« J'ai l'impression que nous avons visité chaque aile et rencontré chacun des esprits que nous étions sensés affronter... Nous pouvons y aller je pense. »

Théo était un brin mal-à-l'aise quant-à l'usage qui avait été fait de l'insigne mais comme personne ne semblait décidé à expliquer l'affaire au fantôme de Vesoriana, la roublarde s'y risqua sans toutefois donner de détails.

« En effet, nous l'avons trouvé, attendez, il doit être quelque part par ici... Veuillez accepter ma sympathie, Madame. »

Je suis en train de présenter mes condoléances à... un fantôme... Je crois qu'il faut vraiment que je sorte d'ici et que je me repose...

« Vous avez fait bien plus que votre part, c'est mon rôle désormais que d'apporter un peu de repos à ces lieux... »

Verosianna tendit le bras vers l'insigne tendue par Théodechilde, la main éthérée saisit l'objet comme si elle était physiquement présente. Un frisson parcourut l'échine de la roublarde lors du bref instant où les deux mains tenaient encore l'objet, traduction charnelle du pouvoir symbolique dont cet objet était porteur ?

Un rictus de douleur et de chagrin traversa son visage - Théo était convaincue qu'à cet instant, elle eut la terrible connaissance du destin de son mari.



Sans se départir de sa souffrance, elle adopta une posture respectueuse - presque religieuse. Elle tint l'insigne de deux mains et ferma les yeux. Une douce et très discrète lumière bleutée émana de l'esprit mélancolique. Ce halo semblait ignorer tout obstacle physique, il se diffusa au travers des murs froids de la prison puis sembla s'immobiliser après un long moment. Le visage de Verosianna se durcit et tel un ultime acte d'autorité, le repos fut décrété. L'air terrible de cette femme éclipsa l'insigne ... une question germa dans certains esprits : était-il vraiment nécessaire ?

Les esprits des morts entamèrent une marche. Les gardes allèrent s'installer dans les postes de garde. Ils remirent en place les chaises et s'assirent en silence. Les prisonniers regagnèrent leur cellule. Des grincements de porte se firent entendre, ils restèrent debout, attendant la délivrance avec crainte et impatience. Aux côtés de Verosianna, deux silhouettes familières sa matérialisèrent un bref instant. Orlanth et Thompson firent un dernier salut avant de s'éclipser.

Chaque parcelle de haine, de terreur et de peur laissa place à un apaisement bienfaisant. Chacun des esprits quitta le royaume des vivants et gagna la place qui devait être la sienne, auprès du Saint jugement de Pharasma.

Une larme coula le long de la joue de Verosianna puis alla s'éclater sur les froids pavés de la prison.

« Cher époux, vous reverrais-je un jour ? »

Un rai de lumière perça la fenêtre auquel elle tournait le dos. Une pure lumière nimba son corps qui sembla reprendre une légère consistance. Un simple éblouissement fit cligner les paupières des vivants et Verosianna s'évanouit brutalement. Comme émergents d'un rêve, les héritiers de Lorrimor restaient sonnés par ce qu'ils venaient de vivre.

Seule restait l'austère réalité minérale des murs de Roctourment. L'insigne gisait au sol et brillait à l'aune d'un éclat de lumière.

Le vide emplissait bien souvent l'espace suivant un grand accomplissement et c'est là ce qui arriva à Isolde lorsque le groupe eut vaincu le dernier des cinq et qu'elle comprit que Vesorianna serait en mesure de rendre à Roctourment sa quiétude. Peu à peu ce vide se remplissait par une étrange sensation. Serait-ce de la fierté ? N'en déplaisent à ses détracteurs qui la trouvaient hautaine, la jeune femme, aussi loin qu'elle s'en souvinsse, n'avait jamais ressenti une telle chose. Son intelligence supérieure lui permettait d'aboutir à des raisonnements interdits à d'autres, mais cela ne lui donnait aucune fierté. Elle leur était supérieure par naissance et par culture. Aujourd'hui, elle avait accompli ce qu'elle n'était pas obligée de faire. C'était un choix. Cette pensée la fit sourire tandis que Vesorianna saisissait l'insigne.

La remise en place de la prison puis la disparition des esprits qui la hantait n'arrachèrent aucune expression à la magicienne. Elle dût cependant retenir un sanglot lorsque Vesorianna marqua sa détresse. Les amants maudits et les destins contrariés avaient toujours eu raison de sa carapace. Pour cacher son émoi, elle ramassa l'insigne, gage de leur passage et de leur réussite, avant de se diriger vers Ravengro en silence.

effets actifs : armure de mage (3 h), BM