ingeirr écouta avec attention les déclarations de chacun. Il accorda notamment quelques sourires à Jairess et sembla réfléchir lorsque celle-ci lui proposa de ne pas révéler toute l'histoire à l'osirien. Il secoua cependant de nombreuses fois la tête.

« Je n'ai pas dû être clair : il n'est pas question de moi. Je dois endosser toute l'objectivité qui m'incombe et décider, sans sentiment, si votre entreprise a une chance de réussir et si elle serait un plus pour notre cause. Nous pouvons clairement répondre par la positive à la deuxième interrogation mais j'ai l'esprit tout aussi clair lorsque je vous dis que cet Akin est un mélange alchimique instable et que l'emmener à Trône-Blanc, c'est programmer sa mort. En plus avec son frangin et son besoin d'expliquer aux autres comment ils doivent rendre la justice : il sera gâté avec les hommiroirs. Il marqua une pause puis regarda Aergnaeroka, effaré : Vous allez rentrer avec ou sans aide ? Par le biais de passages et d'indications ? Non mais je suis sûr que Nadya vous a expliqué ce qu'était cette ville et pourquoi vous êtes venus jusqu'à moi. Trône-Blanc est sous loi martiale. Y rentrer est déjà bien difficile mais vos papiers peuvent de plus êtres contrôlés à tous moments... Non vraiment, il est normal que vous ne connaissiez pas tout ce qui a trait à cette cité mais laissez moi vous dire une chose : vous sous-estimez grandement la difficulté de votre quête. »

Le vieil ulfe s'arrêta là. Il regardait les personnes encore présentes, songeur. Nadya quant à elle ne disait pas un mot. De fait, elle avait regardé Ortog avec étonnement lorsque celui-ci avait écarté son nom du groupe. Mais elle n'en avait jamais fait vraiment partie après tout. Elle ne portait pas le manteau du Ryttere. Elle n'était pas comptée lorsque venait le temps du partage des trésors récoltés. Oui, elle n'était que leur guide. La colère de la gracieuse ulfe aux cheveux de feu s'évanouit pour laisser place à de la tristesse. Mais elle tournait le dos aux autres et scrutait l'âtre qui crépitait.




PJ, déplacements, voyage vers Trône-Blanc

Akin entendit des pas lourds s'approcher derrière lui. Il s'attendait à l'irruption d'un Xoran furibond et sa nuque se raidit en anticipant le déferlement de violence qui devait l'écraser d'un instant à l'autre. Pourtant, les pas s'arrêtèrent à ses côtés, leurs vibrations sourdes suivies d'un silence pesant, uniquement troublé par le sifflement du vent sur cette terre désolée. Le ton extraordinairement calme des paroles d'Ortog le déstabilisèrent. Figé, un frisson parcourut son dos, hérissant jusqu'aux poils de ses bras. Sa natte se serait hérissée à l'horizontale si elle n'avait été autant alourdie par le gel.

Ses paroles roulèrent dans sa tête. "... je n'approuve pas... raison... famille... raison... mission... j'espère... raison... sagesse... raisooooonn !" Les larmes embuèrent sa vue, débordèrent ses paupières inférieures avant de dévaler ses joues glabres en deux chaînes montagneuses gelées jusqu'aux vallées des commissures de sa bouche. Les mots prononcés par Ortog rebondissaient entre les parois de son crâne lisse, en échos de plus en plus déments, telle une avalanche qui balaie tout sur son passage. Il se prit la tête à deux mains, l'échine courbée et les yeux fermés de toutes ses forces, un intense effort de volonté se lisant sur son visage plissé de douleur. Tout cessa brusquement. Pantois, le léger clapotis du lac et le souffle du vent le berça de nouveau, enveloppant tout son être d'un manteau de gel qui étouffa les derniers tisons de son foyer d'émotions.

Hébété, il tourna la tête vers Ortog. Son regard contempla son profil brutal, carré, volontaire. Son visage, son corps tout entier, transpirait la force explosive. Et pourtant... Cette apparence bestiale enrobait une âme sereine, une maîtrise parfaite. Depuis qu'il l'avait rencontré, il devait admettre que ce demi-orc était ern réalité un roc-entier.

De nouveau, il contempla le lac gelé. Il laissa le temps à son cœur de ralentir son rythme, de battre à l'unisson de ce morne paysage. D'un revers de manche, il essuya ses joues et son nez encombré. Il inspira et expira à fond puis sembla entrer en méditation. Sa voix chantante du sud parut réchauffer l'atmosphère.

« J'étais si seul, avant de vous rencontrer. Je ne l'avais jamais vraiment ressenti auparavant. J'ai pourtant toujours vécu entouré, d'abord par les soldats et autre serviteurs de la suite diplomatique de ma mère, puis par les élèves de l'école de Néthys. Je n'ai jamais manqué de rien, même si vivre sur la route en permanence vous expose aux dangers, naturels ou autres, aux privations en tout genre, aux incertitudes. Mais au fond de moi subsistait un mal-être. Une solitude angoissante qu'aucune de mes aventures sentimentales, sexuelles devrais-je dire, n'a jamais pu combler. Et pourtant, Néthys sait que j'en ai expérimenté de toute sorte. J'aurais pu servir Calistria que cela n'aurait étonné personne, à une époque. » Il s'esclaffa amèrement. « Seul mon maître Aménocieux a vraiment occupé un espace dans ma vie. Je l’ai aimé, et lui aussi, à sa manière. Mais il avait bien trop d’obligations et de dévotion envers Néthys pour s’attacher profondément à moi. » Il regarda brièvement le paladin avant de fixer à nouveau son attention sur l’horizon lointain.

« Et puis il y eu toi. Et Xoran. » Il déglutit péniblement. « La vision de l’assassinat de Marcian, sa cervelle giclant en tout sens sous les multiples coups de l’ulfe… ce bruit écœurant de la hache qui frappe son crâne… j’ai cru que j’allais vomir, et rien que d’y penser, j’en ai encore des nausées ! Je suis un amoureux de la magie. Je collectionne les objets qui en contiennent, adorent les toucher, me plonger dans leur structure et comprendre leur genèse. Je n’ai pas l’expérience des meurtres de sang froid, contrairement à toi, qui a dû vivre des choses effroyables durant ton enfance, n’est-ce pas ? Mon esprit aspire au calme des laboratoires, aux études et expérimentations, à l’apprentissage de la magie, à la découverte des nombreux mystères de ce monde, pas à ce genre d’exhibitions. » Il soupira. « Je suppose que cela explique mon comportement déplacé envers un Ringeirr pas des plus diplomates, en plus. Aussi rude que son pays, celui-là ! » Un sourire désabusé ourla ses lèvres. « Et sur ce déséquilibre émotionnel est venu souffler la tempête Xoran. Mon corps a été entraîné pour affronter moult dangers, mon esprit affûté pour découvrir de nombreux mystères et mon âme renforcée pour intimider ou juger autrui. Mais tout cela s’efface en présence de ce barbare. Il a une telle force, une telle rage, une telle conviction… il est touché par le don... et ses yeux… Oui, je l’aime. J’ai été profondément vexé par son intervention outrée. Mon orgueil a repris le dessus. Cette fierté qui me fait teinter cette barbiche et ma natte en noir, pour effacer mon origine bâtarde. Surtout, ne va pas lui révéler que j’en pince pour lui ! Je pourrais subir sans broncher ses quolibets mais il risque de s’éloigner définitivement, me mépriser et ne plus me laisser l’approcher. Je ne suis pas encore prêt à le côtoyer durablement en subissant tout cela en même temps. » Sa mine défaite faisait peine à voir. En cet instant, qui aurait reconnu l’orgueilleux prince du désert, l’inquisiteur sans pitié de Néthys ?

Il secoua la tête. « Ringeirr ne reviendra jamais sur sa décision, malgré toutes mes excuses. J'ai montré trop de faiblesses. Et dire que j'ai moi-même fait la leçon à Kalt sur notre implication dans la mission ! Voilà que je fais tout péricliter en quelques secondes. Je suis désolé, Ortog, vraiment désolé. » Assis en tailleur, il regarda ses mains reposant sur ses bottes. « Je suis plus âgé que toi et pourtant, j’ai l’impression d’être ton petit frère. Je redeviens ce petit garçon privé d'amour parental et qui quête à tout prix la reconnaissance de ses compagnons. Tu es si fort ! Contre le loup, ta présence a rayonné sur nous tous. Le danger mortel menaçant tout le groupe m’a poussé à revenir sans cesse à l’assaut, à tenir bon. Oui, durant ce combat, je me battais pour tout le monde, pas seulement pour ma vie ou la réussite de cette mission. Je ne sais si la magie du ryttere qui nous lie tous en est la cause. Mais je tiens à tous les membres de cette équipe. Nous sommes condamnés à rester ensemble, alors j’espère que les autres sauront me pardonner. Peut-être va-t-il falloir que je laisse Xoran me filer une raclée, histoire qu'il se calme après ce que je lui ai balancé ! N'empêche, il a réussi à bien se maîtrisé, sur ce coup. J'en suis vraiment agréablement surpris. Qu'est-ce que j'ai déballé, tout de même ! »

Il rit de bon cœur en imaginant ce qu'avait dû ressentir le barbare en entendant ses propos. Il étendit ses jambes devant lui tout en prenant appui sur ses deux mains posées au sol derrière son dos, le buste penché en arrière. Il marqua une pause, le temps de retrouver son sérieux. « Je ne sais comment nous parviendrons à pénétrer cette cité sans le vieil ulfe. Tu crois qu’ils vont réussir à le convaincre d’emmener deux frères aussi excessifs que nous ? »

Malgré la situation, il sourit au paladin. Il était heureux qu’Ortog soit venu s'asseoir à ses côtés. En dépit de leur situation précaire, ou précisément à cause de cela, il sentait un lien fraternel naître entre eux, malgré leur différence. Il ferait ce qu'il faut pour conserver ce sentiment, éprouvait le désir de renforcer ce lien. Oui, il se sentait prêt à écraser son orgueil, ranger ses émotions au placard.

e silence s'était fait dans la maison de Ringeirr et les mots de Xoran trouvèrent un écho tout particulier. Tous les participants comprenaient l'importance du moment. Ils avaient surmonté des difficultés ; en était-ce simplement une de plus ou était-elle faite d'un autre bois ? Toujours était-il que le moment paraissait solennel. Les interlocuteurs étaient à fleurs de peau et au bord des larmes, comme si l'éventualité de l'échec avait arraché les vêtements qui les protégeaient du froid et les avait exposé aux affres de la vie. Lorsque le titan à la peau d'ébène parla directement à Nadya, celle-ci se retourna. Elle prononça quelques mots d'une voix timide et faible, des mots qui n'invitaient pas Xoran à rebondir dessus, une simple phrase qui ne signifiait rien ; en apparence du moins.


« Mais je n'ai rien demandé... »



Ringeirr avait attardé son regard sur sa nièce lorsqu'elle avait prononcé ces quelques mots chargés d'émotion. Puis il avait reporté son attention sur Xoran. Il écoutait attentivement le shoanti mais regardait ses compagnons, vraisemblablement soucieux de percevoir l'effet qu'avait son discours sur ceux-là. Lorsque le barbare eut terminé sa plaidoirie, il se leva et se dirigea vers lui. Il posa une main ferme sur son épaule puis la tapota trois fois avant de se retourner. Il adressa un regard chaleureux à Nadya puis s'en alla rejoindre le fond de son habitation. Il souleva une peau et fit basculer une planche mal fixée. De cette cachette, il extirpa une bouteille large et ramassée dont le verre embué trahissait l'usure. Puis il sortit quelques sacoches bien remplies et huit petits verres. Il s'approcha du centre de la pièce et vida le contenu des sacoches à même une peau. Les aventuriers y découvrirent des graines diverses ainsi que de la viande séchée. Le vieil ulfe ouvrit la bouteille en prenant bien soin de faire résonner le doux son du bouchon s'extirpant de la gangue constituée par le goulot. Il remplit chacun des verres à raz bord puis se rassit.

« Je ne doute ni de votre courage ni de votre force ; et ils n'ont jamais été remis en question. Mais il faut plus que cela pour survivre dans Trône-Blanc lorsqu'on est un groupe tel que le vôtre : il faut de la subtilité, de l'humilité et des alliés. Encore une fois, je ne suis qu'un rouage et mon cas importe peu. Que je sois vieux et vous jeune est un fait. Mais mon rôle n'est pas celui d'un soldat. Au bout du compte, trouver des gens pour se battre est rarement le plus difficile. Des meneurs capables d'inspirer la grandeur et l'envie d'émancipation ; de sortir l'homme de son naturel soumis... ça c'est une autre paire de manches ! Mais telle n'est pas votre quête ; j'en conviens. Si c'est bien cela que vous souhaitez, nous tâcherons donc de vous faire parvenir jusqu'au cœur de Trône-Blanc, là où les insoumis s'organisent. Elle décidera s'il faut vous aider à rejoindre la Hutte Dansante. Dans tous les cas, elle saura plus au fait des défenses organisées autour de celle-ci que je ne le suis. Bien plus. Il se tourna et regarda sa nièce droit dans les yeux : Elle, mène la lutte ; elle est à la tête des Héraut du Retour du Soleil. »

Nadya écarquilla les yeux de surprise à la mention de ce groupe dont elle avait déjà parlé à ses compagnons. Son beau visage fut à nouveau animé par les exquis traits que procure la joie. Son oncle se saisit d'un des verres et le leva au niveau de son menton, quelques centimètres devant son visage.



« Servez-vous et détendons un peu cette atmosphère. Ce rhum a fait lui aussi un très long voyage puisqu'il est provient des Entraves, des cales d'un terrible capitaine pirate, du moins est-ce ce que l'on m'a dit... Je bois à Hjalnek, Aglaïa et Haakon. »



Nadya saisit un verre à son tour et s'approcha de son oncle :


« Ils ne te décevront pas, tu verras... je bois à Orm, Mjoli, Maret et Thora. »


Lors d'un fugace instant, les yeux de la jeune mère s'embuèrent à l'évocation de sa défunte fille. Les deux ulfes, debout autour des verres, scrutaient la réaction des aventuriers encore présents dans la pièce. Le vieil oncle bourru avait accepté de les mener au sein de la ville, sans pour autant leur expliquer ce qu'il comptait faire. Plus important encore, ils semblaient que l'action allait dépendre d'une autre personne.



Dehors, face au lac, la discussion des deux frères attiraient la curiosité. Certains dardaient vers eux des regards discrets tandis que d'autres, comme les enfants amusés quelques minutes plus tôt par Akin, les observaient ouvertement. Le vent soufflait sur la plage, alimentant les silences d'un sifflement lancinant et charriant les mots échangés le long de la berge. Mais on pouvait estimer qu'aucun humain visible n'était à une distance intelligible. L'apparence exotique des deux individus était déjà un tel spectacle que la teneur de leur discours devait être bien superflue. S'ils avaient su combien les révélations faites par l'osirien étaient importantes à ses yeux, peut-être en auraient-ils jugé autrement. Le cœur du fils des sables saignait. Telles ces plantes du désert qui, légendaires ou non, étaient découpées par le nomade averti afin d'en récupérer l'eau et qui, la nuit venue, se gorgeaient d'eau, Akin avait découpé son cœur pour en faire couler la peine, tout en sachant qu'au matin, celle-ci le submergerait à nouveau. Saurait-il apprivoiser ce mal sans remède qui brûlait au fond de lui ou allait-il se laisser consumer par celui-ci en entraînant potentiellement la perte de ses amis ? L'osirien semblait persuadé que sa volonté l'emporterait. Mais un cœur sensible comme le sien, capable de tant d'amour, imposerait des contraintes formidables sur son esprit. Les dieux eux-mêmes savaient-ils comment cet amour allait évoluer ?




Note : sur les Hérauts, les PJs avaient entendu ça.

PJ, déplacements, voyage vers Trône-Blanc

Modifié par un utilisateur dimanche 29 mai 2016 23:24:04(UTC)  | Raison: Non indiquée

Cherchant à réparer à tout prix ce qui pouvait l'être, Xoran avait engagé toutes ses forces dans son discours au vieil homme. Dans l'attente de sa réponse, il était resté tendu, à l'affut, jusqu'à ce que ce dernier accepte de les emmener à Trône-Blanc. Le géant à la peau d'ébène prit alors une grande inspiration, suivie d'un long et bruyant soupir, tandis que ses épaules s'affaissaient et que la tension de l'instant l'abandonnait. Il resta un instant perdu dans ses pensées, tête baissée, l'air las. L'essentiel était sauf.

Finalement, il tendit le bras pour se saisir d'un verre à son tour. Cette tradition ulfe de boire aux absents le plongeait généralement dans l'embarras. De toute sa vie, il n'avait finalement connu que deux personnes qui méritaient qu'il lève son verre en les évoquant : Razeel, la sorcière qui l'avait élevé, était morte depuis longtemps ; et Vojtek, le veuf cynique qui l'avait recueilli après sa traversée des monts Kodar, lorsqu'il avait atteint le village de Lod blessé et à demi-mort de faim et de froid. Mais en ce jour, il n'eut pas à éprouver cette gêne ni à se poser cette question embarrassante. Il savait à quels absents dédier son verre.

« Je bois à Ortog et à Akin, » dit-il simplement avant de vider son verre d'un trait.

Akin hocha la tête aux propos de son frère. Il renchérit.

« Ringeirr nous traite d'illuminés. Pourtant, comment avancer sans idéal ? Lui-même n'agit que par vengeance. Respecter un idéal de liberté, défendre la veuve et l'orphelin, sous ces angles, je comprendrais le métier de contrebandier. Mais j'ai l'impression qu'il a laissé sa haine, sa colère et sa douleur prendre le dessus. Sans doute n'a-t-il pas eu l'opportunité de suivre la voie de salut qu'offre une église, dans ce pays abandonné des dieux. Il n'éprouve pas non plus de passion, comme la magie, pour le divertir de la réalité quotidienne. Mais enfin, nous avons besoin de lui. J'aurais dû maîtriser mes émotions. »

Il ramena ses genoux contre sa poitrine. Son ton se fit plus hésitant. « Tu es un paladin bien étrange, Ortog. Du moins, les rares exemplaires que j'ai rencontrés m'ont paru rigides, sans imagination, sans nuances. Impérieux plutôt qu'attentionné. Me raconteras-tu un jour qui a inculqué cette sagesse dans ton crâne épais, quels événements t'ont apporté cette sérénité affichée ? » Il regarda en souriant, un clin d'œil appuyant ses propos. D'une voix douce, il ajouta : « je me sens à l'aise avec toi. Tu es généreux et calme, cela fait du bien de parler avec toi. Merci d'être venu. » Il posa délicatement une main affectueuse sur l'épaule de son frère.

Retournant à la contemplation des lieux désolés qui les entouraient, il poursuivit, presque rêveur. « Cette cité semble immaculée. Elle doit bien évacuer ses déchets par une voie quelconque. Nous pourrions l'emprunter à rebours... Bon, je préférerais que Ringeirr nous évite ce genre de pensées ! »

Après avoir ingéré l'exotique breuvage, fort comme les boissons du pays mais au goût très différent, Xoran se tourna vers leur hôte. « Les Hérauts du Retour du Soleil ? J'ai déjà entendu ce nom, » dit-il sans parvenir à se rappeler en quelle occasion. « Et qui est cette "elle" auprès de qui tu comptes nous mener ? »

L'osirien leva un sourcil de perles étonné aux propos du paladin. Décidément, Ortog ne manquait pas de le surprendre. « Le don de soi... à soi-même. Ce n'est plus vraiment un don, du coup. Je te fais du bien pour me faire du bien. Tu as une drôle de philosophie, digne d'un lupanar ! » Il s'esclaffa brièvement, la tête rejetée en arrière avant de reprendre son sérieux. « Je suis heureux d'appartenir à cette bande improvisée, aux membres des plus disparates et instables. Je me demande si c'est la magie du ryttere qui nous fait cet effet-là ou bien si nous aurions tout de même lié nos destins tous ensemble pour poursuivre cette quête... Enfin passons ! Je t'aime bien aussi, mon frérot. C'est peut-être ce qui manque à ce Ringeirr, une communauté fraternelle. Bon, et si on se faisait un petit caprice, tous les deux : on pourrait marcher un peu. Rester ainsi sans bouger me frigorifie le sang. »

Tout en souriant, le cœur plus léger, il prit appui sur son bras droit et se redressa avec précaution, pour ne pas glisser. Une fois debout, il agita ses épaules et secoua ses jambes l'une après l'autre, histoire de se réchauffer avec un peu d'exercices. « Je me demande où l'on va dormir ce soir. Nous pourrions nous balader dans le village, histoire de repérer un coin où garer plus discrètement les traîneaux, qu'en penses-tu ? J'ai assez faim, aussi. Peut-être ces pêcheurs pourraient-ils nous vendre du bon poisson. Devant un bon feu, ce serait une soirée délicieuse. Ringeirr ne parait pas vouloir nous nourrir. Ou ne pas avoir de quoi alimenter toute la troupe. »

« Oui, hé bien les gens du coin, ils sont acclimatés. Je suis certain qu'ils dorment sur un bloc de glace ! Et tu as raison, je n'ai pas si froid. Tu savais que j'ai suivi un entraînement militaire ? Dans le désert de l'Osirion, j'ai subi des températures extrêmes, de jour comme de nuit. Non, ici, je l'avoue, c'est purement psychologique. Et puis, je ne suis pas du genre contemplatif. Il faut que je bouge. »

Il souffla un nuage glacé aussitôt dissipé par le vent. « Je vais explorer un peu. Si je ramène du poisson frais, personne ne devrait s'en plaindre. »

L'inquisiteur s'éloigna à pas lourds. Il comptait s'adresser aux enfants pour leur demander s'il était possible d'acheter quelques poissons de qualité, par ici. Ensuite, il parcourrait le village, comme il l'avait annoncé, à la recherche d'un coin couvert pour les traîneaux et les chiens, tout en rejoignant un éventuel pêcheur indiqué par les enfants.

Xoran écouta attentivement les explications du vieil ulfe, mais reçut la demande de convoyer du poisson avec une moue dubitative. Pour commencer, l'odeur qui régnait dans le village aussi bien quand dans la hutte de leur hôte avait de quoi convaincre quiconque de ne plus jamais s'approcher d'un poisson mort à moins de dix pas. Mais surtout, bien qu'il ne sache pas précisément comment devaient se comporter des nobles irriseni, il lui paraissait étrange qu'ils s'occupent d'un chargement de poisson. Néanmoins, Ringeirr avait la confiance de Nadya et il connaissait désormais suffisamment cette dernière pour savoir qu'elle n'accordait pas sa confiance à la légère. Le vieil homme avait lutté trente années contre les sorcières blanches et savait sûrement ce qu'il faisait. Il ne prit pas le risque de chatouiller son orgueil en lui posant une question qui obtiendrait certainement une réponse censée en son temps.

« Va pour le poisson ! » Déclara-t-il, désormais désireux de sortir un moment. « L'affaire est donc conclue. Merci d'avoir pris le temps d'y réfléchir à deux fois. Je vais voir ce que deviennent les deux frères, » conclut-il en déployant ses sept pieds sans avoir touché à la nourriture.



Une fois à l'extérieur, il inspira à nouveau profondément, conscient qu'ils venaient d'éviter une catastrophe. Ils ne seraient probablement jamais parvenus à pénétrer dans la cité sans l'aide du vieil ulfe. Ils auraient essayé et seraient morts dans la tentative. Et le monde aurait été, tout aussi probablement, recouvert d'un grand manteau blanc. Mais au-delà de ce sentiment, il réalisa que c'était lui qui avait fait pencher la balance du bon côté. Lui, la brute sans cervelle, impulsive, sauvage, va-t-en-guerre. Pas Ortog, non plus que Jairess ou Nadya, mais lui-même. Il avait fait réellement œuvre utile aujourd'hui. Un sentiment de fierté l'envahit tandis qu'un sourire se dessinait sur ses lèvres. Il apprenait.

Il repéra immédiatement la silhouette massive du demi-orque, debout sur la grève, occupé à contempler les miroitements de la pâle lumière sur les eaux du lac. Que se passait-il dans cette tête d'orque ? lui, le roc inébranlable, était-il rongé à son tour par les affres du doute ? Le géant à la peau d'ébène décida d'aller en juger par lui-même.

« L'affaire est arrangée, » annonça-t-il à son ami en se portant à sa hauteur tout en prenant soin à regarder droit devant lui. « Le vieux accepte de nous faire entrer. Il va nous mener à une femme dont il refuse de nous dire le nom mais qui, d'après ses dires, mène la rébellion à Trône-Blanc. C'est maintenant elle qu'il va falloir convaincre de nous aider à rejoindre la Hutte. Tu vas devoir parler à ton frère, ami. »

Il se tourna alors vers Ortog : « tu sais qu'une fois là-bas, nous risquons d'être témoins de scènes qui mettront nos principes à rude épreuve ? Tu sais également que nous ne pourrons pas intervenir, sous peine de tout ruiner ? »

Modifié par un utilisateur jeudi 2 juin 2016 23:03:57(UTC)  | Raison: Non indiquée

l'évocation de la givrepeau, Ringeirr écarquilla les yeux et regarda sa nièce. Nadya opina du chef pour lui certifier les propos de Jairess et le vieil ulfe se tint la barbe, pensif. Il accueillit les autres interventions sans faire montre d'un quelconque sentiment et la gracieuse femme aux cheveux de feu le devança dans la conversation :



« Oui, réunissez-vous donc et revoyons-nous dans une heure afin de souper, ici. Nous pourrons développer le plan à ce moment-là. »



Ringeirr referma la bouche et ravala les mots qu'il s'apprêtait à prononcer. Il sourit à sa nièce afin de lui signifier son assentiment. Mais avant que la belle sylphe ne fusse sortie, il lui répondit brièvement :



« Vous serez des originaux ; s'il vous plait de parler le commun pour singer les étrangers des terres du Sud, il n'y aura rien d'anormal à cela. Quant à cette peau, elle pourrait bien avoir son utilité en effet... nous en rediscuterons tout à l'heure. »





Tandis que les silhouettes de deux géants projetaient leurs ombres sur le Lac du Glacier, le fils des sables allait de villageois en villageois afin de trouver poisson et abri pour les chiens. Aucune de ses deux quêtes ne s'avéra bien compliquée, d'autant plus après les exploits du groupe contre les ruffians qui sévissaient ici. Les enfants lui indiquèrent le dernier pêcheur à avoir débarqué ainsi qu'une entrepôt à l'abandon. Celui-ci était dans un état de délabrement qui faisait peur, mais il y avait un toit et des murs.




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