Karenn venait d'entrer dans la taverne de Pointesable appelée "La musette de l'Homme gras". Manifestement le nom de la taverne faisait référence à son tenancier, qui, debout derrière le bar, affichait une protubérance ventrale digne d'un nain obèse. L'homme semblait fort mais il n'était pas facile de le vérifier sous les replis de graisse, et à travers la fumée qui semblait venir tant de la cheminée que de la rare clientèle attablée et en majorité occupée à fumer de large pipes de bois.

Le fait que la majorité de la clientèle soit composée de varisiens pure souche n'était pas pour déplaire au gnome plus habitué à traiter avec les éternels voyageurs varisiens, mais il se remémora les avertissements de sa "cousine", Kendra DEVERIN, la maire de Pointesable, dans le manoir familial de laquelle il avait élu domicile depuis la veille au soir.

Accueilli avec chaleur, le gnome avait en effet pu constater que sa lointaine alliée familiale avait le sens de la famille et de l'hospitalité, puisqu'elle n'avait pas hésiter à mettre de côté ses propres affaires pour lui faire bon accueil et passer la soirée avec lui pour discuter et apprendre les raisons de sa visite.

Lorsque le gnome avait mentionné le nom de Grayst Sevilla en indiquant qu'il le recherchait et que ses informations le disaient à Pointesable, la maire avait fait la grimace et lui avait indiqué que cet individu peu recommandable fréquentait sans doute régulièrement la Musette de l'Homme Gras, gourbi préféré des varisiens de Pointesable où les bagarres étaient fréquentes. Elle avait abjuré Karenn de se montrer prudent car le Shériff soupçonnait plusieurs habitués de cette taverne d'appartenir à la redoutable et impitoyable Szcarni, la mafia varisienne, et de se servir de ce lieu comme lieu de rencontre.

Située sur le port, et à proximité du seul lupanard de Pointesable, cette taverne semble en effet accueillir même de jour, comme aujourd'hui, tout un ramassis de varisiens aux trognes patibulaires et de rudes marins.

Alors que derrière son comptoir l'énorme tenancier toise le petit gnome du regard, la plupart des clients l'ignorent superbement. Ainsi, les trois tables de marins semblent absorbées par leurs boissons et leurs jeux de dés, l'un des marins s'emportant d'ailleurs contre un varisien venant de réussir un coup apparemment chanceux et les choses auraient pu dégénérées si ses compagnons ne l'avaient maîtrisé.

A deux autres tables des varisiens visiblement itinérants ne se soucient pas du nouveau venu, tandis qu'à une cinquième table, un grand échalas varisien à l'oeil malicieux le dévisage avec curiosité, tandis que ses deux compagnons lorgnent avec intérêt vers la table où la rixe entre le marin et le joueur varisien vient d'être évitée de justesse.

Enfin, deux varisiens en grande discussion sont appuyés sur les poteaux qui soutiennent l'escalier menant à un étage apparemment fermé à la clientèle.

Le tenancier adresse alors un regard interrogatif au gnome resté de courtes secondes sur le seuil pour embrasser la scène du regard.

Modifié par un utilisateur mercredi 20 août 2014 12:17:50(UTC)  | Raison: Non indiquée

L'obèse qui se tenait derrière le bar fronça les sourcils en entendant la commande de Karenn, puis, de sa grosse patte sentant la sueur rance, posa brutalement à côté des mains du gnome un gobelet en bois ébréché contenant un vin non coupé avant de dire en varisien :

« Voilà semi-homme, en attendant ta monnaie, masi pas celle de singe que tu fourgue d'habitude à ceuilles qu'entraves que dalle ! »

Le varisien qui avait observé Karenn répondit d'un hochement de tête au salut de Karenn et se leva pour s'approcher. Le gnome s'aperçut alors que l'homme était sanglé dans une élégante armure de cuir et portait quelques poignards au côté.

« Le salut gnome, dis moi donc comment tu t'appelles, que je sache à qui je paie un verre, » dit-il dans un varisien coulant.
Fonçant le nez à la vue de la vinasse que l'obèse avait servi au gnome, il s'assit sur le tabouret voisin de celui de Karenn en poussant le gobelet vers l'obèse et dit à ce dernier :
« Pas de cette piquette pour mon invité Gressel, donnes nous donc du vin de printemps, pour une fois que tu as un client respectable. »

L'obèse s'exécuta tandis que le varisien scrutait le gnome en demandant :
« Permettez que je me joigne à vous ? »

Karenn s'aperçut que les deux varisiens qui étaient assis à la même table que l'homme les observaient avec intérêt.

Modifié par un utilisateur lundi 25 août 2014 15:57:07(UTC)  | Raison: Non indiquée

L'homme adressa un sourire au gnome mais ses yeux semblaient rester de marbre :
« Je me nomme Jubrayl Vishki mon cher Karenn, je suis d'ici, comme ces deux hommes qui sont plus des compagnons de route que des amis... »

A voix basse, le varisien reprit :
« Dites moi Karenn, est-ce le festival qui vous a attiré dans notre modeste petite ville ou êtes-vous venu pour une autre raison ? J'espère que ma question ne vous paraît pas déplacée, mais il est rare de voir un respectable gnome comme vous, hôte de la maison du Maire, venir s'encanailler dans ce bouge... »

Le varisien ne souriait plus et regardait fixement le gnome.

Le varisien fixait Karenn, semblant chercher à fouiller dans l'âme du gnome. Puis, il reprit, conservant son ton qui n'aurait pas fait tâche dans un salon feutré de Magnimar :

« Grayst Sevilla... hum... je le connais... ce n'est pas vraiment un ami, mais disons, et j'espère que vous le comprendrez, qu'il me serait difficile d'indiquer sans raison l'endroit où le trouver à un étranger qui semble lui chercher querelle.

Ne me jugez pas trop mal, mais dites moi, que vous a-t'il fait exactement ? Je n'ose imaginer quelque vilénie sinon vous auriez averti les autorités non ? »

Le varisien avait terminé sa tirade en sirotant son verre, le regard se perdant par la fenêtre, mais la tension de son visage laissait penser qu'il restait concentré et attentif au moindre signe.

Le varisien semblait réfléchir, observant le doigt de Karenn qui tournait autour de son gobelet ébréché.

« Je suis un fidèle partisan de la justice également, » fit-il avec un ton non moins ironique que celui de Karenn.

Puis, après un silence, il poursuivit : Je n'ose imaginer qu'un gnome tel que vous se risquerait à une entreprise de cet acabit pour des broutilles. Je dois donc faire confiance à mon jugement et accepter que votre quête est juste. Ce que je peux vous dire c'est qu'il est un mercenaire, qui n'est lié ni à son peuple, ni à une troupe quelconque. Seul l'or le lie, et encore est-ce d'une manière glissante. Ce n'est pas un homme de parole. Pas comme moi, et sans doute pas comme vous n'est-ce pas ?

Puis l'homme se resservit un nouveau gobelet et proposa à nouveau du vin à Karenn, avant de reprendre plus bas et en fixant intensément le gnome :

« Vous savez sans doute que mon peuple est plutôt nomade et que nous accordons une grande valeur à l'honneur, à l'hospitalité et à la parole donnée. Dans des contrées sauvages comme celles de notre pays, ces valeurs sont primordiales.

Partagez-vous ces valeurs Maître gnome ? si je vous aide, pourrais-je compter sur votre aide en retour ? »

Le varisien sourit et se pencha plus près du gnome :

« Ce fieffé coquin de Grayst Sevilla traîne en ce moment ses guêtres aux alentours de Pointesable. Plusieurs caravanes varisiennes sont venues pour le festival et avec eux nombre de ceux de mon peuple. Grayst a du monnaiyer ses services pour excorter les uns ou les autres. Aux dernières nouvelles, il se trouvait dans une petite cahutte sur les bords de la rivière Turandok à quelques lieux de Pointesable, l'endroit peut être dangereux et il n'est pas certain qu'il y soit encore. mais soyez certain qu'il mettra les pieds au festival demain.

Soyez sur la place de la cathédrale demain, je vous ferai prévenir dès qu'il sera repéré. »

L'homme se leva alors, puis, avant de retourner vers sa table, il tourna à nouveau son visage vers le gnome, tout trace de gentillesse ou d'amabilité ayant disparu :
« J'ai ta parole, quand j'aurai rempli ma part du contrat, tu me seras redevable. »

Puis, d'un pas dansant, il retourna s'assoir à sa table avec ses deux compères, qui regardèrent le gnome en coin. Plus personne ne faisait attention à Karenn, si ce n'est le tenancier du bar, qui rangea flacon de vin et gobelets à une vitesse que son poids rendait peu soupçonnable.

Alors que Karenn remontait sur Fêta pour retourner au manoir des Deverin dans l'espoir d'y trouver sa cousine, il fut harcelé de questions par une bande de gamins crasseux, sans doute des gosses de manoeuvres du chantier naval ou de dockers, parmi lesquels on distinguait aussi des varisiens pure souche, habillé à la mode des caravanes itinérantes.
« 
Et comment elle s'appelle ta chèvre ?

Elle mange de l'avoine ? Tu vas la faire rôtir ?

Messire Gnome, vous faites de la magie ?

Oh ouiiii de la maggiiiiie !  »

Les passants n'étaient pas nombreux, mais tous regardaient le curieux équipage que formaient Karen aux cheveux bleus et fêta qui donnait des coups de dent dans le vide pour éloigner les garnements qui semblaient vouloir lui arracher les poils de la queue.



Un peu plus tard, alors qu'il était repassé devant les écuries du Gobelin écrabouillé, qui affichaient de funèbres trophées, sous la forme d'oreilles de gobelins séchées pendues au plafond et d'une dépouille de gobelin enfermée dans un bouteille de sa taille qui contenait un liquide jaunâtre, et qu'il était sorti de la ville, via le Pont de Pointesable pour rejoindre la presqu'île située au Sud où avaient été bâtis les manoirs des quatre familles fondatrices, Karenn aperçu venant vers lui, depuis la presqu'île, une troupe d'une dizaine de cavalier, allant au pas.


Alors qu'ils s'approchaient, Karenn reconnu les couleurs sombres de la famille Scarnetti. Menés par un homme blond au visage austère, les cavaliers le toisèrent avant d'arriver à sa hauteur. Le meneur, s'arrêta à la hauteur de Karenn et le détailla du haut de sa monture, dominant largement le gnome dont la tête lui arrivait au pied. Une moue méprisante au visage, l'homme, armé et équipé d'une splendide armure de cuir clouté rivêtée d'argent semble presque cracher par terre lorsqu'il daigna dire :
« Voilà donc le mystérieux invité de maîtresse Deverin. Et bien, si la valeur d'une famille se mesure à ses invités, le manoir Deverin devrait bientôt accueillir malandrins et écumeurs des plaines... »
La tirade du personnage tira quelques rires et sourires de ceux qui l'accompagnaient, des marchands à cheval, ainsi que trois hommes blonds, dont les capes sombres ne dissimulaient ni la fine cotte de maille, ni l'épée qu'ils portaient au côté.

Modifié par un utilisateur lundi 8 septembre 2014 10:20:15(UTC)  | Raison: Non indiquée

Le noble toisa de toute sa hauteur le gnome :

« Vous effrayez ? et bien avez-vous jamais perdu du temps à effrayer un moustique Messire gnome ? Les moustiques qui m'importunent, je ne les effraient pas, je ne les chassent pas, je les écrase ! », dit l'homme avec suffisance et un éclair d'acier dans les yeux.

Puis, il talonna sa monture, qui partit en trot soutenu, aussitôt imité par toute sa suite qui fit voleter un épais nuage de poussière irritant les yeux et la gorge du gnome.

Karenn se trouva seul sur la route, avec derrière lui la ville de Pointesable, et de l'autre côté du Turandok, près du pont de Pointesable comme près du pont du Tanneur, des campements et chariots varisiens en train de s'installer.