Leur longue discussion les avait amené sans qu'ils ne s'en rendent compte aux pieds de leurs appartements. Ils quittèrent les rues sordides de Lepidstat pour rejoindre de tout aussi sordides cauchemars emplis de têtes coupées, de corps calcinées ou déformés et de goules assassines.

Au petit matin et après s'être plongé dans l'humidité matinale habituelle de cette région, Zorg & Wesley arrivent devant une petite usine de brique dotée d'une haute cheminée qui crache des nuages jaunes qui se mêle à la brume. Leur fumée âcre les agresse alors même qu'ils passent plusieurs dizaines de mètres au-dessus de leur tête. Le bâtiment est caché dans un recoin de la zone industrieuse de Lepidstat, cette zone regroupe toutes les entreprises qui ont profité des lumières de la science pour rationaliser leurs processus de production, elle accueille des structures plus grosses et plus organisées que celles qu'on trouve ordinairement dans le pays, gérées par une bourgeoisie qui profite du déclin de la noblesse. Des centaines d'ouvriers parcourent les rues en pantalon de travail en ces heures matinales, le regard déjà fatigué, mais aucun n'entre dans l'usine de Vorstag et Grine.

Une dizaine de grandes fenêtres ornent les murs, ce sont de grands vitraux industriels usés par l'acide et opacifiés par la crasse. Une grande grille stylisée donne sur la cour intérieure, elle est surmontée d’une enseigne qui proclame fièrement « Vorkstag et Grine, Atelier de chimie». Du verre brisée surplombe les murs, des grilles ornent les fenêtres et un molosse dors dans l'ombre de sa niche au fond de la cour aux côtés de tonneaux vides. Comme pour lui faire écho, une petite cloche surmontée d'un bouledogue de métal chapeauté et sympathique pend sur le côté de la porte, en guise de bienvenue.

Wesley émit un petit rire sarcastique. « Je veux bien essayer de décrocher quelques paroles de l'un ou l'autre, mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'on soit accueillit les bras ouverts. » répliqua-t-il en levant les yeux vers les murs couverts de verres brisés. Il jeta un coup d'œil circulaire, embrassant les grilles aux fenêtres et la niche où semblait se trouver un chien de belle taille. « Pas sûr qu'ils apprécient les visiteurs. C'est pas une usine, c'est une forteresse ! »

Il baissa d'un ton. « Et puis, il va falloir la jouer fine. Deux enquêteurs qui viennent poser des questions sur un incendie et des morts, tu t'attends à ce qu'ils coopèrent ? Surtout s'ils sont au courant de quoi que ce soit concernant les éventuelles pratiques occultes de Prada. »

Il tendit la main vers la clochette, mais arrêta son geste. « Faudrait qu'on trouve une raison de demander ces informations. Mais sans lien avec Kari. Vu le peu d'amour que les habitants lui porte, ça ne peut pas aller dans notre sens... »

Wesley regarda un moment son ami sans rien dire. Il réfléchissait à d'autres solutions, mais quelles qu'elles soient, il s'agissait toujours de mentir. Au moins, la proposition de Zorg avait l'avantage d'être simple et concise, ce qui limiterait les risques de s'emmêler les pinceaux. « OK... L'université, hein ? Notre bon vieux prof ? S'ils nous demandent un nom... »

Il tendit la main vers la clochette, et cette fois-ci, l'actionna.

Zorg fit un effort de volonté certain pour parvenir à paraître vaguement amical. « Guten tag, Grine ! C'est Zorg, en effet. Salut mon vieux. Je te présente mon associé, Wesley Price, le plus gnomique des humains de cette ville, » dit-il en levant les yeux vers son ami avec un geste quasi théâtral. « Et je n'y suis pas étranger, mais l'éducation est un tel saderdoce, » soupira-t-il. « Enfin bref, on ne va pas t'ennuyer longtemps : nous travaillons pour une grosse huile de l'université et nous avons besoin de tes lumières. Euh... Wesley va t'expliquer ! » Fit le gnome avec un rictus gêné en direction de son ami.

Modifié par un utilisateur dimanche 18 septembre 2016 09:06:31(UTC)  | Raison: Non indiquée

Grine réfléchit quelques longues secondes, il vrille sa barbichette et ses yeux s'écarquillent à intervalle régulier comme s'il voulait remettre ses lunettes en place. Il regarde le bâtiment derrière lui comme s'il usurpait la responsabilité de Vorstag en vous parlant :


« Le docteur Prada, vous dites ? Vous savez, on a pas vraiment l'habitude de parler de nos clients, encore moins de leurs travaux. La confidentialité, vous comprenez ... ? Et de toute façon, ce n'est pas moi qui m'occupe de passer les contrats. C'est Vorstag qui se charge de ce genre de choses. Je... je ne peux rien vous dire en l'état.  »

Il passe une main derrière la tête, gêné, il réfléchit quelques secondes de plus. Il agite son index en l'air pour en faire sortir une résolution :

«  Bon, par contre, je vais passer l'information à Vorstag. Il prendra la décision, je ne vous promet rien mais je vais essayer de le convaincre. Est-ce que je peux vous contacter à quelle adresse ? Et pour que je puisse expliquer tous les détails à mon collègue, vous travaillez pour qui à l'université ? Juste pour information, il bénéficie d'un budget pour reconstituer les recherches du docteur ? »

Modifié par un utilisateur mercredi 21 septembre 2016 19:02:08(UTC)  | Raison: Non indiquée

Zorg s'apprêtait à répondre à son consdisciple et était sur le point d'ouvrir la bouche quand son ami et associé le prit de vitesse, mentionnant le nom d'un professeur de l'Université qui n'était pas du tout Montagnie Crowl... Mais il réalisa bien vite que l'idée était bonne : en tant que chercheur d'antiquités, et donc de tombes, Crowl n'avait rien d'un spécialiste du vivant. C'était donc beaucoup plus crédible ainsi, à ceci près qu'à l'inverse de leur commanditaire, von Magõn n'aurait sans doute pas la présence d'esprit de confirmer éventuellement leurs dires pour la bonne et simple raison que c'était un gros mensonge.

Mais Wesley n'avait pas répondu à Grine sur un point, et Zorg craignit que leurs chances soient compromises si les deux loustics, manifestement assez peu enclins à rendre service gratuitement, n'y trouvent rien à gagner. Portant machinalement la main à sa bourse, il fit mentalement le compte de ses maigres économies. Il savait que Wesley n'avait guère plus, et la trésorerie de l'agence était vide. Les affaires n'avaient, décidément, pas été très bonnes ces derniers temps, et la Baronne ne les paierait peut-être pas tout de suite - si jamais elle les payait un jour pour de telles mauvaises nouvelles. « Enfin, pour ton information, on n'a pas vraiment de budget défini. On a des... frais de mission. Compte tenu de l'importance de ces recherches pour l'épistémologie, je ne pense pas que ça pose vraiment de problème... A condition de rester raisonnable. Hem. » Il toussota légèrement, mal à l'aise, les subtilités de la diplomatie et du mensonge n'étant pas vraiment son domaine de prédilection.

Une fois la porte refermée, les deux compères n'eurent plus qu'à s'en retourner.

« Bon... » Fit Zorg après quelques mètres, « ça aurait pu se passer plus mal que ça. Tant qu'on n'a pas affaire à des idéologues, le pognon ouvre toutes les portes. A condition, bien sûr, d'en avoir... Tu crois qu'on pourrait en demander à Frauleïn Trucmuche et ses obsédés ? Ou à la juge Pyramide ? Ou au vieux Crowlant ? On va avoir du mal à financer ça sur nos deniers, mein gut Freud. »

Il laissa passer quelques instants, plongé dans ses propres réflexions, avant d'ajouter : « Cartha von Magõn, hein ? Drôle d'idée que tu as eue là. Je crois en comprendre la raison, mais que se passera-t-il s'ils mènent leur enquête de leur côté ? Le plus probable est qu'ils veuillent surtout voir la couleur de l'or, bien sûr, mais tu as pris un risque. Au moins, Crowle aurait pu confirmer nos conneries. »