Administrer nos maisons est une grande charge pour l'Ordre

Lorsque le Temple eut reçu sa Règle du concile de Troyes, la noblesse de cette initiative nous vallu une affluence de dons de toute sorte, en grande quantité et en provenance de toutes les nations chrétiennes. Il fallut rapidement apprendre à organiser et à gérer cette manne, pour en tirer le plus grand profit possible au bénéfice de nos frères qui luttaient en Terre Sainte. Là-bas, tout manquait et tout manque encore. Les commanderies d'Outremer ont ainsi deux fonctions principales : nourrir nos commanderies d'Orient et financer la guerre sainte et recruter de jeunes frères afin d'accroître nos forces et de remplacer ceux qui trouvent la couronne du martyr dans les sables de Judée.

Nos commanderies d'Outremer oeuvrent pour la paix dans le Levant.

Nos plus vieilles commanderies sont en Espagne, où nous avons combattu les sarrasins et où des terres nous ont été données en aumône pour nos services. Mais nous avons également des maisons, des terres et des gens dans de nombreuses seigneuries, partout où il y a des âmes chrétiennes. Ces maisons sont regroupées en Provinces. Il y a trois Provinces en Terre Sainte : Jérusalem, Antioche et Tripoli. Outremer on compte treize Provinces : la France, l'Angleterre, la Flandre, l'Auvergne, le Poitou, l'Aquitaine, la Provence, la Catalogne, l'Aragon, le Portugal, les Pouilles, la Sicile et la Hongrie. Chaque Province est placée sous la responsabilité d'un Commandeur de Province, également appelé Maître de Province qui a autorité sur les Commandeurs des maisons de sa Province et sur ses baillis. Les Provinces elles-mêmes sont découpées en Baillies qui sont chacune sous la responsabilité d'un bailli. Le Maître nomme également, Outremer et en Terre Sainte, des Visiteurs, qui voyagent de commanderies en commanderies pour en vérifier le bon fonctionnement. Les Commandeurs des maisons quant à eux, ordonnent et dirigent les chevaliers, les sergents, les frères des métiers, ainsi que les serfs, les fermes et les dépendances qui sont dans la juridiction de leur commanderie. Ils sont donc placés sous l'autorité du Bailli, puis du Maître de la Province et enfin des Visiteurs qui représentent le Maître.

Un comptage ordonné par le Maître a dénombré neuf milles commanderies et dépendances sur toutes les terres d'Outremer.

Nos commanderies agricoles sont gérées, sous les ordres du Commandeur, par un Sénéchal, qui est assez souvent un frère sergent et qui a pour principal devoir de faire profiter au mieux les terres et le cheptel qui lui est confié. Ainsi assisté par quelques frères compétents ou que le Temple désire former, il gère et organise, transcrit les chartes, établit les dépenses et les recettes de la maison, encaisse les droits, contrôle les livraisons, surveille les laboureurs et les bouviers, vérifie les travaux effectués dans les fermes, relaie les messages de commanderies en commanderies, convoie l'argent, perçoit les droits des foires et les impôts des donats... Tout le surplus de nos exploitations est envoyé à nos commanderies de Terre Sainte et nous avons coutume d'appeler ces envois les Responsios. Ainsi, nos maisons d'Outremer envoient toutes sortes de richesses en Orient : or, argent, tissus, vêtements, armes, armures, harnais et chevaux principalement. De nos maisons du Levant nous recevons des frères en mission, des Visiteurs en inspection et des frères âgés ou malades.

C'est dans nos commanderies d'Outremer que les jeunes frères font leur apprentissage. Ils doivent y affermir leur foi et y achever leur formation templière. Les commandeurs d'Outremer ont ici une lourde responsabilité car ils doivent envoyer en Terre Sainte des frères dont nous pourrons être fiers. Les jeunes recrues sont déplacées le plus souvent possible, de maisons en maisons, et de fonctions en fonctions afin que leur formation soit la plus complète possible. Un bon templier doit être capable d'occuper toutes les charges.

Les Commandeurs de nos maisons agricoles ont donc de lourdes responsabilités, car ils sont les seuls à rendre compte aux Baillis, aux Maîtres de leur Province et aux Visiteurs de leur bonne ou de leur mauvaise gestion. Une commanderie bien menée doit envoyer le tiers de ce qu'elle produit au Levant.

Ce n'est pas un mince travail que d'ordonner tout ce qui vit dans un maison, hommes et bêtes. Le Commandeur délègue chaque responsabilité aux frères sergents des métiers, qui ne combattent pas, mais qui oeuvrent eux aussi, quotidiennement, courageusement et avec foi, pour l'avènement de la paix au Levant. Chacun de ces frères ordonnent aux serviteurs et, en Terre Sainte, aux esclaves. Certains frères chevaliers ont également un métier et lorsque la commanderie est petite, les charges sont aussi confiées à des serviteurs.

De nos grandes maisons en Terre Sainte dépendent de nombreux châteaux et domaines.

De ce moment où j'écris, notre Ordre possède en propre dix-huit forteresses sur les terres du Levant. Ces grands châteaux contrôlent et protègent de nombreux châteaux de moindre importance et des centaines de casaux. Notre grande templerie de Saphet ordonne deux cent soixante casaux, aux desseins tout autant militaires qu'agricoles. Là comme ailleurs, vivent journellement quantité de frères, confrères, serviteurs et esclaves de la Maison. J'ai, quelque temps, eu la charge de dispensator en notre maison de Saphet et je veux que les frères d'Outremer se fassent une mesure de sa puissance et de son poids pour l'Ordre. Les frais annuels d'entretien s'élèvent à quarante mille besants sarrasins et je ne compte pas les revenus propres de nos domaines. Plus de mille sept cents personnes y mangent tous les jours et, lorsque la guerre éclate, deux mille deux cents. Chaque année, douze milles mulets y amènent l'orge et le froment pour les chevaux. La garnison se compose de cinquante frères chevaliers, trente sergents, cinquante turcopoles, trois cents archers et balistiers, huit cent vingt écuyers et hommes de pied et quarante esclaves. Croyez bien, je l'avoue avec humilité, qu'après deux années à gérer le château, je fus heureux d'apprendre que le Maître me réclamait à Paumiers.

Dans le domaine du Royaume de Jérusalem, nous possédons, outre le Temple de Salomon dans la Ville Sainte, qui est notre Maison Chevêtaine, les tours et les remparts de Jéricho et le Château-Rouge, pour ne parler que de nos plus importantes places. Dans le Comté de Jaffa et d'Ascalon, nous avons le château de Gaza et le Toron des Chevaliers ; dans le Comté de Césarée, la forteresse de Chaco et Pierre Encise ; dans la Princée de Galilée et la Terre d'Outre-Jourdain, le château de La Fève, la grande templerie de Saphet, dont nous avons parlé, la place de Séphorie que l'on nomme aussi Le Safran et le chastellet du Gué de Jacob. Pour vous donner l'étendue de nos possessions, il faudrait aussi parler de nos grandes places fortes qui sont sur les terres d'Antioche et de Tripoli, mais aussi de celles d'Espagne et du Portugal.

Toutes nos maisons, que ce soit en Terre Sainte ou Outremer, sont reliées les unes au autres par des relais incessants de frères qui portent les informations et les biens. On parle d'un frère, nommé Enguerrand, qui accomplit le voyage de Saint Jean d'Acre à Londres en six semaines, pour porter une missive secrète au Maître d'Angleterre, Richard de Hastings, en sa maison de Holborn Bars. Je crois que ce frère arriva peu de temps après que les coffres de notre maison qui garde le trésor du Roi Henri aient tous été fracturés dans d'étranges circonstances.

Lorsque l'urgence le commande, les commanderies disposent également de pigeons, qui par leur grande rapidité ont souvent sauvé d'épineuses situations. Les plus diligents parcourent vingt lieues en une heure. Le seul ennui avec les pigeons est qu'ils sont liés chacun à un pigeonnier auquel ils reviennent toujours.

Le Temple est aussi changeur.

La production n'est pas la seule fonction de nos maisons agricoles. Notre mission est d'assister les pèlerins, de faciliter leur voyage. Toutes nos maisons accueillent toute l'année des gens de toutes sortes qui trouvent refuge pour la nuit dans nos murs. Certaines commanderies ont été construites à cet effet, notamment sur les routes qui mènent à St Jacques de Compostelle.

Outre la sécurité du voyage et l'accueil, un problème se pose également à tous les pèlerins : comment subvenir aux frais du voyage sans risquer de se faire détrousser par tous les brigands qui pullulent sur les routes et qui trouvent refuge au fond des forêts ? Comme nous avons beaucoup de maisons sur de très nombreuses terres, un pèlerin peut déposer une somme au comptoir de notre commanderie de Londres et la récupérer à Jérusalem. Voici comment la chose se passe. Un pèlerin, un voyageur, un marchand, un seigneur décide d'accomplir un grand voyage. Il est imprudent de transporter toutes les finances nécessaires à l'expédition. Le prud'homme dépose donc une somme en bons deniers dans la grande commanderie proche. En échange, un frère lui remet une lettre de change, qui porte mention de la somme déposée et du lieu de dépôt. Cette lettre est marquée du sceau de l'Ordre et codée par certains moyens qui sont secrets afin que son authenticité puisse être vérifiée. Ensuite, le prud'homme peut se présenter dans n'importe quelle maison, pour autant que la commanderie possède un comptoir de dépôt et de change, et de recevoir la somme déposée à des lieues de là. Cette méthode simplifie considérablement le pèlerinage et les voyages de beaucoup de gens, de toutes conditions.

Notre grande réputation de rigueur et d'honnêteté nous a valu également privilège de dépôts permanents, que l'on nous confie afin qu'ils soient protégés dans nos murs. Le vaste enclos du Temple, à Paris, égale en puissance nos plus belles forteresses de Terre Sainte. Le Roi Philippe-Auguste y dépose tout son trésor, qui est géré par nos frères. Dès le matin, la foule se presse aux guichets pour changer de l'argent, faire un dépôt ou retirer quelques deniers. Nos frères usent d'un grand échiquier pour faire les calculs souvent complexes de valeurs entre les différentes monnaies et pour tenir les comptes de nos clients. Paris est certainement notre plus important centre de finances, suivi de près par Londres et Jérusalem. Qui n'a pas vu l'affluence des pèlerins aux guichets de notre Maison Chêvetaine à la veille de Pâques ne sait pas quel service nous rendons de cette manière à la chrétienté.

Nos ambassadeurs veulent la paix sur la Terre Sainte.

L'objet premier de notre mission, tel qu'il fut défini par Hughes de Payns et ses compagnons, est de défendre les routes de Terre Sainte et de protéger les pèlerins. Tout moyen chrétien qui permet de pacifier une région du Levant est donc agréable à Dieu. La guerre est un de ces moyens mais il en existe d'autres.

Le recours à la force doit toujours être considéré comme le pire des moyens et la dernière des solutions. La simple démonstration de notre détermination et de notre puissance suffit bien souvent à faire hésiter ou reculer l'ennemi, sauvant ainsi de nombreuses vies de part et d'autre. Les Sarrasins savent bien que nous ne nous rendons jamais et que nos frères font de très mauvais otages. La tradition dit qu'un frère, quelle que soit son importance pour l'Ordre, ne peut offrir que sa ceinture et son couteau d'arme pour toute rançon. Ceux qui sont fait prisonniers trouvent donc le plus souvent la mort sous la lame du bourreau. Si nous venions à payer la rançon de nos frères prisonniers, nous perdrions l'un de nos plus précieux atout, car l'ennemi n'hésiterait plus alors à user de moyen pour affaiblir l'Ordre.

Les frères qui viennent d'Outremer et qui ne connaissent pas les coutumes du Levant sont généralement surpris de l'amitié qui nous lie aux Sarrasins. De tous les Francs, nous sommes leurs plus farouches ennemis et leurs plus fidèles amis. Combien de fois avons-nous pris leur défense, face à des barons trop pressés d'en découdre pour faire valoir leurs noms et occuper de nouvelles terres. Nous ne désirons que la possession des terres qui assurent le libre accès aux lieux saints et, en ce sens, toute guerre qui ne veut que la conquête nous est détestable. La seule bonne motivation à une action armée doit être la paix qui en découlera. Nos ambassadeurs parcourent le Levant tout au long de l'année pour négocier une trève, le partage d'une terre, le paiement d'un tribut ou le libre passage d'une caravane. Ils doivent avoir un sens aigu des rapports de force, une excellente connaissance des coutumes sarrasines et une totale maîtrise de leur si belle langue.

Je dois admettre que nos ambassades sont souvent plus difficiles auprès des nôtres. Le Temple jouit de très nombreux privilèges, octroyés et maintes fois répétés par le souverain de Rome et ces avantages ennuient les jaloux. Ainsi, c'est souvent au sein de notre propre famille que nous avons à lutter pour faire valoir nos droits. Les évêques, les abbés et tous les clercs sont ici nos plus terribles opposants. Il faut alors avoir recours à des amis du siècle pour arbitrer le litige, avant d'avoir recours au Pape lui-même, si la situation s'envenime.

Je dois également parler de nos frères de l'Hôpital Saint Jean avec lesquels nous avons des rapports toujours délicats, quoique fraternels. Nos deux ordres ont des fonctionnements semblables en bien des manières et il est dans la mesure des sentiments humains, je crois, que les frères s'aiment tout autant qu'ils s'envient. Je sais quelles sont les nombreuses plaisanteries et vilains tours que se jouent parfois les uns et les autres. Même si elles sont sans réelle méchanceté, je ne peux que désapprouver ces façons car elles sèment la discorde entre nous alors que nous devons unir nos forces.

Lors des conflits séculiers entre chrétiens, nous bénéficions de l'immunité. Tout seigneur chrétien qui lèverait l'épée sur nos troupes serait immédiatement excommunié. Cet apanage nous autorise à faire office d'intercesseurs entre deux camps chrétiens qui s'affrontent, ce qui est malheureusement un cas fréquent. Nous n'avons par d'intérêts particuliers dans ces sortes d'affaires, hormis l'intérêt de Dieu qui est de voir son peuple uni, et nous cherchons donc toujours à satisfaire les uns et les autres. Nos frères issus de familles puissantes sont alors précieux, car les contacts et les liens d'amitié qu'ils ont gardé avec leurs parents sont autant de leviers avec lesquels nous pouvons jouer.

Je pense avoir dit tout ce que je savais de l'administration, des finances et des ambassadeurs de notre Ordre pour le plus grand profit de nos jeunes frères. Puisse Dieu nous avoir toujours en sa sainte garde. Amen.
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