Les gardes du tribunal regardèrent revenir le petit groupe avec des yeux ronds. Leur équipage était déjà assez étrange d'ordinaire, mais voilà qu'ils ramenaient en plus un gnome inconscient et ficelé, une partie d'un laboratoire d'alchimie, et une sinistre collection de peau écorchée qui donnèrent la nausée aux deux sentinelles encore éveillées à cette heure particulièrement tardive. Le sergent tiré de son sommeil n'avait visiblement pas l'énergie nécessaire pour argumenter, et accepta sans trop se faire prier de garder Grine en cellule jusqu'à l'audience du lendemain. Ce dernier, au fil du temps, perdait peut à peut de son apparence de gnome. Sous la lumière dansante des torches, il avait l'air de plus en plus sinistre. Sa chevelure rousse tournait au brun sale, et sa peau pâle virait au livide, grisâtre, alors que ses joues se creusaient jusqu'à lui donner un air émacié, cadavérique. Il était toujours inconscient, mais lorsqu'Oparal et Zaonessa l'auscultèrent pour connaître l'origine de cette transformation, elles s'aperçurent qu'il s'agissait d'un sort de déguisement en train de se dissiper. Apparemment, le gnome n'était pas un gnome...De toutes façons, il faudrait attendre avant de l'interroger...d'autant qu'à l'exception du vampire, qui ne souffrait que de la faim, ils étaient tous épuisés et tombaient de sommeil. Même toute la volonté d'Hellaynnae peinait à l'empêcher de s'endormir dans son armure. Si ils voulaient être capable de prendre la défense de la Bête le lendemain, il faudrait un peu de repos. Retournant à l'auberge dans un état de stupeur, ils ne purent que s'écrouler de sommeil, avec à peine l'énergie de se glisser hors de leurs armures.

Lorsqu'ils se rendirent au tribunal tôt le lendemain, la foule avait tout juste commencé à s'assembler. Les visages en colère étaient toujours présent, y compris une bonne partie des émeutiers de la veille. L'audience ne commencerait pas avant une heure, aussi avaient ils le temps d'aller interroger Grine ou la Bête avant la dernière audience durant laquelle le verdict serait rendu.

Un sourire déforma le visage couturé de cicatrices de Grine.
« Je suis certain que vous pourriez trouver seule, mais...Les vôtres nous ont baptisés rampant nocturne. Un terme tout à fait insultant, vous en conviendrez. Quand à votre autre question...je n'en ai pas la moindre idée! Connaissant Vorkstag, quand il a découvert les...conséquences de votre passage en revenant de sa chasse nocturne, il a du prendre la fuite. Si il fait profil bas, vous pouvez abandonner toute idée de le retrouver. Bien sûr, il est aussi possible qu'il décide de régler ses comptes avec vous à la première occasion, qui sait? »

Tout d'abord silencieuse, Hellaynnae regarda et écouta l'échange entre le larbin emprisonné et ses compagnons.
« Ah Grine, ou quelque soit ton nom et ton origine.
Tu crois réellement que ton maître m'impressionne?
S'il a pu terrifier ces pauvres gens, s'en prendre à des enfants innocents ne fait que prouver sa faiblesse.
Qu'il me trouve avant que je le trouve, peu importe.
Car au final, ma lame, et à travers elle, l'Ange rédempteur, le châtiera pour tous les crimes qu'il a commis.
Définitivement. »

Lorsque Hellaynnae parla, Grine s'effondra de rire dans sa cellule.
« Ahahahahahahaha....ahahahah...ahahaha! »

Essoufflé, il fallut plusieurs minutes pour qu'il se ressaisissent.
« Un maître? Je savais que les bigots étaient paranoïaques, mais là! Et des enfants? Vous voulez vraiment me mettre tous les crimes sur le dos, pas vrai? Soyons clairs: Vorkstag et moi sommes des hommes d'affaires. Tous ce que nous avons fait est uniquement pour l'argent. Les villageois de Morast ont une longévité hors du commun...et certains clients sont près à payer une large somme pour pouvoir étudier des organes préservés. Et Sanctuaire...disons qu'un de nos partenaires n'était pas particulièrement coopératif. Les enfants n'ont aucune valeur, pourquoi est ce que nous irions nous en préoccuper? »

Grine s'adossa au mur de la cellule.
« Nous ne sommes pas sûr, mais il doit y avoir quelque chose dans leur régime alimentaire qui leur offre une santé de fer. Les dissections de Vorkstag n'ont pas apporté de réponse définitive, mais il y a plusieurs médecins et chirurgiens qui ont tout de même acheté les cadavres ramenés du cimetière du village. Quant à Sanctuaire...le docteur Brada a cru pouvoir négocier ses tarifs sous prétexte qu'il avait des documents mentionnant nos transactions. Vorkstag n'aime pas le chantage. »

Oparal jeta un regard dubitatif à son amie.
« Euh...sans vouloir avoir l'air présomptueuse...personne n'a la taille nécessaire pour porter ça. Sans mentionner que tu demande à quelqu'un de porter un cadavre écorché. Je pense qu'entre les confessions de Grine et les peaux, on a de quoi convaincre le jury. »

Pendant l'interrogatoire, Radoslav était resté silencieux, dans l'ombre.

Il écouta patiemment ce que le gnome avait à raconter, puis la proposition d'hellaynae, qui le fit grimacer.
Puis il se leva.
« Pourquoi ton "associé" chassait-il cette nuit? Et quelles étaient ses "proies"? »
Il était à la limite de la lumière.
« Pourquoi portait-il ces peaux, à part la grande, qui pouvait servir à accuser la bête?
Nous avons d'ailleurs supposé qu'il s'agissait de Vorkstag grâce à un sort d'agrandissement. Est-ce bien le cas? »
Les yeux rouges fixaient l'interrogé depuis les ombres.

Modifié par un modérateur jeudi 18 décembre 2014 01:04:28(UTC)  | Raison: Non indiquée

L'ambiance à l'intérieur de la Cour était incroyablement tendue. Les gardes avaient déjà du expulsé plus de quatre personnes à cause de diverses altercations, et quelques minutes avant l'entrée des témoins et des juges, le chef de la milice rappela les sanctions pour comportement violent à la salle, et qu'il n'hésiterait pas à dégager la salle en cas de nouveaux incidents. Le public protestait toujours de vive voix, mais plus personne n'en venait aux mains.

Les juges firent leur entrée en même temps que la Bête, qui reçut un déluge d'injures et de haine plus violent encore que les jours précédents. Le juge principal Khard rappela fermement que la foule ne dirigeait pas Lepidstadt, et que la justice suivrait son cour. Il annonça aussi que si qui que ce soit s'abaissait à menacer des membres de la Défense, il ferait en sorte que cette personne soit flagellée, et, si elle tentait de mettre ces menaces à exécution, pendue.

Ce fut à ce moment que Syl'marihil, Radoslav et Hellaynnae remarquèrent un léger détail qui n'était pas là auparavant. Juste sous le balcon des spectateurs, un symbole avait été peint à la peinture noire. Il représentait une pique surmontée d'un crâne.

L'accusation ne fit pas dans la dentelle. Le procureur Otto détailla la version qu'il défendait des évènements de Sanctuaire, comment la Bête, lâchement, incendia l'asile au milieu de la nuit, assassinant ainsi le docteur Brada et ses patients, et mutilant Karl, l'assistant du docteur. Ce dernier, appelé à la barre, confirma avoir vu une large silhouette difforme rôder autour du bâtiment juste avant l'incendie. Malheureusement, sa cécité l'empêchait d'identifier formellement la Bête. Il n'était pas aussi hargneux que les témoins précédents, plutôt tristes, mais il désirait que justice soit faite malgré tout. La foule acclama l’assistant aveugle, et surtout, le procureur, les enjoignant de ne pas avoir de pitié envers le monstre capable de massacrer ainsi des dizaines de personnes sans états d'âmes. Pendant ce temps, la Bête, prisonnière de sa cage, assistait à l'audience sans broncher, agitée d'un léger tremblement.

Après une séance de près de deux heures, le tour des témoins de la Défense arriva enfin. Gustav appela les enquêteurs à la barre pour faire partager au public et au jury leurs découvertes.

« Voilà Grine -la paladine tenait la chaîne reliant les entraves aux chevilles et aux poignets du gnome-, c'est ton moment de gloire. »
Puis Hellaynnae accompagna ou tira voire traîna en fonction de la réaction de Grine... Grine dans la salle d'audience.
Elle s'adressa alors aux sœurs du silence.
« Sœurs du Silence, nous allons interroger cet individu devant les Juges.
Les questions ne demanderont que des réponses positives ou négatives.
Assurez-vous que toute tentative de mensonge soit détectée. »
La paladine enchaîna le gnome à l'anneau prévu à cet effet, et resta juste à côté de lui.
« Comme ma collègue vous l'a détaillé, nous avons petit à petit trouvé un faisceau de preuves pointant vers Vorkstag et Grine, dont certains d'entres vous connaissent peut-être l'échoppe en ville.
Voici Grine, l'assistant de Vorkstag. »
La jeune femme fit du signe de la tête aux Sœurs du Silence.
Et l'interrogatoire commença.
Hellaynnae n'omit aucun détail, aucun élément de leur enquête.
Pour conclure ainsi:
« Malheureusement, Vorkstag était... en chasse au moment où nous avons fouillé sa demeure.
Le vrai coupable échappe encore à la justice des hommes et des dieux.
Mais plus pour longtemps, je vous en fais le serment.
En attendant, ce que vous avez devant vous -La paladine désigna le golem enchaîné- n'est pas la Bête de Lepidstadt.
Ce n'est qu'un golem, innocent de tous les crimes dont il a été accusé.
Sauf celui d'être laid et mal aimé.
Juges, j'en ai terminé. »

Je ne pose que des questions dont la réponse est oui ou non.
Et je reprend chaque point de nos découvertes ainsi que les aveux de Grine dans la cellule.

• Diplomatie : 1d20+10 donne [6] + 10 = 16