Nestor était perturbé par son séjour chez le cardinal. Deux sentiments ambivalents se disputaient son humeur. D’un côté, il profitait de la générosité de son nouveau maître. Il avait trouvé amusant de s’entraîner contre des mannequins, un système aussi ingénieux qu’innovant. Le rat cuisinier l’avait affolé, à son arrivée, la réputation d’hygiène de ces créatures ne plaidant guère en sa faveur. Néanmoins, les mets étaient raffinés et en abondance, et son esprit s’était apaisé. Les servantes se montraient des plus affables, accédant au moindre de ses désirs. La luxure n’étant pas son péché le mieux satisfait, il en avait profité largement. Surtout après avoir appris que l’une d’entre elle était excitée par des enfants. Un déguisement très courant, pour lui.

Mais cette vie de luxe le laissait sur sa faim. Déjà, le cadeau du couvre-chef l'avait insulté. Lui, maître es déguisement, n'avait pas besoin de cet artifice ! Il avait bien sûr gardé son sentiment pour lui. Et puis, il lui manquait une chose essentielle : la liberté d'action. Il sentait beaucoup trop sa servitude, en ces lieux. Le manoir était une prison, dorée certes, mais une prison quand même. L’inaction lui pesait. Il avait noté parfois quelques indélicatesses, impolitesses ou négligences dans le service. Sa volonté luttait à grand peine pour ne pas reprendre les choses en main. Aussi s’était-il distrait en cherchant les pièges présents dans les longues enfilades de couloirs de cette immense demeure. Quelques portes avaient cédé devant ses talents de crocheteur. Toutes ces richesses aiguisaient sa cupidité, un autre de ses péchés. Cependant, on ne volait pas la main qui vous nourrissait. Aussi avait-il jugulé ses penchants naturels en la matière.

Lorsqu’enfin, son ancien maître Atu était venu le chercher en compagnie d’Aerel, pour obtenir les détails de leur mission, l’excitation de l’aventure enflamma aussitôt son esprit et le tira de la léthargie qui menaçait de l'étouffer. L’extraordinaire mobilité du visage de son nouveau maître l’impressionnait toujours autant. En tant que professionnel du déguisement, il appréciait à leur juste valeur ses mimiques qui le fascinaient. Le discours du cardinal, si sûr de lui dans ses plans machiavéliques, alluma en lui l’espoir d’une vengeance accomplie contre les fidèles de Mitra et la maison Darius.

Comme à son habitude en présence de son maître, sa posture se redressa, son ton devint pompeux, très cérémonieux, pour instaurer la distance et le respect nécessaires à leur relation. « À votre service, seigneur. Il sera savoureux de retourner contre nos ennemis une arme qu’ils croient hors d’atteinte. Avez-vous des raisons de douter de la loyauté des membres du Lien que nous rejoignons ? »

« Au Prince! » dit le Seigneur Atu alors qu'une servante amenait un vin Chelaxien fort raffiné.


« Au Prince! » trinqua le Cardinal, heureux des propos qu'il venait d'entendre de ses nouvelles recrues. Il se tourna, amusé, vers Nestor.
« Des raisons? Pas plus qu'avec la plupart des gens de Golarion. Mais pas moins. Ce n'est pas qu'ils soient infidèles, ils seraient déjà châtiés, mais l'appât du gain et du pouvoir ont déjà fait perdre la tête à bien des gens qui se disaient loyaux. Et notre avancée ne doit subir aucune faille. Reposez vous bien, fidèles, car demain est le début de votre séjour, et Talingarde n'est pas prête à oublier le cadeau que vous ramènerez de vos vacances. » dit il avant d'éclater d'un rire qui faisait presque froid dans le dos.

Comme les auters, Aerel avait accepté de bonne grâce la coupe, avant de la lever au nom de sa divinité
« Au prince! »
Il leva ensuite un sourcil perplexe devant l'intervention du halflin à ses côtés. Celui-ci semblait en savoir plus sur cette mission que le cardinal n'avait souhaité en dire.
Après s'être rapidement repris, il répondit toutefois.
«  Je ne la connais que peu, mes affaires, officielles ou non m'ont plus souvent amenées dans le sud du royaume. D'autant que Farholde est éloignée des routes de commerces habituelles, du moins des miennes »
Tout en parlant, il essayait de se souvenir si ces noms lui évoquaient quelque chose. Après tout, il était présent depuis l'aube du culte Mitran, peut-être avait-il entendu parler de cette action.

Dans tous les cas, il attendit avec curiosité la réponse du cardinal, qui semblait avoir été doublé sous son propre toit.

Modifié par un utilisateur mercredi 12 avril 2017 18:23:45(UTC)  | Raison: Non indiquée

Nestor redressa le menton, comme pour fendre en petites brindilles insignifiantes les insinuations du cardinal. « Je suis entièrement dévoué à notre Maison. Un majordome digne de ce nom ne trahit jamais son seigneur. » Il avait accentué le "notre", pour insister sur son sentiment d'appartenance à l'organisation.

La proposition d'aller se reposer ne recueillit pas du tout son approbation. Il s'inclina cependant, avant de se tourner vers son collègue. « Sans vouloir vous offenser, vos paraissez plutôt d'un certain âge. Ce qui, pour un elfe, doit signifier une expérience remarquable. Que diriez -vous de nous retirer dans la bibliothèque, pour effectuer nos propres recherches sur notre future mission ? Nous pourrions faire connaissance, par la même occasion. Nous sommes tous sur le même bateau, après tout, et il est utile de connaître les spécialités de chacun dans l'équipage, n'est-ce pas ? »

Le Cardinal parut en stage un instant, avant de se mettre à sourire.

« Fort bien. Vous pouvez disposer, nous partions avant midi, demain. Seigneur Atu, vous pouvez rester, nous avons à parler seul à seul. »

La bibliothèque était éclairée par des torches qui ne dégageaient aucune chaleur, afin de ne pas envoyer à la cendre l'étendue des connaissances qu'on pouvait y trouver. Là, Nestor cherchait par thème avec Aerel, mais les pistes furent maigres.
Rien sur les Larmes. Rien sur la Corne (ce qui était assez normal, la région de Caer Bryr étant très peu cartographiée). Tout ce qu'on pouvait trouver, c'était des informations sur Farholde, et sur Vetra-Kali. Vetra-Kali était un puissant leukodaemon, porteur de peste, et serviteur du Cavalier Pâle, qui ravagea par ses fidèles une partie de l'île il y a des décennies, avant le règne de Markadian Ier, dit Le Victorieux. Son culte vaincu, il n'avait pas refait surface depuis, son sort restant des plus incertains.



Concernant Farholde,c'est l'une des plus grandes villes du royaume, bien moins que Matharyn, la capitale et sa centaine de milliers d'habitants, mais avec dix mille habitants, Farholde, est l'une des plus grandes villes de la côte ouest, bâtie sur neuf collines liées par des ponts, la plus haut au Nord Ouest de la partie civilisée de l'île. La population compte beaucoup d'humains et demi-humains, pas mal d'elfes, et quelques nains et halfelins. Le dirigeant est le Duc Argus Welshire, seigneur apprécié et combattif.
Farholde vit principalement de la pêche et de l'agriculture. Au nord de sa position, le lac Scardynn permet une pêche assez paisible sur son flanc, contrairement à l'autre côté du lac, qui mène aux terres barbares et inconnues.

Aerel avait lui apprécié ces recherches, les bibliothèques ayant toujours été parmis ses endroits favoris. Tant de savoirs à y trouver, du plus anecdotique au plus pertinent.
En l'occurence, il devait avouer que pour trouver grand-chose, il aurait probablement fallu plus de temps.
Il avait écouté ce que faisait le halflin, essentiellement râler du manque d'action et de réussites d'après ce qu'il avait pû entendre. Il semblait plutôt impatient, mais après tout, il avait effectivement déjà réussi à trouver nombres d'informations par lui-même auparavant. Sa seule crainte au sujet de cet autre agent du cardinal était que son assurance pourrait bien leur jouer des tours dans le futur. Il allait falloir y faire attention dans ses plans et prévisions.

Au final, il avait peu progressé, quelques détails sur ce qu'ils allaient devoir chercher, mais guère plus.

Il s'assit après la question de son interlocuteur, tranquillement, sans hâte. «  Non, je ne connais même l'existence de son réseau que depuis peu. Je suppose qu'il a réussi à réorganiser certains croyants, mais je n'en faisait pas partie jusqu'il y a peu. J'ai perdu contact avec le reste de l'église quand les purges ont commencées, ce qui m'a probablement permis de rester en vie jusqu'ici. Les mitrans ne sont pas les plus efficaces des chasseurs, mais ils sont tenaces. »

Nestor écarquilla un instant les yeux. Il avait du mal à saisir l'âge de son interlocuteur. À même imaginer ce que représentaient toute ces années. « Vous étiez donc déjà un fidèle quand les purges ont commencé. Je crois que je n'étais même pas né ! Combien de siècles avez-vous vécu, au juste ?! En tout cas, le roi a payé de sa vie cette croisade contre Asmodeus, à ce que l'on dit. Vous savez si c'est vrai, du reste ? »

Il laissa quelques secondes à Aerel pour répondre, avant de poursuivre. « En tout cas, pour avoir échappé aux usurpateurs si longtemps, vous devez avoir un truc vraiment spécial. Moi, je suis le roi du déguisement, par exemple. Et vous ? Je serais bien curieux de connaître votre truc ! » Il sourit franchement au vieil elfe. Il ajouta, l'air faussement innocent : « vous me le direz bien un jour, n'est-ce pas ? »

Je me permets de poursuivre la discussion entre Nestor et Aerel. Je pense qu'elle ne pouvait finir comme cela. On poursuit ailleurs ? Tu préfères arrêter, booleen ? Sinon, suite ci-après.

Modifié par un utilisateur vendredi 21 avril 2017 23:48:38(UTC)  | Raison: Non indiquée

Aerel s'autorisa un petit sourire en coin.
«  Voilà maintenant plus de deux siècles que je sert le prince des ténèbres. Quand aux rumeurs, je ne peux que penser qu'elles sont fondées, après tout, Son église n'a jamais été connue pour sa grande indulgence.... Mais je ne peux les affirmer ou les infirmer avec certitudes, la plupart des fidèles avaient déjà commencé à se cacher à l'époque, ou avaient été rattrapé par les purges. »
Il semblait pensif, perdu dans les souvenirs d'une époque révolue.
« Quand à la raison qui m'a permit de leur échapper si longtemps, et bien personne ne soupçonne jamais un marchand elfe comme les autres d'adorer en secret une divinité interdite. J'essaie toujours de passer pour quelqu'un de sympathique : jouer quelques instants avec un enfant, carresser le chien..... Les gens ne veulent pas penser qu'un type ordinaire est un cultiste en secret. Et maintenant que je me fait vieux, aucun paladin ne va même envisager l'hypothèse : qui irait accuser un vieillard ayant besoin de sa canne d'être un serviteur d'Asmodeus? »
L'expression de satisfaction sur son visage était devenue franchement malsaine.