Aunua s'était apprêtée pour aller voir Ludoviro. Elle avait mis, pour la première fois, l'ensemble fourni par son oncle. Elle trouvait cet ensemble parfait pour elle, qui avait déjà l'habitude de porter des vêtements de hautes factures et qui signifiait son status social. Elle avait d'ailleurs été la seule parmi ses sœurs à arriver pour voir Fex en tenue de soirée. Ses vêtements là étaient en plus renforcés magiquement, et même si Ludoviro le savait, elle espérait que cela ne le laisserait pas de marbre.

Elle arriva donc en léger retard, calculé exprès pour être remarqué, mais pas suffisamment pour paraître impolie ou désinvolte auprès de Ludoviro. Il était de souche noble, encore que d'une maison mineure pour ce qu'elle pouvait deviner. Il était le "sujet" de son attention actuelle, et Aunua pouvait être mono-maniaque dans son approche des relations sociales. Pour elle, c'était plus comme un combat contre un orque pour certains qu'un simple moment à discuter avec un ami. Ludoviro n'était pas un ami, et si leurs objectifs à court terme étaient à priori parallèles, rien n'était sûr sur un temps plus long. C'était d'ailleurs un de ses objectifs, quelque peu mineur dans la discussion qu'elle avait répété dans sa tête en chemin. Mais d'abord, il fallait le convaincre qu'Aunua et ses sœurs lui voulaient du bien, ensuite lui faire la requête qu'il les représente durant leur entretient avec le Licteur des Chevaliers Infernaux. Rien que d'y penser, Aunua commençait à suer : elle n'avait pas été très respectueuse des lois ces derniers temps, pour ne pas dire ces dernières années. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait choisi d'habiter à Port-Énigme : ce n'était pas exactement le genre de ville qui était regardante sur la morale de ses habitants, loin de là.

En voyant Ludoviro, elle sourit avec charme.

« Ce serait avec plaisir. Il y a bien longtemps que je n'ai pas visité Longacre, et ces fleurs titillent ma curiosité. Des roses noires vous dites ? C'est peu banale en effet. Mon cher oncle doit en être fier...

S'il est au courant bien sûr. Mon oncle n'a jamais été très... impliqué dans les affaires de son archbaronnie, n'est-ce pas? Mais vous le savez bien sûr. » En marchand vers le fleuriste, Aunua attrape le bras de Ludoviro comme il sied à une jeune noble en confiance avec un autre noble.

« Il y a de fortes chances pour que vous connaissiez mieux notre oncle que nous à vrai dire : l'une de ses premières actions lors de notre arrivée d'exil a été de nous envoyer au loin, "en sureté". Alors certes nous n'avons pas eu ses "soucis", et nous sommes totalement étrangères aux évènements de ces dernières années. C'est pourquoi nous avons tant besoin des ses conseils, et des vôtres par la même occasion. Vous êtes son conseil et son avocat dans ce terrible procès qui pend au-dessus de la tête de notre oncle comme une épée de Damoclès.

Heureusement, il a confiance en vous, et par la même, nous aussi. Notre confiance en vos capacités, et en votre caractères, vont même au-delà, et mes sœurs et moi voudrions faire appel à vos services. Nous avons une haute estime en ceux-ci, et nous sommes sûres que cela serait une gageure pour vous. Après tout, vous défendez un archbaron dans un procès où la Couronne et l'Église sont parties civiles. Rien ne peut vous effrayer dans le prêtoir, j'en suis sûre. Aussi, nous sommes confiante que vous n'aurez pas de problème à nous représenter lors d'un entretien amical avec le Licteur Vidoc, de l'Ordre du Fléau. Celui-ci nous invite à le rencontrer, et nous l'avons inviter à nous rencontrer à Sénara d'ici quelques jours. Le Licteur, ce doit être un grand comique, nous a conseillé de venir avec un représentant. Étant l'une des rares personnes à la fois qualifiée pour cela et également quelqu'un en qui nous avons confiance, nous pensions vous inviter également à le rencontrer. J'imagine que cela ne peut pas vous faire du mal de rencontrer une de ces grandes figures publiques de l'Empire, surtout un soutient inconditionnel à Sa Majestrix. N'est-ce pas ? Qu'en dites-vous cher Ludoviro ? »

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« Votre oncle est un puissant magicien conjurateur. Son art le rend moins disponible pour les affaires locales et il nourrit de nombreux projets très prenants. » reconnut l'inquisiteur.

« Je connais pas bien votre oncle. Je ne l'avais jamais rencontré jusqu'à présent. Si je devais me risquer à faire un compliment à votre oncle. Dans le premier temps de son règne sur la région, il su produire quelque chose d'assez unique dans cet archiduché.

Un système avec une maisonnée très réduite et peu chère et délaissant les affaires locales au profit de shériffs élus et de l'ordre local des chevaliers infernaux. Cette approche minimaliste a pu fonctionner jusqu'à la survenue d'une crise majeure. C'est l'une de ses lignes de défense d'ailleurs. »

Ce que Ludoviro ne disait pas, c'est que quand la crise était survenue, votre oncle n'était ni suffisamment puissant, ni suffisamment aimé pour surmonter la crise.

« Je n'ai jamais rencontré votre oncle avant de devenir son avocat. Lorsque notre ordre est arrivé en ville, il avait disparu. Mais j'ai lu les rapports et j’accomplis correctement mon devoir. »

« Puisque vous en parlez, je suis moi-même issu de l'inquisition et aujourd'hui membre du synode. Mon travail reflète non seulement les intérêts de votre oncle et de votre domaine, mais aussi la position de l'Eglise. En choisissant d'anciens adversaires comme défendeurs, votre oncle a fait un choix assez audacieux qui implique qu'aucun doute ne peut être permis dans notre travail de défense. L'affaire sera regardée et c'est un geste d'apaisement envers l’Église dont les membres l'ont déposé au cours d'une mission voulue par elle et par Sa Majestrix. »

C'était comme si votre oncle avait pris ses anciens ennemis en otage dans son propre procès. Et puis, s'il perd, il peut toujours accuser son avocat de conspiration... Ce qui retarderait la sentence... Une sorte d'assurance en somme...

« Si je peux vous être également utile à vous et à vos soeurs Madame, ce serait un honneur. Et ce n'est pas pour les hautes autorités... Croyez-le ou non, j'en ai vu assez pour toute une vie.

Le licteur se mettrait en défaut s'il ne vous prévenait pas de vous faire assister lors de cette entrevue. Il n'a rien de comique. De cette manière, il peut réutiliser tout ce qui sera dit dans cette conversation contre vous et votre oncle. Après tout, il vous avait prévenu... »

« C'est une manière de voir les choses... Il ne faut pas se soucier des choses que l'on ne maitrise pas, et maitriser tout le reste. Je pense que la clef réside davantage dans l'adaptation. Il faut avoir le courage de changer. Ainsi, vous serez toujours efficace et vous tirerez, vous et vos sœur le meilleur de chaque situation. »

Alors que vous quitter la place pour arriver dans la rue où se trouve le marchand de fleur, Ludoviro entra davantage dans les détails concernant les liens entre L'Archbaron Fex et le Synode.

« Tel était le bon plaisir de Sa Majestrix. Je me garderais bien de tenter de comprendre la volonté de notre monarque. Mais je dois reconnaitre qu'imposer la volonté de la Couronne même sur les règles de l'Enfer est un message politique très fort. Le signe que le Cheliax compte dans l'Univers. Sa Majestrix a un grand sens de l'ironie. Confier à Ses exécuteurs le soin d'aller cherche l'âme... C'est tout un symbole...

Le Synode est aux mains du cardinal, et le cardinal est l'un des plus fidèles agents de Sa Majestrix, comme le sont ses autres compagnons. Certes le cardinal Charthagnion est un homme exceptionnel. Mais ses compagnons le sont également et c'est à toute l'équipe que la mission a été confiée...

Votre oncle n'est d'ailleurs pas la seule personne que l'Empire est "allé chercher". Et quelque part, l'Enfer était un des lieux les plus simples pour nous... Et heureusement nous n'étions pas seuls... »

Vous arrivez enfin en face de la boutique. Une pancarte indique "treillis". La boutique est couverte d'un assemblage de barres en bois verticales, horizontales et diagonales formant des triangles, dont la boutique tire visiblement son nom.

Ludoviro n'entre pas. Au lieu de cela, il marque une pause. La question de Toulon Vidoc semblait tout aussi épineuse que les roses noires de la boutique.

« Ce n'est pas la question qui est posée. Prenez son invitation, mais en y intégrant le fait que Toulon Vidoc dirige une organisation qui traque la corruption, le plus vieil ordre de chevaliers infernaux, et il s'occupe de l'accusation dans le procès... Il connait sans doute tout de notre situation et des projets de votre oncle vous concernant... Si vous faisiez son travail, vous aussi vous convoqueriez tout le monde de manière formelle à la première occasion... Par exemple, dès que vous serez rassemblées toutes les quatre au même endroit que votre oncle. C'est un fils de marchand... Dans tous les cas, cette rencontre lui profitera. Il en profitera pour vous interroger sur votre oncle. Mais je pense que ce ne sera pas le seul sujet de conversation et que cette rencontre cache autre chose. »

Ludoviro sourit légèrement à la prononciation du nom de leur destination mais ne dit rien à ce sujet.

« Je n'ai que deux conseils :

Premièrement, en toute transparence, tant que vous ne prenez pas parti contre votre oncle, je défendrais votre famille. Mais si jamais c'est une direction que vous prenez. Je me trouverais alors en conflit d'intérêt. Ce qui m'obligera à cesser de vous aider pour me concentrer sur mon client plus ancien et plus haut placé dans la hiérarchie que vous. Sinon vous pourrez compter sur mon aide.

Deuxièmement, il ne faut pas trop donner l'impression de s'être trop bien préparé. Vous ne savez pas grand chose des affaires de votre oncle et tant que vous n'êtes pas en responsabilité c'est votre plus grande force... Dans l'esprit de l'ordre, l'imperfection est synonyme de sincérité et de vérité. Ils se méfient par nature de tout ce qui est trop lisse, trop parfait... Quand il n'y a vraiment vraiment rien, c'est justement là qu'il y a quelque chose à creuser. L'ordre lutte contre la criminalité organisée, la manipulation politique et l'abus de pouvoir. Voilà les trois choses qu'il ne faudra pas que vous affichiez. »

Ludoviro commanda quelques fleurs pour le temple auprès du marchand en prévision des évènements futurs.
Il commanda 600 roses noires pour le temple de Longacre et 600 autres roses noires pour l'ambassade en prévision des célébrations à venir. La marchande ne fit aucun commentaire et s'exécuta, même si les chiffres annoncés avait de quoi faire peur. Mais c'était la saison.

« Plus une chose est rare, plus elle a de la valeur. » commenta Ludoviro. « Peu importe la valeur réelle de l'objet. »