Almira ne releva pas la pique que venait de lui envoyer la Princesse Eutropia. Elle savait que si elle régissait, ce serait son mari qui en pâtirait et, par ricochet, l'ensemble de la délégation d'Absalom.

De son côté, Algernon qui avait aussi remarqué le ton quelque peu condescendant que la Princesse avait employé avec son épouse attrapa la main de cette dernière et, dans un geste discret, la lui avait serrée pour éviter qu'elle ne commette d'impair. Il connaissait le caractère bouillant d'Almira et ne souhaitait pas qu'une réaction trop virulente de sa part ne provoque un incident diplomatique.

Après que la Princesse eut énuméré quelques unes de ses interventions, rappelant par ailleurs sa modestie (d'une manière qui laissait d'ailleurs entendre qu'elle n'y croyait pas), Algernon se courba légèrement en signe de remerciement. « Madame, je ne puis que m'incliner devant votre connaissance. Mais je dois préciser que je n'étais pas seul à agir et je pense que le mérite de la réussite de ces actes en revient tout autant à mes compagnons d'alors qu'à moi-même. Néanmoins, il est peu probable que l'un d'entre eux ne vous soit jamais présenté. Ce sera donc un honneur pour moi que de vous conter ce que vos chastes oreilles sont en mesure d'entendre à leur propos.

Quant à la qualité de mes vers, je ferai de mon mieux pour qu'ils trouvent grâce à votre esprit éclairé. Bien qu'encore une fois je crains qu'ils ne soient pas à la hauteur des louanges que vous me faites. » Et alors qu'elle allait s'éclipser suite à la requête de la femme en arme qui la suivait, il se courba une nouvelle fois et lui dit « Madame, je reste votre serviteur. »

Marcian fût intrigué par l’attitude d’Eutropia. Et finalement décida de lui accorder le bénéfice du doute. Il restait surement une partie d’elle qui n’avait pas été gâchée par tous les fastes d’une vie impériale.
Elle semblait vive d’esprit et curieuse. Il paraissait surréaliste que le Taldor suive l’exemple, pourtant salutaire, de l’Andoran, mais une impératrice éclairée valait mieux qu’une dictatrice embourgeoisée. Si elle pouvait être sensibilisée aux bienfaits de la démocratie, il ne faudrait pas hésiter à faire preuve de courtoisie.
« Ce serait un honneur, Princesse, de m’entretenir avec vous de notre système politique. Vous ne vous étonnerez pas de m’en voir un fervent défenseur. Les idéaux transfigurent les hommes et les femmes. Personnellement j’ai un besoin irrépressible de savoir pourquoi et dans quel but j’agis.
Fixez l’heure et le lieu et je serai votre homme.  » conclut le Capitaine, un léger sourire au coin des lèvres.


Marcian choisit ensuite de suivre les conseils de la Princesse en se détendant un peu, après tout, il était armé, l’alcool tout à fait convenable et Bénédict qu’il ne lâchait pas des yeux ne semblait pas commettre d’incidents diplomatiques, tout du moins, il n’en n’avait pas encore générés.

Le repas approchait de sa fin, et bien qu’il fût habitué aux pires tord-boyaux servis par les Corsaires Gris, les soirs de débarquement, il sentait une légère chaleur l’envahir. Fort heureusement, cela n’altérait en rien son jugement. Il se mit en quête de Constance, il aurait aimé lui parler avant de se coucher pour avoir ses sentiments sur cette soirée d’ouverture. Peut-être aurait-elle eu des informations importantes à lui communiquer ? Bizarrement, il ne pensa pas qu’elle lui avait manqué, sentimentalement parlant. Il repensa à Eutropia et se demanda si elle ne l’avait pas trop vite subjugué..



Les délégations quittaient à présent la faste salle de banquet, et Lothian les invita à le suivre.
Marcian récupéra son faucon et le plaça sur son épaule, après l’avoir flatté. Le Capitaine ne serait pas mécontent de s’isoler dans ses appartements.

Modifié par un utilisateur samedi 15 janvier 2011 14:43:43(UTC)  | Raison: Non indiquée

La Princesse Eutropia avait accepté de bonne grâce les diverses invitations à des échanges politiques. Il était apparu évident qu'elle était doté d'un esprit très affûté et qu'elle était loin d'être une novice en matière de politique. Toutefois, les échanges avec le Capitaine Maldris avait été empreint de quelque chose d'indéfinissable, comme si la jeune Princesse avait été confrontée pour la première fois de son existence à un corpus intellectuel qu'elle ne parvenait pas à appréhender intuitivement...

La Princesse s'était ensuite éloignée du petit groupe, toujours talonnée par son imposante garde du corps, laissant derrière elle une étrange nostalgie étreindre les cinq protagonistes réunis autour de Lothian de Sarde... Un silence qui sembla durer une éternité avait suivi son départ avant que la Nature ne reprit ses droits et que l'un des protagonistes ne bandât suffisamment sa volonté pour reprendre la parole.

~***~


Plus la soirée avançait et plus il devenait apparent que certains des convives avaient offert moult libations et profité des mets et liqueurs mis à leur disposition. Ainsi, certains Barbus; s'ils ne finirent pas sous les tables, ne durent leur salut qu'à leurs épouses ou à quelques connaissances qui leur permirent de conserver le peu de dignité qui leur restait...

Par ailleurs, certaines des courtisanes callipyges qui avaient charmé les invités pendant la soirée qui de leurs chants, qui de leurs instruments, qui de leur plastique de rêve et des poses lascives que les Barbus appelaient de la danse, découvraient les aménités mises à disposition des couples qui désiraient batifoler...

A contrario, certains des convives avaient utilisé le temps du dîner pour renouer d'anciennes amitiés ou poursuivre des négociations ardues entre factions. Pour tout acteur du Grand Jeu, chaque réception officielle était une occasion rêvée pour avancer ses pions, négocier telle ou telle faveur ou encore louer les services de compagnies mercenaires plus ou moins légales. Chacun de ces protagonistes étaient quasiment en permanence en mouvement, passant d'un groupe à l'autre, ne s'attardant que peu devant les buffets et consommant avec une extrême modération les alcools mis à disposition.

Puis la délégation du Qadira se retira, sonnant le début de la lente retraite des convives. Après qu'une heure supplémentaire se fût écoulée, l'immense majorité des délégués avait commencé la lente migration vers les suites.
Le petit groupe constitué autour de Lothian de Sarde patienta encore quelques instants, dégustant un dernier verre de cognac millésimé des plaines du Tandak. Puis, Lothian entreprit de raccompagner ses convives vers leurs suites respectives.



~***~

La neige qui avait accueilli les arrivants avait cessé de tomber, ne laissant qu'un léger voile d'une blancheur extraordinaire recouvrir les jardins et les sculptures du palais impérial. Profitant de la douceur hivernale, Lothian proposa à ses quatre compagnons de leur faire rapidement découvrir la féérie des jardins enneigés. Dans la mesure où cela ne représentait qu'un léger détour par rapport aux chemins plus classiques empruntés par les autres délégués officiels, les cinq protagonistes suivirent donc Lothian dans les jardins.

Suite au Chapitre 2 - Des cris dans la nuit.

Modifié par un utilisateur samedi 22 janvier 2011 14:08:04(UTC)  | Raison: Non indiquée