Le calvaire et la grâceC'est en l'an de grâce 1174 que Baudouin IV, fils du roi de Jérusalem
Amaury I, accède au trône où l'avait précédé son père et, avant lui, tant de princes chrétiens. Il a douze ans lorsqu'à la mort de son père la responsabilité du royaume chrétien de Jérusalem lui échoit. Le Roi Baudouin était un enfant charmant, doué d'une mémoire remarquable et d'un esprit fin et brillant qu'avait cultivé son précepteur, l'archevêque de
Tyr,
Guillaume. Il ravissait tous ceux qui avaient la joie d'être des siens malgré un léger bégaiement qu'il tenait de son père.
Malheureusement on s'aperçut dès l'enfance qu'il était atteint du terrible mal de la lèpre. Ce mal n'empêcha jamais Baudouin de se comporter en roi. Plus d'une fois Baudouin mena l'ost à la bataille, d'abord à cheval, puis dans une litière quand la maladie ne lui permis plus de tenir sur sa monture.
Pendant quelques temps, c'est le
comte de Tripoli qui assura la régence du royaume. Mais très vite, Baudouin prit en main le gouvernement et un de ses premiers soucis fut de préparer sa succession, ce qui est grande lucidité de la part d'une si jeune personne.
Il était hors de question que le malheureux puisse prendre femme et assurer une directe descendance à cause de sa maladie. Aussi Baudouin tenta d'assurer le mariage de ses soeurs, principalement de l'aînée,
Sybille. Il la maria d'abord à
Guillaume de Longue-Epée, marquis de Montferrat. Mais le puissant marquis piémontais mourut en son fief d'
Ascalon, quelques mois après son arrivée en Terre Sainte, attaqué par de mauvaises fièvres.
Le prétendant suivant fut l'un des fils du comte
Robert de Béthune, grâce à l'appui du comte de Flandres,
Philippe d'Alsace qui était venu en pèlerinage accompagné de toute sa maison. Le comte Philippe fit naître un espoir en Terre Sainte, où l'on espérait conjuguer la force venue d'Outremer avec le comte Philippe et la flotte byzantine qui se tenait prête à ce moment. Mais l'attaque prévue sur l'Egypte et l'empire encore jeune de
Salah ad-Din n'eut point lieu, Philippe d'Alsace différant sans cesse son nécessaire engagement. Ce n'est point trop le salut du royaume qui était le soucis du comte d'Alsace, mais le désir de s'en emparer en mariant certains de ses vassaux aux héritières de la couronne.
Jamais la maladie n'attint le roi au point que celui-ci renonce à son devoir. Il se montre digne de ses ancêtres qui avaient fondé et défendu le royaume depuis l'arrivée des chrétiens en Terre Sainte. Il sut établir de profitables trêves avec le sultan Salah ad-Din et il sut mener les troupes en campagne quand cela s'avérait nécessaire. La première fois qu'il partit ainsi, à la tête de ses chevaliers, il n'avait que quatorze ans et revint victorieux et riche du butin amassé à travers le pays Damasquin. Il mena bien d'autres équipées, défiant le mal et la souffrance. Sa plus belle victoire fut remportée alors que le gros de l'ost combattait au nord, aux côtés du comte de Flandres, Philippe d'Alsace. Salah ad-Din sachant la Palestine dégarnie l'envahit avec toute son armée. Le roi, rassemblant tous les hommes valides qu'il put trouver, partit à la rencontre du sultan, guidé par la
Vraie Croix et par son courage. Il fut d'abord contraint de se réfugier dans la forteresse d'Ascalon, pressé par le grand nombre des sarrazins. Mais quand ceux-ci, confiants, se répandirent dans la campagne pour se livrer au pillage, Baudouin partit à leur poursuite avec ses chevaliers. Il pressa l'armée du sultan et obtint une belle et éclatante victoire qui obligea ce dernier à se retirer dans ses terres.