Le prêtre examina la nouvelle venue d'un regard neutre avant qu'un sourire ne s'esquisse sur le coin de ses lèvres:

« Décidément, ce voyage nous réserve chaque jour de nouvelles surprises!
Je ne suis pas sûr d'être jamais capable de me souvenir de toutes nos péripéties quand il me faudra les raconter à Volioker! »

Puis il se tourna vers Aluvut:

« A partir du moment où nous avons croisé le chemin de cette jeune fille, nous avons - bien qu'involontairement - infléchi sur son destin. Quelle que soit la décision que nous prendrons, nous ne pouvons renier ce fait.

Nous n'avons d'autre choix que de l'accepter et d'être fidèles à nos convictions.
Je suis malgré tout peiné que cela entre en contradiction avec vos traditions, ce n'était bien entendu pas notre intention. »

« Oui, nous venons d'une région de l'Avistan appelée Varisie.
Nous sommes tous nés et avons grandi non loin d'une petite ville appelée Pointesable.
Quand à vous dire qui dirige la Varisie... c'est beaucoup plus complexe que cela.
Il n'y a pas de gouvernement centralisé.
Je ne suis pas très versé en politique, mais je sais que les grandes cités, Korsova, Magnimar et Port-Enigme, de cette région ont chacune un maire ou un roi qui les dirigent.
Et comme cela ne m'a jamais vraiment intéressé, je serai bien incapable de vous en donner les noms.
Ensuite, en ce qui me concerne, j'ai eu une éducation un peu... particulière.
Mon père m'a formé à la Voie de l'Arc, puis j'ai continué seul à m'entraîner dans les forêts environnantes à sa mort.
Je suis donc essentiellement un autodidacte, qui n'a jamais servi de noble ou de seigneur et qui n'a jamais pratiqué au sein d'un ordre de moine-guerriers.
De toutes manières, le seul ordre que je connais est celui vénérant Irori et l'arc ne fait pas parti de leurs armes de prédilection...
Et vous, You Zian, avez-vous eu une vie avant de devenir marchand? »

You Zian hocha la tête, faisant de son mieux pour assimiler les informations qui lui étaient si étrangères.
« Ainsi vous n'avez pas de roi...j'ignorais que de tels sociétés existaient. Comment les choses font elles pour ne pas s'effondrer? Qui est gardien des traditions? Ah, désolé, je vous assomme avec mes questions. Pour répondre à la votre, je ne suis qu'un simple fils d'artisan. Mon père était menuisier, et mon frère ainé a été celui qui a repris son atelier. Mon autre frère est entré au temple de Daikitsu, notre déesse des récoltes. Moi, j'étais le troisième fils, et mes seuls choix étaient d'apprendre un métier et de fonder mon propre atelier après avoir amassé assez d'économies. Mais j'avais envie de voyager, et après avoir terminé mon apprentissage en tant que charron, je me suis joins à une caravane qui partait vers Kwanlai. J'ai visité la plupart des nations civilisées du Nord de Tian Xia. C'est une bonne vie, mais parfois, je me demande comment j'aurais pu m'en sortir si j'avais décidé de rester... »

**************************************************************************************************************
Ils poursuivaient leur route à travers la toundra. Trois jours de plus s'écoulèrent, et le soleil finit de nouveau par se lever. Les journées étaient très courtes, bien entendu, à peine plus d'une heure pour la première, mais pour la première fois depuis des semaines, le jour était de nouveau leur compagnon de route. D'après Ulf et Sandru, ils ne devraient pas tarder à atteindre un autre village, du nom d'Ul Anghorn, qui serait leur dernière étape dans une communauté erutaki avant d'atteindre le Rempart Céleste.
La petite troupe fonctionnait de mieux en mieux. Masha baragouinait maintenant un commun acceptable, et savait se montrer utile. Elle n'avait pas de matériel, mais elle improvisa quelques outils pour réparer un fer à cheval fendu par un rocher mal placé. Et elle avait le tempérament joyeux, et enthousiaste, bien loin de la rêveuse Aluvut.

La veille de leur arrivée prévue à Ul Anghorn, ils tombèrent sur une vision étrange. Dans le flanc d'une colline, un bâtiment avait été taillé, comme une sorte de temple au toit incurvé, protégeant des éléments une sorte d'autel, un simple bloc de pierre gravé de pictogrammes. Sur le flanc de la colline, un papillon avait été ciselé dans la roche.

You Zian se fit pensif, et réfléchi longuement avant de donner une réponse.
« Kwanlai est...disons, un endroit étrange, du moins selon les coutumes de Chu Ye. Les tengus sont bien plus soudés que nous, mais ils n'ont pas de véritable hiérarchie. Le pays est organisé en volées, et ce sont les vétérans et les matriarches qui dirigent. En dehors de cela, ils ont un ordre militaire complètement séparé du système politique, avec à la tête des armées de Kwanlai les Maîtres-Lames, qui sont les meilleurs épéistes du monde. En tout cas c'est ce qu'ils disent. J'ai assisté à un tournoi, une fois, et ils pourraient bien avoir raison. Je n'ai jamais vu quelqu'un bouger aussi vite! En revanche, ce sont des négociateurs accomplis: difficile de faire des affaires avec eux et d'en sortir avec un profit substantiel, mais j'imagine qu'il fallait s'y attendre, ils ont une certaine...passion pour ce qui brille. Le pays lui même est agréable à vivre, il y a fait doux, les hivers ne sont pas trop rudes, et les vents marins le balayent en permanence. Et bien sûr, il y a le grand temple de Hei Feng, le Duc des tempêtes, qu'ils appellent le Corbeau Père.  »

**********************************************************************************************************************


Kitano intervint à ce moment là.
« J'imagine qu'on ne pouvait pas avoir le même avis, ç'aurait été trop beau...Gagner un duel de manière déshonorable laisse un tâche sur l'honneur non seulement du duelliste, mais aussi de sa famille. Dans une bataille, Saya a raison: l'essentiel est de rester en vie. Mais si jamais quelqu'un te défie en duel à Minkai, et que les circonstances m'empêchent d'être ton champion, souviens toi que tu risque de porter atteinte à ta réputation! Et je pense que nous aurons besoin de toutes les bonnes volontés... »

************************************************************************************************************************

L'endroit ressemblait bien à un temple abandonné...A en juger par le symbole en forme de papillon, il avait servi à vénérer Desna. Les pictogrammes étaient varkis, et il s'agissait d'une prière à l'étoile-guide, qui était censée porter bonheur aux voyageurs.
Aluvut fit sursauter Saya. Elle l'avait suivi, et, pour une fois, n'avait plus cet air rêveur qui avait été remplacée par une expression mi-inquiète, mi-contrariée.
« Ce temple...il n'est pas...comme il faut. L'esprit qui devrait l'habiter de sa présence n'est pas là. J'ignore si ce sont les maléfices de l'esprit des glaces que vous avez affronté, mais quelque chose ne va pas. Je dois reconsacrer l'autel!  »

Ulf, qui s'était approché pour voir ce qui se passait, fit de son mieux pour ne pas lever les yeux aux cieux étoilés.
« Je sais que c'est important, mais c'est un délai supplémentaire. A ce rythme nous n'allons nulle part et nous n'atteindrons pas les Remparts Célestes avant le printemps. Mais après tout, ce n'est pas moi qui dirige cette caravane, donc la décision vous revient.  »

Saya acquiesça.
« Tout à fait d'accord. J'ignore ce qui nous attend, mais cela ne peut pas nous coûter grand chose. De toutes façons, il ne me semblait pas que nous soyons particulièrement pressés. Quelques heures de plus ne sont rien. »

Sinuk était visiblement coi devant ce qu'il venait de se passer et écarquillait les yeux en grand.
« Ça alors... c'est la première fois que je vois ce phénomène.
Enfin, que je vois un esprit tel qu'il vient de nous apparaître.
Aluvut, le temple et l'autel sont à nouveau consacrés?
Cependant, cela ne nous dit pas qui avait... endormi son pouvoir. »

Ukshakka observa le temple, tout en répondant à la question de Sinuk.
« Oui, je peux sentir la présence des esprits. J'ignore ce qu'Aluvut leur a dit, mais ils sont revenus dans leur demeure. Par contre, je crois qu'il faudra attendre qu'elle se réveille pour pouvoir lui demander quoi que ce soit. »

Koya, qui s'était approché également, contemplait le petit miracle avec un ébahissement non dissimulé.
« C'est incroyable...vous avez senti cette présence? J'avais entendu parler de personnes capable de communiquer directement avec les esprits, comme j'espère, parfois, communiquer avec Desna, via mes prières. Mais je n'ai jamais même espéré de réponse. Et Aluvut a été capable d'invoquer l'un de ses messagers! Je crois que c'était une Azata Thyrlien, qui veille sur les voyageurs dans la nuit. Je ne suis pas certaine de ce que ça signifie, mais ça ne peux pas être un mauvais présage pour ceux qui nous suivront sur cette route. »

Ulf, l'air grognon d'avoir été pris en tort, intervint.
« Loin de moi l'idée de vous interrompre, mais on ne va pas la laisser dormir dans la neige, non? Ul Anghorn n'est plus qu'à quelques heures de voyage. »

***************************************************************************************************************
Ils installèrent Aluvut dans l'un des wagon, et demandèrent à Masha de veiller sur la shamane inconsciente tandis qu'ils poursuivaient leur route. Le rituel au temple abandonné était sur toutes les lèvres. Bevelek et Vankor juraient qu'ils avaient vu une sorcière chélaxienne réaliser quelque chose de similaire lors d'un voyage à Korvosa. Sandru leur rappela qu'ils étaient ivres, et inventaient probablement. Ameiko, elle se demandait si les kamis dont You Zian et Yin Fang avaient parlé étaient similaires à cet esprit. Shalelu, elle nota que la nuit lui semblait soudain plus claire et plus belle, mais qu'elle n'aurait pu jurer de la raison de ce changement. Les trois marchands Tian étaient en effervescence, et questionnaient Koya, se tournant naturellement vers leurs ainés en temps de doute, pour en savoir plus. Ulf était le seul à garder le silence.

Presque cinq heures plus tard, à proximité d'Ul Anghorn, Aluvut s'éveilla enfin. Elle avait l'air troublée, et lorsque Sinuk lui demanda à nouveau si elle savait ce qui avait fait fuir les esprits, elle répondit, confuse.
« Je...je ne suis pas sûr. Les esprits ont senti une présence, quelque chose de menaçant, vers le Sud. Ils ignoraient ce qu'ils pouvaient faire, alors ils ont préféré prendre la suite. Mais la présence à disparu. Ils ignorent pourquoi. »

Ils furent interrompus par Ulf, qui lança, depuis l'avant de la caravane.
« Holà, tout le monde! Nous arrivons à Ul-Angh... »
La fin de sa phrase s'étrangla dans sa gorge. Arrivés au sommet de la colline, ils se rendirent compte qu'Ul Anghorn n'existait plus. Il ne restait sur place plus que les ruines d'un village, les demeures de pierre n'étant plus que des carcasses calcinées. Les igloos erutaki n'existaient tout simplement plus. La destruction du village avait l'air assez ancienne, sans doute plusieurs jours, car les incendies ne fumaient plus. Quand aux villageois...Une rangée de pieux était fichée à l'entrée des ruines, le long de la rue principales. Ils portaient les cadavres crucifiés des villageois. Cette macabre mise en scène semblait avoir été faite post-mortem, mais à en juger par les blessures des cadavres gelés, ils n'avait pas eu la miséricorde d'une fin rapide ou indolore. Il n'y avait plus une âme en vie dans ce village.

La vision de ce village calciné et de toutes ces vies fauchées provoqua bien entendu un sentiment de peine abyssal dans le coeur du prêtre.
Mais ce gouffre fut rapidement comblé par une colère sourde et froide.
De ce maelström sentimental, seuls de petites rides de contrariété apparurent sur le coin de ses yeux.

Sa voix était maîtrisée, mais elle apparaissait très grave:

« Soyez prudents et ne tentez pas l'impossible. Au moindre problème, n'hésitez pas à battre en retraite. »

Tout en parlant, il détacha son bouclier, habituellement fixé dans le dos, pour le placer sur son avant-bras.
Son regard ne quittait pas l'hécatombe lorsqu'il s'adressa à Ameiko et Sandru:

« Nous ignorons s'il reste du danger dans les environs. Pourrais-je vous suggérer d'assurer la sécurité de la caravane et de l'isoler le temps que nous tirions tout ceci au clair? »

Il aurait aimé qu'Inari reste en sécurité avec les autres, mais elle avait prouvé plus d'une fois sa capacité à leur sauver la mise. Se passer de ses compétences n'était pas seulement déraisonnable, mais surtout dangereux.

Puis il se concentra en prononçant un simple mot dans le langage divin. Une énergie divine quitta la marque qu'il portait dans le dos mais, au lieu de se répandre tout autour de lui, se canalisa cette fois-ci dans son bouclier pendant un bref instant avant d'exploser, formant une sorte d'aura lumineuse qui l'enveloppa.

Incantation de Bouclier du Vengeur

Ses pupilles avaient disparu, remplacées par un éclat azur.
Sa détermination restait malgré tout palpable:

« Des âmes en peine réclament vengeance... »

Sinuk ferma un instant les yeux devant le carnage et la souffrance à peine palpable.
« Allons y Saya.
Essayons de trouver des indices sur les auteurs de cette boucherie.
Et restons sur nos gardes... »

• Perception : 1d20+17 donne [20] + 17 = 37
• Discrétion : 1d20+19 donne [8] + 19 = 27

Sinuk s'agenouille devant les traces pour les observer de plus près.
« Saya, je crois que j'ai trouvé quelque chose... »

Identification et/ou suivi des traces

• Survie : 1d20+17 donne [5] + 17 = 22