de leur mieux pour garder le contrôle sur l'endroit, mais il y avait simplement trop de monde pour pouvoir surveiller toute la place du Pont. En revanche, les ruelles vers le Sud Ouest menaient vers le port de la Yolubilis où l'on pouvait facilement se perdre si on ne connaissait pas le quartier.
L'inconvénient étant que si ils pouvaient sans doute semer les gardes en cuirasse et bouclier, les Serres étaient sans doute plus agile et connaissaient mieux les lieux. Malgré tout, la place du Pont demeurait sans aucun doute le meilleur endroit pour mettre leur plan à exécution.

Outre les vendeurs de rues, la place du Pont était surtout bordée par des boutiques modestes: apothicaire, boulanger, maroquinier et ébénistes, des artisans de tous poils se pressaient là, faisant parfois concurrence directe aux vendeurs de la place.

D'ailleurs, entre les vendeurs, les passants et les gardes, Dorian n'eut pas non plus grand mal à soutirer une ou deux bourses à leur propriétaire légitime, récoltant au total une vingtaine de pièces d'argent et une poignée de pièces de cuivre, ce qui devait correspondre à peu près à deux ou trois pièces d'or. Bien entendu, en dehors des nobles, des notables et des marchands, peu de gens se promenaient avec de l'or en poche, mais c'était un début. Et surtout, il parvint à le faire en toute discrétion, ce qui était sans doute le plus prudent, étant donné la présence des gardes.

Ces derniers, en l'occurrence, paraissait plus intéressés par les soeurs Fushi que par lui. En fait, il n'y avait qu'une poignée de tengu dans la foule, mais les gardes ne les quittait que peu des yeux. Apparemment, les Serres les rendaient nerveux...ou méfiants. Cependant, ni Dorian, ni les gardes ne repérèrent de pickpocket en action, mais l'endroit était tout de même propice à leurs activités.

Les sœurs Fushi connaissaient leur métier, il fallait leur laisser ça. Même en étant prévenu, l'oeil pourtant entrainé de Dorian peinait à suivre le trio dans la foule, alors qu'elles croisaient leurs trajectoires et utilisaient la foule pour se fondre dans le décor. Il saisit à peine le léger hochement de tête de Korva lorsqu'elle le bouscula, lui dérobant sa bourse.

Alors qu'il lançait l'alarme, la foule entra en effervescence. De nombreux marchands portaient la main à leur ceinture, vérifiant leurs bourses, les vendeurs aux étals jetaient des regards paniqués aux alentours, et les dottari se dirigeaient péniblement, en essayant de se frayer un passage, parfois à coups de bouclier, vers la ruelle et Dorian.


Pendant ce temps, les sœurs Fushi tiraient leur révérence. Il eut tout juste le temps de les voir s'engouffrer dans une ruelle adjacente, avant que les gardes ne viennent l'intercepter.
Le sergent de la patrouille l'évalua de bas en haut.
« Holà, gamin. Qu'est ce que tu as vu? »

Le sergent le regarda dans les yeux, un sourcil haussé, mais ne commenta pas. Au lieu de ça, elle fit signe à ses hommes de la suivre.
« Allez, du nerf! Si on arrive à remonter leur piste, on pourra peut être enfin mettre la main sur quelques unes de ces vermines! »
Les gardes s'éloignèrent, laissant Dorian seul. Le jeune homme en profita pour s'éclipser, prenant un raccourci pour retrouver les sœurs Fushi aussi vite que possible.



Dans le dédale de ruelle, se repérer n'était pas facile, et le jeune homme se serait sans aucun doute perdu si il n'avait pas repéré l'itinéraire à l'avance. Les tengus l'attendaient au fond d'une ruelle déserte, seules.
Korva claqua du bec, en l'apercevant, et lança.
« Alors? Qu'est ce que ça a donné? On a vu personne pour l'instant... Tu penses que ça va marcher? »


Une autre voix, masculine, mais avec la même touche rauque que celle des autres tengus, l'interrompit.
« Vous vouliez tellement nous rencontrer que vous avez décidé de briser les règles? J'espère pour vous que vos collègues de la garde arriveront vite, sinon, je crains qu'ils n'aient besoin d'embaucher...C'est une nouvelle tactique, d'engager des tengus pour venir chasser sur notre terrain? »
Un groupe de cinq tengus venait d'apparaître à l'entrée de la ruelle. Ils n'avaient pas d'armes visibles, mais elles étaient sans doute dissimulées. Ils s'approchaient d'un air menaçant.

Les soeurs Fushi se tendirent, de même que les autres tengus, lorsque Dorian prononça le mot corbac. Mais au moins avaient ils la grâce d'être plus disciplinés que les Plumes Rouges, car aucun ne bondit immédiatement pour réparer l'insulte. Malgré tout, leur leader étrécit les yeux.
« Des Corbeaux d'Argent, hein? Oui, j'en ai vaguement entendu parler. Et c'est vrai que les gardes n'ont pas l'habitude d'engager des morveux. Mais pour l'instant, vous êtes des nouveaux venus dans les rues de cette ville. On dirait que vous avez plus besoin de nous que l'inverse. Alors pourquoi j'irais emmerder le boss avec cette histoire? On s'en est très bien tiré sans vous jusque là! »
Un éclair d'avidité passa dans son regard, fugitif.
« Pour l'instant, z'avez de la chance qu'il n'y ait pas une prime sur votre tête. Sinon, on ne se serait pas gêné. En attendant, on reste dans les ombres, c'est toujours là que les nôtres ont été le mieux. »

Il lança à l'adresse des soeurs Fushi.
« Hé, vous vous laissez marcher sur les pieds par un gosse? Parce que si vous voulez changer de maître, on a de l'emploi pour des tengus avec la serre leste et le pied agile. Pensez y, y'a plus d'avenir là dedans que dans une révolution qui va se finir en bain de sang! »

Le tengu posa la main sur la poignée de sa rapière, et éclata d'un rire caquetant.
« Vous entendez ça les gars? Que du noir et du blanc, hein? T'oublies un détail, l'ami. Nous sommes des charognards, du moins c'est ce que votre race semble croire. Nous prospérons mieux que personne lorsque les rues s'emplissent de cadavres. »

Il reprit son sérieux, alors que les autres souriaient toujours, claquant du bec par intermittence.
« Mais t'as pas tort, on se reparlera. En fait, je vais même transmettre le message au boss, peut être que ça le fera rire! D'ici là, je te conseille de ne pas nous marcher à nouveau sur les serres, sauf si étudier de près la faune du fleuve t'intéresse. »
Il se redressa, braquant son regard sur les soeurs Fushi.
« Et vous, les filles, si jamais un autre job vous intéresse, vous savez ou nous trouver. »

Korva ne se formalisa pas, mais répondit avec neutralité.
« Désolées, mais nous avons une dette envers eux. Une autre fois? »

Une fois que les tengus se furent dispersés, les soeurs Fushi commencèrent à nouveau à respirer. Jade posa une serre sur l'épaule de Dorian.
« Hey, on a promis de vous aider, ce n'est pas pour reprendre ça maintenant. On a déjà perdu deux soeurs, alors on ne lâchera pas en cours de route. »

Jane approuva.
« Et puis, on a quitté Port Péril et les gangs, c'est pas pour retomber dedans à la première occasion. Je pense que t'as bien géré, il s'agissait de trouver la ligne entre l'intimidation et se retrouver avec cinq tengus armés face à nous. Et c'est pas le cas. Bien joué, Dorian. »

J'sortais de chez Laria, aussi discret que d'habitude. Et v'là qu'un piaf m'interpelle. Faisait trop sombre pour que je le distingue. Aussi noir que dans le cul d'un démon. C'était une Serre ? Je mettais ma main sur ma dague et avançais prudemment. Il avait réussi à me distinguer alors que je portais ma cape elfique, c'était pas n'importe qui.

Les rues de Kintargo étaient étroites, froides, on était près du port. Pas étonnant qu'je voyais mal l'oiseau. C'était l'même que l'autre fois, aussi noir que la poix. C'était donc bien les Serres. Ont été rapidement au courant, mais c'est plutôt bon signe. L'enfoiré de corbeau me claqua le bec à la gueule, j'ai assez traîné avec les soeurettes pour savoir ce que ça voulait dire, il s'payait ma tronche l'emplumé.

« C'bien, tu commences à comprendre que je rigolais pas l'autre jour. A moi d'voir si vous rigolez pas non plus. Dit moi un endroit et une date et j'y serais. Par contre, commencez pas à jouer aux plus nombreux. Sinon j'rapplique pas et j'pourrais bien oublier de dire à mes potes que vous êtes sympas finalement. Sont du genre... à pas aimer ce qui possèdent trop de plume, mais vous avez de la chance, j'adore les oiseaux. C'est ma seule condition pour notre rencontre, que vous soyez trois maximum. »

J'pense pas être en position de négocier, mais il n'est pas non plus en position pour refuser après c'qu'on a fait aux Plumes Rouges. On verra bien.

Merde, j'ai ris.

C'est qu'il a de l'humour le corbeau. J'aurais du demander à ce qu'une des sœurs Tengu m'accompagne. J'ferais avec.

« Va pour les armes, d'toute façon, on en aura pas besoin. C'est quoi ton nom ? Et le vrai ou le faux de ton boss ? »

En vérité je la ramenais pas trop. J'allais avoir rendez-vous avec l'une des personnes les plus difficile à rencontrer de la ville.

« Ouai; à d'main. » Lui répondis-je en tournant les talons et m'esquivant dans les ombres des ruelles.

Faut que j'fasse gaffe à présent. J'suis pas non plus à l'abri de me faire dézinguer lors de cette réunion. La meilleur des choses à faire est d'observer le lieu de la rencontre, j'commence à bien connaître les lieux, mais une nouvelle revérification f'ra pas de mal. Deux ou trois itinéraires de fuite. Si jamais Ravzee n'est pas du genre à négocier. Mais vu ce que j'vais lui proposer, y a peu d'chance.

J'devrais d'ailleurs profiter de mon temps pour en apprendre encore plus sur eux. J'vais aller voir l'magicien et l'nobliau.

Dorian profite du temps qu'il lui reste pour rendre visite à Eilif Vors ou/et Rexus Victocora

« Salut l'vieux, t'aurais des infos pour moi ? Toi qui bouquine, tu sais depuis quand les Serres d'Argent sont en activités ? Et comment sont vus les Tengus en ville ? J'aimerais surtout savoir si elles ont toujours eu le même chef qu'aujourd'hui et si elles ont déjà fait preuve de violence irraisonnée ? Elles ont toujours été regroupé en gang ? Dans le même coin ? »

Dorian bouquine aussi, il essai de rassembler ses souvenirs sur les possibles mandats d'arrêt ou méfaits du gang des Serres d'Argent qu'aurait pu traiter sa maîtresse.