Hogo essaya d'afficher un air contrarié tout en demandant, « Ca va être partout pareil ? Si je suis pas indiscret, c'est le mauvais moment pour chercher un boulot dans tout Eléder où c'est votre affaire qui connait certaines difficultés ? »

Modifié par un utilisateur samedi 29 octobre 2016 17:17:09(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Ça fait pas longtemps qu'on est en ville » murmura Tiriji à Ishirou - mais il est bien connu que le murmure gnome est parfois inversement proportionnel à la taille - « Mais j'ai l'impression qu'il est plus facile de faire des affaires pour ceux qui ont des origines Chelaxienne, et que si tu as le malheur d'être Mwangi, tu es le premier à payer quand les choses commencent à aller moins bien... » La gnominette ponctua son affirmation d'une grimace de désapprobation.

Éphrem continua à observer la scène en gardant ses distances. Adossé nonchalamment à une pile de barriques qui, d'après l'odeur qu'elles émettaient, avaient dû contenir des poissons, il jeta un rapide coup d'oeil dans la direction de la cour de l'entrepôt où Tiriji, Hogo et Ishirou se trouvaient avant de scruter les autres directions, s'attardant tout particulièrement sur les autres cachettes où il aurait pu se positionner et où n'importe qui d'autre nourrissant le but d'espionner ses compagnons aurait pu se tapir. Pour l'instant, d'après ce qu'il pouvait voir, il était le seul à "chaperonner" le trio inquisiteur.

Le Mangi se tourna vers Hogo et inclinant légèrement la tête. « Z'êtes pas d'ici, vous... ça se voit. N'importe qui à Éléder… » commença-t-il tout en faisant de sa main droite un geste comme pour présenter la ville ou indiquer tous ses habitants. Il interrompit son geste et afficha une moue de douleur avant de laisser retomber son avant-bras droit et de poursuivre « sait ce qu'est que le Dû. C't'une sorte d'extorsion, mais du genre légal… ou plus ou moins. Les pirates des Entraves, ceux qui sont v'nus aider l'Sargave quand les Chel voulaient nous mettre à genoux et nous forcer à vénérer les mêmes démons qu'eux, ben ils ont eu l'idée du siècle, les bâtards. En échange d'leur aide, le Baron d'alors a promis que l'Sargave leur donnerait de l'or tous les ans. C'est ça, l'Dû. Une période où tous ces pète-sec d'Arbitreurs se retroussent les manches pour dépouiller tous ceux qui, comme nous, bossent pour grappiller que'qu'sous, tout ça pour enrichir ces satanés pirates. Faudra un p'tit bout d'temps avant que tout l'monde s'en r'mette... enfin, les gens honnêtes. Les autres, ils arrivent même à tirer leur épingle du jeu d'ces temps-ci. » Il ponctua sa réponse d'une autre moue, celle-ci de dégoût, puis reprit son travail.

À côté de Tiriji, Ishirou lui répondit « Tout ça ne tient pas vraiment debout... pourquoi aurait-il refusé de vendre le vin à Briga s'il a besoin d'argent… à moins qu'il n'ait pas eu le choix. » Et, comme pour appuyer ses derniers mots, il fit pivoter son poignet droit, évoquant à nouveau les marques qu'il avait repérées plus tôt.

« Si ça continue, je crois que j'vais pas faire de vieux os à Eléder. S'il n'y a pas de boulot mais qu'en plus on a toutes les chances de se faire rouler par des gens malhonnêtes. » répondit Hogo avant de baisser la voix et de continuer, « T'aurais pas des noms à me donner, histoire que je sache de qui je dois me méfier ici... »

La jeune mwangui ne pouvait que constater la misère installée de l’immense taudis déplorable qui s’était formé en marge de la cité des hommes blancs. Les colons étaient venu exploiter les terres et les hommes, allant les capturer jusque dans leurs villages au cœur de la jungle afin de les asservir et faire d’eux des personnes dépendantes du bon vouloir de maîtres tyranniques pour qui la vie d’un mwangui n’avait pas plus de valeur que la marchandise qu’il exploitait. Elle s’approcha des groupes de femmes qui s’étaient formés près des cases et se présenta à elles, demandant à chaque fois s’il y avait quelqu’un qui faisait office de guide ou de chef spirituel, puis en posant quelques questions sur leurs origines – d’où elles venaient- ou encore – depuis combien de temps elles avaient quitté leur village natal – puis – quelle était la raison de leur arrivée ici – si elles avaient été capturées ou simplement la promesse d’un travail et de la fortune qui bien souvent était argué par les recruteurs mais ne respectaient jamais leurs engagements, etc. Elle s’intéressait à chacun de ces groupes, cherchant à savoir s’ils étaient rassemblés par ethnies, villages, clans, tribus, si leurs hommes étaient tous aux mines ou à l’exploitation de bananes, elle chercha aussi de ce côté, posant des questions sur le travail de leurs maris, fils, aînées, la mine l’intriguait. Ce devait être quelque chose de faramineux et devait exploiter beaucoup de main d’œuvre prête à sacrifier leur vie pour une bouchée de main. Au passage elle leur montra les quelques baies et fruits qu'elle avait ramassé dans la jungle. Elle leur expliqua qu'elles aussi pouvaient améliorer leur quotidien en allant à la cueillette, comme le font les femmes dans les villages mwanguis et en trouver non loin du village et qu'elle était prête à leur montrer si elles le voulaient.

Errant de groupe en groupe, Ellawa passa l’après-midi à errer dans le village, si on pouvait parler de village, puis avant le crépuscule, elle regagna Eléder afin de retrouver ses compagnons de naufrage au Club. Elle avait annoncé à chaque groupe qu’elle avait rencontré, qu’elle reviendrait et que toute personne ayant besoin de ses soins et ayant foi encore en la jungle, pouvait venir la voir. Ce fut le cœur serré qu’elle regagna la cité. Son peuple souffrait et par là même elle aussi. Les mwanguis étaient un peuple fier et courageux, ici il était soumis et perdait son humanité. Un dernier regard vers la misère afin de se donner le courage de passer les murs et elle invita Simurgh à venir la rejoindre pour affronter ensemble cette jungle encore plus hostile que la plus profonde forêt sauvage du pays mwangi : la ville des hommes blancs…

« On s'éloigne un peu comme si tu continuais à chercher du travail, et une fois hors de vue, on peut rentrer au Club... » répondit Tiriji.

Un fois un peu éloigner elle poursuivit « Ishirou m'a montré que le contremaître portait des traces au poignet, comme si on l'y avait attrapé fortement. Je suppose que sans prouver qu'il a subit des pressions, cela va quand même dans le sens de ce que disait Briga... »

Hogo, Tiriji et Ishirou quittèrent la cour de l'entrepôt et rejoignirent la rue qui semblait être l'artère principale du quartier du Bas-Port. Ils rebroussèrent chemin, s'arrêtant de temps en temps devant l'un ou l'autre bâtiments et échangeant quelques mots avec les gens qui s'y trouvaient pour asseoir le rôle que le Shoanti s'était attribué. Quelques dizaines de pas derrière eux, leur "ange gardien" les suivait discrètement.

Contrairement à ce qu'ils avaient observé plus au centre de la ville, les gens du Bas-Quartier semblaient plus accueillants et plus ouverts. La population de travailleurs était également plus mixte ici : on retrouvait souvent des Mwangis et descendants chéliaxiens qui oeuvraient côte à côte même si, dans la plupart des cas, il était clair que les Chélaxiens occupaient des rôles supérieurs à ceux des Mwangis.



Quelques centaines de mètres plus à l'est de là, la situation était tout autre : dans la vaste prairie appelée "Outremur", on ne voyait que des Mwangis à perte de vue. Ellawa commença par approcher quelques enfants et partager les baies et les noix qu'elle avait collectées dans la jungle puis elle lia conversation avec l'une ou l'autre des femmes qui étaient présentes.

Beaucoup d'entre elles partageaient la même histoire : elles tentaient de survivre tant bien que mal pendant les longues absences de leurs époux partis travailler dans les mines des collines Bandu plus loin à l'est. Les hommes partaient souvent pour plusieurs semaines, voire pour deux ou trois mois, effectuant le voyage jusqu'aux mines en convois protégés par des mercenaires embauchés par les sociétés minières. Ils logeaient ensuite sur place, ce qui leur permettait de travailler plus longtemps. Puis ils revenaient, avec les convois très protégés qui ramenaient les minerais, le sel ou les gemmes extraites du sous-sol. C'était, de l'avis général, une vie difficile... mais les mineurs étaient plutôt bien traités et c'était un statut relativement respecté.

Pour d'autres femmes, l'histoire était légèrement différente : leurs époux, et parfois leurs enfants, travaillaient à la plantation d'ananas qui s'étendait plus loin au sud. Selon elles, c'était le coeur d'Éléder, c'était la source principale de revenus et de nourriture pour la ville, en plus des fermes et autres élevages de bétail situées plus loin à l'est.

Une des femmes avec lesquelles Ellawa eut l'occasion de parler rapporta que son fils aîné s'était engagé dans la milice d'Éléder. Elle vanta le sérieux avec lequel il prenait son rôle et partagea son espoir de le voir monter en grade et, qui sait, peut-être d'être placé à la tête d'une patrouille un de ces jours. Elle précisa que, même si ce n'était pas le cas, l'entraînement qu'il recevait au bloc du Praetor (sans doute le nom de le caserne de la milice) lui ouvrait de nombreuses opportunités, comme par exemple de se faire engager comme mercenaire et protecteur pour les convois miniers.

Ellawa sentait une certaine fierté chez la plupart de ces femmes. Elles savaient que, malgré les difficultés qu'elles et leurs familles connaissaient, leur travail était la principale raison de la survie de la ville toute entière. Ellawa remarqua également un certain ressenti… elle surprit quelques regards désapprobateurs, voire haineux lorsque la dernière femme évoqua son fils milicien. Clairement, certaines des Mwangis considéraient ce genre de carrière comme une sorte de "trahison" envers leur peuple, même si aucune ne dit quoi que ce soit devant la chamane.

En voyageant à travers l'énorme "village" de cabanons, Ellawa se rendit compte qu'il y avait ici une population bien trop importante pour que la jungle puisse la nourrir de manière naturelle. Les baies, noix et autres dons de la nature ne suffiraient jamais pour combles les besoins des Mwangis sur le long terme. Constatant que l'heure avançait, Ellawa repartit vers le nord en direction de la porte qui lui permettrait d'entrer en ville.

Refaisant à l'envers le chemin qu'elle avait empruntée le matin-même, elle retourna vers le Club de Briga, arrivant quasiment au même moment que Tiriji, Hogo et Ishirou. À l'intérieur du Club, ils tombèrent sur Sébrysse et Jask, occupés à discuter à l'une des tables de l'établissement.

Une fois rentré au club, Hogo se dirigea vers le comptoir où se trouvait Briga. Il commanda un verre et de quoi manger puis, il attendit que la demi-orque soit seule avant de dire, « On a trouvé l'entrepôt dont tu nous avais parlé... Le contre-maître semble avoir pas mal de problème... De sérieux problèmes vu les marques qu'il a au poignet. Il semble être de bonne foi. Tu devrais peut-être aller le voir pour essayer de tirer cette histoire au clair, non ? »