Cela faisait quelques jours que Leonie s’ennuyait à Nid-de-Faucon déjà.

S’ennuyer, oui. Oh, bien entendu elle s’était déjà faite une petite réputation au Canard Assis, la taverne du village où aventuriers de passage, bûcherons et paysans arasés allaient dépenser leurs soldes en boissons alcoolisées et parfois frelatées.

Il ne devait pas souvent avoir l’occasion de rencontrer de ménestrel de son talent.

Il n’y avait aucune fierté mal placée dans cette constatation. Dame Nature lui avait donné une voix cristalline aux consonances pures et une oreille perçante pour chanter juste. Quand la vie vous donne ce genre de don, il est du devoir de chacun de l’utiliser.

Certes, les regards appuyés sur ses formes féminines la dérangeaient parfois. On ne retrouvait pas à Nid-de-Faucon le même raffinement qu’à Oldfen et le Canard Assis n’était pas la Magie de Maestro.

Malgré cela, elle s’ennuyait.

Et comble du malheur, la seule activité décente de ce village, le Festival de Quinn, avait quitté la région pendant quelques semaines en direction du sud !

Elle en était là de ces réflexions, assise à une table de l’auberge, le Repos de Jak, lorsque le patron des lieux, le renommé Jak Crimmy - un barde à la retraite qui ne lui faisait pas payer la chambre – l’aborda.

« Bah en voilà une vilaine mine qui ne sied pas du tout à un si joli visage angélique !

Le mal de l’aventure, hein ? Ouais, j’ai connu ça. L’idée que le monde avance en nous laissant derrière nous… Mais crois-moi, y’a comme une sorte de bonne étoile au-dessus des ménestrels. En général, il suffit juste d’avoir l’oreille pour saisis la bonne occ… »

Jak fut interrompu par l’entrée fracassante d’une jeune femme (fille ?) qui l’interpella, paniquée, à peine la porte l’auberge ouverte :

« Crimmy ! Dis-moi que tu sais où se trouve Hollin, par pitié ! »

Le barde marqua un mouvement de recul, surpris, puis reporta un regard entendu vers Leonie avant de répondre:

« Calme-toi ma petite Ralla. Viens t’asseoir et explique-moi ce qu'il se passe? Non, je n'ai pas vu ton petite frère. »

La jeune femme s'écroula, épuisée et abattue sur la chaise, en face de la barde.

« Je ne l'ai pas vu depuis hier matin... Ca m'arrive de ne pas le voir en journée, et le soir quand je vais... travailler. Mais normalement, au matin, il est là et m'attend!
Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver? »

Elle tentait de rester digne, mais les larmes coulaient abondamment de ses joues.

Modifié par un utilisateur dimanche 2 juin 2013 09:52:03(UTC)  | Raison: Non indiquée

Ralla prit une profonde inspiration pour retrouver son calme et commença à réfléchir. Aidée par la ménestrel, elle réussit à faire le vide dans son esprit et à revenir précisément sur les derniers mots qu'elle avait échangé avec son petit frère.

« Je rentrais du travail tôt le matin, comme d'habitude, pour lui préparer son déjeuner.
Nous avons échangé quelques banalités jusqu'à ce que je lui demande ce qu'il avait prévu de faire aujourd'hui.
Comme d'habitude, des choses avec son groupe d'amis habituels: Kimi, Mikram et toute la clique. »

Elle se tut un instant, ne sachant plus quoi dire.

Leonie, d'une voix douce, poursuivit ses questions et un souvenir vint subitement illuminer le regard de la jeune femme:

« Oui, il devait faire quelque chose d'étrange... il m'a parlé de... d'utiliser la "formule de Laurel"?
Il a semblé s'en vouloir de me dire une telle chose et il a sombré dans son mutisme têtu ensuite.
Je n'ai pas cherché à en savoir plus, j'étais tellement fatiguée...
Comme je m'en veux! »

Le tavernier lui tapota l'épaule en signe de soutien:
« Allons Ralla, ne t'inquiète pas. Je suis sûr qu'on va le retrouver rapidement! »

Puis il entraîna Leonie à part pour lui expliquer brièvement la situation:

« Ralla élève seule son petit frère et pour cela, elle travaille toutes les nuits à la "Dame Rouge" comme fille de joie. C'est pour cela qu'elle ne peut pas s'occuper d'Hollin la journée...

Quant à Laurel, c'est l'herboriste de Nid-de-Faucon. Elle tient une boutique à côté du Haut Marché, qui s'appelle aux "Racines et Remèdes" »

« Et bien... non, je n'ai pas cherché à retrouver ses amis je vous avoue. »

Elle se releva et sembla compter de tête...

« Il y a tout d'abord... La petite Kimi Marche-Toit. C'est la fille de la couturière du village, Kitani. Sa maison est à la sortie nord-ouest de la ville.
Ensuite, il y a Mikra Jabbs. Ses parents tiennent la boucherie au bout de la rue. »

Elle marqua une moue réprobatrice.

« Oh oui, comment ne pas oublier Jurin et Savram?
Jurin est l'insupportable rejeton de Thuldrin Kreed, le Maillet du Consortium. »

Plus bas: « En quelque sorte le maire du village, sauf que nous ne l'avons pas choisi et qu'il représente plus un dictateur qu'autre chose. Je ne préférerais pas me rendre chez lui pour lui poser la question... »

« Quant à Savram... Ce n'est pas un méchant garçon, mais il me fait froid dans le dos ce petit. Il a un teint tellement blafard. Je ne suis pas sûr qu'il ait une bonne influence sur Hollin...
C'est le fils de Shavaros Vade, une personne... au mieux singulière, voire méprisable... Enfin, c'est l'impression qu'il me fait. Il vit dans une tour au Haut Marché. Mais je ne crois pas qu'il ne se soit jamais soucié de son enfant. »

Elle se tenait prêtre à accompagner la barde.

« Kitani est une petit bout de femme adorable. Dommage qu'il y ait tant de ragots sur ce qu'elle pourrait faire avec un demi-elfe du nom de Davian. Ces deux là sont de braves gens, honnêtes et droits dans leurs bottes mais que veux-tu? Nid-de-Faucon tient beaucoup du village et on a pas beaucoup d'activités divertissantes, alors raconter sur les gens, c'est déjà ça... »

« Colbrin Jabbs est un bon bougre un peu rustre mais pas bien méchant. Par contre, soit délicate en parlant de leur fils. Mikra est adorable mais il est... mmh... Disons que l'accouchement a été difficile et qu'il en a gardé quelques séquelles. »

« Reste éloignée le plus possible de Kreed. Ce type est le mal incarné. Je n'ose pas imaginé ce qu'il pourrait faire s'il te trouvait à son goût - et nulle doute qu'il te trouvera à son goût. »

« Quant à Shavaros, c'est un... mmmh... marginal. C'est ce que je peux dire de mieux. Il ne quitte que rarement sa tour. En tout cas, pas en plein jour. »

Sur ces recommandations, les deux femmes se rendirent à la boucherie où elles rencontrèrent un couple effondré par la disparition de leur fils unique.
Ralla éprouva toutes les peines du monde à rester digne dans cette situation tant ce qu'elle ressentait était proche du vécu des artisans.

Seul Colbrin put prendre la parole et expliquer combien l'absence de Mikra était incompréhensible.
Il n'avait malheureusement aucun indice particulier à fournir à la ménestrel, à part le fait que l'enfant n'était pas rentré au déjeuner la veille mais qu'il lui arrivait parfois d'aller manger chez ses amis sans prendre le temps de les prévenir.

Nid-de-Faucon étant un petit village, en général la communauté gardait un oeil bienveillant sur les enfants...

« J'aimerais beaucoup t'aider, ma p'tite dame. Mais j'ai beau r'tourner l'problème dans tous les sens, j'vois foutre pas c'que Mikra aurait pu m'dire qui nous aiderait à savoir s'qu'il est d'venu! »

L'homme semblait sincèrement désolé de n'être d'aucune utilité dans le cas présent, mais Leonie pouvait alors constater que dans le même groupe d'ami, deux individus étaient portés manquant à l'appel. Ce qui devenait une curieuse coïncidence.

« Ce genre d'article devrait facilement se trouver à l'Oie et le jars, la bazar du village. C'est juste en face de l'auberge.

Sinon, je ne connais pas particulièrement Kitani, aussi je ne sais pas si elle s'ouvrira plus en ma présence mais je veux vous accompagner si ça ne vous dérange pas. Je suis tellement morte d'inquiétude pour Hollin... »

Il ne fallut pas plus d'une dizaine de minute à Leonie pour se rendre à la boutique tenue par Brickasnurd, un joyeux gnome. En le rencontrant, la ménestrel se fit la remarque que c'était le premier représentant de cette race qu'elle croisait dans cette bourgade.

Puis les deux femmes se mirent en route pour le domicile de Kitani Marche-Toit, où elles découvrirent une femme probablement très jolie au naturel, mais dont les traits étaient tirés dans le cas présent par la fatigue et l'inquiétude. Elle toussait beaucoup aussi et avait du mal à reprendre son souffle entre chaque quinte.

« Comment? Hollin et Mikra aussi ont disparu? Par les dieux, mais qu'est-ce qu'il se passe ici? »
*tousse
« Un ami est déjà la recherche de Kimi. Il s'appelle Davian, c'est un demi-elfe.
Nous avons trouvé dans le journal de Kimi une lettre comme quoi Savram aurait trouvé un remède pour me soigner...
Pour ce que j'en sais, Savram fait souvent office de commis auprès de Laurell. »

« Davian s'est mis en route il y a presque une heure maintenant, j'ignore où il peut être. »

« Bien sûr. Tenez... »

Bon, pour le coup je ne sais pas si Davian a gardé le carnet avec lui. Je doute que ce soit le cas - on a pas été clairs tous les deux là dessus. S'il a gardé le carnet en sa possession, elle te redit de mémoire pratiquement mot pour mot la dernière phrase du journal

Le carnet est rempli d'une écriture grossière de petite fille et truffé de fautes d'orthographe. Kimi y couche ses pensées presque quotidienne. Le dernier paragraphe se termine par ces mots:

« ... Maman tousse de plus en plus et même Dame Cirthana ne peut rien faire pour elle. Papa n'est pas là. Il saurait quoi faire, lui... Savram m'a dit avoir trouvé un remède hier. J'espère que ça marchera... »

Le reste du carnet ne contient que peu d'éléments intéressants.

Depuis la demeure de la couturière, le chemin le plus rapide pour se rendre au Haut Marché consistait à passer devant la boutique de Laurell, aux Racines et Remèdes.

Les deux femmes remarquèrent une activité intense aux abords de la boutique et un nain portant les habits d'Abadar semblait limiter pacifiquement l'accès aux clients.

Tandis que les deux femmes passaient tranquillement devant l'échoppe en observant la scène, Ralla interpella la ménestrel:
« Regardez à l'intérieur! J'ai déjà vu cet homme: je crois que c'est le fameux Davian dont parlait Kitani! »

Elle désignait un demi-elfe qui semblait en conversation avec l'herboriste du village.

Le nain, toujours aimable, regarda malgré tout les deux femmes avec un air légèrement suspicieux.
Puis, constatant les yeux rougis par les larmes et l'expression inquiète de Ralla, il conclut à leur sincérité dans l'affaire et s'écarta pour les laisser entrer.

« Allez-y je vous en prie. Nous sommes ici justement pour discuter de cette affaire avec la propriétaire des lieux à l'intérieur.
Je m'assure qu'aucun mouvement de foule néfaste ne se déclenche à l'extérieur et je vous rejoins dans une minute. »

D'un geste galant de la main, il leur ouvrit la porte.