Le calme était revenu sur Roctourment. Le vent continuait à s'engouffrer dans les ruines mais le son qu'il produisait se faisait moins inquiétant. L'eau qui coulait sur les vieilles pierres donnaient au lieu une minéralité inoffensive. Les ombres disparaissaient sous les rayons d'un soleil levant réconfortant. Ils entendirent quelques rochers crouler et tomber - rien de dangereux - l'énergie nécromantique qui animait le lieu avait dû maintenir la structure en place au cours du temps.

Le demi-rond rouge et timide émergeait à peine et éclairait la campagne ravengraise d'une douce lumière. Au loin, les habitants émergeaient peu à peu des maisons biscornues et inquiétantes pour vaquer à leurs occupations quotidiennes. Les cheminées s'activaient, les volets s'ouvraient, les fenêtres claquaient.

En s'approchant, les habitants les regardèrent avec la même défiance que les jours précédents, certains rentrèrent ou s'éloignèrent, tous mirent leurs enfants à l'écart. Leur air dépenaillé et le sang séché qui maculait leurs vêtements n'arrangeait rien. Comme il était frustrant d'être responsable d'une victoire silencieuse... Ils remarquèrent qu'un paysan - un de ceux qui les avait agressé lors de l'enterrement de Lorrimor - déambulait en chemise de nuit, l'air hagard. Il fut promptement interpellé par un garde avant qu'ils ne puissent réagir.

Finalement, ils poussèrent la porte de la petite chaumière à l'atmosphère si chaleureuse, Kendra était déjà sortie mais un beau pain d'épice encore tout chaud trônait sur la table, une théière juste à côté.

Modifié par un utilisateur mercredi 8 juillet 2015 12:28:23(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Kendra est toujours très prévenante ...  » fit le jeune prêtre, en se pourléchant les babines à la vue du pain d'épices ...

« En ce qui concerne votre problème Théo, vous savez ou se trouve vos anciens compagnons ? et/ou quels ont été les termes exacts de votre congé temporaire ?

Lepidstadt est notre prochaine destination logique, vos compagnons sont peut être dans ces environs ... »

« Je ne fais partie d'aucune compagnie Ethus, je sers un ordre religieux, de façon officieuse. »

Théo sourit en voyant la tête étonnée de certains membres du groupe.

« Oh, ne me regardez pas avec cet étonnement comique...Je ne dis aucune prière, ni à l'aube ni au crépuscule, mais c'est de mes talents d'éclaireuse qu'il est question. Les hommes de bien en armure complète ou ceux qui étincellent de mille feux et dont la croyance transpire par tous les pores de leur peau ont peu de goût pour la discrétion, le sabotage, ou les longues heures d'attente immobile. C'est pour cela que moi et mes collègues leurs sont particulièrement utiles.

Or, figurez-vous qu'au lieu de recevoir ma permission pour assister à ce testament de mon supérieur direct, c'est mon ordre qui me l'a accordée. Je commence à penser qu'ils avaient peut-être de vagues soupçons sur ce que je pourrais trouver en venant. Mais j'ai peur qu'en nettoyant la prison, nous ayons effectué tout le boulot (le mien, et le leur).

Il ne me reste qu'à envoyer un messager, mettant l'Ordre au courant que le Professeur enquêtait sur une cabale de nécromanciens et les avisant que mon enquête ne fait que commencer. Avec un peu de chance, je pourrai partir à votre suite en emportant même la bénédiction de Iomédae avec moi - et bien que je ne sois pas dévote, ça peut toujours servir, surtout dans le genre d'endroits mal famés où vous m'avez emmenée jusqu'à présent... »

Isolde vit sans surprise les regards soupçonneux se poser sur le groupe, toujours avec la même méfiance. Elle y répondait avec défiance en dardant des yeux sévères sur les badauds. Ceux-là pouvaient y voir la colère sourde d'une jeune femme prête à déclarer la guerre au monde entier, mais la magicienne était également d'une grande beauté, même si celle-ci restait sauvage, et le contraste avait de quoi faire réfléchir le plus benêt des villageois. « Ne vous l'avais-je pas dit dès le début ? Des consanguins ignares... voilà tout ce qu'ils sont. »

Une fois à l'intérieur de la maison du Professeur, Isolde posa son séant sur une chaise sans cérémonie. Elle se saisit du pain d'épice à pleine main et le rompit afin de s'en octroyer une part. Son regard se posa sur ses compagnons et, comme si ceux-là la poussaient à son action prochaine, elle souffla bruyamment avant de donner à chacun un morceau équitable. Elle avait écouté Théo et Hamunaptis mais n'avait pas vraiment l'envie de deviser en l'instant. Elle mangea donc son pain d'épice avant de donner son sentiment. Et sa manière de faire cela pouvait passer pour une liste de consignes. « Être une héroïne aux yeux de ces villageois ne m'intéresse guère, mais peut-être nos ventes seront-elles meilleures s'ils ont ce sentiment. Vous avez tous une patience supérieure à la mienne face à la stupidité ordinaire aussi je pense que vous devriez œuvrer dans notre sens les jours prochains. Vendons ensuite notre butin. Chacun fera ensuite ce qu'il veut de sa part : une arme magique, un don à des œuvres n'ayant rien fait pour nous aider... De mon côté je poursuivrai mes recherches sur la Voie et sur son implication ici à Ravengro. »

BM

Isolde chercha des yeux une serviette lui permettant de s'essuyer la bouche. Puis, se rendant compte du superflu de la chose alors qu'elle et sa robe étaient dans un état déplorable, elle usa de cette dernière pour se substituer à l'objet de sa recherche. Est-ce réellement une bonne chose comme le dit Kendra sur le ton de la conversation ? Oui, sans nul doute... Ceux qui ont donné leur vie ont certainement préservé celles de nombreux badauds ignorants. Elle regarda leur hôtesse puis ajouta : « Oui, Roctourment est délivrée des esprits chagrins qui la hantaient. Il nous reste cependant à éclaircir qui, au sein de la population, est membre de la Voie. Découvrir ceux qui ont déchaîné tout cela d'abord avec leur sombre rituel puis en assassinant le Professeur... cela semble être une occupation saine pour les trois prochaines semaines. »

« Je dois déduire de ce silence qu'Abadar ne s'est pas encore imposé dans ces contrées ?!

Bon, je vais prier un peu, faire ma toilette et je reviendrai me remplir l'estomac après.

Ah, Isolde, je suis disposé à vous aider à découvrir ceux qui ourdissent des plans machiavéliques et ont assassiné ce bon professeur qui était un homme bon et honnête, et ne méritait pas une mort violente... »

Puis Hamunaptis part s'isoler pour prier puis se laver de la sueur et du sang.

Maintenant que l'agitation retombait et que peu à peu la chaleur gagnait son corps, Isolde sentait la lassitude envahir ses membres. Elle approuva la démarche de Théo de quelques mouvements de tête puis se leva : « Bien, voyons nous ici dans quelques heures. Je nous décrète le droit au repos... non éternel. » Comme elle savait si bien le faire, la jeune femme ne marqua aucune intonation dénotant l'humour de sa phrase. Elle s'éloigna du groupe pour aller dans sa chambre. Elle posa son sac au pied de son lit puis se saisit du drap qui recouvrait celui-ci avant de se diriger vers la fenêtre. Elle l'ouvrit puis se hissa afin de l'enjamber. Elle ne savait pas réellement pourquoi elle agissait ainsi, à l'insu des autres, sûrement parce qu'elle avait encore besoin de ses petits moments de solitude. Ces dernières heures passées sans presque jamais pouvoir deviser avec elle-même l'avaient également éprouvée pour cette raison.

La magicienne se dirigea vers le bras d'eau qui coulait non loin de la demeure des Lorrimor. Elle resta à distance respectable des habitations puis se dévêtit. Elle protégea sa nudité à l'aide du drap dont elle s'était saisi et lava, autant que faire se pouvait, sa robe. La chose faite, elle l'étendit afin de la laisser sécher, tandis qu'elle procédait à sa toilette. Une fois rafraîchie, Isolde reprit ses affaires et se posa dans le champs derrière elle, à l'abri des regards. Elle s'assit et attendit quelques instants en pensant aux derniers jours et à ceux qui avaient failli devant Roctourment. Ethus, désormais droit dans ses bottes, avait failli perdre pied face à la prison hantée. Mais Artif s'était enfui, et Kaya, partie à sa recherche, n'avait jamais réapparu. Torbin avait argué d'obligations plus importantes mais la jeune femme ne pouvait oublier la promesse qu'il avait faite à Vésorianna. Mario avait lui aussi déguerpi. C'était là sans compter les décès de Thompson et Bret. Terrible et macabre tableau. Alors qu'elle réfléchissait, elle sortit l'insigne qu'elle avait récupéré, gage de leur exploit. L'énergie magique et nécromantique était passée à travers l'objet, aussi la jeune femme sonda à nouveau son potentiel à l'aide de sa propre magie. Puis, après quelques minutes, elle retourna dans sa chambre pour y dormir quelques heures.

Ethus, jeta un oeil à Théo et Gabriel, ses autres compagnons d'aventures, s'étant retiré pour la nuit. Il reporta son attention sur la fille du professeur, finissant d'avaler une bouchée de pain d'épices ...

« Très chère, c'est une bien longue histoire que vous nous demandez là ...  » après une petite reflexion de quelques instants il enchaîna «  et bien soit, nous avons du bon thé bien chaud, une délicieuse patisserie ... Et Théo comme Gabriel, pourront compléter au besoin mon récit  »

Le jeune prêtre aux yeux fatigués, prit une longue gorgée de thé brulant, puis narra leurs périples dans les entrailles de la prison hantée, n'omettant aucune hésitation, ni aucun des doutes qui avaient pu l'assaillir lui comme ses compagnons ; les comportements héroïques de tous, y compris de ceux qui y avaient laissés la vie ; il n'eut aucun mot dur, excusa ceux qui n'avaient pu aller au bout de leur serment, insistant bien sur la dureté de la tâche ...

Ce n'est que lorsque l'aube pointa le nez, qu'il s'aperçut du temps passé. Se levant, il posa une main sur l'épaule de la jeune femme, qui achevait les dernières retranscriptions «  Il est temps que je prenne du repos, j'aurais une requête Kendra ... Avant que vous ne divulguiez la totalité des informations que je vous ai données, j'aimerais que mes compagnons puissent lire, voir annoter ce récit ...  »

Le jeune homme, les membres las, se hissa jusqu'à sa chambre, et sombra rapidement dans les bras de Pharasma ...

Kendra écouta en silence le récit d'Ethus. Il pouvait saisir son effroi ou son horreur par moment mais elle restait entièrement dévolue à sa tâche. Elle écrivait de manière déliée et harmonieuse. La journée avança et le soir venu, Ethus tenait à peine debout, harassé de fatigue. Kendra elle-même voyait sa concentration décliner.

« Quelle histoire effroyable... vous avez raison, je laisserai le livre disponible à tous sur cette table. Lisez-le et annotez-le à votre guise, c'est votre histoire ... pour ma part, j'en sais assez pour commencer à faire le tour des bonnes âmes de cette ville. Prenez du repos, surtout. »

Elle attrapa ses affaires et sortit, humant l'air frais avec délectation, tandis qu'Ethus montait à l'étage. Le petit carnet trônait sur la table, à la place même où se trouvait le pain d'épice il y a quelques heures.

Malgré les événements récemment vécus, Isolde dormit d'un sommeil paisible et se réveilla le cœur léger. Elle parcourut le récit conté la veille par Ethus et recopié par Kendra sans y apporter la moindre annotation. Elle tenait elle-même un journal. Et pouvoir lire cela l'aidait beaucoup à estimer sa santé mentale. Voir ces derniers jours sous un autre angle donnait à ces scènes une toute nouvelle perspective et la brillante jeune femme en était friande. Seul à même de comprendre sa découverte, elle partagea avec Ethus ce qu'il était advenu de l'insigne du Directeur : « Un puissant objet magique permettant d'user de magie sur les adversaire éthéré ou intangible ! » Elle l'avait épinglé à sa robe et ne le quittait plus, l'arborant comme une jeune fille porte un bijou.

Une fois l'organisation établie, Isolde demanda à Kendra si elle pourrait leur organiser une entrevue avec les conseillers de la ville. Si la magicienne ne faisait pas erreur, ils n'en avaient rencontré qu'un et elle voulait pouvoir poser son regard sur les autres, par acquis de conscience.

Elle calcula assez vite l'or qu'il lui faudrait pour acheter le matériel nécessaire à la copie des sorts qu'il restait dans le grimoire de Feramin ainsi que dans celui de Kendra. Mais la chose n'était pas pressée. En attendant cette rencontre et en laissant les autres s'occuper du relationnel, elle retourna s'enfermer dans la bibliothèque du Professeur. Elle en exhiba une demi-douzaine d'ouvrages dont elle demanda ensuite à Kendra la permission d'emprunter, pour une très longue durée, ou d'acheter. Linguiste émérite, Isolde comptait user de certains de ces tomes afin de parfaire ses connaissances en la matière. Il était d'ailleurs étrange de noter qu'une femme qui parlait tant de langues et connaissait tant de mots, ne savait ni ne voulait en faire usage pour communiquer. Enfin, le livre qui avait le plus d'importance à ses yeux était celui qui traitait des Gardiens de l'Âme, une organisation depuis longtemps disparue mais qui jadis avait été créée en Nex pour vaincre les armés mortes-vivantes de Geb. Chaque page qu'elle lisait était un mystère que la jeune femme souhaitait résoudre.