L'échange entre Solveig et Eldarion fit craindre au demi-orque une reprise des disputes, et il manifesta sa désapprobation par une espèce de bruit de bouche accompagné d'une mine sinistre. Il en avait soupé pour aujourd'hui. Que ses compagnons aient perçu son agacement ou qu'ils en aient simplement eu assez eux aussi, peut importait, mais le demi-elfe brisa là l'embryon de querelle et s'en fut faire rapport à son chef.

A la réflexion, c'était bien Kaerishiel le véritable responsable. Un général qui combattait parmi ses troupes était certes courageux, mais également stupide, et le résultat avait été qu'il s'était fait prendre au piège, les obligeant ainsi à choisir entre deux mauvaises options. Solveig en avait peut-être conscience, mais Eldarion semblait admirer beaucoup son supérieur, ce qui ne plaidait pas pour une compréhension pleine et entière du problème. De toute façon, le demi-elfe avait, dès le laboratoire, montré son impulsivité et son manque de discernement. Darmrok, ironiquement, le trouvait plutôt sympathique, mais craignait qu'il ne se trouve finalement très bien entre Doua le cinglé et Berbie le gamin.

Telles étaient les pensées du prêtre tandis qu'il redescendait au rez-de-chaussée de la tour à la suite d'Eldarion. Il ne leur restait plus qu'à rentrer au plus vite faire leur rapport à Evianna.

L'engin de siège étant détruit, plus rien ne les retenait en ces lieux.


« - Il est temps de se mettre en route. »

Le commandant émis alors un long sifflement, qu'on aurait pu facilement faire passer pour un cri d'oiseau au milieu des bruits ambiants de la ville et ses environs en pleine bataille.
Quelques instants après, une série de chants lui répondit, suivie d'une seconde légèrement différente.
Un élément sans importance les ennemis, mais crucial pour Kaerishiel et Eldarion qui en comprenaient le sens.

« - La voie est dégagée pour gagner la forêt mais il faut nous hâter.
Glorindel a remarqué des mouvements ennemis qui risquent de nous couper l'accès dans peu de temps.
Prêts ? »

Par sécurité, et même si Doua avait subtilisé quelques pièces maîtresses de l'engin de siège, Eldarion préféra endommager la baliste un peu plus sérieusement en l'incendiant. Il s'arrangea donc pour allumer un petit foyer assez discret qui allait rapidement s'embraser après quelques minutes, leur laissant le temps de décamper avant que la fumée ne signale leur position aux ennemis environnants.
Satisfait de ces mesures supplémentaires, le rôdeur s'en alla rejoindre son commandant et ceux qui l'accompagnaient, prenant la direction du Sud avant de se réfugier dans la forêt pour regagner le camp de base.



L'obscurité commençait à recouvrir la sylve lorsque les deux groupes parvinrent jusqu'au campement d'Eviana, non sans avoir croisés de nombreuses sentinelles et protections magiques. Heureusement pour eux, un soigneur accompagnait l'une des escouades et il put débarrasser Amras et Kaerishiel des afflictions qu'ils portaient.

Alors même que la nuit approchait, le campement débordait d'activité de toute part. On pouvait y apercevoir de nombreux messagers s'enfoncer ou sortir des tentes des officiers, puis bondir vers d'autres pavillons ou disparaître dans les bois. Des guerriers épuisés par la journée de combat allaient prendre un repos bien mérité tandis que leurs camarades se préparaient à les relayer afin de consolider les positions elfiques. Les forges mobiles tournaient à plein régime tandis que les marteaux frappaient les armures abîmées et les armes brisées, ravivant une ultime fois les accessoires qui mèneraient à la victoire.
De temps en temps, un râle de douleur perçait à travers les bruits ambiants du camp. Parfois, il s'agissait de pleurs, derniers hommages déchirants qui leur rappelaient que la guerre avait un coût terrible auquel on ne pouvait se soustraire. C'était peut-être encore plus triste quand ceux qui doivent en payer le prix ont certes une vie très longue, mais un taux de naissance inversement proportionnel.

Mais c'est avec une détermination sans faille que Kaerishiel traversa la zone jusqu'au pavillon d'Eviana. Nul doute que le commandant partageait la fatigue et la douleur de ses compatriotes, mais son devoir lui interdisait de le montrer. Invitant les membres des deux unités à le suivre, il fila droit vers son objectif, non sans jeter quelques coups d'oeil à droite et à gauche sur son passage, affichant un air résolu qui se voulait, l'espérait il peut-être, rassurant.
Il écarta un pan de toile et leur fit signe d'entrer.

A l'intérieur, la dirigeante de Feuille Pleureuse était penchée sur une carte de la cité recouverte de marques colorées, en compagnie d'une Shalélu crottée de la tête aux pieds, et de certains officiers aperçus la veille pas forcément dans un meilleur état. Eviana ne cacha pas son soulagement en reconnaissant les arrivants.

« - Enfin vous voilà !
Nous commencions à craindre le pire.
Que s'est il passé ? »
Kaerishiel s'inclina devant sa supérieure, puis prit la parole avant que quiconque n'ait pu prononcer le moindre mot :

« - Mon unité était sur le chemin du retour lorsque nous avons été surpris par plusieurs patrouilles ennemis, qui nous ont acculé. Nous étions faits comme des rats mais Eldarion, qui avait miraculeusement échappé au piège, a réussi à rejoindre les étra... nos alliés.
Ils sont alors venus nous secourir, et mes hommes et moi leur devons la vie. »

Sur ces paroles pleine d'humilité, le chef des éclaireurs s'écarta solennellement pour présenter les cinq individus qu'il venait de citer. Eviana adopta alors une posture plus officielle, et déclara :

« - Recevez toute ma gratitude pour vos actions de la journée et pour les vies que vous avez sauvés.
Vous venez de prouver que la confiance que j'avais placée en vous était méritée, et je suis fière de vous compter parmi mes amis.
Les Shin'Rakorath ont une dette envers vous. »

Elle s'inclina, imités par les officiers l'entourant.

Voyant les elfes présents s'incliner devant ses compagnons et lui, y compris Kaerishiel qui pourtant n'avait pas fait mystère de son mépris à leur égard, Darmrok demeura d'abord interdit, ne sachant que dire. Puis, au bout d'un instant, son gloussement caractéristique rompit la solennité du moment, « hûk hûk hûk hûûûûk ! », tandis que son large torse était comme secoué de spasmes.

« Eeeeh ben, si je m'attendais ! Il semblerait que le vieux blaireau nous ait adoptés en fin de compte. Et même notre hibou semble trouver plus pertinent de fermer son bec. Tout arrive ! » Dit-il, hilare. « Mais ne t'inquiète pas pour ça, l'hirondelle. Pas la peine de vous coucher par terre ou de nous hisser sur des trônes. A la guerre, tout le monde à des dettes envers tout le monde, ce qui revient à dire que personne n'en a envers personne. Mais assez parlé de ça, tu dois sans doute vouloir des détails. » Il s'éclaircit la gorge avant de poursuivre.

« La petite panthère a du te raconter pour la bibliothèque. Ensuite, elle nous a donc envoyés nettoyer cet espèce d'endroit où les enculés font leurs trucs d'alchimie. Là, on est tombés sur un peu de résistance, et notamment un enculé encore plus dégueulasse que les autres, avec un corps d'araignée et des pouvoirs magiques. Il nous a englués dans sa saloperie de toile et on était en pleine galère quand le léopard jaune... enfin, Eldarion... a surgi des buissons et fait un joli massacre. Mais quand il nous a demandé notre aide pour l'aider à libérer le vieux blaireau et ses hommes du piège dans lequel ils étaient tombés, là, on a du faire un choix : prendre les deux heures nécessaires pour que l'hermine rende le laboratoire inutilisable, ou prendre le risque d'y aller tout de suite. Là,faut dire qu'on s'est un peu engueulés parce qu'on n'était pas tous d'accord, » admit-il en se grattant la tête, un peu gêné.

« Finalement, on a considéré que la mort du vieux blaireau aurait été un sale coup pour nous tous, et pour cette bataille. Les hommes ont besoin d'un chef courageux qui les mène au combat. Alors on a décidé d'y aller tout de suite, quitte à revenir après finir le boulot. Le hibou a laissé sa créature sur place, mais... Il s'est passé quelque chose. Ça s'est terminé en gros champignon vert. J'espère que vous n'avez pas eu d'hommes à vous là-dessous. En tout cas, ils ne feront plus d'alchimie avant un bon moment, ça... Aucune chance. »

Arrivé au campement, Eldarion serra les dents en voyant l'état de leurs troupes. Ils étaient de plus en plus fatigués, alors que leurs adversaires revenaient toujours frais comme des gardons. Ils devaient agir au plus vite et frapper un grand coup. Si la guerre continuait trop longtemps, les drows les auraient à l'usure. Enrageant de ne pas avoir pu tuer plus de ses ennemis jurés, il jeta un coup d'œil aux étrangers qui l'accompagnaient, il ne put s'empêcher de penser que, malgré leurs différends, c'était là des renforts inespérés. Bien qu'ils soient peu nombreux, ils disposaient tous d'un pouvoir certain, et n'avaient pas peur du danger. Le seul élément qui le gênait était Doua. Pourquoi cet elfe banni était-il venu ici ? Il n'était assurément pas un traître, ou du moins pas rallié à la cause des drows. Mais quel but poursuivait-il ? Était-il là pour se racheter ? Il en doutait. ce devait être pour une toute autre raison. mais laquelle ?

En rentrant dans la tente, Eldarion observa ses supérieurs. Ils n'étaient pas en meilleur état que leurs hommes, ce qui eut pour effet de le rendre encore plus furieux envers lui-même. Il aurait dû faire plus, bien plus. Il pria intérieurement pour que Eviana le renvoie sur le terrain. Il lui fallait une nouvelle mission. La fatigue attendrait, il aurait tout le temps de se reposer lorsque ses ennemis seront morts. Il voulait agir, afin de ne plus voir son peuple souffrir.

Puis elle parla, de sa voix douce, calme et posée. Son bouillonnement intérieur s'apaisa, son esprit embrumé par les cris de souffrance des siens se libéra. Imitant ses supérieurs, il s'inclina devant les étrangers, leurs nouveaux alliés, et attendit patiemment que les comptes rendus soient effectués.

Baguette de soins légers récupérée auprès de Glorindel en rentrant au campement

Solveig accepta les remerciements des elfes avec un hochement de tête gracieux, l'explosion du laboratoire lui restait encore en travers de la gorge pour se rengorger d'une soi-disant victoire et le rapport de Shalélu sur la partie nord de la ville renforça sa mauvaise humeur.
Elle laissa donc le prêtre demi-orque faire le rapport de leur mission et pour une fois Doua eut le bon gout de ne pas pérorer à tort et à travers.
La nouvelle qu'annonça Kaerishiel sur l'emplacement du quartier général des drows la fit se pencher sur la carte, l'esprit soudain en alerte. Nul doute que ce serait là leur prochaine mission. Elle espérait juste qu'ils puissent se reposer, elle avait besoin de réapprendre ses sorts, elle n'avait pas été d'une grande efficacité jusqu'à présent et craignait que ce ne soit pire s'ils partaient maintenant.

Alors que Darmrok finissait son rapport par l'épisode finale du laboratoire, Shalélu, pleine de sagesse, reconnaissait objectivement l'excellent travail de Finesight. Doua ne manqua pas de remarquer l'air renfrogné et grimaçant de Solveig, il sourit avant de compléter tout en tournan! la tête vers la magicienne :

« Je te remercie Shalélu! Visiblement mes camarades ont plus de peine à reconnaître l'évidence! Mais comme dit l'adage : "nul n'est prophète en son pays!"... et je ne suis donc pas étonné!

Bien que je reconnaisse un certain manque de finesse dans la manière, il faut rendre à Finesight ce qui est à Finesight! Je pense pouvoir sans doute avancer qu'il est le seul ici à avoir éliminé, tout seul, une patrouille entière de Drows... et peut-être bien plus!  »

Il s'avança alors pour regarder le lieu sur la carte « Je me garderai cette fois-ci faire une quelconque proposition ou conseil... mais... ce lieu est-il... à distance suffisante du nuage toxique? »
puis poursuivant directement alors qu'il percevait Solveig se tendre...

« Car bien que cela serait un avantage... puisque neutralisant temporairement les mouvements drows, cela empêcherait tout-de-même de s'y approcher... », fit-il sur un ton neutre avant de se relever. Il regarda alors tour à tour Eviana, Shalélu et tout les officiers présents, incluant Kaerishiel, puis ses compagnons avant de se retourner à nouveau vers Eviana, hochant la tête respectueusement:

« Je suis honoré que mes compagnons et moi-même sommes ainsi invités à discuter de la situation et de votre stratégie, mais je... et je parle en mon nom, bien que je suppose que mes compagnons partagent (pour une fois) mon opinion: les multiples combats que nous avons menés aujourd'hui m'ont épuisé et ce n'est point par lâcheté, mais bien par nécessité que j'ai besoin de soins et de repos.

Quelques soient nos raisons, nous vous avons prouvés que nous avons le même ennemi commun! Nous sommes tous embarqués sur le même bateau, si je peux me permettre... et je... enfin nous, serons très honorés de combattre où vous nous le demanderez... mais demain.

Avec humilité, c'est cette seule demande que je vous fait, et une preuve, que bien que atypique et potentiellement irritant, je reste conscient de mes faiblesses... »

Modifié par un utilisateur dimanche 2 avril 2017 22:26:28(UTC)  | Raison: Non indiquée

Eldarion se pencha sur la carte, reconnaissant ce qu'il avait lui-même déjà vu de ses propres yeux. Il ne put s'empêcher d'émettre une grimace à l'annonce des deux arbalétriers à l'entrée nord. Il était persuadé que ce n'était qu'un leurre. Les drows savaient pertinemment qu'il n'était pas difficile de contourner leurs défenses, et garder une entrée d'une telle importance avec seulement deux hommes et quelques troglodytes lui paraissait bien trop faiblard pour être réel. Il y avait forcément des renforts cachés à proximité, ou une série de pièges de leur confection.

Mais il n'en dit rien. C'était un soldat, ce n'était pas à lui de prendre de décisions, ni de discuter les plans de son supérieur. Du moins, pas devant d'autres personnes, et encore moins devant des étrangers, fussent-ils des alliés. Il attendit patiemment que son commandant poursuive, s'attendant à ce que le demi-orque saisisse l'opportunité pour donner son avis - il semblait avoir un avis sur tout, et il devait admettre que c'était généralement pertinent - ou que le banni rajoute son grain de sel - et en ce qui le concernait, la pertinence était bien moins souvent présente.

Tout en se faisant intérieurement ces réflexions, il se dit qu'en fonction du choix qui serait fait, il leur faudrait demander un équipement adapté : matériels d'escalade, grappins et cordes s'ils devaient passer par le toit ; résistances aux poisons s'ils devaient s'approcher du nuage toxique ; l'entrée Sud ne semblant pas être le choix que proposerait Kaerishiel.

Il regarda son chef et fit un imperceptible mouvement de tête pour signifier qu'il attendait ses ordres.

Après sa demande, Doua s’était tut. Eviana avait paru surprise par la demande… ou peut-être plutôt par l’étonnante humilité soudaine du conjurateur. Il avait écouté la réponse, calme, sans un mot..

Il se sentait perdu. Des sentiments contradictoires se bousculaient. L’attitude actuelle de ses congénères le troublaient, et il ne savait comment réagir. Il en était presque à remercier l’insupportable demi-pur, le mulet Eldarion, une sorte de socle indestructible d’arrogance, mais un pilier dans la construction idéologique de Doua. Sans lui, le mur neuro-psychiatrique qu’il avait érigé et base de toute sa personnalité se fissurerait. certainement.

Il était perdu dans ses pensées lorsqu’il entendit la voix de Darmrok lui demander de participer à la discussion. Il regarda, interdit, le demi-orc, les yeux fixes, essayant de se souvenir des dernières paroles et organiser ses pensées.

« Je… je, oui ! Imprévisibles… invisibles, nous pouvons nous infiltrer et frapper…

mais…

malheureusement, je n’ai plus de sorts dans ma baguette et pas suffisamment pour tous spontanément, même avec du repos!

...

A moins que…

il se retourna alors vers Eviana et Shalélu, il semblait avoir repris un peu de son assurance :

Serait-il possible de s’équiper ici de quelques objets ? Une baguette d’invisibilité serait évidemment prioritaire… ainsi que des feux grégeois, nous leur avons découvert une certaine utilité récemment pause et sourire et évidemment nous payerons le prix qu’il faut !

Par ailleurs, mais je ne veux pas vous faire perdre du temps, nous avons récupéré plusieurs objets pour lesquels nous solliciterions un peu d’aide pour les identifier…

puisque...

une certaine... n’a pas seulement des difficultés dans le feu de l’action, mais aussi dans les interludes… » finit-il avec un grand sourire. Il avait retrouvé sa verve et son ton acerbe.

Modifié par un utilisateur jeudi 6 avril 2017 21:59:47(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Bien sûr qu'on sera le troisième ! » S'écria Darmrok sans même adresser un regard à ses compagnons pour leur demander leur avis, « on va pas vous laisser faire tout le boulot pendant qu'on reste ici bien à l'abri à bouffer des brochettes, hûk hûk hûk ! » Ajouta-t-il en s'esclaffant, mais sa mine s'assombrit immédiatement : « d'autant que vous n'avez pas de brochettes, vous bouffez que des légumes, » grogna-t-il.

« Mais l'affaire est faite. On est venu ici pour en savoir plus sur les projets de ces enculés et, si les dieux nous prêtent vie, les empêcher de faire. Et c'est exactement ce qu'on va faire, » conclut-il d'un air résolu.