L'enfance d'un roublard

Condamné à l'exil

Le soleil venait à peine de poindre le bout de ses rayons lorsque Vendarion fut brutalement réveillé par le bruit caractéristique du cor des "hommes brillants". Chaque fois que ce cor sonnait, des guerriers vêtus d'habits étincellants passaient devant une maison, tenaient un discours d'une voix forte et les habitants avaient beau supplier, protester ou menacer, il leur arrivait toujours quelque chose... soit l'un d'eux était emmené, soit tous étaient expulsés et la maison était marquée d'une croix noire...

Jamais le son du cor n'avait été aussi proche, c'était pour Vendarion une occasion innespérée de voir de près ces redoutables personnages, mais il fallait pour cela sortir de cette immense cage de bois que ses parents avaient l'outrecuidance d'appeller son "lit"... Du haut de ses trois ans, Vendarion était tout à fait capable d'en escalader les montants et de se laisser tomber sur le sol. Une fois cette évasion accomplie, il ne lui resterait plus qu'à trotiner à quatre patte jusqu'à la porte de rue, en espérant qu'aucune porte ne soit fermée, car il était bien incapable d'en atteindre la poignée. Par chance, aucune porte ne l'empêcha d'arriver jusqu'à la rue, ou il découvrit avec surprise que les "hommes brillants" se tenaient juste devant la maison des Nazrim... *sa* maison...
Tout le reste de la famille était déjà là, son père Nakir qu'il devinait serrant les poings malgré les bandages qui lui recouvraient les mains, son frère Perceval qui se tenait les bras croisés et écoutait d'un air grave - à treize ans, c'était presque un homme -, sa soeur Carmen de douze ans, qui pleurait à chaudes larmes sans que Vendarion ne puisse comprendre pourquoi, son frère Cyric - dix ans - qui remarqua immédiatement Vendarion et lui lança un regard mauvais... depuis l'arrivée de ce dernier enfant, il n'était plus "le préféré de papa" et il le haïssait pour cela, et enfin Esmeralda, une petite bonne femme de sept ans qui le remarqua également et vint s'interposer entre lui et Cyric, regardant ce dernier avec un air de défi...
_ « Seigneur Nakir Nazrim, le Haut Conseil vous a déclaré coupable d'incivisme, d'atteinte à la morale, de corruption de la jeunesse et aux bonne moeurs...
_ Mais la bonne n'est pas morte, messire! Je l'ai vu dans la cuisine, elle est en train de faire chauffer mon lait! » Le chevalier tourna la tête vers le minuscule petit bout d'homme qui avait osé l'interrompre... un fin sourire carnassier apparut sur ses lèvres.
_ « mon garçon, quand tu auras un peu plus de poils sous le menton, tu sauras que les bonnes peuvent servir à bien d'autres choses qu'à faire chauffer du lait. »
Puis il éclata de rire, imité par ses hommes. Quant à Nakir, il fulminait de rage, il se serait bien passé de cette humiliation supplémentaire.
_ « en conséquence, reprit le chevalier, vous et votre parenté êtes condamne à dix années d'ostracisme. Par égard envers les services rendus par vos ancêtres, vos biens ne sont pas confisqués et vous avez une semaine pour vider les lieux. Avez-vous quelque chose à ajouter ? »
Nakir garda le silence, il n'y avait rien à dire... l'accusation était totalement fausse, le seul "crime" du Seigneur des Nazrim était d'avoir marché sur les privilèges du grand Théogone et de l'Archimage alors que tout courtisan digne de ce nom aurait joué l'un contre l'autre... mais Nakir était trop ambitieux pour se comporter comme un courtisan ordinaire, et son ambition se retournait contre lui. Du reste, il s'en tirait à bon compte... Le Grand Théogone aurait pu le faire accuser d'hérésie et le traîner au bûcher, marquer sa famille au fer rouge et confisquer ses biens ; ou de haute trahison, avec le même résultat et des tortures nettement plus recherchées. Non, en définitif, ce bannissement était d'un remarquable clémence... un peu comme si on avait tiré l'oreille d'un enfant turbulent en lui disant: "reviens quand tu seras sage".



Gosse des rues

Vendarion attendait devant l'enseigne de la "Fée lutine" quand les trois garçon s'approchèrent de lui. Le plus jeune devait avoir une douzaine d'années... autrement dit: un véritable géant pour Vendarion qui avait à peine plus de la moitié.
_ « Qu'est ce que tu fais dans le quartier, monseigneur ? Ne sais-tu pas que cette rue nous appartiens et qu'il faut payer pour avoir le droit de passer ?
_ Je n'ai pas d'argent, messire.
_ Oh, monseigneur n'a pas d'argent... mais regardez moi ce pourpoint et cette chemise... on pourrait le déshabiller et revendre ces vêtements, ça nous rapporterait bien quelques pièces d'or.
_ On peut aussi le déshabiller et le revendre lui, renchérit un autre garçon, ça nous rapporterait sûrement beaucoup plus... »
Et ils se mirent à rire, de ce rire que Vendarion avait appris à détester pour l'avoir trop souvent entendu lorsque son père mijotait un mauvais coup ou se préparait à fouetter un domestique. Il profita de l'occasion pour se glisser entre deux des voyous et prendre la fuite, mais il ne put aller bien loin... les voyous le rattrapèrent rapidement.
_ « Alors, on essaie d'éluder l'impôt ? mais pour cela Monseigneur, vous allez devoir apprendre à courir... »
Une voix d'adulte l'interrompit brutalement:
_ « et bien vous allez lui montrer comment on court, et très vite si vous ne voulez pas sentir la pointe de mes bottes dans vos fesses de vauriens !»
Sans même regarder le nouveau venu, les trois vauriens filèrent sans demander leur reste, Vendarion se tourna vers son sauveur.
_ « Merci messire. »
C'était un homme presque aussi mal habillé que les voyous, mais il fallait bien être poli avec ceux qui vous rendent service...
_ « Dis moi petit, qu'est ce que tu fais tout seul dans ce quartier ? Ce n'est pas un endroit pour toi.
_ Ma gouvernante m'a dit d'attendre devant l'auberge pendant qu'elle parle avec un monsieur, à l'étage du haut... elle fait ça toutes les semaines et on va encore être en retard pour le dîner...
_ et tu dois t'ennuyer en attendant... qu'est ce que tu dirais de jouer à un jeu le temps qu'elle revienne ?
_ un jeu ? un jeu pas trop difficile ?
_ Oh, un jeu très simple... tu vois le monsieur qui tient des cartes en mains ? assied toi sur le tonneau qui est juste derrière lui, et s'il y a plus de cartes avec des dragons argentés que de dragons colorés, tu regardes vers la gauche et s'il y a plus de colorés, tu regardes vers la droite.
_ C'est tout ? c'est trop facile...
_ Alors on peut compliquer: si tu vois plusieurs personnages, tu regardes en haut... et si tu vois celui-là, tu te mets le doigts dans le nez.
_ Je ne peux pas faire ça, c'est sale... c'est ma gouvernante qui l'a dit !
_ Bah, elle ne le saura pas, puisqu'on fait ce jeu pendant son absence. »
C'était la première fois qu'un adulte s'intéressait à lui... Vendarion était plutôt fier.



L'honneur des voleurs

_ « Tiamat! qui, avec le trois et le douze complètent ma série de trois dragons rouges ; tu peux me donner douze jetons. En plus, j'ai vingt-huit points et toi quatorze ; je ramasse donc le pot... vingt deux jetons supplémentaires. »
Vendarion le jeune, maintenant un adolescent de quinze ans, déposa sur la table la carte du redoutable dragon à cinq têtes, Vendarion le vieux, un demi-elfe à peine plus vieux selon les critères de sa race, hocha la tête d'un air désolé.
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_ « Rien à redire, neveu! Tu m'as proprement ratatiné... sapristi! à une pièce d'argent le jeton, j'ai perdu plus de huit pièces d'or, le quart de ma paie.
_ Pas d'histoire d'argent entre nous, mon oncle, tu voulais connaitre les règles de la "mise des trois dragons" et on a fait quelques parties pour que tu voies comment ça marche... mais je ne veux surtout pas que nos rapports soient pollués par l'argent... c'est une partie pour rien.
_ Une partie pour rien ? Et ma part alors ? »
Surpris, le demi-elfe se retourna vers le gamin qui venait de les interrompre...
_ « Qu'est-ce que c'est que ce morveux qui se mêle de nos affaire avec ses doigts dans le nez ?
_ Ah mon oncle, tu voulais aussi savoir comment je gagne mon argent de poche et les règles de ma profession... et bien il y en a deux: la première est qu'avant d'arnaquer les autres, il faut un complice en qui on peut avoir une confiance absolue - et ce morveux comme tu dis vient de rater son examen d'entrée - et la seconde est de ne jamais voler ses proches, amis, collègues et famille inclus. »
Ulcéré, le gamin partit sans demander son reste.
_ « Oooh! Je commence à comprendre, fit Vendarion l'ancien. Et bien c'est une leçon qui vaut bien un fromage comme dit le proverbe... Patron! Resservez nous deux bières, et quand ce gamin reviendra, vous lui donnerez un repas sur mon compte.
_ Tu es décidément trop gentil...
_ et toi pas assez sérieux! Même selon mes critères qui sont plutôt tolérants dans ce domaine. Tu voles pour t'amuser, parce que ça donne des frissons aux filles que tu fréquentes, mais tu ne te rends pas compte que pour la plupart des gamins de rue, c'est une question de vie ou de mort... ne rien gagner en une soirée, ça veut dire pour eux: ne rien manger pendant une journée.
_ oh je sais, et c'est ce qui rend d'autant plus dangereux ceux en qui on ne peut pas avoir confiance... ils vous vendraient pour un bol de soupe.
_ mouais... parlons d'autre chose, tu vas vraiment t'inscrire chez Toff Ornelos pour devenir "surveillant à l'Académie" ?
_ C'est déjà fait, et je passe les tests après demain... on est cent-soixante pour vingt places, mais je pense avoir mes chances... il faut avoir l'esprit vif, le sens de l'observation et être discret quand il le faut... en plus, c'est vraiment bien payé.
_ Cent soixante ? Je ne pensais pas qu'il y avait autant de fous à Korvosa... en tout cas, si tu as la malchance d'être choisi, je te conseille de te faire le plus petit possible... et surtout pas de zêle.
_ Ce serait dommage. c'est la seule occasion de me faire remarquer par les mages, si je veux devenir l'apprenti d'un d'entre eux...
_ et pourquoi ton père ne paie pas d'études de magie ? Il a payé pour l'hippogriffe de Perceval, il a payé pour l'entré au temple de Cyric, il pourrait très bien te payer tes études à toi aussi...
_ il prétend qu'il n'a plus d'argent ; je sais que c'est faux, il a reçu une fameuse dot pout le mariage de Carmen... il espère gagner autant avec Esmeralda - qui de son côté n'a pas du tout envie de se marier - et il croit que je ne suis pas au courant... de toute façon, je dois me débrouiller seul.
_ En tout cas, n'oublie pas mon conseil: si tu veux survivre à l'Académie, tu n'as que deux options: soit tu rases les murs, soit tu leur fait peur, mais si tu comptes sur Toff Ornelos pour te tirer d'affaire, tu es déjà mort.
_ leur faire peur ? je fais comment ? je me déguise en dragon à cinq têtes ?
_ Mon neveu, je vais te révéler quelque chose que peu de gens savent ; les magiciens se divisent en deux catégories: ceux qui comme toi s'intéressent à cette profession pour s'amuser, et ceux qui sont à la fois trop lâches pour affronter les difficultés de la vie sans aide surnaturelle et trop inconstants pour devenir prêtres... les trois quart des étudiants de l'Académie appartiennent à la seconde catégorie. Une fois qu'ils ont acquis un peu de pouvoir magique, ils peuvent désintégrer un dragon à cinq têtes, mais ils auront toujours peur d'un aristo bien habillé qui leur parle de haut... parce qu'il ne savent jamais par quel autre magicien ce godelureau est protégé... Pour ce qui est de ceux de la première catégorie, la seule chose que tu as à craindre, c'est du sel dans ton vin ou un lit en portefeuille.
_ Tu plaisantes ? encore une fois...
_ Oh non, maintenant je suis très sérieux. Tiens, prends cette bourse, il y a juste assez pour te payer une tenue décente: une chemise à jabot, une cape, un pourpoint avec des armoiries et tout ce qui s'ensuit...
_ et c'est avec ça que je vais leur faire peur ?
_ si tu te comportes comme un seigneur et que tu es vêtu comme un seigneur, ils te traiteront comme un seigneur, parce que ce qu'ils craignent le plus, c'est encore de se mettre à dos une famille puissante.



Espion à l'Académie

_ « Pardonnez moi Messeigneurs, me permettez vous de passer devant ? J'ai juste un colis à remettre au Magistère Gridwin de la part du mage... Meldor ou Maldor... enfin, un nom de ce genre... »
Les deux étudiants dévisagèrent le nouveau venu avec un certain étonnement, il n'y avait pas de Maldor parmi les mages de Korvosa... l'un d'eux se pencha sur le colis pour en examiner l'étiquette qui était, par un heureux hasard, orienté dans sa direction.
_ « Mais c'est le glyphe de MANDOR messire, et ce n'est pas un simple mage mais un Archimage. Je ne crois pas qu'il apprécierait qu'on écorche son nom.
_ Mage, Archimage... ça fait une différence ? demanda Vendarion en forçant son accent du Chéliax. Vous savez, je ne fais que transmettre. Ce colis est arrivé au port ce matin et le capitaine m'a dit que c'était urgent.
_ petzy hashpi zöööö Rushk! Laï baraka! »
Les mots "hashpi" et "rushk" que l'apprenti venait de prononcer innocemment à l'attention de son camarade attirèrent l'attention de Vendarion: "espion" et "désintégré"... il traduisit mentalement: "et dire que je l'ai pris pour un espion le premier jour et j'ai failli le désintégrer, il a eu de la chance."
Quand ils parlaient draconique pour éviter d'être compris par les indiscrets, les apprentis de l'Académie utilisaient le mot "désintégrer" pour désigner tout sortilège potentiellement mortel, alors que cette langue comportait un nombre impressionnant de termes différents pour décrire tous les moyens possibles et imaginable pour réduire un gêneur en cendres. Ils ignoraient bien sûr que l'indiscret en question maitrisait cette langue au moins aussi bien qu'eux, si ce n'est mieux.
_ « Je rappelais à mon camarade qu'il vous faudra tout de même attendre que Gridwin ait terminé son entretien actuel: un espion est tombé accidentellement dans un bac d'acide dans le laboratoire et nos professeurs interrogent tout le monde pour savoir qui a été assez négligent pour le laisser dans le chemin.
_ un espion ? fit Vendarion en feignant la surprise. Il y a donc des espions à l'Académie... sapristi! »
et il dissimula rapidement le colis sous sa cape.
_ « Oh, pas vraiment des espions au sens ou on l'entend habituellement. Ces espions, c'est Toff Ornelos lui même qui les a engagé pour lui rapporter nos moindre faits et gestes. En ce qui vous concerne, vous n'avez rien à craindre.
_ Ah, c'est donc cela ces curieux personnages qui ne ressemblent pas à des mages et qui se promènent dans les couloirs avec un carnet... enfin, on n'en voit plus beaucoup ces derniers temps.
_ En effet... l'Académie est un endroit ou il y a beaucoup de magie résiduelle et, à force de fourrer leur nez partout, il leur arrive des accidents, et on nous soupçonne à chaque fois d'y être pour quelque chose. »
Puis ils reprirent leur conversation en draconique... Vendarion ne remarqua rien de vraiment intéressant en les écoutant. Outre le fait qu'il y avait effectivement moins d'espions qu'avant, les deux mages déploraient le fait que Gaedren, leur fournisseur de "substances" n'ait pas réussi à corrompre un des derniers espions restants pour lui servir d'intermédiaire. Ils auraient été bien étonnés d'apprendre que l'homme dont ils parlaient se tenait devant eux et prenait note mentalement chaque mot prononcé.
La porte s'ouvrit, un jeune magicien dépité en sortit.
_ « Au suivant! fit Gridwin. Oh, un colis... déposez le à l'intérieur, j'ai deux mots à vous dire. »
Vendarion entra dans le bureau du mage, un peu étonné. Habituellement, quand il lui apportait les articles de laboratoires et les ingrédients ésotériques dont il avait besoin, il se contentait de prendre le paquet et de payer sans même vérifier les prix, mais l'ambiance de l'Académie s'était dégradée ces dernières semaines: trop de dénonciations anonymes, de protestations d'étudiants... et bien entendu, d'accidents.
_ « Qui est censé m'envoyer ce colis aujourd'hui ? demanda Gridwin en regardant l'étiquette. Oh, l'Archimage Mandor... je ne sais pas comment vous avez fait pour recopier son glyphe, mais vous êtes un redoutable faussaire... c'est un des plus difficile à recopier. Pourquoi Mandor au fait ?
_ J'ai simplement décollé l'étiquette d'un autre colis... les emballages vides sont laissés dans l'entrepôt sans surveillance et n'importe qui pourrait en faire autant. Pour ce qui est de Mandor, je l'ai choisi parce que son nom est connu et qu'il habite Magnimar. Personne n'aurait l'idée de vérifier... et même si quelqu'un décide de le faire, mon contrat sera terminé avant qu'il ne revienne, je ne crois pas qu'il sera prolongé.
_ Vous ne croyez pas si bien dire, votre contrat s'achève cette semaine. Pas uniquement le vôtre en fait, tous les surveillants sont licenciés ; et comme le prévoit votre contrat, vous serez payé pour les deux mois qui restent. Toff Ornelos avait voulu créer une sorte de réseau de surveillance qui aurait plus ou moins terrorisé les étudiants et les inciter à cesser leurs trafics ; et au lieu de cela, ce sont les espions qui sont terrorisés et il y a des meurtres en plus des trafics. Il faut se faire une raison, l'expérience est un échec... dommage, j'appréciais vos services, vous êtes un de mes rares fournisseurs à ne pas me voler... ou pas assez pour que je m'en rende compte. Sans compter que vous êtes assez malin pour ne pas vous faire arnaquer par ces charlatans qui vous vendent des plumes de poulet au prix des plumes d'hippogriffe.
_ mon frère est dans la compagnie des sables, c'est lui qui m'a fourni les plumes d'hippogriffe que je vous ai compté à une pièce d'or chacune... Pour être tout à fait honnête, je vous ai quand même volé un peu. »




Le temple d'Asmodée

L'homme en robe pourpre s'approcha de Vendarion et lui mit la main sur l'épaule.
_ « Vendarion Nazrim, es-tu entré dans ce temple librement et de ton plein gré pour offrir ta vie à Asmodée, afin que ton énergie vitale s'ajoute à sa puissance et participe à sa domination sur ce monde, pour les siècles et les siècles à venir. »
Le sacrificateur le regardait droit dans les yeux, de ce regard terrible que bien peu d'hommes pouvaient supporter... Vendarion ne fit pas exception à la règle, il détourna le regard, parcouru des yeux l'assistance à la recherche de Cyric. Il le découvrit près de l'autel, en train d'aiguiser un long couteau à la lame dentelée.
_ « Qu'est ce que je dois faire ? demanda-t-il.
_ Dis lui oui, gros bêta! » répondit Cyric
Vendarion se tourna vers le sacrificateur.
_ « Oui gros bêta » fit-il
Ce dernier soupira, Cyric l'avait pourtant prévenu: « Mon frère est un idiot, avait-il dit, ça me fend le coeur d'en arriver là, mais on ne fera rien de bon avec lui et finalement, ça vaut mieux pour tout le monde, y compris pour lui. Et je suis certain que de là haut, il nous remerciera. Enfin, il vaut mieux que la cérémonie soit la plus brève possible, faisons ce que nous avons à faire et puis basta! C'est déjà assez pénible pour moi. »
Comme Vendarion ne semblait pas avoir compris de quoi il s'agissait, le sacrificateur reprit:
_ « Il faut dire: oui je le veux, trois fois.
_ Oui je le veux trois fois » répondit docilement Vendarion.
_ Bon... j'imagine que ça devrait aller. » soupira encore le sacrificateur.
Du coin de l'oeil, il remarqua le sourire de Cyric, toujours en train d'aiguiser son couteau. La situation ne lui semblait finalement pas si pénible que ça.
_ « Avance maintenant jusqu'à l'autel et... »
Il fut interrompu par un brouhaha provenant de l'entrée du temple.
_ « Arrêtez! Arrêtez, c'est mon fils!
_ Tous ceux qui s'offrent en sacrifice à Asmodée sont fils ou filles de quelqu'un, et cela n'a jamais empêché le sacrifice d'avoir lieu, et il en sera ainsi jusqu'au jour ou les garçons naitront dans les choux et les filles dans les roses. »
Le sacrificateur adorait cette plaisanterie, et il n'avait que trop souvent l'occasion de la répéter... mais cette fois, le sourire qui l'accompagnait habituellement disparut au moment ou il reconnut en compagnie le la mère de Vendarion le haut-mage Gridwin et un Archonte des questeurs. Cyric l'avait prévenu que des gêneurs pourraient tenter de troubler la cérémonie, mais les gêneurs étaient visiblement venus en force. L'Archonte, qui n'était là qu'à titre de témoin, représentait le plus grand danger, car le moindre geste qu'il interpréterait comme une "menace" lui donnerait le droit d'interrompre la cérémonie et - en cas de rébellion - de faire fermer le temple. Or Sire Haxanor, l'officier commandant les chevaliers des clous, assistant à la cérémonie en tant que parrain de Cyric, était un fanatique venu directement du Chéliax, la moindre maladresse de sa part pouvait provoquer une catastrophe.
_ « de toute façon il est trop tard madame, votre fils a accepté le sacrifice.
_ Vendarion, fit Mageline, viens ici tout de suite!
_ Vendarion, retourne vers l'autel, répliqua Cyric
_ STOP! » hurla Gridwin.
Réagissant comme un pantin manipulé par plusieurs marionnettistes en désaccord, il s'immobilisa enfin sur l'ordre de Gridwin.
_ « Voyons maître Gridwin, vous savez qu'on ne peut interrompre un sacrifice après que la victime ait donné son accord...
_ sauf s'il y a doute sur sa libre volonté ou un empêchement légal d'une autre nature répondit Gridwin. Or il y a un empêchement: Vendarion est sous contrat d'assistant de laboratoire encore jusqu'à la fin de la semaine, et il ne m'a pas demandé son congé.
_ Je ne sais si c'était bien utile de faire tout ce tapage pour si peu, fit le sacrificateur. Vendarion, demandez votre congé à Messire Gridwin et reprenons ensuite nos activités.
_ Messire Gridwin, fit Vendarion d'une voix mécanique, je vous demande mon congé. »
Gridwin s'approcha jusqu'à deux mètres de Vendarion et tendit la main gauche ou son sceau de mage sur la seconde phalande de l'index. La coutume voulait que tout quémandeur d'une faveur à un mage s'incline devant lui et embrasse l'anneau. Mais au moment ou Vendarion se pencha pour respecter cette coutume, la main du mage se retourna et dévoilà son contenu: une étrange poudre verte.
_ « Respire un grand coup! » fit Gridwin avant que quiquonque n'ait le temps de réagir.
Vendarion obéit, bien entendu... et l'effet de la poudre fut immédiat, il se plia en deux et se mit à vomir.
_ « Qu'est ce que vous avez fait ? demanda le sacrificateur.
_ Sacrilège! » hurla Cyric, et il brandit sa dague et se précipita sur Vendarion.
Ce dernier réagit avec une rapidité dont on ne l'aurait pas cru capable quelques secondes plus tôt... il esquiva le premier coup et saisit le bras de son frère pour essayer de le désarmer... la mélée ne dura que quelques secondes car, bien avant qu'un des deux frères ne prenne l'avantage sur l'autre, le couteau s'envola vers l'entrée du temple et aterrit docilement dans la main de l'Archonte.
_ « Personne ne brandit une arme ou ne lance un sortilège en présence d'un Archonte, Messires, rugit-il. Veillez considérer ceci comme un unique avertissement sans frais.
_ Voyons messire l'Archonte, fit le sacrificateur. Gridwin n'a-t-il pas lancé un sortilège à l'instant même ? Avouez que cela ressemble fort à une provocation.
_ Vous vous méprenez, répondit Gridwin. Je n'ai pas utilisé le moindre sortilège. Il se trouve que j'ai toujours sur moi de la poudre de thériaque en cas d'empoisonnement accidentel pendant les travaux de laboratoire. Et il se trouve que le sachet s'est malencontreusement déchiré dans ma poche. Mais respirer cette substance n'a aucun effet sur une personne en pleine possession de ses moyens, elle n'agit que sur ceux qui sont sous l'emprise de drogues. _ Bien sûr, mon frère est un drogué, s'exclama Cyric, en plus d'être un bon à rien et un voleur. Si on le laisse mener la vie qu'il mène, il finira par déshonorer le nom des Nazrim sur l'échafaud et il le sait très bien. C'est pour ça qu'il a décidé de s'offrir en sacrifice... c'est le seul moyen pour lui d'avoir une mort honorable, puisqu'une vie honorable lui demanderait trop d'efforts. Je suis sûr que c'est pour la même raison qu'il a pris de la drogue avant de venir: ça lui aurait permis de partir sans douleur.
_ Surtout ne répondez rien, murmura Gridwin à l'attention de Vendarion, le moindre mot déplacé pourrait vous faire condamner pour blasphème. »
Vendarion hocha la tête et se dirigea vers la sortie, l'Archonte des Questeurs l'interpella au passage. _ « Un instant mon garçon, j'ai quelques questions à vous poser.
_ J'ai un nom, monsieur le Questeur, je me nomme Vendarion... »
Il s'interrompit et équarquilla les yeux en reconnaissant le symbole des Archontes... il avait cru avoir affaire à un questeur ordinaire...
_ « C'est évident, répondit l'Archonte, et c'était justement la première question. Voici la seconde: êtes-vous entré dans ce temple avec l'intention de vous offrir en sacrifice pour la gloire d'Asmodée et l'avancement de votre frère dans la hiérarchie cléricale ?
_ J'ignore totalement comment je suis entré dans ce temple et je n'ai jamais eu une tellle intention, sauf dans les rêves de mon frère.
_ Et bien dernière question: masquez un oeil et ouvrez l'autre bien grand en me regardant droit dans les yeux... l'autre oeil maintenant... parfait! Vous n'êtes manifestement pas un consommateur de drogues... bien que vous ayez été drogué avant de venir ici, ça ne fait aucun doutes.
Messieurs les prêtres, je vous confirme que ce jeune homme n'est pas volontaire pour le grand voyage et je vous demande donc respectueusement de renoncer à cette étape de votre célébration... afin de ne pas m'obliger à l'interdire. »
Le sacrificateur hocha la tête, au grand désarroi de Cyric.

La première chose que Vendarion remarqua en sortant du temple, c'est le froid mordant du petit matin. Gridwin et l'Archonte sortirent juste après lui, ce dernier prit congé de l'Archimage et s'éclipsa discrètement. Gridwin héla Vendarion qui était sur le point de partir d'un autre côté.
_ « Holà, messire Nazrim, vous êtes sûr de ne rien oublier ?
_ Oh bien sûr s'exclama Vendarion. J'allais partir sans prendre congé et sans vous remercier de votre intervention... _ Vous alliez également oublier ceci: »
Gridmin lui tendit un sac de toile décoré du symbole d'Asmodée.
_ « Qu'est ce que c'est ?
_ Les affaires et les vêtements que vous portiez au moment d'entrer dans le temple, ainsi que votre rapière. Tout cela aurait été partagé entre le sacrificateur et ses assistants. En me les rendant, le sacrificateur m'a dit que vous pouviez garder la robe des sacrifiés en souvenir.
_ Il est bien aimable, répondit Vendarion, qui venait seulement de remarquer qu'il était pieds nus et ne portait d'autres vêtement qu'une toge blanche marquée d'une tête de mort pourpre. En plus, je ferai sensation dans les soirées mondaines habillé ainsi. »
Il s'assit sur un muret de pierres et enfila ses bottes.
_ « L'Archonte n'a pas voulu poser la question dans le temple, mais il se demande bien qui a pu vous faire ingurgiter cette drogue. fit Gridwin en s'asseyant à ses côtés.
_ La prochaine fois que vous le verrez, vous pourrez lui souffler le nom de Gaedren Lamn, répondit Vendarion. Il y a quelques mois, il a tenté de me recruter pour étendre son petit commerce vers l'Académie. J'ai évidemment refusé... quand il m'a proposé de prendre un verre hier, je pensais qu'il avait oublié cette histoire... je me suis visiblement trompé. Vous pensez qu'il sera arrêté ?
_ Oh non... J'ai entendu parler de ce Gaedren et je sais qu'il trafique depuis un certain temps, et il est soupçonné de crimes qui feraient frémir d'horreur un berzerker démoniste... mais il ne laisse pas de preuves et pas d'indices, si ce n'est les rares témoignages de ceux qui osent parler, et qui ne font pas office de preuves. Il ne sera jamais arrêté mais on pense qu'il finira tué par les proches d'une de ses victimes ; et le jour où ça arrivera, il est fort probable que la sagacité des questeurs soit exceptionnellement prise en défaut et que l'assassin leur échappe... Au fait, quels sont donc vos projets ? Maintenant que vous ne travaillez plus pour l'Académie et que je vous vois mal retourner chez votre père, j'imagine que vous avez du temps libre ou que vous en aurez bientôt.
_ mes projets ? fit Vendarion. Et bien je vais... dans l'immédiat, me remettre de mes émotions, ensuite, régler quelques affaires pressantes et une fois que ce sera fait, j'aurai effectivement du temps libre, même si dans l'immédiat... j'ai quelque chose de très urgent à faire.
_ C'est évident, répondit Gridwin. Il y a des choses q'il ne faut pas laisser traîner... »
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