Ch. 3bis : Lunedor : Une lueur d'espoir... Message secret pour Rhajzad Tous les visages se tournèrent vers le puits. Lunedor comme les autres vit la créature draconienne se laisser tomber. Le temps de cligner des yeux, la princesse Que Shu se retrouva devant deux portes en or. Identiques aux deux portes à l´entrée du temple. Mais il s´agissait d´un couloir. Les lakohés tourbillonnaient autour du bâton et de la princesse, la poussant presque à s´avancer et à pousser les battants. Leur intensité était tellement forte qu´ils se paraient de couleurs bleutées. La vie bouillonnait !

Entre mon enfant...

C´était la voix de Chantepleur.

Les années ont passé pour toi mon enfant, tu as eu de la tristesse... Des choix difficiles ont parsemé ta route, et ce n´est pas la fin. -Cette voix était interne, au niveau du ventre, et se propageait dans tout son être. Peut être même une sensation plus qu´une parole. Le temps était comme au ralenti, voir à l´arrêt- Si tu t´avances, l´obscurité se fera plus oppressante, et tu descendras dans les ténèbres, les Ténèbres. -un instant de silence- La vérité éclairera ton chemin dans la nuit. Car c´est dans les ténèbres que la lumière éclaire le plus. Mais sans la vérité, toutes choses périront... Viens avec moi dans le temple, ma fille. Tu y trouveras ce que tu cherches...

La voix se tut, et le silence se fit. Elle se tenait là, seule, devant ces deux portes en or. Le peu de lumière qui provenait de l´autre côté du couloir se reflétait sur des portes brillantes comme le premier jour où elles furent posées.

Tout occupé dans ses réflexions, des voix, comme le murmure d´un vent léger, au loin. Ses compagnons. Son compagnon. Entre mon enfant...

L´effet se propageait tel un écho sans fin dans le corps de la porteuse du bâton, en une question ouverte mais insistante. Message secret pour Jeudi Sa mère? Morte en sa petite enfance !?! Lunedor était... déchirée entre deux mondes. Mais déjà de l´autre côté: « - Maman !!! Attends...! » Don d´Azur brillait d´une lumière surnaturelle, comme si tous les lakohe s´y étaient cristallisés. Mais en son inéluctable avancée dans l´irréel couloir, pourquoi était elle seule? Elle devait les guider, tous, elle devait les mener à la Vérité. Eux aussi l´avaient longtemps cherchée... Elle leur hurla, sans se retourner: « - Compagnons! Dans le temple! Suivez moi! » Chantepleur lui montrait le chemin et quelque part en elle, elle avait peur qu´ils ne puissent la suivre: « - Maman! Il faut les attendre...je ne suis plus seule! Mon...mes compagnons!... » Le chemin impliquait des épreuves, elle n´osait pas se retourner et pas question de faire marche arrière; en chacune des fibres de sa chair, au fond de son ventre, elle sentait l´appel maternel, la tirant en avant...les larmes surgirent à chacun de ses pas... « - Je ne peux les laisser... seuls... eux aussi, ils ont besoin de... la Lumière » Pas de réponse... Si tu t´avances, l´obscurité se fera plus oppressante, et tu descendras dans les ténèbres, les Ténèbres.

Etait-ce donc déjà le moment? D´aller vers les dernières Ténèbres? Elle avança néanmoins sans hésiter: au fond d´elle-même, elle se sentait illuminée... par l´amour sincère qui lui avait donné la vie et dont elle avait été trop tôt sevrée... elle avançait, un pas après l´autre au ralenti comme en un temps figé: Cet instant était écrit et changerait... sa(?)...Vie! Arrivée aux portes d´or, elle tendit le bras pour les ouvrir de sa main libre... Tenant fermement de l´autre Don d´Azur, incrusté de centaines de lakohe... Prête à tout affronter... Le contact avec le métal des portes refroidit la paume de Lunedor. Elle poussa et entra sans difficulté dans une pièce sombre. Les portes se refermèrent d´elle-mêmes après le passage de la princesse de Que-Shu. Tout était noir. Un souvenir refit surface. Lunedor se vit enfant, dans les bras de sa mère. Petit à petit ses yeux s´habituèrent à l´obscurité, aidés par une lumière pâle tout autour d´elle. La pièce était dominée par un immense dôme qui surplombait un parquet marqueté. Une statue de marbre ornait le centre de la pièce et diffusait en fait la lueur. Elle représentait une femme d´une beauté et d´une grâce singulière dont la robe flottait au vent. Ses deux mains étaient ployées comme pour tenir une longue perche absente. Son visage représentait l´espoir, mais était teinté de tristesse. Une étrange amulette pendait autour de son cou. La forme du pendentif rappelait un "8" couché, ou le symbole de l´infini.

Tout à coup, les lakohé se détachèrent du bâton pour tourbillonner devant Lunedor. Un vide au creux de ce tourbillon prit forme. C´était une humaine. Elle avait un air inconnu, et à la fois familier. Elle s´exprima : « Voici Mischakal, la déesse de la guérison, celle que je révère. » -dit la voix de sa mère- « Écoute ce qu´elle va te dire, ma fille. » Les lakohé se dispersèrent alors dans toute la salle, puis implosèrent jusqu´au centre de la pièce, où se trouvait la statue. Aveuglant presque Lunedor. Quand elle put enfin voir clairement à nouveau, les lakohé s´étaient rassemblés pour former un bâton entre les mains de la statue. Puis s´effacèrent... Message secret pour Jeudi . Dans l´obscurité silencieuse, l´appel vibra au plus profond de Lunedor. La silhouette esquissée par les petites ailettes brillantes lui était inconnue... mais pas étrangère. elle ne put retenir un cri désespéré: « - Maman... » Les larmes arrivèrent à flot, mais personne ne les verrait; elle les laissa couler tandis que l´incroyable contre-image disparaissait déjà... sans qu´elle ait pu tenter de l´embrasser. Les esprits de vie avaient supporté son cri, tout excités, ils continuaient de la guider. Il fallut qu´elle essuie ses larmes pour suivre leur sarabande lumineuse et les écouter... ...Bien sûr mes petits... moi aussi, je suis contente de vous retrouver, et oui, j´ai compris ce que vous voulez. Lunedor avança jusqu´à la gracieuse statue, posant une main sur son coeur et soutenant le regard de marbre, tandis qu´elle confiait le bâton divin aux fines mains déliées. « - Je vous salue, Dame Mischakal. Je suis Lunedor, fille de Chantepleur. Je vous rapporte Don d´Azur. Je vous remercie de me l´avoir confié, j´ai eu grand honneur à le porter ces quelques jours en notre monde si troublé... euh... la voix de ma mère m´a mené vers vous, ainsi que les esprits de vie... » Avec une curieuse réticence, vite surmontée, Lunedor lâcha Don d´Azur en reculant d´un pas... en silence, ne sachant quoi dire à la statue de la déesse disparue.... un peu décontenancée... ne sachant quoi penser, elle mit un genou en terre... que signifiait ce qu´elle était en train de rêver?... Message secret pour Rhajzad Au moment ou le bâton se retrouva parfaitement enchâssé, une douce lumière bleutée embrasa l´objet. L´éclat prit de l´ampleur, et enroba Lunedor d´une incroyable sensation d´amour qui traversa le corps jusqu´au coeur. Tout doute s´effaça, et instinctivement elle se releva bien droite.

Une voix, telle une onde, envahit alors chaque fibre du corps de la princesse : « Je te connais mon enfant. Depuis l´instant où ton esprit a éclos dans le ventre de ta mère, je t´ai connu. Maintenant, tu désires savoir, et tu vas obtenir la vérité. » -Une nouvelle vague de bien-être envahi Lunedor- « Les dieux n´ont pas abandonné les hommes. Mais ce sont les hommes qui se sont détournés des dieux. Les êtres humains ont besoin de connaître la vérité, qui plus est en cette heure ou la plus grande menace que Krynn ait connue s´apprête à fondre sur ses habitants. Je te charge, toi ma disciple, mon apôtre, d´apporter la parole et la puissance des vrais dieux aux hommes. Il est temps de rétablir l´équilibre de l´univers. Le mal a pris trop d´ampleur. La Reine des ténèbres est revenue chercher ce qui lui permettrait de fouler cette terre en toute liberté. Les dragons qui avaient été renvoyés aux Enfers, sont revenus... »

« Ces serviteurs de la Reine des ténèbres sont puissants. Aussi pour les vaincre, tu auras besoin de la vérité des dieux -qui est le plus beau des cadeaux, celui dont on t´a parlé-. Sous ce temple, parmi les ruines de Xak Tsaroth, reposent les disques de Mischakal. Ce sont des disques de platine étincelant. Trouve les, et tu pourras invoquer ma puissance, car je suis Mischakal, déesse de la guérison. »

« Cette tâche est loin d´être facile, car les dieux du mal craignent le pouvoir de la liberté. Ils ont chargé Khisanth, un vieux dragon noir connu sous le nom d´Onyx, de les garder dans sa tanière. Elle se trouve dans la cité en ruine, sous nos pieds. »

« Je te laisse le choix mon enfant. Mais sache que si tu essayes de les récupérer, tu t´exposes, toi et tes compagnons, à un grand danger. Cependant, si tu t´éloignes de cette tâche, le monde risque de ne pas s´en remettre... » -Le bâton brilla d´un éclat bleu aveuglant- « J´ai béni ce bâton. Sers t´en sans hésiter, et tu réussiras... »

Les vagues diminuèrent d´intensité, et la lumière faiblit jusqu´à ce qu´il ne reste de légèrement lumineux que le bâton.

Lunedor, debout, les bras levés, irradiait de bonheur, d’amour et de vie, comme si une cascade de lumière bleutée l’avait baignée, immergée, engloutie… en prévision des épreuves à venir où elle aurait besoin de toute cette Vie… qu’elle allait servir, maintenant, en pleine conscience, en toute complicité, en volontaire décision. Tandis que les échos intimes disparaissaient dans l’obscurité et le silence, elle ne put s’empêcher de remercier haut et fort en chantant, la Dame Bleue qui avait éclairé sa mère, et guidé son propre destin, lui offrant opportunité de rendre espoir aux siens et de combattre les ténèbres… les Ténèbres! Elle remit genou en terre devant sa Déesse, après avoir repris avec humilité Don d’Azur que Celle-ci acceptait encore de lui confier, incantant, d’un chant improvisé et inspiré : « - Ainsi soit Votre volonté, notre Dame Bleue, guérisseuse parmi les vrais Dieux Merci de nous montrer que Vous êtes toujours en ces lieux, Merci de nous rappeler que Vous ne nous avez pas abandonnés… Que seuls les hommes savent si vite oublier Comme ils ont besoin de vous, Dame Mishakal En ces heures noires ou ressurgit l’ancestral Mal… » Don d´Azur entre ses mains tendues, elle referma délicatement ses doigts sur le sceptre divin qui se synchronisa aussitôt avec elle... Lunedor remit un genou en terre et déposa un religieux baiser sur le bâton dont elle ressentait enfin toute la puissance, en parfaite harmonie avec la Vie qu’il… qu’elle… qu’ils servaient… Et soudain, seule, débordante de cette intensité et consciente de la Voie tracée… elle revint à la réalité, le temps cessa d´être figé, et elle se demanda où étaient Rivebise, où étaient ses compagnons, tandis que les murs se mettaient à tourner; s’agrippant à Don d’Azur, elle sentit la terre trembler, vit le plafond basculer… Message secret pour Rhajzad Les fondements même du temple étaient ébranlés. S´accrochant d´une main à son bâton et de l´autre à la stèle sur laquelle reposait la statue, Lunedor observait autour d´elle se demandant ce qui se passait. Le calme se fit à nouveau. Comme celui qui précède la tempête. À l´extérieur des cris retentirent. Elle reconnu des voix familières. La teneur des mots utilisés lui échappait, mais le ton était équivoque : la peur vibrait dans les cordes vocales...

Elle chercha d´où les cris étaient émis, et se retourna vers les doubles portes par lesquelles elle était entrée. Des bruits de pas effrénés retentirent derrière le métal doré.

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