Ishirou resta un instant immobile, un peu interdit et surpris par la tournure des événements. Il fronça les sourcils et murmura quelques syllabes que personne ne put entendre vu qu'il s'était retrouvé seul dans la ruelle. Il tourna les talons et repartit vers l'échoppe du nain, rejoignant le barbare et la gnome et leur fit part des dernières paroles qu'Éphrem avait prononcées avant de prendre la poudre d'escampette.



Hémiphon se racla la gorge et se renseigna quant au nombre de personnes que Sébrysse comptait emmener avec elle. Puis, finalement, il suggéra « Y'a bien l'Cochon empalé. » en agitant le bras en direction d'une pile de caisses située derrière Jask, mais désignant sans doute plutôt la rue qui devait se trouver dans cette direction. « C'est l'auberge quasiment en face de chez moi. C'est là que je prends la plupart de mes repas. Vous n'avez qu'à venir me chercher ici et on ira là-bas, si vous êtes si nombreux et que vous voulez vraiment m'offrir un repas. »

« Quant au prix, » ajouta-t-il en raccompagnant ses visiteurs vers la porte, « ça dépendra de la longueur et de la complexité du texte. Faut que je le voie pour pouvoir dire. Quelques centaines de pièces d'or sans doute. »

Jask s'était contenté de suivre la conversation sans intervenir. Quant à Gélik, contrairement à son habitude, il était resté lui aussi silencieux... sans doute préoccupé par ses réflexions quant à ce qu'il allait pouvoir écrire pour les Éclaireurs.

L'après-midi était déjà bien avancée quand le trio quitta la petite demeure du vieux rôdeur reconverti.

Tout en regardant la vitrine Hogo se décomposait un peu plus à chaque seconde. Exaspéré, il déclara à ses compagnons, « Même pas un jour qu'on est là et déjà on a des problèmes. Non seulement on est suivi mais en plus nos suiveurs vont avoir de gros doutes sur la bienveillance de nos actions étant donné qu'on a un garde du corps qui couvre nos arrières. C'est vrai que tout le monde fait ça quand il part faire ses commissions... Bref, je vais essayer de me rendre utile en veillant sur une des plus illustres représentantes de la sagesse gnome, j'aurai au moins fait ça aujourd'hui... Alors on entre dans ce fichu magasin ? »

Ishirou se contenta de lever les épaules mais ne répondit pas. Hogo fut le premier à pousser la porte de l'échoppe. Au-dessus de celle-ci se trouvait un système composé de tubes métalliques de diverses tailles, certains percés de petits trous et d'autres, d'orifices plus gros. Lorsque le barbare poussa la porte, les tubes s'entrechoquèrent et produisirent des tintements plutôt mélodieux.

Tiriji put remarquer la finesse et la précision requise pour fabriquer ces tubes... c'était là une oeuvre de forgeron nettement plus fine que les divers outils exposés dans la petite échoppe.

Ishirou s'arrêta un instant, observa l'objet et poussa une sorte de grognement. « Je suppose que c'est la version naine d'un carillon feng shui. » Son ton indiquait clairement que, par "version naine", il entendait "version inférieure".

Quelques secondes plus tard, une voix s'éleva depuis l'arrière de l'échoppe, sans doute de l'endroit d'où les bruits de martellement métallique qu'ils avaient entendus plus tôt provenaient. « J'suis ici, à l'arrière. » Une porte dans le fond de l'échoppe semblait mener vers "l'arrière en question". À l'opposé, un escalier de bois permettait d'accéder à l'étage.

De l'autre côté de la porte s'étendait une petite cour couverte dans le fond de laquelle se trouvait un puits de forge flanqué de larges soufflets. Au milieu de la cours, derrière une large enclume noircie, se trouvait le forgeron nain, occupé à affiner le plat d'une lame de couteau. Il leva à peine les yeux lorsqu'il aperçut les visiteurs. « Qu'est-ce que j'peux faire pour vous ? »



Éphrem prit le temps de faire un détour en contournant un autre pâté de maison avant de rejoindre la rue où se trouvait l'échoppe par une autre direction. Pendant tout ce trajet, il avait observé attentivement les alentours, à la recherche de l'homme qu'il avait aperçu plus tôt... mais sans succès. Lorsqu'il arriva en vue de l'échoppe du forgeron nain, il entre-aperçut Ishirou qui s'arrêtait dans l'encadrement de la porte, regardait vers le haut, en direction du plafond, et faisait un commentaire avant d'entrer et de refermer la porte derrière lui.

Le nain continua à battre la lame dont la rougeur disparaissait au fur et à mesure de ses coups puis, une fois qu'il jugea que celle-ci n'était plus assez chaude, il tourna la tête vers Tiriji et examina la gnome de la tête aux pieds, puis des pieds à la tête. « Hrmpf! Doux-Carillons eh ? Jamais entendu parler. Mais c'est pas comme si ça avait de l'importance. »

Il se retourna et plongea la lame au sein des braises de la forge puis se rendit sur le côté pour activer le soufflet à trois reprises. S'interrompant un moment, il ajouta « C'est pas comme si c'était une forge réputée, ou qu'on avait beaucoup de clients. Surtout des pêcheurs. » Il fit une grimace et continua « Au moins, ça veut dire qu'il ne faut pas être très doué... » Il décocha un regard inquisiteur dans la direction de Tiriji puis appuya à nouveau à trois reprises sur l'impressionnant soufflet. Le bruit du vent circulant à travers les braises et en ravivant un bon nombre et le crépitement de ces dernières étaient assourdissants, mais c'était là un son qui sonnait comme une douce mélodie aux oreilles de Tiriji qui n'avait plus eu l'occasion de l'entendre depuis plusieurs mois maintenant.

Le nain se saisit d'une pince et agrippa la lame, qui était à nouveau toute rouge. Puis il se retourna et la plaça sur l'enclume et se mit à la frapper en suivant un rythme régulier. « Faudrait voir si tu conviens. Et, si c'est l'cas, j'pourrai pas te payer monts et merveilles. » dit-il entre deux coups de marteau. « Si ça t'intéresse, r'viens ici demain à l'aube. Et demain soir, j'te paierai pour la journée et j'te dirai si tu peux revenir ou pas. » prononça-t-il entre les deux coups suivants.

Hogo hocha la tête à la proposition de Tiriji mais avant de partir, il demanda quand même, « On vient d'arriver dans la ville et comme mon amie, je cherche du boulot. Mais, j'ai pas son talent, alors vous ne connaîtriez pas dans un des entrepôts du coin un gars qui cherche des bras pour porter des caisses ou décharger les bateaux. Je suis pas un fainéant et je peux travailler dur. »

Sébrysse avait salué Hémiphon en promettant qu'elle reviendrait le voir. Elle avait ainsi accompli les tâches qu'elle s'était fixées et proposa à Jask de rentrer par un autre chemin.

En sortant de chez l'érudit, elle regarda avec soin aux alentours pour voir si leur petite troupe n'était pas suivie par d'autres gardes ou un autre informateur envoyé par l'Arbitreur.

Elle reprit ensuite son chemin. « Je vais tâcher d'abord de réunir la magie nécessaire à la lecture de ces différents textes avant de retourner avec ceux qui le voudront vers l'auberge où nous pourrons jauger le savoir d'Hémiphon avant de voir à lui confier nos trouvailles.

Après une petite visite à notre ami l'Arbitreur pour que je puisse récupérer mon cimeterre et toi ton innocence, nous pourrons faire un tour aux Archives Coloniales, et tenter de voir ce que nous pouvons y apprendre sur les cultes anciens, les temples et cités découvertes par les colons et les expéditions chélaxiennes.

Je profiterai de notre passage pour tenter de voir ce qu'est devenu ma famille car c'est aussi pour çà que je suis venue ici. Pour m'assurer qu'elle a survécu au pillage de notre maison et au voyage jusque Éléder. Je ne suis pas certain que des Chélaxiens soient toujours les bienvenus dans cette ancienne colonie.

Il va aussi falloir réunir la somme permettant de payer Hémiphon auprès des autres et voir lesquels d'entre eux souhaitent m'accompagner. »

Sébrysse se retourna plusieurs fois sur son chemin en revenant vers le Club, mais, si elle aperçut bien quelques gardes ici et là, aucun d'eux ne semblaient la suivre. Lorsque le trio regagna l'établissement de Briga, ils se rendirent compte qu'ils étaient les seuls sur place... les autres n'étaient apparemment pas encore revenus.

Gélik choisit de se rendre directement dans sa chambre pour se mettre à travailler sur le rapport qu'il devait rendre au capitaine aventurier d'ici quelques jours. « Un premier rapport d'éclaireur, ça ne se prend pas à la légère. Et, même pour un conteur de ma stature, de mon expérience et de mon talent, ça demande un certain investissement en efforts et en temps ! » avait-il bredouillé avant de s'engager dans les escaliers en bois qui menaient à l'étage, les bras chargés de parchemins, de pots d'encre et de plumes dont certains venaient d'être achetés à la petite échoppe du Club.

« Le plus difficile est d'attendre... » soupira Jask. Il s'assit à une des tables et commanda à boire pour Sébrysse et lui. « L'Arbitreur sur lequel on est tombé m'a semblé relativement ouvert et honnête... ou peut-être était-ce juste une façade face à la manière dont tu as mené la danse... » dit-il en souriant, se rappelant l'expression que l'Arbitreur, un homme qui n'avait sans doute pas du tout l'habitude d'être rabroué ou contredit, avait arboré lorsque la prêtresse s'était adressé à lui. Jask haussa les épaules set dit « Je suppose que nous aurons bientôt des nouvelles... un jour ou deux, tout au plus. »



À l'extérieur des murs de la ville, dans le Bas-Port, Hogo, Ishirou et Tiriji parcourait la rue la plus proche des pontons à la recherche de l'entrepôt que Briga avait mentionné plus tôt. Ils n'eurent guère de difficulté à le trouver. Le bâtiment en question était un simple entrepôt de bois avec, à l'avant, une petite cour encerclée par des barrières en bois et qui servait apparemment au rangement de deux charrettes à bras qui devaient être utilisées pour véhiculer les diverses marchandises vers et depuis le lieu de stockage. À l'avant de la petite cour se trouvait une sorte de portail de bois, qui se réduisait à deux larges poteaux enfoncés dans le sol. Quatre longues planches de bois avaient été clouées en hauteur, reliant les deux poteaux du portail, formant comme une grande pancarte de bois sur laquelle on pouvait lire "Entrepôt de Marrambwe".

Quand le trio arriva à la hauteur du bâtiment, ils aperçurent deux Mwangis occupés à transporter des balles de tissus depuis une des charrettes à bras vers l'intérieur de l'entrepôt, le tout sous l'oeil attentif d'un troisième Mwangi qui prenait des notes sur un parchemin tendu sur une planchette de bois. Il devait sans doute s'agir d'un des responsables de l'entrepôt.

Hogo hocha la tête aux propos de Tiriji et s'avança vers le mwangi qui prenait des notes sur son parchemin. Arrivé sa sa hauteur, il déclara tout en essayant de se tenir bien droit et de paraître sous son meilleur jour, « Salut... Je viens d'arriver par bateau. Je dois rester un p'tit bout de temps à terre et je cherche un boulot dans le coin... J'suis pas faignant et je sais me montrer utile si on me dit quoi faire... Vous auriez pas une place pour moi en ce moment ? »

Modifié par un utilisateur vendredi 28 octobre 2016 20:32:56(UTC)  | Raison: Non indiquée