Dion hocha la tête. «  Je ne sais rien de plus que toi sur cette région. Nous n’allons jamais dans cette direction  ». Dion déclina aussi l’offre d’aide du Govanien. Méliore et Farmon prirent le temps de déjeuner en compagnie des hommes qui accompagnait Dion. Ils apprirent que ceux-ci étaient des Voedfrigiens, qui étaient partis de la ville de Walle lorsque les loyalistes s’étaient emparés du pouvoir. Un exode avait eu lieu et des centaines de personnes avaient fui la ville. La plupart des réfugiés s’étaient présentés chez les ducs du Govan, de Baxord ou de Prosprtown dans l’espoir de se refaire une vie à leurs services. Ceux qui accompagnaient Dion avaient choisi la vie d’homme libre, au combien difficile et dangereuse. Ils étaient prêts à en payer le prix pour éviter la servitude.

Après le repas, les groupes se séparèrent. Méliore et Farmon firent route vers le point d’observation où Raedan, Odel et Toland devaient les attendre. Une fois la rivière traversée, le pas fut rapide. Ils étaient dans des prés sans fin, un terrain plat aux herbes hautes. La progression y était très facile et on y voyait au loin. Les monts étaient un guide indéfectible et les deux guerriers ne risquaient définitivement pas de se perdre. Après environ deux heures de marche rapide, ils atteignirent le pied de la colline. Il leur fallut quelques minutes pour repérer un amas de branches qui semblait former un abri un peu plus haut sur la colline. Ils gravirent la pente et atteignirent enfin une petite terrasse. Raedan vint les accueillir de sa voix grave et profonde « Hola, chef… », lança-t-il hésitant, ne sachant trop par quel titre il devait s’adresser à Méliore. «  Nous avons bâti cet abri comme vous l’avez demandé! ».

Méliore apprécia le travail : les hommes avaient assemblé un toit solide en rondin et l’avaient recouvert de sapinage. Les murs avaient aussi été confectionnés par un tissage de plus petites branches de conifère. Le travail été bien fait. L’avant-poste pouvait accueillir confortablement trois personnes, quatre si on s’y tassait un peu. On y avait un excellent point de vue sur la plaine.
Méliore fut satisfait.

Tu prévois rester à cet endroit combien de temps?

Après une très brève pause, Méliore reprit la route en compagnie des deux guerriers. Ils arrivèrent assez tôt pour monter le camp. Pendant qu’Odel et Toland s’affairaient à construire une cache sommaire, Méliore explorait les environs pour s’assurer qu’il n’y avait pas de danger imminent. Il en profita pour ramasser aussi le plus de bois possible en vue du montage du feu.

Lorsque le soleil se coucha, le deuxième camp était monté et prêt à l’usage.

Méliore fila en direction du gué après avoir transmis ses instructions aux deux campements. Il allait maintenant devoir organiser les relèves, mais il aurait tout le temps de réfléchir à comment s’y prendre pendant les huit heures de marche qu’allait prendre son retour à Moïra.

La température était maussade lorsque Méliore parvint enfin à la baronnie, au milieu de l’après-midi. Elle s’accordait parfaitement avec l’humeur générale, comme si Saïos soulignait elle aussi les obsèques de Barbenfeu ayant eu lieu la veille. Une bruine tombait depuis quelques heures, détrempant le pauvre Méliore. La place centrale était vide et seul l’écho du travail des charpentiers et des maçons qui s’affairaient venait troubler le calme. Frédélin fut le premier à remarquer le retour de son frère d’armes. Il vint à sa rencontre et l’accueillit chaleureusement dans leur langue natale. « Content de te voir de retour! Avec les créatures dans la région, je préfère voir les guerriers du pays au bercail! », lui lança-t-il en l’étreignant. Lui demandant des nouvelles de sa mission, il l’accompagna jusqu’à la chaumière de la baronne.

***

Lhassa avait commencé très tôt ces études ce matin-là. Elle s’était levé avant Drom et avait d’abord changé les bandages de ses blessures, puis avait préparé le pain pour son maître, avec la pâte qu’elle avait mise au repos la veille. Le garde-manger de la tour était étonnamment bien fourni et regorgeait de légume frais et de viande bien grasse. Il y avait là de quoi faire un potage bien garni à verser sur le pain. Quand le repas fut prêt, elle se contenta pour sa part d’un bout de pain et, à la lueur de la chandelle, se mit à l’étude. La nouvelle technique qu’elle avait apprise lui facilitait les choses, car elle comprenait mieux les étranges glyphes, mais ce qu’elle découvrait était complexe à saisir.

Tous les jours, Lorne se réservait du temps pour questionner Lhassa. Il s’affalait dans le fauteuil et la jeune femme s’installait sur le petit banc juste devant. Là, il passait en revue ce qu’elle avait appris depuis la dernière fois et lui demandait de lui réexpliquer les choses à sa façon. Cent fois il la corrigeait, mais jamais il n’avait le ton du reproche.
Il fallut plusieurs heures ce jour-là avant que Lorne ne vienne à la pièce d’étude. Il prit sur la patère son lourd manteau de laine et, l’enfilant, fit signe de la tête à Lhassa de le suivre. La jeune azalaise, passa prestement sa cape et s’engagea à sa suite. Ils firent route en direction de la baronnie.

***

Les blessures qu’avait subies Anselme durant l’expédition étaient encore un peu douloureuses et le jeune noble en profitait pour se reposer. Les obsèques du nain avaient été chargées d’émotions. La journée s’était amorcé avec un peu de tir à l’arc, mais le temps s’étant gâté, Anselme avait regagné la maison pour y étudier. La saison avait connu bien des péripéties et ses projets de lecture avaient été abruptement écartés. Il semblait enfin avoir le temps de se relancer dans le traité « Maître et élèves » de Darwald Leroux. Il s’installa confortablement dans la pièce centrale avec la coupe de vin que lui avait servie Agnès à son retour de l’entraînement.

Frédélin cogna à la porte, annonçant le retour de Méliore. Anselme soupira en fermant les yeux avant de les inviter à entrer tandis qu’Agnès s’en allait déjà quérir Margot.

Frédélin opina du chef avec le sourire et s’installa sur le banc de bois le long du mur. À la suite du commentaire d’Anselme, ils discutèrent un peu de l’avancement des travaux, notant que la proximité des ressources permettait un développement rapide. Sur cette entrefaite, Margot pénétra dans la pièce, vêtue d’une tunique noire. Elle salua Anselme d’un geste de tête puis s’installa sur un des bancs à proximité du feu. Elle se tourna vers Méliore. « Votre retour est rapide, j’en suis fort heureuse. Est-ce que tout est en place pour nous tenir à l’abri d’une attaque-surprise? », demanda la dame.

Margot écouta attentivement le rapport du jeune govanien. «  Cette idée d’établir des postes avancés semble déjà porter ses fruits… ». Margot poursuivit en s’adressant à Anselme :« Le groupe dont parle Méliore m’inquiète. Sont-ce des brigands ou des mercenaires? Dans les deux cas, ils risquent de nous poser problème si nous les tolérons sur nos terres. On remettra aussi en doute nos capacités à protéger notre frontière… En même temps, s’il servent à freiner une menace qui vient du nord… ».

Toc, toc… Margot s’interrompit alors qu’on frappait à la porte. Elle fit signe à Frédélin d’aller ouvrir. Ce dernier s’exécuta. Derrière la porte se trouvait Lorne. Juste derrière lui, affichant un regard timide, se trouvait Lhassa. Margot les invita à entrer, intrigués par cette arrivée inattendue. Avant même qu’elle ne puisse s’enquérir des raisons de leur présence, Lorne prit la parole « poursuivez, Dame, votre entretien et permettez-nous d’y participer. Nous avons fait aussi vite que possible et je n’ai pas eu le temps de mettre Lhassa au parfum… J’ai eu quelques visions que je veux vous partager… régler d’abord cette histoire d’homme sur vos terres et je vous informerai plus avant de la menace lorsque j’aurai repris mes esprits. » Margot décontenancée par l’arrivée de l’homme de la tour. Plus encore lorsque celui-ci s’installa sans plus de cérémonie sur une chaise. Lhassa rougit. Elle n’aurait jamais osé une telle entrée en scène.

Margot resta béate un moment, puis, lentement en regardant Lorne du coin de l’œil, elle se retourna vers Anselme et reprit : « Comme je le disais… si les hommes qu’a rencontré Méliore servent à freiner la menace, accepterons-nous qu’ils foulent nos terres? »

Vous savez que Lorne est présent, mais vous devez l’ignorer. Si quelqu’un désire s’adresser à lui ou passer un commentaire, il doit d’abord réussir un jet de volonté (DD 20). Lhassa est immunisé à cet effet.

Désirant ne déranger personne en cet instant qui lui semblait d'importance, Lhassa se contenta de s'asseoir en tailleur au coin de l'âtre et s'efforça à se concentrer afin de ne rien perdre de qui serait dit en cette heure.
il est de ces instants sur le fil de la destinée qui font s'incliner la pente de l'avenir vers l'un ou l'autre versant, cela lui semblait instinctivement être le cas.

Tout cela prend une tournure inattendue. Tâchons de rassurer tout le monde.

«  Madame, les quelques personnes que j'ai rencontré sont des Voedfrigiens, ils sont partis de la ville de Walle lorsque les loyalistes se sont emparés du pouvoir. Beaucoup ont fuit vers les duchés alentours mais ceux là ont décidé de vivre librement. Je ne pense vraiment pas qu'ils s'agissent d'espions, et je crois savoir, sans l'avoir vu, que leur campement est plus au nord, juste avant la forêt de Findor, à la limite de notre territoire.  »

Méliore n'en revenait presque pas lui même de l'audace dont il faisait preuve. Sortait-il de son rôle ? Il avait en tête le secret qu'il gardait et hésitait encore à prononcer le nom de Dion. Après il serait trop tard.

« 
Il est vrai que nous devons nous assurer de garder le contrôle de notre territoire, mais nous ne sommes pas assez nombreux pour le faire, alors pourquoi ne pas les laisser s'installer en signant une charte les liants à la Baronnie ? S'ils refusent, alors nous les expulseront.

Le plus important, je pense, est de nous occupé de la menace de ces satanés gobelins. S'il y en a dans la forêt, nous devrions peut être aller voir.
 »

Anselme réfléchissait à ce qui allait répondre à Margot tout en écoutant Lorne d'une oreille distraite à propos de la menace au Nord.
Quand ce dernier fit une pause avant de continuer son récit Anselme ne put s'empêcher de penser que Lorne aimait la mise en scène, il soupira agacé.
Qu'il dise ce qu'il a à dire et qu'il s'en aille ! Pensa t' il.

Le matin même Anselme s'était levé du pied gauche, comme souvent aurait dit certains, et il était un peu soupe au lait. D'ailleurs en parlant de soupe, il avait eut du mal à digérer celle qu'il avait manger la veille au soir, le repas était bon cependant, mais parfois certains jours, certaines choses passent moi bien qu'a l’habitude et il était un peu barbouiller des intestins.

Quand Lorne commença son récit concernant sa vision il fut plus attentif.

« Cette couronne de plumes là ?!  » Anselme fut d'abord stupéfait, et puis bien embarrassé par ce cadeau fait à la Baronne.
Il regarda Margot et lut l'inquiétude sur son visage et dans ces yeux. Il détourna la tête, dépourvu de toute réponse.
Ne laissant pas le temps à quiconque de faire un commentaire il s'adressa à Lorne.
« Vous pouvez nous en dire plus au sujet de l'ombre d'Antioch ? »

Modifié par un utilisateur mercredi 3 janvier 2018 23:46:04(UTC)  | Raison: Non indiquée

Les paroles de Lorne ne les éclairaient pas beaucoup. Anselme et Méliore connaissaient bien les légendes communes qui concernaient le « prince-démon », après tout, il s’était écoulé un peu moins d’un siècle depuis sa chute, et ce nom, terrible, résonnait encore dans les mémoires. Ils savaient qu’à la fin de l’époque Impériale, les neuf clans avaient repoussé les hordes humanoïdes d’Engor, le dieu rageur, dans les montagnes de Coronis. Engor, frustré par les Hommes, les Elfes et les Nains, avait fait appel à son frère Séors, le veilleur des morts, qui accepta pour lui de laver l’affront des mortels. Maints avaient péri, calmant par leur sacrifice les ardeurs du Dieu bouillant. La vie fut prospère durant les siècles qui suivirent, à tel point que les habitants de Coronis en oublièrent les rigueurs des temps passés, les vicissitudes et les caprices des Dieux. Deux cents ans furent placés sous les auspices du Dieu artisan Orgar et de sa débridée sœur Festal, l’euphorique Déesse des fêtes et des émotions intenses. Mais la tisserande Ménoren, imperturbable entrelaçait toujours les ironiques fils du destin : Antioch naquit …

Nul ne sait comment est apparue, en 555, cette engeance qui ruina Ruanon et força la dissolution du Grand conseil, mais tous savent aujourd’hui que le Prince-démon Antioch, fils aberrant d’Érèbe et de Barchézok, régna en maître sur la plaine et la cité d’Érébor, la défunte Ruanon. Antioch fut pourtant vaincu, en 777, par une elfe, Saï-Singel, lors d’un combat singulier.

Malheureusement pour Méliore et Anselme, ils ignoraient les plus amples détails de cette époque héroïque. Si cette « chose » devait être de retour, sous quelque forme que ce soit par ailleurs, ce n’était vraiment pas une bonne nouvelle.