Perli rejoignit sa mère en voletant. Celle-ci tournait autour de Vaprecel en une lente révolution tandis que s'était engagée une étonnante conversation entre l'homme et la créature magique.

« Il y a de celà plusieurs jours, des hommes arborant des masques de métal sont passés par ici. Perli qui n'a que quelques dizaines d'années en est encore à faire ses expériences.

Vous savez comment sont les enfants, souvent un peu taquins.

Il a donc renversé un pot de peinture sur l'un des hommes et son cheval. Un rose très intense, particulièrement joli qui est venu rendre plus attrayant cette vilaine figure. L'homme n'a pas apprécié l'effort de mon Perli et hurlé des insanités à propos de la vengeance du dieu vivant. Il a fallu que j'intervienne pour éviter que mon Perli soit blessé. Heureusement qu'il a pu se cacher derrière l'arche, sinon, sans nul doute qu'il aurait été embroché.

Quelques créatures des bois m'ont prêté main forte pour détrouner l'attention et les hommes sont finalement repartis en rageant par le sentier, dans les bois. Une femme les dirigeait, avec une robe toute bleue.

Les bois sont de moins en moins sûrs. Pendant que ses protecteurs se livrent à la guerre au sud, nombre de monstres se sont introduits au nord et ces hommes n'auraient sans doute jamais pu être si violents quelques années auparavant. Vous faites bien de voyager nombreux. Même le petit peuple magique s'est réfugié dans les tréfonds du bois. »

Le jeune papillon dragon vint se poser sur l'épaule de Barin en le regardant fixement.
« Maman, est-ce que je peux tresser la barbe du nain. Il est pas bien joli comme çà. Et tu pourrais lui mettre du vert. Il en reste là haut. »

Le dernier pot s'éleva dans les airs...

« Perli, laisse ce nain tranquille. Tu sais, c'est un peuple sage et souvent triste. Il n'a pas la chance comme toi de pouvoir voler.

Laisse moi transporter ce pot de couleur. »
« Oui maman... »

Le pot voltigea devant Horvath, Barin et Vaprecel pour aboutir aux pieds de Sihrl. Les uns les autres avaient entendu parler du pouvoir de certaines créatures magiques de déplacer les petites choses, voire de les faire disparaître. Ils en avaient un exemple. Un bouchon en liège voltigea à son tour et vint fermer le pot.

« Vous pouvez l'emporter, çà nous fera plaisir et ce peut être particulièrement utile. Cette peinture a des effets magiques. La difficulté, c'est qu'on ne sait jamais lesquelles.

Pour en revenir à tes questions, jeune homme, la guerre au sud occupe les hommes qui savent comme personne se battre entre eux pour des terres qu'ils croient posséder. Elle oblige ceux qui sont les amis du petit peuple de la forêt à y participer pour sauver nos bois.

Ceux qui sont passés étaient plus tristes que vous et leur absence de sens de l'humour pour agressive qu'elle soit n'aurait jamais pu blesser Perli en présence du petit peuple. »

Même sans pouvoir apercevoir qui que ce soit, ils sentaient autour d'eux comme une présence invisible, comme de multiples yeux qui les observaient.

« Certes je comprends tout à fait. »

Vaprecel hocha la tête en signe d'approbation. Il regarda le papillon dragon tourmenter gentiment le nain avec un demi sourire à peine caché. Il reprit son sérieux pour la prochaine demande qu'il allait formuler.

« Je ne voudrais pas avoir l'air d'abuser mais, du groupe qui est passé ici. Auriez-vous entendu un nom ? De la femme peut-être ou de l'un des membres ? J'ai peur que ces personnes peu recommandables ne sèment que malheur et tristesse derrière eux. Il est de notre devoir de les retrouver avant. »

Vaprecel parlait au nom de tous, mais mettait surtout ses objectifs en avant sans vraiment savoir si les autres étaient d'accord avec lui totalement. Après tout, ses convictions étaient ce qui lui importaient le plus.

Sihrl ne voulut vexer personne et surtout abréger cette rencontre avec l'impétueux dragon papillon avant que Barin ne fisse un malheur, prit donc le pot de peinture en se demandant bien quel intérêt pouvait avoir une mixture dont les effets étaient inconnus.
Il ne savait même pas s'il s'agissait d'une coloration à user sur soi dans l'espoir qu'elle ait un vague effet positif ou, au contraire, sur un adversaire dans l'optique de l'affaiblir.

Soit il lui trouverait une petite place sur la mule, soit il s'en débarrasserait à la première occasion, hors de vue de la famille rose bonbon et casse bonbons.

Pour l'heure il avançait hardiment sur le chemin en regrettant amèrement que Vaprecel ait cherché à apprendre le nom des masqués plutôt que le nombre qui lui semblait foutrement plus important.
A ce stade de leur enquête, il n'était pas loin de penser que c'était des suppôts de Razmir qui avaient profané le tombeau de l'ennemi de Kassen. En outre, il trouvait qu'ils grouillaient un peu trop de ce côté-ci du Lac Encarthan.
interrompant brutalement le fil de ses pensées comme si tout le monde était censé les suivre parfaitement il dit
–– «  On nous a révélé que chez ce faux-culte, les couleurs symbolisaient une hiérarchie. La femme devait être leur responsable.  »

Il regarda Barin d'un air entendu songeant que par contre, personne n'entendait jamais d'un air vu.





Barin s'était accordé une rasade bien méritée et longtemps, il lorgna de ci de là, en quête du retour du Dragon-Papillon.
Il fourragea même du marteau dans un buisson qu'il assura avoir vu frémir (Le Freluquet avait même ri en disant que c'était parce qu'il avait peur du nain). Mais après quelque temps, il reprit une attitude plus digne et austère.

Tout juste sifflait-il de temps à autre une chanson de marche naine pour se donner de l'entrain.

Quand Sihrl évoqua brusquement ses réflexions sur les masqués, il renchérit

– «  M'ouais... Taper sur une femme ce n'est pas honorable, mais taper sur la tête c'est recommandé.  »

Sur ces fortes paroles empreintes de la sagesse séculaire du peuple vigoureux, il accéléra encore le pas.

Avait-il hâte de gagner les collines ou d'en découdre avec les masqués ?

Les deux peut-être.

Barin haussa les épaules à l'apostrophe de l'humain. Sous son casque, il le regarda farouchement un instant. S'il était possible de décrypter intégralement ce qui passe dans un regard sans doute aurait-on compris Mais bougre d'âne, je n'ai jamais dit que Iomédaë n'avait pas d'honneur, j'ai dit qu'il n'y avait pas d'honneur à cogner sur une femme. Oui, il y a des femmes qui prennent les armes, qui n'a jamais vu une escouade de Valkyries arbalétrières naines clairsemer les rangs ennemis, ne connait rien au combat, oui il est quelques fois nécessaire pour sauver sa peau de tanner la leur, mais c'est regrettable, et il n'y a pas d'honneur à cela (à l'exception des femelles elfes noires, toutefois).

Il est vrai que chez vous les humains, les femmes sont nombreuses, beaucoup trop à mon humble avis, et fécondes comme des orques, et que vous pouvez sans doute vous permettre d’en massacrer une douzaine ou deux de temps à autre. Vous survivez à votre honte, en habillant votre crime de fausse bienveillance sexiste, les femmes seraient l’égale des mâles pouetti pouetta, mais quand il s’agit de leur laisser les tâches subalternes, de leur interdire les cercles de pouvoir, de les confiner à la maison, de les molester pour une faiblesse passagère, tandis que vous avez engrossé une demi-douzaine de serveuses ou de servantes selon votre rang, les femmes sont des esclaves.

Exprimer tout cela aurait nécessité beaucoup trop de paroles pour Barin. Il fut plus laconique.
– «  M'ouais... De toute façon, les humains c'est des orques qui essaient de copier les manières des Elfes.  »

Et il reprit sa marche.





Sihrl sentit que l'attention de ses camarades se relâchait pour se tourner vers une joute philosophique. Il tâcha de compenser en redoublant de prudence et d'attention.

Ils enfilaient les journées de marche, ne voyant que rarement la lumière du soleil. En cette saison automnale, les feuilles formaient comme une croûte glissante sur le chemin qu'ils empruntaient. L'air était imprégné d'une odeur d'humus et de moisissure. rares étaient les endroits secs, hormis sous de grands arbres plusieurs fois centenaires.

C'est ainsi que le cinquième jour, en longeant une ravine, ils aperçurent quelques centaines de mètres plus bas un étrange spectacle.

De loin, il semblait qu'un homme assez gros leur tournait le dos, tenant à la main une torche enflammée alors même qu'il était en plein jour. Il avait au côté une étrange masse terminée par des barbillons de métal.

Ils ne semblaient pas avoir été repérés. Du moins pour le moment. Barin arrêta leur monture et l'apaisa en mettant sa grosse main sur l'encolure de l'animal qui se retourna pour le regarder d'un oeil rond et humide.

Cette excursion aurait au moins un mérite, celui de prouver la grandeur de la race naine à ce groupe d'humains, Barin était prêt à parier une mèche de barbe à ce sujet.

Affermissant sa prise sur son marteau, s'équipant de son bouclier, les yeux brillants d'excitation à moins que ce fut de farouche résolution il sembla grandir tandis qu'il faisait jouer les muscles de ses épaules si peu sollicités par les journées de marche.

– «  Moi, bien sûr !  »




Sihrl, beaucoup moins intimidant et armuré que ses compagnons essayait de compenser par une vieille habitude tombée en déchéance chez ces êtres de métal: réfléchir.


–– «  Non pas vous, Barin. Je crois que Vaprecel en tant que Paladin de Iomédae est capable de discerner dans les esprits la malveillance, peut-être même la duplicité. C'est donc vous, Vaprecel qui êtes le plus indiqué pour cette tâche. Si ce type est voué au mal, levez le bras gauche comme le geste d'assouplissement que vient de faire Barin par exemple.
Nous nous cachons et nous tenons prêts à intervenir. »

Le Nirmanthi n'ajouta pas que le guerrier saint devait se méfier d'une embuscade, car, à certains regards, il avait remarqué que Vaprecel avait déjà intégré cette hypothèse.
Il tâcha donc de trouver une protection habituelle pour un archer: dense avec une ouverture près de lui et dégagée jusqu'à sa cible éventuelle. Au pire la ravine, si sa pente était suffisamment douce pour qu'on puisse s'y tenir, fournirait un bon emplacement.

Cette torche en plein jour était particulièrement étrange.






Barin se saisit de son arbalète et tâcha de dénicher un roc où se mettre à couvert. Dansla mesure du possible, il préférait ne pas confier aux arbres le soin de le protéger. Trop fragiles, trop mal famés...
Auparavant il attacha la mule en retrait.

En s'adressant à l'homme, à voir sa réaction curieuse, le paladin comprit qu'il se tramait là quelque chose de curieux. Ce dernier semblait en effet occupé à menacer l'arbre, approchant sa torche pour que la flamme vienne lécher le tronc avant de la retirer soudainement avant qu'il ne s'embrase.

Lorsqu'il se retourna pour faire face au paladin qui s'adressa à lui en descendant à sa rencontre, chacun put s'apercevoir que loin d'être un homme, il s'agissait en réalité d'un humanoïde barbu aux oreilles à l'horizontale. Plusieurs dents sortaient de sa bouche. L'humanoïde était bâti tout en force. Il jeta un oeil sur sa droite avant de regarder Vaprecel puis fit une étrange grimace avant de reculer derrière l'arbre, comme pour se mettre à l'abri.

Vaprecel le détailla et nota que ce monstre étrange portait à sa ceinture des petits cranes encore tous sanguinolents.

Ne sachant pas vraiment si cet homme gardait le silence volontairement ou par crainte, il préféra ne pas prendre de risque. Il dégaina son épée sans pour autant la brandir. Se contentant de l'avoir en main au cas où.

« Un problème ? Pourquoi vous cachez vous ? »

Il s'arrêta restant sur ses gardes cherchant du regard là où l'homme avait regardé auparavant.

Vaprecel ne compris absolument pas la langue que parlait cet homme. En tout cas ce n'était pas la langue commune ou céleste pour sûr. Ne sachant pas vraiment à qui il avait affaire, il s'approcha suffisamment de l'homme pour qu'il puisse voir son âme. Il ne se contenta pas de l'homme mais aussi des environs.

détection du mal sur les environs et l'homme en particulier si je ne détecte rien à côté, après s'être approché de l'homme pour être à portée si besoin est.