Ursion examinait Antal avec une expression d'inquiétude sur le visage. « Je pense que le pire est passé, Antal. Tu vas rester extrêmement faible pendant quelques jours, et il faudra absolument que tu te reposes et que tu évites tout danger, mais ... », il força un sourire, « heureusement ou malheureusement, tu pourras continuer à nous faire part de ces histoires réjouissantes qui te reviennent en mémoire. »

Puis le prêtre se releva et demanda au nouveau-venu s'il pensait qu'il restait d'autres survivants dans le temple et s'il était urgent de continuer à explorer plus en avant ou pas. Finalement, il suggéra « Vu l´état d´Antal et le mieux, peut-être devrions nous repartir vers l´entrée du temple et ... creuser une fosse pour enterrer ce qu´il reste des compagnons d´Érec. En ce qui concerne Tharin, je pense qu´il aurait plutôt voulu être enterré dans un endroit plus ... habité. Nous pourrions peut-être ramener sa dépouille à Pointesable. Quelqu´un là-bas le connaît peut-être et sait peut-être d´où il vient. D´après ce qu´il a dit, nous pourrions peut-être retourner la hache qu´il avait trouvée à sa famille, aussi ... »

Il y a quelques instants, il était question de continuer à explorer le souterrain, et puis maintenant on parlait de faire un enterrement... C'était tout de suite moins réjouissant pour le jeune ensorceleur fougueux.

« Un enterrement ? Bon d´accord... Mais on est sûrs qu´il n´y a pas d´autres monstres qui risquent de venir du souterrain pendant qu´on fait ça ??? Sinon il y avait pas mal de trucs à récupérer sur les ogrelins, une bourse d´or, une dague, un arc et des flèches... Et aussi une masse d´arme, et éventuellement une armure mais elle est vraiment crado, beurk... Ah oui, Mérisiel a trouvé des trucs noircis, et une boite bizarre... »

Deivon alla récupérer tout ce qu'il était capable de porter (mais certainement pas l'armure) parmi les objets qu'il venait de citer, et puis il sortit tout ça au grand air...

Les aventuriers ressortirent donc de l'ancien temple tous se pliant à la sagesse d'Ursion. Il n'y avait pas eu de joie d'avoir pu sauver un prisonnier, les uns étaient trop attristés d'avoir perdu un nouveau compagnon et le jeune Erec tout juste sorti de l'adolescence était encore fébrile et choqué après être resté plusieurs heures recroquevillé derrière un amas de rocs au milieu de tout un tas d'ossements dans le noir le plus complet. Il n'y avait pas de soleil au dehors mais l'écuyer fut tout de même ébloui par la lumière du jour. La nuit ne tomberait pas avant trois ou quatre heures ce qui laisserait à tous le temps de s'organiser. Erec plaça son bras au dessus de sa tête tant pour se protéger de l'agression de la lumière que pour ne pas voir ce qu'il redoutait tant : les corps sans vie de ceux avec qui il avait partagé le quotidien durant près de deux semaines. Il découvrit peu à peu l'horreur qui c'était passée ici après qu'il se soit enfui sous terre. Le sang qui recouvrait le sol un peu partout, l'odeur de chair brûlée qui émanait du feu, les viscères non loin de là... Mais pas la trace des corps à part celui d'un nain qu'il ne connaissait pas, ce qui lui faisait redouter ce qu'il avait à peine oser s'avouer, les dépouilles de ses compagnons avaient été souillés. Le seul réconfort résidait dans la mort de l'énorme ogrelin dont la peau avec le froid avait déjà pris une teinte bleutée.

Jean alla chercher la mule et la petite charrette laissée un peu plus loin où se trouvait les sacs et les vivres de ceux qui lui avaient confié. Ici le sol était trop caillouteux et on ne pourrait pas creuser bien profond à moins de se donner vraiment beaucoup de mal. Il faudrait donc descendre un peu plus bas sur la colline. Deivon déposa les armes et l'argenterie, à vue de nez il y en avait entre 100 et 250 voiles d'or, il faudrait estimer cela plus précisément, nettoyer, réparer et ne pas dire d'où venait les objets de cultes si l'ensorceleur voulait en tirer le maximum d'argent. Ursion avait toujours en main les deux flèches empoisonnées la violence avec laquelle, le poison c'était diffusé dans le corps d'Antal en faisait une arme redoutable mais il ne faudrait pas tarder à les utiliser. Mérisiel se battait avec le coffret qui lui avait semblé assez lourd pour contenir de la fonte. La serrure semblait lui poser problème, c'était un système de petites roues crantées qu'il fallait tourner et placer dans une position adéquate pour pouvoir ouvrir la boîte.

Deivon avait parfois tendance à être tire-au-flanc, mais il préférait encore creuser que de voir les corps découpés des pauvres victimes. Aussitôt après avoir déposé les objets de valeur au grand jour, il se proposa donc.

« Bon alors on creuse où ? En bas, là où il n´y a pas de cailloux ? On n´a pas de vrais outils, mais on va se débrouiller. »

Il récupéra des outils de bric et de broc parmi les débris qui trainaient là et descendit la colline pour entreprendre de creuser une tombe. Il avait imaginé la vie d'aventurier plus reluisante, et ne pu s'empêcher de penser qu'Antal était parfois dans le vrai avec ses histoires déprimantes...

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Depuis la fin du combat, Jean s'était contenté de rester l'épée à la main et de faire le garde du corps du groupe, jetant des regards partout dans les coins sombres si jamais un monstre pouvait s'y cacher. La seule chose qu'il avait retenu des conversations bien trop rapides pour lui, c'est que Habil avait lu un parchemin et avait disparu. Ce qui voulait dire qu'il était encore en vie et qu'il allait revenir. Cette idée faisait sourire le brave colosse jusqu'aux oreilles et on aurait pu croire en le voyant ainsi qu'il ne se rendait guère compte de la gravité du moment avec tous ces corps démembrés.

Et puis Ursion lui demanda de trouver un endroit pour creuser une fosse. Ça faisait jamais que la troisième fois qu'il se mettait à cet ouvrage aujourd'hui. Décidément, ils étaient entourés d'évènements macabres et ce n'était pas pour lui plaire, lui qui aimait les histoires simples où il y avait rarement des morts et où les gentils finissent en héros adulés par les simples gens comme lui. Avec un profond soupir, il revint à la dure réalité et eut une pensée pour son père - J´espère que Méléarn il s´occupe bien de toi, papa...

Puis il se dirigea vers la charrette et en sortit sa pelle et sa pioche qui n'avaient jamais été aussi utiles ces derniers temps et donna la pelle à Déivon, puis il se retourna vers Ursion - « D´accord votre seigneurie... Je vais trouver le plus beau coin pour faire la fosse... Vous allez voir messire euh... Juste Ursion... Jean il va creuser un grand trou que même les bêtes elles viendront pas creuser pour faire relever les morts... comme la madame gnome de la petite maison... Euh... vous voulez que Jean il vide la charrette avant ?.. comme ça vous pourrez mettre tous les corps dedans et les descendre avec la mule... parce que c´est une brave mule et elle peut très facilement tirer la charrette... Après avec Deivon, on va creuser... hein ? »

Deivon le citadin était bien peu habitué aux travaux manuels qu'il avait d'ailleurs l'habitude d'esquiver. Il avait un talent pour toujours trouver la bonne excuse afin d'éviter une corvée habituellement, mais pas aujourd'hui. Après tout ces événements il aurait eu trop honte de se comporter ainsi. Il prit la pelle tendue par Jean un peu gauchement, mais déterminé.

« Merci Jean, heureusement que tu y as pensé, j´avais oublié qu´il y avait une pelle dans cette charrette !
On y va ! »

Antal prit volontiers la gourde que lui tentait le paladin. Mais même l'eau fraiche ne put apaiser le feu qui brulait en lui. Combien de douleurs, pouvait-il encore endurer.

« Je brûle, jeune homme. Je brûle. » Dit-il d'un ton maladif. « Cela me rappelle l´histoire d´un homme qui après avoir été mordu par un serpent, subit d´atroce souffrance pendant des années, avant d´engendrer par son ventre un énorme serpent.

J´ai aussi entendu l´histoire d´un héroïque gnome qui devait à lui seul libérer une ville dans un désert lointain, qui fut mortellement mordu par un énorme serpent comme ils en connaissent dans ces pays. Il pensait finir dans le ventre de la bête, mais grâce à son courage et sa volonté il réussit à se défaire de la bête et à s´en tirer. » Sa phrase finit dans une énorme quinte de toux qui finit de vider l'énergie du halfelin.

Ursion une fois sa difficile tâche terminée, se dirigea vers le baquet ou le bassin pour nettoyer ses avant-bras et se rafraîchir un peu à l'aide d'eau de pluie, puis il partit rejoindre Jean et Deivon pour leur dire que le "colis" était prêt. Comme cela avait pris plusieurs heures à Ursion pour trier les macabres déchets, la fosse était déjà presque terminée lorsqu'il rejoignit Jean et Déivon. « C´est du beau travail ! » Dit-il en observant les environs. « C´est un endroit calme et, en plus, comme ils seront sur le flanc est, ils seront salués chaque jour par le soleil levant. »

Il vit que Jean avait débarrassé la charrette et il le remercia. « Ça sera plus facile d´amener les dépouilles avec la charrette. J´ai tout rassemblé dans la toile, mais il me faudra de l´aide pour mettre l´ensemble sur la dessus. » Indiqua-t-il, puis il attendit que la fosse soit terminée et repartit un peu plus haut avec Jean pour ramener les corps vers la fosse.

En chemin, il répondit « Tu as peut-être raison, je n´ai jamais été très physio... très bon pour reconnaître les gens. Tu devrais lui poser la question ce soir, Jean. Je crois que ça lui fera du bien de penser à autre chose qu´à tous ces morts... » Puis il réfléchit un instant et dit : « Oui, enfin ... en espérant qu´il n´ait pas été trop proche de Tarek, ça ferait encore un mort de plus pour lui. » Le prêtre soupira et pensa tout haut. « Il y a vraiment eu trop de morts, prions pour que ça change. Au moins, il nous reste bon espoir pour ce... » Il claqua des doigts de frustration ; décidément, il n'était pas un bon physionomiste mais il n'avait pas non plus une bonne mémoire des noms. « Ce ... jeune prêtre de Pharasma. »

Ils chargèrent les dépouilles sur la charrette puis les redescendirent vers la fosse et les déposèrent aussi délicatement que possible dans le fond. Puis il aida Jean et Déivon à repousser de la terre sur la toile ensanglantée, du moins autant qu'il le put malgré la faiblesse qui avait été causée par le poison et qui persistait. Une fois que tout fut prêt, il alla voir Érec et Antal, prenant des nouvelles du second et demandant au premier s'il voulait venir se recueillir sur la tombe de ses compagnons et peut-être dire quelques mots.

Jean était extrêmement concentré sur sa tâche. Parler lui faisait oublier à quel point il ressentait de la peine pour tous ces gens qui avaient été tués par ces monstres. Que le monde était cruel ! Cela le confortait dans ses convictions les plus fortes comme quoi il fallait vraiment quelqu'un pour les protéger, un champion qui s'élèverait contre toutes ces horreurs et qui les défendrait afin d'éviter que de telles tragédies se reproduisent. Ursion ferait de lui ce champion ! Se redressant, gonflé par cette énergie nouvelle, il répondit au prêtre. « Oui, Jean il a recherché un terrain exposé à l´Est... Pour que chaque matin les rayons du soleil levant ils viennent caresser et réchauffer cette terre... c ´est comme si Sarenraé venait les saluer... »

Puis il reprit son travail pour reboucher le grand trou qu'il avait fait avec Deivon continuant la discussion sans se rendre compte qu'il n'était plus là avec lui mais plus haut avec Antal : « Hémione... on va l´appeler Hémione... les hémiones c´est des ânes qui sont bâtis un peu comme des chevaux... et comme elle tire la charrette à la place du cheval, on devrait l´appeler Hémione... » Puis repensant à ce que disait Ursion à propos de Erec et Tarek, il ajouta à ce sujet alors que celui ci était avec eux : « Erec, il va avoir beaucoup de peine si Tarek c´est son frère. Ça va lui faire un choc... il aura tout perdu... ses amis, sa famille... Il s´appelle Habil... j´veux dire le prêtre de pharasma... C´est Habil... » Ses idées devenaient confuses, il y avait trop de choses pour son pauvre système de réflexion. Ça bouillonnait dans sa tête.

« Oui, enfin, en quelque sorte. » avait répondu Ursion. « Si j´ai bien compris, c´est un ami d´Habil, un certain Valéros, qui nous a demandé de venir ici, mais nous sommes passés voir son père. » Il accompagna ensuite ceux qui désiraient se rendre jusqu'à la fosse puis il récita la prière sarénite des morts, une ode en forme de remerciements à ceux qui ont servi la Lumière et la Vérité de leur vivant et qui se retrouvent bienheureux aux côtés de la déesse.

« Au fait, Érec, tu savais qui étaient ces personnes que les ogrelins ont assassinées ? Venaient-elles de Magnimar aussi, possédaient-elles des familles à prévenir ? » Demanda le prêtre, une fois la courte cérémonie terminée. Il n'avait pas vraiment répondu à sa question au sujet du chef ogrelin qui se trouvait toujours à l'extérieur du temple, espérant sans doute que ce soit Déivon qui s'en charge.

Quant à lui, il lui restait une chose à accomplir. Il alla chercher une large couverture dans les paquetages puis vint l'étendre sur le sol à côté de Tharin. Le prêtre de Sarenrae avait perdu plusieurs compagnons au cours des derniers jours, mais de tous ces défunts, Tharin était sans doute celui dont il s'était senti le plus proche. Il rassembla toutes ses maigres forces pour soulever le corps du nain et le placer sur la couverture. Il prit un morceau de tissu et nettoya la blessure qui déformait une partie du crâne de Tharin puis s'agenouilla à ses côtés et resta là quelques minutes en silence. « Puisses Cayden Cailean, tes ancêtres et tes amis lever leur chope en ton honneur lorsqu´ils t´accueilleront dans leur fête éternelle. » Murmura-t-il enfin avant de replier les pans de la couverture sur la dépouille. Puis enfin il tira la couverture en direction de la charrette ... il était hors de question que Tharin le bon vivant repose ici loin de tout.