Yogo ne parvenait pas à baisser complètement sa garde en présence de la femme robotisée ... pas après avoir vu ce que ces "robots" (il faudra vraiment qu'il se pense sur ce concept un jour) étaient capables de faire.
«  Eh bien oui, à moins qu'il y ait autre chose à voir ou savoir ici, je pense qu'il nous faut partir. »

Aloïs fut heureux de retrouver Amaya et les autres, avant d’aller vers les elfes. Il les remercia de leur hospitalité mais décida de profiter un maximum de l’opportunité d’un lit correct ou du moins d’un peu de chaleur pour aller se reposer, après un bain si possible. Evidemment il convia Amaya à ses ablutions et autres baignades.

«  Si besoin vous savez ou nous trouver mais sinon on se retrouve demain je suppose. Je t’avoue que je ne serais pas contre du repos, ça n’a pas été très simple de garder ta sœur vivante.

Rassure moi, tu n’es pas aussi tête brûlée qu’elle ?  »

10 Rova 4716 au 6 Lamashan 4716 - Entre Vasilias et Juusin
Au sortir du Pôle

La caravane reprit sa lente progression vers le Rempart Céleste et Tian Xia. Amrunelara, l'ainée du village de Vasilias, tint sa promesse, et prit la tête du groupe avec Shalelu. Les deux elfes avaient toujours une relation empreinte de méfiance, mais elles faisaient un formidable duo d'éclaireurs, permettant aux autres d'esquiver les ravines, les failles, et les prédateurs du grand nord.
Le voyage était donc pour l'instant plutôt monotone. Avec la fin de l'été et l'aide de la shamane de Vasilias, les tempêtes n'étaient même qu'un souvenir.

Une dizaine de jours plus tard, Amrunelara les salua une dernière fois, avant de prendre la route du retour: ils étaient parvenus aux limites des terres des elfes boréaux, et elle ne pouvait les guider au delà.


Les jours suivants ne furent pas beaucoup plus animés. A présent, les caravaniers s'étaient habitués au froid glacial, et si il était toujours gênant et pénible, au moins ne représentait il plus une menace constante. A mesure que l'automne avançait et que Lamashan arrivait, les jours allaient en raccourcissant, et la lumière constante de l'été polaire avait laissé place à de longues journées entrecoupées de brèves nuits de quelques heures.

Les caravaniers fonctionnaient aussi mieux les uns avec les autres. La caravane avait retrouvé une routine après les nouvelles arrivées et leur entrée dans la Couronne, et dans une petite communauté isolée comme la leur, avoir un rôle pour chacun et maintenir l'ordre était crucial. Cependant, la solitude commençait à peser, et tous pouvaient sentir que la prochaine étape serait bienvenue.

En cours de route, ils croisèrent un sinistre rappel des dangers de la région, cependant: les carcasses de wagon ravagés par la tempête. Il n'y avait aucun cadavre, mais des marques de la présence de prédateurs et charognards, qui avaient sans doute dévorés les restes des caravaniers. La cargaison, de la soie de Lung Wa, était elle aussi ruinée, mais Sandru organisa tout de même une équipe de démantèlement, pour récupérer du matériel qui les aiderait à réparer leurs propres chariots en cas de problème.


7 Lamashan 4716 - Juusin, contreforts du Rempart Céleste
Neige


Le village de Juusin s'étendait à leur pied, et derrière lui, les forêts de pins noirs et et les pentes enneigées des contreforts du Rempart Céleste. Le ciel se couvrait de lourds nuages, chargés de neige, et les vents s'amplifiaient. Heureusement, le village n'était plus qu'à une heure de route, car la tempête s'annonçait rude...et très inhabituelle à cette époque de l'année.

Le village était très différent des cabanes de bois grossières et des demeures de pierre des Ulfens qu'ils avaient laissé de l'autre côté du monde: les maisons avaient un toit de chaume et d'ardoises épaisses, et étaient de bois solide, mais on pouvait voir des jardins, même si seules les pierres poussaient ici, et un ensemble de bâtiment plus grand qui se trouvait près du centre du village, au creux d'une colline, et autour d'un ensemble de sources étonnamment libres de glace. L'architecture était distinctivement Tian, et les habitants également, comme ils purent s'en rendre compte en approchant du village.

A peine la caravane avait elle atteint les premières maisons qu'un groupe d'hommes et de femmes vinrent vers eux. Ils portaient des armures Tian par dessus d'épaisses fourrures, et des lances simples mais solides, ainsi qu'un assortiment d'épées, de haches, de tetsubo et de faucilles. La plupart portaient des arcs courts et compact et des carquois également.


Ils étaient menés par un homme barbu aux traits burinés par le froid, portant un casque bordé de fourrure, et un lourd manteau par dessus son armure. Il avait une lance à la main, et s'adressa à Yogo, Quoovar, Kurimi, Aloïs, Ameiko et Sandru qui menaient la caravane.
« Halte-là! Vous arrivez au village de Juusin, étrangers! Qui êtes vous, qui est votre employeur ou seigneur, et qu'est ce qui vous amène dans notre village?  »

Modifié par un utilisateur mardi 13 février 2018 18:23:08(UTC)  | Raison: Non indiquée

La monotonie du voyage ne dérangea pas Yogo le moins du monde, il s'adaptait, hélas, à tout. Il aimait découvrir les paysages, mais voyager, c'était beaucoup de répétitions, et ce temps, il le mettait à profit sur ses créations, faisant épisodiquement une pause en discutant avec tel ou tel membre de la caravane. Il écoutait aussi Ameiko et Amaya, découvrant leur passé, tentant de comprendre les futures impératrices. Intérieurement il luttait. Se rapprocher de chez lui laissait la colère remonter en lui, et il devait entretenir attentivement ce feu pour qu'il ne s'embrase ni ne s'éteigne. La vengeance devait lui sortir de la tête, rien de bon ne se bâtirait sur pareil sentiment.



Alois répondit au taquet au garde, ne laissant aux diplomates de la troupe aucun instant de réflexion. Qu'importe, il n'était pas plus diplomate que lui, mais essayerait d'en dire plus à l'étranger sans les mettre en danger pour autant. Aucun mariage ne justifierait pareille entreprise folle de voyage si dure.
«  Kon'nichiwa, watashinonamaeha bariandesu. Watashitachi no kyaraban wa, kono kon'in o koeta 2tsu no mokuteki, sunawachi, keuna shōhin no baibai, watashitachi ga sodatetai torihiki, soshite rīdā Ameiko no tame ni, Minkai ni ikimasu. Natsu no tochi to kodai shoanti no kuni no ma ni chi ga majitte iru. Kore wa, kanojo no kodai no rūtsu to kanojo no nichijō seikatsu o tsukutta hi-ge kara tōku hanareta bunmei o shiru kikaidesu. Kore wa watashi ga kono tochi ni ita 2-kai-me no kotodesu. Sonoyōni kantan ni kaze o kanri suru hōhō wa wakarimasen. Watashi wa sentaku no ketsujo ga hinikuna koto ni tekiō o konomu to omoimasu. Anata ga sōzō shite iru yō ni, wareware wa busō shite ori, watashitachi ga motte iru mono to watashitachi no kyaraban no naibu o seii o motte shimesu koto ga dekimasu. Watashitachi wa anata no mura o shirimasen, anata no mura wa rīdādesu ka? Anata, anatahadaredesu ka?. »

Tian


dit-il, incompréhensible pour beaucoup, tandis qu'il tendait son bras vers Ameiko-sama.

L'homme éclata de rire à la réponse d'Aloïs.
« Un mariage, hein? Et bien, on peut dire que vous faites original! Rencontré une jolie erutaki en route? Enfin...Je suis Gurban, et j'imagine qu'on pourrait dire que je suis le capitaine de la milice de Juusin. A une époque nous n'en avions pas besoin, mais les temps sont dangereux. »

Il se pencha de côté pour jeter un oeil à la caravane dans son ensemble.
« Vous allez à Minkai, vous dites? J'espère que vous savez ce que vous faites...c'est une vrai pagaille là bas, on raconte qu'il y a un genre de guerre civile...enfin, plutôt quelques rebelles qui se battent contre leur dirigeant...le Régent de Jade. Bref. Il y a des maraudeurs Tian Min jusqu'ici! C'est pour ça qu'on a formé la milice, ils ont pillé d'autres villages autour et des caravanes qui arrivaient. Vous êtes rudement tard dans la saison, d'ailleurs...

Enfin, voilà les règles en ville: si quelque chose vous arrive, si on vous vole ou quoi que ce soit, c'est votre problème. Nous, on est là pour protéger le village. Tant que vous ne menacez pas le village, y'aura pas de problème.

Si vous voulez parler commerce, il y a quelques marchands parmi nous, mieux vaut aller les voir directement, mais je doute que vous puissiez vraiment faire des affaires de grande ampleur.

Y'a une tempête qui s'annonce, aussi...et je ne pense pas que vous vouliez repartir dans le blizzard. Dans tous les cas, la nuit va tomber, alors si vous voulez dormir ailleurs que dans vos wagons, il y a l'auberge du Flocon Silencieux. »

Il indiqua vaguement la direction du grand ensemble de bâtiment derrière lui.
« C'est tenu par Saral, ses deux maris, et leurs enfants. Si vous voulez savoir quoi que ce soit, c'est sans doute elle votre meilleure option. »

Il réfléchit un instant.
« Oh, une dernière chose: la plupart des habitants parlent le Commun, donc communiquer ne devrait pas être un problème.
Des questions? »

Gurban haussa un sourcil et lança à Amaya, à côté d'Aloïs.
« Dites donc, il ne suit qu'à moitié ce qu'on lui dit, votre escrimeur, là! »


Cette dernière répondit en souriant à demi, sur le même ton amical que le milicien.
« Oh, disons qu'il se laisse en général emporter par son enthousiame... »

Le milicien reprit.
« Comme je le disais, il y a plusieurs villages qui ont déjà été attaqué par des raiders Tian Min, et on aurait pas dit de simples ronin, mais des samouraï, d'après les survivants. Qu'est ce qu'ils font si loin au Nord, ou pourquoi, ça, on n'en sait rien, ce qui nous concerne, c'est la survie. »

Il passa ensuite une main dans sa barbe.
« Les temples? Il y a un temple shinto en l'honneur de Nanbyo-Sama, Hei Feng et Kofusachi sur la colline Nord, près de l'auberge. Sinon, je crois qu'il y a aussi un temple dédié à Shizuru et à Oyamatsumi et aux Yama no Kami, et une chapelle consacrée à Desna. Enfin, il y a un autel à Fuyu-no-Kami dans l'auberge du Flocon Silencieux. »

Il haussa les épaules.
« Bref, je vous laisse! »



Une fois que les miliciens se furent écartés pour qu'ils puissent avancer, Ameiko lança à Aloïs.
« Je comprends ton impatience, mais la nuit va tomber, et en plus, il y a une tempête qui se prépare. Peut être qu'on pourrait s'installer à l'auberge et considérer la question du mariage demain matin? »

Elle se tourna vers le reste de la caravane.
« Les autres, qu'est ce que vous en pensez? On s'arrête à l'auberge? »

Yogo se mit à rire brièvement.
«  S'arrêter au chaud, avec un repas chaud? Avec grand plaisir! Par contre ces histoires de samurai ne me disent rien qui vaillent, on a intérêt à rester sur nos gardes, c'est des plus étranges. »

Hoshin s’ennuyait ferme. Perdu dans ce trou gelé, il s’était résolu à reprendre ses activités de cuisinier professionnel, pourtant abandonnées avec soulagement lors de son départ de Kalsgard. En l’occurrence, ce choix se révéla un mal pour un bien. Il avait repris goût à la vie, tout simplement. Il fallait satisfaire les clients, plus raffinés que les barbares ulfes. Ce souci de qualité avait imposé de retourner à la chasse et de lâcher bride à son esprit créatif. La nécessité ne pas revenir bredouille l'avait obligé à reprendre une activité soutenue et un rythme de vie plus sain. Le retour d’un physique performant ouvrit la voie à une motivation enfin ressuscitée.

Perdu dans ses rêves d’évasion ranimés depuis peu, il préparait les ingrédients pour la soirée à venir. Depuis quelques temps, les caravanes s’étaient faites rares. Le petit nombre d’entre elles qui parvenaient jusqu’à Juusin avaient été pillées. Leurs membres n’avaient plus le goût au plaisir de la nourriture, ou bien ne possédaient plus les moyens de s’offrir ce bonheur. Il s’attendait donc à passer une énième soirée plutôt morne. Pourtant, le destin lui joua un nouveau tour.

Ses mains expertes manipulaient en totale autonomie la pâte pour faire des nouilles. Il fallait pétrir la boule de départ, l’étirer en tube par des mouvements amples et circulaires des bras, écartés devant soi, torsader celui-ci d’un vif mouvement des poignets et recommencer inlassablement cette suite d’opérations. Puis on découpait les extrémités, et on étirait, pliait en deux, étirait, pliait en deux, étirait, etc. Les mouvements étaient d’une fluidité parfaite, et le ballet de ces gestes gracieux hypnotisait facilement l’œil du profane. Le cuisinier obtenait au final de fins filaments de pâte, qu’il jetait alors dans un bouillon brûlant, de sa composition, dont le fumet donnait l’eau à la bouche. C’est à cela que l’artisan s’employait, lorsque son regard accrocha le groupe de caravaniers qui venait de pénétrer la salle de restaurant. Ses yeux bridés s’arrondirent sous l’effet de la surprise et le tube de pâte ne subit pas le tour de poignet nécessaire. Il effectua plutôt un trois cent soixante degrés, avant de taper le menton du petit bonhomme, dans un nuage de farine.

« Hihihi ! » Un ricanement assez étrange, très serré et aigu, sortit de sa bouche, maintenant étirée en un sourire épanoui, qui ressemblait à une caverne sombre au milieu d'une colline enneigée. Comme si de rien n’était, la danse des nouilles reprit le tempo.

« Bien le bonsoir, honorables étrangers ! Je vous en prie, asseyez-vous. Maître Hoshin va vous préparer de délicieuses nouilles dont vous me direz des nouvelles ! Vous prendrez bien des nouilles, n'est-ce pas, valeureux voyageurs ? » Son regard vous fixait d’une manière étonnamment pénétrante. Il semblait avoir repéré quelque chose, en vous, qui lui donnait davantage d’entrain qu’avant votre irruption en ces lieux. Le mot "valeureux" ne sonnait pas seulement comme un signe de politesse, mais aussi comme une vérité.

La bouche du cuisinier s’arrondit de surprise. « Oh ! » Il se figea de nouveau.

Un tour de pâte plus tard, son menton s’enfarina un peu plus. Il essuya ses yeux pour les dégager de la poudre blanche irritante.

« Trente ?! Alors ce sera nouilles impériales ! Il doit me rester assez de mon dragon. Vous devez être bien braves et compétents pour être parvenus jusqu’ici. Pouvez-vous me dire où vous vous rendez ainsi, honorables voyageurs ? »

Ameiko s'installa en bondissant presque sur l'un des tabourets du comptoir avec un immense sourire. Le contact de la civilisation semblait lui réussir.
« Attendez, vous avez bien dit du dragon? Sérieusement? Vous êtes allé chasser le dragon pour le cuisiner avec des nouilles? Je savais que les gens de la région étaient rudes et d'excellents chasseurs, mais quand même... »
Elle frappa dans ses mains avec enthousiasme.
« Mais! Je ne me plaindrais pas, ça a l'air très intéressant comme recette. J'ai moi même une taverne, je pourrais peut être vous piquer la recette. »


Shalelu, qui s'était installée à côté d'elle, beaucoup plus calmement, nota comme si elle se parlait à elle même.
« Un excellent chasseur...ou un chasseur dément. La chasse au dragon n'est pas une activité à conseiller à ceux qui veulent vivre vieux. »


Kelda, curieuse, intervint.
« Gurban, le chef de la milice, nous a dit que Saral et ses deux époux s'occupaient de l'auberge...vous êtes l'un de ses maris? »