Gravius n'avait pas plus tôt sonné la cloche du portail qu'un homme en armure, portant l'épée au côté et le tabard des Tannessen vint à sa rencontre, de l'autre côté de la grille. Il n'ouvrit pas immédiatement, mais en voyant qu'il avait affaire à quelqu'un qui apparemment avait toutes les raisons d'être là, il se garda ses soupçons évidents pour lui.
« Que puis-je pour vous, ser? Le Comte attend il votre visite? »
Il était clair à son attitude qu'il avait des doutes quand à la présence de Gravius au sein de Verdoyant, mais cette fois, la réputation de la noblesse chélaxienne jouait en faveur de l'escroc: le garde ne souhaitait pas s'attirer des ennuis si il se trompait, et pour l'instant, il semblait préférer marcher sur des oeufs.

Le garde braqua un regard plus que soupçonneux sur Gravius. Il prit le temps de peser ses mots avant de parler.
« Hm-Hm...et vous vous attendez à ce que je crois cette histoire sans vérification? Vous avez le bordereau concernant l'acquisiton de cet artefact? Si c'est un objet ensorcelé, le faire entrer en ville sans déclaration est illégal, vous savez. Quoiqu'il en soit, le comte ne gère pas ce genre d'affaire lui même, et sans rendez vous. Si j'étais vous, je tournerais les talons avant que je ne doive prendre des mesures pour m'assurer de votre identité.  »
Il referma le poing sur la pièce.
« Je garde ça, et je ne vous ai pas vu. A moins que vous ne préfériez mêler la garde à tout cela? »

Le garde haussa plus haut encore son sourcil sceptique, un sourire sinistre naissant sur ses lèvres. Les menaces n'avaient pas l'air de marcher...
« Je suis sûr que le syndicat des marchands de Magnimar pourra régler le problème avec les représentants du Comte à la première occasion. En attendant, je vous suggère de déguerpir "Maître Albus le Grand".  »
Il siffla, et une monstruosité émergea des allées du jardin. Un chien de la taille d'un cheval, portant trois têtes aux machoires garnies de crocs saillants, qui claquaient en direction de Gravius. La créature semblait avoir été intégralement écorchée, et ses muscles puissants roulaient à l'air libre. Trois paires d'yeux jaunes se braquèrent sur le charlatan, et il pouvait sentir la fureur qui grondait au sein du monstre. Le garde sourit en ajoutant.
« A moins que vous ne préfériez vous expliquer avec lui? »

La Machoire d'Acier se trouvait à quelques rues seulement du front de mer...ou pour être exact, du port fluvial, même si les navires qui s'arrêtaient là venaient par l'estuaire tout proche depuis la pleine mer. La taverne portait le nom d'une variété locale d'huitre, à en juger par le mollusque gris métal peint sur l'enseigne. Il était 18h00 environ lorsque Gravius franchit la porte, et le soleil ne se coucherait qu'une heure plus tard, ce qui lui laissait moins de trois heures avant que le couvre-feu ne soit en place. Bien sûr, il pouvait gagner un peu de temps en restant sur la rive Nord pour dormir au Guêpier, cela lui éviterait de devoir retraverser le pont pour retourner à la maison familiale.


Pour l'instant, la taverne était encore calme, mais il n'était pas difficile de comprendre comment l'atmosphère pouvait rapidement devenir délétère. Des groupes de loups et louves de mer, exhibant tatouages, sandales de corde et l'air un peu absent de ceux qui avaient visité une taverne dans tous les ports du monde, de Vudra à Minkai en passant par Absalom et Port Péril se mêlaient à quelques marchands et voyageurs de passage en ville, venant du reste du Chéliax ou des pays avoisinants, s'arrêtant pour la nuit avant de poursuivre leur route vers d'autres contrées, et à plusieurs autres groupes plus hétéroclites, nombre desquels avaient l'air d'être des locaux, et étaient souvent plongés dans de grandes discussions. La taverne était pleine à craquer, et il ne manquait qu'un incident pour mettre le feu aux poudres. Le patron, un grand homme à la peau tannée par le sel et le soleil, avait l'air un peu distrait, et ne remarqua même pas l'entrée du nouveau venu.

Le patron sourit par réflexe à Gravius, et fit couler une bière ambrée dans une chope de bois, qu'il tendit au jeune homme.
« Une bière, une!  »
Alors que la conversation s'engageait, son sourire s'élargit, au delà du commercial.
« Oh, vous connaissez Laria! Comment va cette vieille pirate? Ca fait une éternité que je ne l'ai pas vu! »
Lorsque Gravius évoqua l'affluence, Jon soupira lourdement, et ses épaules s'affaissèrent.
« A qui le dites vous! Certes, c'est vrai que les affaires n'ont jamais été aussi bonnes! Mais je pourrais me passer des dégâts et des bagarres à répétition. Ca me dépasse, honnêtement! Je sais qu'il y a beaucoup plus de monde qu'avant l'incendie du Blaireau Enragé, mais quand même! Et je ne suis pas dans mon assiette ces temps ci, sinon, personne n'oserait mettre la pagaille dans MA taverne! »
Il roula des épaules. A en juger par sa carrure et les tatouages qui couraient le long de ses bras, ce n'était sans doute pas de la vantardise. Mais à ce moment là, comme pour ponctuer son explication, il étouffa un lourd baîllement, et ses yeux se mirent à papilloter. Il semblait sur le point de s'endormir.

Le tavernier bâilla à nouveau, plus profondément.
« Non, pas vraiment, mais je suis tout le temps épuisé! Oh...Jon...Riston, enchanté. Et pour répondre à votre question, les bagarres ne démarrent pas parce que je m'endors à mon poste, mais je ne suis pas là pour les arrêter du coup. Je ne sais même pas comment elles commençent! Comment voulez vous que je gère la situation? »
Un troisième bâillement ponctua la discussion. Décidément, l'homme n'avait pas l'air en forme...

Jon bâilla une nouvelle fois, encore plus profondément. Quelque chose n'allait pas, décidément. Malgré tout, le tavernier se passa une main sur le visage, et tendit un verre de liqueur à un nain qui venait de passer commande, et se tourna de nouveau vers Gravius.
« Je...et bien, il y a quelques jours j'aurais refusé, mais là...vendu! Voyons comment ça marche, et...huaaaah...il serait toujours temps de reconsidérer plus tard. J'avais un serveur, jusqu'à récemment, mais il a quitté la ville après qu'ils aient établi la loi martiale. »

Une homme, un marin solidement charpenté, chauve, et au crâne tatoué, lança une commande à l'autre bout de la salle: quatre chopes de bière pour lui et ses camarades. Jon lui lança.
« Voilà l'occasion de faire...Houaah...tes preuves! »
Il remplit prestement les quatre chopes, étouffant deux bâillements supplémentaires, et les tendit à Gravius.

Le charlatant ne savait pas à quoi il s'engageait en se lançant là dedans. Il se retrouva rapidement à courir d'un bout à l'autre de la salle, esquivant prestement les allées et venues des clients, et aidant Jon du mieux qu'il le pouvait. Il se retrouva aussi à devoir éviter les mains baladeuses de certaines clientes, en particulier les membres féminins d'un équipage de marins. Heureusement pour lui et sa dignité, il était agile, et elles (entre autres) étaient ivres.

Malgré cela, il se rendit rapidement compte que quelque chose ne tournait par rond. A plusieurs reprises, il se retourna pour voir Jon qui dormait à poings fermés. Il le réveilla à chaque fois, mais du le secouer sérieusement. Jusqu'à ce qu'un fracas retentisse, entrecoupés de cris d'indignation. Un mercenaire en armure s'était effondré sur la table des marins basanés, et ils échangeaient des invectives, paraissant à deux doigts d'en venir aux mains. Pendant ce temps, deux nains ivres se lançaient des injures, le regard mauvais, à l'autre bout de la salle.

Heureusement pour Gravius, il était incroyablement convaincant! Mais il eut quand même besoin d'aide pour séparer les marins qui avaient failli s'en prendre au mercenaire, et pendant ce temps, les deux nains étaient déjà en train d'échanger des horions. Les marins basanés laissèrent l'homme reculer, mais continuèrent d'échanger des regards mauvais avec la compagnie de mercenaires qui leur répondirent avec leurs propres regards meurtriers. On pouvait sentir la tension dans l'air.

Pendant ce temps, Gravius courut séparer les nains, mais l'un d'eux était déjà K.O. Apparemment, la chance était de son côté, parce que même si la taverne ressemblait à une poudrière pendant la fin de la soirée, aucune bagarre majeure ne fut déclenchée, une fois qu'il eut réveillé Jon, il n'eut plus besoin de faire le gendarme tout seul. Malgré tout, le mystère demeurait: il n'avait pas trouvé le responsable des sortilèges...mais il avait découvert des traces de graisse là où le mercenaire avait dérapé. Sans doute un autre sortilège.

Enfin, selon le point de vue, la soirée ne fut pas entièrement perdue! Une femme qui faisait parti de l'équipage de marins ne le quittait pas des yeux. Clairement, il avait fait bonne impression...

La jeune femme, sourit en voyant que Gravius répondait à ses signaux, ce qui déclencha, au passage, un concert de sifflements et d'encouragements de la part des marins qui, eux, quittaient la taverne avant le couvre feu. La jeune femme se présenta sous le nom de Lasha, elle et les autres étaient des marins qui travaillaient à port de l'Upasunda, un navire transportant des épices depuis Jalmeray.
Elle était très franche, et avec un accent Vudrani à couper au couteau, elle fit savoir à Gravius qu'elle n'était en ville que pour quelques jours, et qu'elle cherchait un peu de...compagnie, si il était libre pour la soirée.

Mais ses avances ne voulaient pas dire qu'il était impossible de discuter...et bien qu'elle ne soit pas en ville depuis très longtemps, ses compagnons et elle étaient déjà descendus dans cette taverne plusieurs fois, et à chaque fois, une bagarre s'était déclenchée. Son récit n'était pas dénué d'intérêt, d'ailleurs...d'après elle, une fois le patron endormi, quelque chose mettait le feu au poudre: un ennemi entraperçu parmi la foule, une insulte lancée de nulle part, ou un dérapage sur une flaque graisseuse. Un autre détail étrange revenait: la plupart des habitués mentionnaient avoir remarqué une "espèce de papillon bizarre" dans les coins sombres de la taverne!

Finalement, dans la taverne pratiquement vide désormais, vint le moment de décider où aller avant que le couvre-feu ne soit en place. Lasha lança un regard mi-tentateur, mi-plein d'espoir à Gravius.
« Alors, Kintargan? Intéressé? »

Voilà ce que je te propose: on continue la scène en parallèle du Fil Central, si tu penses que c'est faisable, mais on ferme temporairement ton fil une fois la scène terminée. Qu'est ce que tu en dis?

Modifié par un utilisateur samedi 12 mars 2016 16:06:51(UTC)  | Raison: Non indiquée

Jon, luttant toujours pour ne pas s'endormir, acquiesça à la remarque de Gravius, et prit le temps de fermer l'auberge avant que le couvre-feu ne démarre. Il remercia tout de même chaleureusement le roublard de l'avoir aidé, et mentionna qu'il le paierait pour son aide, parce qu'après tout, tout travail mérite salaire, et que sans lui...

Lasha l'accompagna, sourire aux lèvres, jusqu'à la Dent et l'Ongle. Malgré tout, alors que la nuit s'épaississait sur Kintargo, leurs discussions se tarirent rapidement, et la Vudrani entraina le jeune homme vers une des chambres de l'auberge...


Le lever du soleil les trouva endormi...mais les rayons finirent par les forcer à quitter les bras de Desna, et à ouvrir les yeux. A la lumière du matin, les tatouages rouges qui s'étendait sur tout le corps de la jeune femme brillaient comme des lignes de rubis. Elle ouvrit lentement les paupières, se frottant les yeux pour en chasser le voile de sommeil. Elle sourit de nouveau à Gravius.
« Bonjour, Kintargan. »
Elle ajouta un clin d'oeil, avant de jeter un regard vers le soleil levant.
« Il va falloir que je retourne au navire avant la marée du matin...mais si jamais tu passes à Jalmeray, pense à me chercher!  »