Vu l'état de Grigan, il semblait impossible de battre en retraite immédiatement. Fergus s'avança légèrement vers la guenaude.

Et, pendant ce temps-là, Théobald nagea vers le haut pour pouvoir attaquer l'horrible monstre par le haut. Sa position avantageuse et ses invocations à Iomédae attirèrent sur lui le sourire de Desna car son arme s'enfonça profondément dans le flanc de la mégère, lui tirant même un cri de douleur enragée.

Abbaër tenta de nager… mais, une fois de plus, il ne parvint pas à avancer suffisamment. Il se résolut donc d'utiliser son arbalète. À courte distance, il y avait une chance pour que le mécanisme envoie la flèche avec suffisamment de puissance pour que celle-ci blesse la guenaude.

Le carreau fila dans les eaux à une vitesse que la plupart des personnes présentes auraient sans doute qualifiée d'extrêmement lente… mais, malgré tout, il traversa les quelques mètres qui séparaient Abbaër de la guenaude. Distraite par l'attaque de Théobald, cette dernière ne remarqua le carreau qu'en dernière minute et se retourna vers lui…

Le projectile poursuivit son chemin vers la guenaude, comme au ralenti. L'horrible mégère ne se rendit compte que trop tard que le bout métallique du carreau suivait une trajectoire qui le menait en ligne droite vers son œil… celui-là même qu'elle avait utilisé plus tôt pour décocher un regard des plus noirs à Fergus et à Horiadoc. La pointe de métal s'enfonça facilement dans le globe exorbité du visage cauchemardesque et poursuivit son chemin pendant quelques instants. Juste assez pour pénétrer dans le crâne de la guenaude.

Celle-ci eut à peine le temps d'esquiver un mouvement du bras, comme pour tenter d'extraire le projectile de l'orbite dans lequel il s'était enfoncé. La mort la fauche avant que sa main n'atteigne l'empennage du carreau. L'œil déchiqueté par l'impact s'était transformé en une sorte de faisceau de filaments blanchâtres qui flottaient tout autour du corps en bois du projectile. Comme Arrache-peau, Abbaër et Grigan précédemment, le corps de la guenaude flotta lentement jusqu'à adopter une position verticale, balloté au gré des courants profondes du Jeggare.

Si certains disent parfois que la mort donne un visage paisible à tous ceux qu'elle fauche, c'est qu'ils n'ont jamais croisé le chemin d'une guenaude. Malgré son immobilité, les traits de la créature que les aventuriers venaient de vaincre étaient tout sauf paisible. Le masque horrible et effrayant de cette dame des profondeurs l'accompagnerait jusqu'au-delà de la mort…

Horiadoc continuait de voir ses compagnons tourner en tous sens autour de la gueunaude. Il lui fallut un temps encore long avant qu'il ne comprît enfin qu'elle était morte, et que le carreau qui lui dépassait de l'oeil ne faisait en fait pas aprtie de son armement naturel. Il s'approcha alors de Grigan, afin de voir dans quel état était son coéquipier de toujours. « Grigan ? Grigan , ça va ? Tu peux répondre ? » Mais son ami ne répondait pas. En proie à une intense panique, Horiadoc "cria", autant qu'il était possible de le faire sous l'eau :
« Par ici, vite, par ici, y'a Grigan qui se sent pas bien du tout ! Flûte et Bran, comment je vais faire, moi ? Ah là là, là là ! » Il chercha à évaluer la profondeur de la blessure, et à voir s'il parvenait à en réduire l'importance. Certes, il n'était pas doué en médecine, certes, il ne comprenait pas grand chose à ce qui l'entourait, mais il avait encore assez de lucidité pour comprendre que si lui ou quelqu'un n'agissait pas rapidement, son copain ne serait bientôt plus de ce monde.
Rassemblant ses quelques souvenir embrumés des gestes des géruisseurs, avec une efficacité toute relative étant donné les circonstances, il entreprit de comprimer la plaie.

Horiadoc s'approcha de son plus vieux compagnon et tenta de traiter ses blessures. Cependant, le milieu aquatique n'était pas vraiment le meilleur environnement pour tenter de faire cesser des saignements, ni pour apposer dans bandages. Et l'état dans lequel le halfling se trouvait — un état qui semblait persister malgré la mort de l'horrible guenaude — n'aidait pas non plus. C'est avec un certain soulagement qu'il vit Kar'Uz arriver. Le Shoanti avait dans un premier temps répondu à l'appel d'Abbaër mais il s'était rapidement rendu compte qu'il y avait plus urgent que d'examiner la guenaude à la recherche de choses magiques. Les pouvoirs de la mort et de la vie étant intimement reliés, Kar'Uz fit appel à la puissance du Corbeau pour que celui-ci accorde un sursis à Grigan. D'un simple toucher, le Shoanti éloigna la mort du rôdeur chélaxien toujours inconscient.

Une chose était certaine : leurs relations, complexes depuis leur rencontre initiale, avaient fortement évolué depuis le jour où ils s'étaient croisés par hasard quand Kar'Uz avait décidé de venir en aide à un nobliaud molesté par un groupe de vauriens (qui, ils le découvrirent plus tard, avaient été incités à la rébellion par un rat-garou). Une évolution que tous les "ennemis" jamais contraints à combattre côte à côte avaient dû connaître eux aussi sans doute.

Après avoir fait ce qu'il pouvait pour Grigan, Kar'Uz indiqua à Abbaër la pique et les bracelets de la guenaude. Ce dernier s'occupa prestement de détrousser celle qui, finalement, leur avait donner pas mal de difficulté. Puis, conscient que la magie qui leur permettait de respirer sous l'eau ne durerait pas éternellement, le nain se dirigea vers la trappe qui permettait d'accéder aux entrailles de l'épave, une trappe qui, vu la position du navire, ressemblait plutôt à une sorte de porte.

Contrairement à la porte de la cabine du capitaine, la trappe ne produisit aucune résistance. Visiblement, elle avait déjà été ouverte et fermée plusieurs fois depuis l'arrivée du navire sous l'eau. Peut-être même était-ce par là que la guenaude était sortie. Le passage permettait d'accéder à la cale, qui semblait s'étendre sur deux étages. Abbaër remarqua tout d'abord qu'il y avait un trou béant dans le flanc du navire… sans doute était-ce là le résultat du coup de catapulte ou de trébuchet qui avait mis un terme à la course du navire. Dans un second temps, il se rendit compte qu'il y avait des dizaines de débris qui flottaient partout dans la cale.

Il aperçut des morceaux de bois provenant sans doute des poutres ou du plancher, des bouts de tissus de tailles diverses dont certains avaient peut-être été des hamacs autrefois, des parties de barriques détruites qui avaient dû contenir des vivres ou peut-être de l'eau douce, quelques poissons aussi… mais, dans les ténèbres à peine éclairées par les médaillons qu'ils avaient enchantés avant de descendre sous l'eau, Abbaër remarqua également plusieurs objets ressemblant à des petits coffrets de bois. La plupart d'entre eux s'étaient ouverts (sans doute sous le choc du naufrage) mais l'un ou l'autre étaient encore fermés.

Dans le fond de la cale, Abbaër aperçut une porte donnant visiblement vers un compartiment qui devait être situé sous la cabine du capitaine. Il y avait une autre porte située à l'étage inférieur, mais cette dernière, ouverte, menait visiblement à une section secondaire de la cale.

Théobald s'approcha à son tour de la forme flottante de Grigan et invoqua le nom de sa déesse pour combattre les blessures du rôdeur. Une grande partie de celles-ci se refermèrent rapidement et, au bout d'un moment, le Chélaxien sortit de son inconscience. Il n'était pas encore en grande forme mais, au moins, il était vivant.

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Il semblerait que sa requête de se replier dans la cabine ne fasse pas l'unanimité et comme ce dernier combat n'avait pas servi de leçon, voilà qu'Abbaër s'enfonçait déjà seul vers l'inconnu alors qu'il portait encore de profondes stigmates du combat récent. Kar'Uz secoua la tête en une négation suivie d'un profond soupir - Faudra-t-il qu'il y ait l'un d'entre nous qui y reste pour qu'il cesse d'agir comme s'il était seul au monde ?

Allons-y, il ne faut pas se séparer, surtout pas dans l'était où nous sommes : « Grigàn tient à peine debout et Abbaër ne vaut guère mieux. Restons groupés et fouillons cette barcasse. Plus on traîne ici, plus nos chances de remonter s'amenuisent ! » - Il avait mis toute sa rancœur et son ressentiment dans ses paroles qui sonnaient plus comme un sermon qu'une invitation. Comme pour montrer le chemin, il suivit Abbaër dans la cale, préparant un nouveau rituel afin d'être sûr de ne rien manquer.

Détection de la magie, je balaye consciencieusement chaque recoin et s'il y a quelque chose, je l'indique à Abbaër.

Fergus mit bien plus de temps que ses compagnons à pénétrer dans la cale du navire. Son état ne lui permettait pas d'avancer aussi rapidement que les autres membres du groupe car il devait s'arrêter régulièrement pour retrouver son équilibre et parvenir à faire le différence entre le dessous et le dessus. La guenaude n'avait pas réussi à le blesser, mais elle l'avait atteint psychiquement, ce qui pour le moment lui apparaissait pire... Il sentait que si quelque chose de néfaste devait arriver dans la cale, il ne pourrait être d'une très grande aide pour ses amis...

Ce n'est que lorsqu'il eut repris ses esprits, adossé à la paroi du navire qu'il entraperçut Abbaër s'engouffrer par l'une des portes situées à l'autre bout de l'espace. Si quelque chose s'était installé dans ce lieu, le nain serait seul pour l'affronter...

La présence de l'horrible guenaude aquatique près de l'épave et le fait qu'elle avait apparemment décidé de s'approprier les lieux avaient failli coûter la vie à certains des explorateurs… mais tout n'était pas négatif : les autres prédateurs tendaient généralement à éviter les endroits occupés par de telles créatures dangereuses. C'était difficile d'en être certain mais, cela pouvait expliquer en partie la raison pour laquelle il n'y avait plus de griffes des récifs, voire de requins à dents de scie, dans les parages.

Ou, bien sûr, peut-être tous ces prédateurs "mineurs" avaient-ils été attirés au loin (comme Arrache-peau) par le déversement de bouillie de poissons un peu plus loin.

Toujours était-il que Théobald ne repéra aucun nouveau danger dans les parages.

Le chamane laissa de côté pour un court moment les auras de nécromancie auréolant les petits coffrets flottants. Abbaër se dirigeait vers un coffre plus imposant amarré au sol et il le scruta un instant le temps de voir s'il dégageait quelques auras. Ce devait être le trésor de guerre amassé par la guenaude, les objets les plus intéressants du navire devaient s'y trouver, du moins ceux qui paraissaient le plus intéressant aux yeux de la guenaude.

Après s'être assuré de la réponse et l'avoir donnée au nain chauve plus que curieux, il retourna à sa première détection : les coffrets qui flottaient ci et là et pourquoi pas celui qu'Abbaër avait laissé à côté. Il se concentra sur cette aura et tenta d'en déterminer l'enchantement qui en avait été la cause. Il connaissait de nombreux rituels concernant la nécromancie, celui-ci appartenait peut-être à son répertoire... ou pas.

Théobald en voyant les papiers que Abbaër avait sorti du coffre s’était lui aussi rapprocher pour ne rien rater des informations qu’ils pourraient obtenir. Et là ils en avaient deux plus qu’intéressante, le sceau de la ville de Magnimar et l’acheteur du navire, un certain R. Davaulus. L’inquisiteur chercha dans sa mémoire si le nom de l’acheteur et celui du groupe appelé les frères des sept lui disait quelque chose. De toute façon il serait normalement assez aisé par une enquête de retrouver ses personnes.

Leur excursion n’avait pas été veine et malgré le contre temps de la guenaude, il avait trouvé de nombreux éléments qui pouvaient les conforter dans leurs théories.
Maintenant il leur restait encore un pont inférieur à visiter, Thèobald doutait qu’ils y trouvent encore des éléments intéressants, mais puisqu’ils étaient ici, autant ne rien laisser au hasard. Il se dirigea vers la deuxième porte celle qui devait être à l’étage inférieur à l’origine, puis tenta de l’ouvrir.

Les écrits étaient une preuve irréfutable de l'implication de Davaulus et donc de la théorie du complot. Malheureusement, les papiers gorgés d'eau avaient fini de se disperser et par là même de détruire les preuves. Kar'Uz poussa un soupir, la maréchale n'allait pas se contenter de leur seule parole. Davaulus occupait une fonction bien trop importante pour qu'elle puisse l'accuser sans preuve matérielle, mais tout au moins ils avaient maintenant la certitude que les soit-disant médecins de la reine avec leurs masque d'oiseau qui étaient arrivés le jour même de la maladie n'étaient pas arrivés comme par miracle depuis la lointaine Cheliax comme par magie, mais qu'ils avaient préparé depuis fort longtemps leur action maléfique. Il n'était pas compliqué de comprendre ce qu'il s'était passé. Cette chambre avait dû servir à générer la maladie, le Voile Sanglant, sur des sujets comme les membres d'équipage, puis d'enfermer les germes dans des coffrets remplis de pièces qui ensuite propageraient la maladie avec l'avidité des détrousseurs d'épaves. Par après, les médecins auraient beau jeu sous l'excuse de chercher un remède, de copieusement entretenir le fléau qui leur permettrait de contaminer un maximum de korvosiens et d'avoir la main mise totale sur la ville.

Il restait à savoir quel rôle la reine et les vierges grises avaient là dedans : alliées volontaires ou pas de cette sombre mascarade, ce qui était sûr, c'était que ces médecins à la manque répandaient la mort pour leurs simples intérêts personnels et ce n'était pas les desseins de la Dame des Tombes. Seule elle avait le droit de désigner ceux qui allaient comparaître devant elle et Davaulus n'était pas son envoyé. Il répondit aux interrogations de l'inquisiteur - « le docteur Reiner Davaulus est le chef des médecins de la reine, arrivés le jour même où le voile sanglant s'est propagé dans Korvosa. Lui et ses sbires se promènent avec des masque d'oiseau sur la tête, comme celui que j'ai récupéré dans la cabine du capitaine. Ils sont chargés, sous la protection des vierges grises, de faire cesser cette épidémie et de trouver un remède. Pour le moment, le seul succès consiste à avoir laissé un maximum de gens mourir, d'enfermer les contaminés dans un entrepôt transformé en soit-disant hôpital d'urgence pour leur faire je ne sais quoi, mais probablement pour continuer leurs expériences maléfiques et enfin de cloisonner le vieux Korvosa soit-disant source de la maladie afin d'éviter qu'elle ne se répande davantage. J'ai déjà vu Davaulus sous la forme d'un monstre dans les cauchemars que le Corbeau m'envoie, nous savions déjà que c'était un être maléfique, sans en avoir la preuve. Malheureusement, la preuve matériel vient de se dissoudre, mais au moins cela conforte nos certitudes. Il n'est pas le seul agent du mal qui se répand sur la cité, mais il en est un majeur. »

Puis il poursuivit ses détections afin d'éclairer Abbaër sur les objets importants à ne pas laisser de côté, le temps d'en finir avec la fouille du bateau échoué.