Jack le salua d'un signe de tête et d'un sourire, avant de poursuivre son petit déjeuner tandis que lui même montait à l'étage.

Cordayle redescendit au rez-de-chaussée du café. Il était soucieux. Leurs dernières entreprises avaient été de réels succès, et ils avaient mis fin aux sabotages, mais les choses s'accéléraient, et il craignait que les Thrune ne cherchent bientôt à les détruire activement. Chaque jour qui passait, Escad réalisait un peu plus que le conflit était inévitable. Il y aurait bien d'autres morts que Jay Fushi, et il avait bien du mal à se faire à cette idée.

Chester...que dirais-tu si me voyais maintenant...et que penserait père ? Son frère aîné lui manquait. Il caressait l'idée de le revoir un jour - Kintargo n'était pas si grande. Que lui dirait-il alors ? Seraient-ils ennemis à jamais, condamnés à se battre jusqu'à la mort pour défendre leurs idéaux ?

Escad pensait à tout cela en revenant dans la grand-salle du café. Jack était partie. Je crois qu'il est temps d'aller au bordel. Alors qu'il franchissait le pas de la porte, un homme l'apostropha, assis à une table non loin. Escad se souvenait vaguement de lui ; il ne lui avait jamais vraiment parlé...et du temps où il se faisait appeler Brume, le père de Gravius s'était montré plutôt discret.

Il marqua un temps d'arrêt. Maintenant qu'il y pensait, la vérité sautait vraiment aux yeux : la ressemblance avec Gravius était frappante. « ...bien sûr, » finit-il par répondre courtoisement, tout en s'installant en vis-à-vis. « Vous êtes Lucius, c'est bien ça ? Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? »

Escad constata que le père était tout aussi adepte des longs discours que le fils. « Content de savoir qu'il a pris le temps de réfléchir à tête reposée. » Il devrait faire ça plus souvent. Blondin choisit prudemment ses mots. Dans son esprit, les choses étaient parfaitement claires. « ...Gravius et moi...n'avons pas eu le meilleur des départs. La première fois que je l'ai vu, nous nous battions contre les miliciens. Gravius ne retenait pas ses coups. Il frappait pour tuer, et il a bien failli réussir. » Quand une serveuse vint prendre leur commande, Escad refusa poliment; il avait déjà déjeuné.

« Il n'éprouve aucun remords, ne connaît aucune limite. La fin semble pour lui justifier les moyens... ce qui n'est pas mon opinion. Si on fait n'importe quoi et qu'on considère tous ceux qui sont loyaux aux Thrune comme des animaux, alors on ne vaut pas mieux qu'eux, et on ne fait que verser du sang inutilement. » Il marqua une pause. Si Lucius était du même avis que son rejeton, cette discussion n'aboutirait de toute façon à rien. Escad craignait de perdre son temps, mais il poursuivit néanmoins, de façon posée : « Ajoutez à cela qu'il ne peut pas prononcer trois phrases sans me traiter d'idiot et vous comprendrez peut-être qu'il ne m'est pas spécialement sympathique. »

Il soupira. « Voilà en ce qui concerne mes "griefs", comme vous dites ; mais ils n'affectent en rien ma capacité à travailler avec lui, » s'empressa-t-il d'ajouter. « Et puis, j'ai moi aussi mes torts. Je suis désolé de lui avoir cassé la gueule. Même si c'était pour une bonne cause, je n'y ai pris aucun plaisir. J'aurais dû trouver une autre solution que frapper votre fils, et je m'en excuse. »

« ...Je ne le connais pas bien, mais Gravius a l'air de beaucoup fonctionner à l'affect. Je ne pensais pas qu'il prendrait les choses tant à coeur. Mais hier, certaines vérités devaient être prononcées - enfin ! Cette histoire de faux nom est maintenant close, en ce qui me concerne. »

« Vous avez raison. Nos rapports resteront sûrement un peu tendus, mais... pour ma part, il n'y a rien d'insurmontable, maintenant que le voile a été levé. » Et avant que Cordayle ait pu dire autre chose, Lucius s'était déjà levé, et s'inclina bassement avant de tourner les talons.

Drôle de type...songea-t-il. Il se serait plutôt attendu à ce que l'acteur lui serre la main. Moi, idéaliste ? Escad n'en était pas certain. D'ailleurs, il avait sans doute - encore aujourd'hui - moins foi en leur cause que ses camarades. Il demeura perdu dans ses pensées quelques instants, le regard dans le vague. Gravius n'est qu'un gosse, à peine plus vieux que Dorian. Il finira par changer. Après tout, il avait bien changé, lui.

Quand il réalisa soudain que l'heure tournait, Escad se leva bruyamment, et sortit du café d'un pas vif.

Après avoir adressé un bref signe de tête à Kitana, afin de ne pas la déranger en plein travail, Escad se dirigea vers le bureau de Henge d'un pas pressé, remerciant Al' pour l'information. Quand il poussa la porte, il découvrit Henge assis devant son large bureau, occupé à faire de la paperasserie.

Cet homme-là était l'un des rares qui intimidaient Escad. Giveni Henge savait tout de son passé et de ses erreurs, et Escad lui serait à jamais reconnaissant de lui avoir donné une seconde chance.« Désolé, patron...une urgence, » déclara-t-il d'une voix grave qui se voulait conciliante. « J'aurais dû vous en parler avant, mais... j'avais peur que vous me le refusiez, patron. J'étais du côté de Toits-Rouges, et c'était vraiment très important. Crucial, même. Pas pour moi... mais pour Kintargo. J'ai pas voulu vous laisser tomber, et je prends mon travail ici très à coeur. »

Il déglutit péniblement.

Modifié par un utilisateur jeudi 9 juin 2016 15:40:12(UTC)  | Raison: Non indiquée

Comme il s'y attendait, Henge n'était pas des plus heureux qu'il ait abandonné son poste hier soir. Mais au moins, il avait échappé à un savon. Escad allait répondre à son boss quand ce dernier mentionna soudain Sepherene, son amie elfe aquatique portée disparue.

Le temps s'arrêta. Que...ai-je bien entendu ?! Soit Henge était fou, soit Sepherene était revenue. Elle est...rentrée ? Pour autant, le discours de Henge ne faisait aucun sens.

Escad se couvrit la bouche d'une main, avant de balbutier : « M-merci, monsieur, je...je n'ai fait que mon devoir. Si ce genre d'évènement venait à se reproduire, je m'arrangerai pour vous prévenir dorénavant...mais vous êtes libre de retenir ça sur ma paie, évidemment...c'est vous le patron, monsieur. Et je suis à votre service, n'hésitez pas à me demander ce que vous voudrez. » Il inclina nerveusement la tête, et ajouta. « B-bien...si vous n'avez plus besoin de moi...je vais aller travailler. »

Une fois son échange avec Henge terminé, il descendit l'escalier en trombe. SEPHERENE EST VIVANTE ! Sa première réaction avait été de redescendre au comptoir pour demander à Kitana... mais mieux valait ne pas la déranger en plein travail, à la réflexion. Escad se rua donc dans le couloir, en direction de la chambre de l'elfe aquatique. Il colla son oreille à la porte, tentant de percevoir d'éventuels bruits amoureux. Si aucun son ne parvenait à son oreille, Escad tenterait d'entrer dans la chambre de Sepherene en actionnant la poignée.

Modifié par un utilisateur vendredi 10 juin 2016 01:30:34(UTC)  | Raison: Non indiquée

Quand la porte s'ouvrit, le coeur d'Escad bondit dans sa poitrine, alors que le visage de l'elfe aquatique se dessinait dans l'embrasure. « Je...alors, c'était vrai ! Tu es là ! » balbutia-t-il en refermant la porte derrière lui, tandis que Sepherene se dirigeait nonchalamment vers sa coiffeuse, comme s'ils s'étaient vus la veille. Cordayle s'assit sur le lit, le dos appuyé contre un coussin-huître.

Des questions, il en avait des tas, évidemment. « Je me suis fait un sang d'encre, tu sais ! Je pensais ne jamais te revoir ! » déclara-t-il d'un ton paternel. « J'ai même rejoint un mouvement rebelle dans l'espoir de te retrouver. Moi, dans un mouvement rebelle ! Tu te rends compte ! » Et comme il savait qu'il n'obtiendrait aucune information avant de lui avoir donné satisfaction, il poursuivit son récit. Ils avaient tout le temps du monde pour discuter, de toute façon. Et puis, il faut qu'elle finisse de se maquiller...

Avec Sepherene, il se montrait plus loquace que d'ordinaire, et parlait avec une certaine emphase. Il était comme un enfant qui retrouve sa mère après des vacances chez un vieil oncle. Excité et heureux. Il avait tant de choses à lui dire ! Et notamment à quel point il s'était fait du mouron pour son amie...mais elle le savait déjà.

Il commença par lui parler de la manifestation et de sa rencontre avec Rexus, Gravius, Caliban, Victorius, Dorian et Eilif, présentant brièvement chacun d'eux, en des termes plutôt neutres. Il lui parla de Laria et des Corbeaux d'Argent. Des soeurs Fushi et du tragique accident du Guêpier. De Laika, de Jack - mentionnant son insolite petit déjeuner avec la borgne - et des autres Chiens Noirs. De Vendalfek et d'Alice.

Quand enfin il eut terminé, il prit la main de son amie dans les siennes. « Et toi...? Où étais-tu, bon sang ? Est-ce que tout va bien ? Tu n'es pas blessée, au moins ? »

« Euh...mais non, voyons. Tu as l'air juste un peu...désorientée, et j'ai du mal à te suivre. Tu es sûre que ça va ? Je te trouve un peu...bleue, » déclara-t-il, pince-sans-rire, en la regardant dans les yeux. Blague à part, Escad ne comprenait pas un traître mot de ce que son amie essayait de lui dire. Inquiet, il posa une main sur son front ; peut-être avait-elle de la fièvre ? « Seph...tu as bu ou quoi ? Je ne comprends rien de ce que tu racontes, tu veux bien commencer par le début ? Où est-ce que tu étais pendant toutes ces semaines ? On devait aller à la manifestation ensemble, et on s'est perdu de vue, tu te rappelles ? ...Sepherene? »

Modifié par un utilisateur vendredi 10 juin 2016 23:35:20(UTC)  | Raison: Non indiquée

Gnagnagna... Pourquoi toutes ses tentatives pour faire un peu d'humour se soldaient systématiquement par un échec ? Quand elle invoqua une pluie fine juste au dessus de lui, Escad prit un air blasé, et lui jeta un regard faussement courroucé. Elle a toujours adoré faire ce genre de trucs... « C'est malin. Par ta faute, je vais attraper la crève en sortant, maintenant. »

Il vint s'asseoir près d'elle. « Tu crois qu'on t'aurait...jeté un sort, ou quelque chose comme ça ? Mais dans quel but ? » Escad ne connaissait rien à aucune forme de magie, et il ne pouvait vraiment pas être d'une grande aide dans la situation présente. « Tu ne sais pas dans quel quartier de Kintargo c'était ? Quelles personnes tu as rencontrées ? » Ne voulant pas l'asséner de questions auxquelles elle ne saurait peut-être pas répondre, il s'empressa d'ajouter : « Ecoute...ça n'est pas grave. L'important, c'est que tu sois revenue, et que tu ailles bien. C'est tout ce qui compte. » Il y a deux jours...que s'est-il passé, il y a deux jours ? C'était avant notre excursion au Dragon Bleu.

« La situation n'a fait qu'empirer, pendant ton absence. Tout ça m'a un peu ouvert les yeux, je dois l'admettre. Ton ancienne collègue, Shensen, demeure introuvable. Et Bailinus n'a pas réapparu non plus... si tes opinions à propos des Thrune restent inchangées, tu pourrais nous rejoindre. »

« Victocora et Eilif auront peut-être une idée sur l'origine de tes pouvoirs. En attendant, je ne te quitte plus d'une semelle. Ce n'est pas toi qui m'a fait défaut, Seph. C'est moi qui ai failli, » avoua-t-il avant de la saisir par les épaules.

« Ça n'arrivera plus. Je suis désolé. » Il la prit dans ses bras. Leur relation était parfaitement claire, aussi ce geste ne prêtait-il nullement à confusion. Tout ce qu'Escad ressentait pour cette femme, c'était une profonde amitié. Elle comme les autres, il voulait les protéger. Les protéger de leurs clients un peu trop violents. Les protéger des Thrune.

Pourtant, il avait ses limites, et il le savait. Il ne pouvait pas sauver tout le monde, Jay Fushi le lui rappelait chaque jour. Cette promesse-là, comme toutes les autres, n'était rien d'autre que des mots. Il sentit l'émotion le submerger. Elle était saine et sauve...et ça n'était pas grâce à lui

Modifié par un utilisateur samedi 11 juin 2016 20:34:34(UTC)  | Raison: Non indiquée