« Merci pour toutes ces informations. » dit Selim en ignorant l'invective du druide. Son regard était porté principalement vers Véolia.

« Tout cela est très intéressant. J'imagine, si nous devons prétendre agir comme une garde personnelle, qu'il nous faudra une sorte d'uniforme commun comme les cagoulés que nous avons rencontrés jusqu'ici. Pourquoi ne pas nous procurer d'amples capes blanches par exemple ? Elles donneraient une unité visuelle à notre groupe pendant le conseil et nous permettraient de reprendre notre apparence normale rapidement en cas de besoin.

Après avoir étudié les lieux, j'ai établi une petite liste de ce dont j'aurais besoin pour effectuer des réparations de fortune pour sécuriser l'église. Je voudrais combler deux brèches en particulier : celle de la grande porte et celle du toit. Pour cela, il me faudrait un système de palan avec une poulie triple d'un diamètre de 30 cm et un filet de pèches assez résistant, d'un diamètre d'une demi douzaine de mètres, pour recouvrir la brèche au niveau du dôme. Je pense qu'on peut trouver tout ça au port. Il faudra également passer à une quincaillerie ou un ferrailleur pour acheter quelques clochettes pour donner l'alerte en cas de tentative de passage par le toit.

Comment voulez-vous procéder ? Je ne connais pas Bourg, je ne sais pas comment je serai accueilli si j'essaie de me procurer ce matériel seul. L'un d'entre vous pourrait-il m'aider ?

Il me faudra également des bras pour les réparations en tant que tel. Ylvian pourrait m'aider à soulever suffisamment la grande porte pour l'attacher à la poulie. Il faudra également installer le filet sur le toit. Je pourrai m'occuper de renforcer le reste de la sécurité seul. Il serait par exemple intéressant de mettre en place un léger système permettant d'éviter que trop de personnes ne puissent entrer trop vite simultanément.

Véolia, en tant que nouvelle chapelaine, m'autorisez-vous à apporter ces modifications de fortune à ce lieu saint ? Je vous garantis qu'elles seront réversibles lorsque nous aurons davantage de temps et de ressources pour une restauration complète. »

Le soldat garda le regard sur la chapelaine pendant quelques instants puis il se mit à fouiller dans son sac, pour en sortir différents outils (un marteau, un pied de biche et d'autres objets métalliques semblables), ainsi que 2 épaisses pointes de fer, qu'il déposa au sol. Il écarta également rapidement sa cape sombre pour en extraire un curieux petit sac de jute qu'il déposa également à ses pieds.

Modifié par un utilisateur vendredi 5 octobre 2012 13:23:48(UTC)  | Raison: Non indiquée

Le groupe enfin réuni commençait à s’organiser. Les nouveaux arrivants se présentèrent au noyau dur des anciens qui à son tour fut présenté par Véolia. Sélim arrivait de la compagnie des soldats-forestiers d’Arbenfield, ceux-là même qui semaient la terreur sous le nom de rapaces, les brigands qui rendaient les routes peu fréquentables et qui avaient pour mission de couper tout ravitaillement et toute communication possible entre le village de Khelgür, Bourg, le château du baron et les troupes du baron lui-même à la frontière Est. Leur mission était jusqu’alors une totale réussite sans l’arrivée d’un groupe de maraudeurs orques qui a durcit l’action des rapaces en massacrant les villageois. Ce qui était à l’origine une mission de guerre devenait un massacre sanglant et barbare bien loin des codes habituels des conflits. Cet évènement avait poussé une partie de la compagnie à douter de leur mission et un groupe avait même fait sécession pour venir en aide au village de Khelgür. C’est à ce moment que le groupe les rencontrait et une alliance a pu se réaliser avec le groupe rebelle puis avec toute la compagnie une fois libérés des maraudeurs orques et leur chamane terrifiant, mais surtout une fois libérés du joug de Varnilan le vil sorcier tieffelin et disciple de Morggedhon le noir.

Denmel quant à lui était le fils du capitaine Rhidan Tangletorn, l’ancien sénéchal du baron qui devait succéder au père Olwyn Rafenor, l’ancien chapelain, à la régence du château. Mais le capitaine avait été retrouvé mort atrocement mutilé et éventré dans les ruines fumantes des écuries du château. Il semblerait qu’il ait fait l’objet d’un rituel démoniaque qui a eu pour but d’introduire une puissance maléfique au ceint même de la forteresse. Le garçon décuries, Josh, était l’instrument physique qui empoisonnait la Garde et le régent, ce qui aurait pu sans l’intervention du groupe de héros, faire tomber toutes les défenses du château et le rendre vulnérable. Le capitaine devait pressentir qu’il se passait quelque chose avant d’être victime du rituel, il avait envoyé une lettre à son fils pour l’appeler à l’aide. Denmel était donc venu, trop tard pour sauver son père, mais pas pour le venger ou plutôt comprendre ce qu’il s’était passé. Car même si son cœur était guidé par la vengeance, cela ne ramènerait pas son père, le mal était fait, mais ce mal ne devait pas faire d’autres victimes.

Aujourd’hui, le combat contre le Mal se poursuivait. Khelgür avait été libéré de la menace gobeline, les routes avaient été libérées de la menace brigande, le château avait été sauvé de l’empoisonnement et libéré du Mal qui y avait été introduit. Maintenant il fallait libérer Bourg du joug du Masque, un baron du crime qui avait asservi toute la ville aussi bien en surface que dans les égouts. Sa tyrannie devenait invivable même pour les voleurs et les traînes-ruisseaux qui devaient le servir aveuglément tels des esclaves. Un thaumaturge de l’ombre leur avait proposé une solution pour faire tomber le Masque, celle-ci était une faible ouverture et comportait de très grands risques, mais à priori il n’y avait guère d’autres solutions pour pouvoir l’approcher et ils n’avaient qu’une courte journée pour s’y préparer. Il y avait encore beaucoup à faire, sécuriser l’église ruinée étant la priorité afin de pouvoir passer la nuit, il faudra encore déterminer qui composera le groupe qui ira s’infiltrer dans les égouts pour s’attaquer au Masque, qui restera pour protéger l’église afin qu’elle devienne le refuge de ceux qui ne veulent plus subir le joug de l’oppresseur, mais aussi il faudra que ceux qui iront affronter le Masque soient prêts et pour cela il leur fallait maîtriser pour certains, un exercice mental difficile et enfin il était temps que Nadya puisse contrôler son pouvoir et l’utiliser.

Frédrigo Tampoli, le coureur de jupons de Magnimar, charmeur et beau parleur prit en main la formation de la jeune citadine, gosse des rues, traîne-ruisseau comme ils s’appellent eux-mêmes, accablée par la perte récente de son ami et amour d’enfance, Armine, l’ancien compagnon du groupe. Mais il était difficile au maître improvisé d’expliquer à Nadya comment contrôler ses pouvoirs lorsque soi-même on n’avait guère eu de maître en la matière et lorsque peut-être, le charmeur qu’il était regardait plus les formes gracieuses et félines de la jeune femme lorsqu’elle s’échauffait en quelques exercices d’assouplissement pour mieux se concentrer. Il comprit seulement que les émotions guidaient Nadya et si par le passé la peur lui avait permis de déclencher certains pouvoirs, celle-ci semblait aussi la bloquer dans cet exercice qu’elle tentait pour avoir le contrôle sur son pouvoir. En retrait, Erik s’exerçait à masquer son aura comme le Mage Noir le leur avait révélé, mais il regardait aussi avec un vif intérêt les tentatives de Frédrigo et Nadya. L’adepte de Néthys, l’Œil-Qui-Voit-Tout, le dieu de la magie et des mystères, était toujours aussi obnubilé par le pouvoir et sa maîtrise et il avait peut-être son idée sur la question. Il avait fréquenté pendant presque 8 ans le Temple-Bibliothèque de Magnimar, là où était renfermé tout le savoir de la Varisie ainsi que les écrits sur la magie ancienne comme les runes de Thassilon, il savait qu’il y avait des pouvoirs bien plus grands et puissants que la magie qu’utilisaient Frédrigo et Zaël, aussi les bases que devaient maîtriser Nadya étaient élémentaires, selon lui. Elle devait acquérir le contrôle et savoir masquer son aura ou elle n’irait pas combattre le Masque, ce n’était pas plus compliqué que ça.

L’aîné des Mercant s’approcha du duo. De sa voix toujours aussi aimable proche du glacial il s’adressa à eux – « Pousses-toi Tampoli ! Et arrête de lui reluquer les fesses ! Va te concentrer ailleurs !.. Nadya… C’est très simple. Soit tu y arrives, soit tu renonces. Si tu renonces, tu seras comme tous ces bouseux de Bourg. C’est parce qu’ils ont tous baissé les bras qu’un type comme ce Masque arrive à tyranniser toute une ville. C’est comme à Khelgür. C’est parce qu’ils ont tous baissé les bras qu’un abruti comme Marciàn arrive à rester leur chef et à les traiter comme des moins que rien. D’après ce que j’ai entendu dire sur vous, Armine et toi, c’est que vous étiez loin d’être des enfants de chœur et que votre esprit rebelle, votre hargne et votre volonté de survivre ont fait de vous des teignes incontrôlables. Armine nous a raconté son histoire, vous avez par le passé fréquemment eu affaire à ce Sandro, un petit caïd des rues. Aujourd’hui c’est tout juste s’il ne te fait pas peur. Alors quoi ! Tu baisses les bras ? C’est ça la petite peste, la teigne que tous les honnêtes gens redoutaient jadis ? Tu serais tombée sur moi, une bonne paire de claques semblerait suffire à te moucher. Reprends-toi ! T’es une terreur dans les ruelles de Bourg, personne ne vaut mieux que toi, Armine était peut-être ton héros et un modèle, aujourd’hui c’est toi, ces voyous ne sont pas plus fort que toi, ces cagoulés ne sont pas plus fort que toi et le Masque tombera lui aussi parce que nous allons nous battre contre lui. Des gens comme lui gagnent parce que personne n’ose les affronter, nous allons les affronter et tu vas reprendre possession des rues de ta ville. Tu dis que ton pouvoir c’est comme une tempête, alors ce n’est pas la peur qui va te permettre de le contrôler, mais la colère. Lorsque tu seras suffisamment en colère alors tu auras le contrôle car ce n’est pas la peur qui t’a permis jusqu’à maintenant de déclencher certains de tes pouvoirs, mais ton esprit rebelle dans un instinct de survie. Alors maintenant s’il faut que je te provoque, que je te bouscule, que je te pousse jusqu’à tes derniers retranchements, que je te fasse peur pour qu’instinctivement tu aies envie de survivre, tu peux compter sur moi, je vais pas te lâcher et te faire vivre un enfer jusqu’à ce que tu y arrives. Si tu échoues, ce n’est même pas la peine d’envisager d’aller dans les égouts demain soir ! C’est clair gamine ! »

Pendant qu’Erik bousculait Nadya pour la faire réagir, Frédrigo s’était écarté, dans un premier temps surpris par l’intervention de l’aîné des Mercant. Il allait revenir à la charge lorsqu’une voix l’interpela. Il se concentra sur celle-ci, l’appel semblait lointain, comme la première fois, puis il visualisa l’image de Zaël penché vers lui. L’image tremblotait, comme s’il y avait de l’eau claire entre eux. Mais finalement la voix lui parvint plus nette et plus forte – « Frédrigo… Fréd… C’est Zaël… Tu m’entends ? Si tu m’entends fais-moi un signe » – Le nouveau Mage de la Tour Blanche répétait ces mots depuis peut-être un bon moment. Encore une fois, le Sieur Tampoli répondit à voix haute tandis que la voix de Zaël ne résonnait que dans sa tête – « Oui je t’entends Zaël. Tu as trouvé quelque chose ? » – L’image du magicien disparut dans l’esprit du beau parleur, mais la voix retentit de nouveau – « Écoutes et racontes leur. J’ai quelques informations sur ce Masque. D’après ce que tu m’as décrit, je crois qu’il se sert d’une magie démoniste. Il allie la sorcellerie et la nécromancie. Il suffit qu’il ait goutté une goutte de ton sang pour pouvoir contrôler ton corps et faire coercition dans ton esprit. Si vous vous êtes battus contre ses agents et que vous avez été blessés, récupérez toutes les armes, ne laissez pas de traces de votre sang. S’il le trouve et qu’il le goute, il peut vous posséder. D’après ce que j’ai lu, il peut contrôler plusieurs personnes à la fois et interagir physiquement sur eux si ses victimes sont liées à lui par une bague de sang ou un objet similaire qu’elles portent sur elles. Ces démonistes s’appellent les mages de sang et ses victimes sont ses esclaves. Il peut se servir d’eux pour régénérer son pouvoir, il peut voir et entendre tout ce que voient et entendent ses esclaves, il peut contrôler leur esprit et… Les tuer à distance, simplement en restant chez lui. Cette ombre de la mort dont tu m’as parlé, il devait avoir une bague de sang, une dent creuse, un talisman, une boucle d’oreille, quelque chose ressemblant à un rubis sanglant, en fait du verre renfermant le sang de son esclave et le sien. Si tu brises cet objet, tu brises le lien entre l’esclave et le maître. Enfin, son pouvoir est nettement supérieur au nôtre. Il domine ses victimes par des attaques mentales, si tu ne sais pas fermer ton esprit, tu ne peux rien faire. Je cherche un moyen pour vous protéger contre ça, mais à part un gros effort de volonté, pour l’instant je ne vois pas. Je te recontacte dès que je trouve quelque chose. » - La voix se tut quelques instants. Frédrigo raconta à l’héritier le la Tour Blanche leurs aventures depuis leur dernier contact, le combat à l’église, la poursuite de Sandro et surtout les révélations du Mage Noir, concernant leurs auras. Zaël promit de chercher aussi des informations à ce sujet afin de les aider dans leur quête. Il raconta aussi que la Tour étant proche du front Est, la zone était devenue peu sûre - « J’ai envoyé Keldrim pour porter un message au baron. Il est revenu après s’être battu contre des Gnolls. Il y a plusieurs groupes d’humanoïdes en maraude qui attaquent le baron par derrière. Il semblerait que le seigneur Branwald se soit allié avec eux, enfin Darkhell son conseiller, pour obtenir rapidement la victoire. Du coup le baron est coincé sur le mur en construction entre les troupes du seigneur voisin qui l’attaquent de front et les groupes d’humanoïdes en maraude qui descendent des Monts Rouges pour l’attaquer par le Nord ou font le tour pour le surprendre par derrière. Keldrim fait ce qu’il peut pour les retarder. Scratus est venu le rejoindre. Mais je ne sais pas combien de temps ils pourront tenir. Dès que vous aurez fait tomber le Masque, venez aussi vite que vous pourrez. »

De leur côté, Denmel, Ylvian et Sélim prenaient en charge la protection de l’église. Le soldat-forestier avait établi une liste de courses pour pouvoir dans un premier temps tenter de remettre le battant coincé de la grande porte en position fermé et d’une autre part encombrer le passage laissé par le trou béant du dôme brisé. Les frères Ridan et Eldas se proposèrent bien évidemment pour aller trouver les objets commandés, ce à quoi Ylvian répondit que cela était trop risqué pour eux et donc qu’il était hors de question de les laisser partir avec la menace du Masque sur leurs épaules. Après tout les deux frères traine-ruisseaux étaient recherchés activement par la bande à Sandro, voire tous les gosses des rues de Bourg. Il fallait donc quelqu’un pour les protéger et comme Sélim était le commanditaire, il était tout désigné pour effectuer cette tâche. Les frères protestèrent bien entendu – « Mais l’Sandro l’es en disgrâce maint’nant qui vous a raté. Y va pas nous chercher des noises là, il peut pas. Et puis à c’t’heure, j’vois pas où qu’vous allez trouver une boutique, surtout qu’c’est l’Masque qu’ les contrôlent toutes. Et puis nous on sait où aller chercher. Y’a un gars qui nous doit un service. C’est comme ça qu’ça marche dans la rue. On s’rend des services quand on peut pas payer. Bon faudra y laisser quelqu’chose pour les objets mais au moins il trouvera c’qu’il faut. Mais faut vous pouvez pas v’nir avec nous, ça nous r’tarderait et il s’méfierait. » – Après une âpre discussion entre les deux frères traîne-ruisseau et le cadet des Mercant, ce dernier décida que Denmel et Sélim les suivraient à distance afin de venir à leur aide au cas où. Ils étaient discrets, rapides et aguerris et ils devaient être deux pour se protéger l’un l’autre. Quant à lui il assurerait seul la défense de l’église en attendant – « Denmel, Sélim, j’ai confiance en vous, ramenez les entiers. On ne les a pas sorti des griffes des sbires du Masque pour les rejeter dedans.  »

Modifié par un utilisateur dimanche 7 octobre 2012 14:31:39(UTC)  | Raison: Non indiquée

« Bien, mettons-nous en route. » dit simplement Selim, reprenant son air laconique habituel.

Une fois sorti de la cathédrale, il s'arrêta une seconde pour jeter un regard solennel au fils du capitaine « Mes condoléances pour votre père, Denmel. » avant de porter de nouveau toute son attention sur les deux gamins comme s'il ne s'était rien passé.

Modifié par un utilisateur mardi 9 octobre 2012 11:37:11(UTC)  | Raison: Non indiquée

Il était évident dans le regard de Nadya qu'elle prenait très mal les réflexions du Prêtre.
Que savait-il de vivre dans la rue, du jour au jour, toujours à fuir ceux qui étaient plus fort et se cacher du guet.
Ils n'avaient jamais été les gros bras des ruelles, ils avaient survécu parce qu'ils avaient étés plus malin, et non pas plus fort.
« Donc en gros apprendre la magie ça se fait en un claquement de doigt? C'est juste que je suis trop idiote et que je ne sert à rien, eh bien si je ne suis pas digne, je ne vois pas pourquoi tu gaspilles ton temps avec une traine-ruisseau comme moi. »
Furieuse, elle tourna les talons et s'installa plus loin. Puis elle se dit: Après tout qu'importe, si cette tempête me tue je retrouverai Armine...
Elle se reconcentra et tenta à nouveau la méthode de Zael...

Elle n'avait aucune idée si cette fois, cela avait fonctionné, mais furieuse, elle attrapa un bout de ce tourbillon de tempête et toujours furieuse le balança contre un débris qui traina non loin, pour ne pas être tenté de le balancer contre Eric.

Modifié par un utilisateur mardi 9 octobre 2012 13:53:02(UTC)  | Raison: Non indiquée

Les frères coureurs, Ridan et Eldas, sortirent avec prudence de l’église. Après avoir observé quelques instants les alentours dans la pénombre du porche au niveau de l’entrée, ils partirent en courant pour traverser la place et venir trouver refuge dans l’ombre des ruelles les plus proches. Puis ils s’immobilisèrent de nouveau le temps d’observer et firent signe à leurs deux nounous protectrices de venir. Denmel, le rapide et Sélim le chasseur quittèrent à leur tour les murs de l’église. Puis une sorte de course s’engagea dans les rues de Bourg. Les deux hommes ne poursuivaient pas les deux enfants, même si la situation vue d’un œil extérieur pouvait ainsi l’interpréter, ils gardaient simplement une distance respectueuse en essayant d’une part de ne pas les gêner dans leur progression et d’une autre part de ne pas les perdre de vue. Il fallait qu’ils puissent intervenir en un instant si jamais un problème survenait. Mais l’exercice n’était pas non plus des plus aisés. Si les adultes compensaient par leur taille et leurs grandes enjambées, les deux enfants coureurs connaissaient le terrain, ils étaient rapides et agiles aussi et ne perdaient pas de temps à voir si leurs protecteurs gardaient la distance. Denmel compensa par sa rapidité et il parvint sans trop de difficulté à ne pas être semé. Sélim quant à lui avait un équipement un peu plus encombrant, le guerrier était habitué à évoluer en milieu forestier et à avoir une certaine aisance, mais là il dut serrer les dents et faire confiance à son instinct pour rester aux aguets. Il n’avait pas vraiment le temps de regarder aux alentours et la prudence fut mise à défaut en de nombreuses occasions.

Mais par cette nuit venteuse, pluvieuse et sombre, les voyous semblaient avoir déserté les toits qui devaient être trop dangereux pour de la voltige, les ruelles restaient plutôt calmes, malgré parfois quelques ombres furtives qui ne se montrèrent pas pour leur barrer le chemin. Les deux coureurs étaient du milieu, ils ne couraient pas vraiment de risques hormis de tomber sur une bande sans cervelle qui avait plaisir à maltraiter quiconque pour se donner de l’importance, mais la présence des deux adultes était beaucoup plus perturbante, sans compter les armes de guerre apparentes que portait le soldat-forestier. Il fallait déjà être beaucoup plus audacieux pour oser affronter des personnes aguerries, d’autant plus que la nouvelle de la défaite de Sandro avait due déjà se répandre comme une traînée de poudre. Le quatuor arriva sans encombre aux quais du Grand Bac près de la capitainerie. Sélim savait qu’ils n’étaient pas passés inaperçus, mais au moins de par leur présence ils avaient dissuadé toute tentative hostile. Peut-être qu’une bande se rassemblerait quelque part pour leur tendre une embuscade. Les voyous se sentaient forts et audacieux quand ils étaient nombreux, encore fallait-il qu’ils en aient reçu l’ordre. Car à priori, même si les traines-ruisseaux et les faces d’égouts appartenaient à deux catégories de voyous, ils obéissaient tous pour le moment au Masque et ce dernier avait une grosse dent contre eux. Combien de temps pour qu’il organise quelque chose ? Cela pouvait être rapide surtout avec leur réseau de communication et tous les petits groupes disséminés partout dans la ville, autant de forces de frappes prêtes à agir sur ordre, de façon plus ou moins subtile… L’assaut frontal en force avait échoué, il y avait fort à parier que cette fois, la prochaine tentative si elle avait lieue serait beaucoup plus sournoise.

Pendant ce temps, les garçons se dirigèrent dans la rue de la capitainerie, celle-là même où Frédrigo, Erik et Véolia se firent attaquer, celle-là même où se trouvait une ruelle parallèle qui menait à la maison abandonnée. Sélim se dit que décidément, il aurait mieux fait de rester dans les parages. En moins d’une heure, il en était à son troisième voyage vers ce quartier. Les coureurs longèrent les maisons bordées d’arcades formant un passage sombre et discret puis s’arrêtèrent à hauteur d’une porte devant une façade de vieille maison sans grande particularité. Un simple enseigne s’agitait aux vents, suspendue à deux chaines en fer. La plaque en bois avait la forme d’une coque de bateau de pêche et des lettres y étaient peintes. Le bois était délavé par les intempéries et la peinture en grande partie effacée. Le propriétaire semblait ne pas avoir fait d’effort pour l’entretenir si bien qu’il devenait difficile de savoir ce qu’il y avait d’inscrit à l’origine. Peut-être qu’une étude de près et approfondie permettrait de remettre à jour la représentation ou le nom qui y était à l’origine, mais à cette heure tardive de la nuit ils avaient autre chose à faire. L’aîné des garçons s’approcha de Sélim et parla à voix basse la main en paravent devant la bouche pour masquer la lecture sur les lèvres ou comme s’il voulait diriger le son uniquement vers l’oreille du soldat – « Bon, l’vieux Gus-jambe-de-bois il m’doit comme qui dirait un p’tit service. Alors ça veut dire qu’il va bien vouloir m’vendre c’que j’vais lui d’mander, mais ça veut dire qu’il faut lui laisser quelqu’chose, sinon c’est moi qui vais lui d’voir un service après. Alors tu nveux quoi au juste et t’as combien pour l’payer ? »




Pendant que Frédrigo racontait ce que venait de lui révéler Zaël, Erik avait poussé Nadya à réagir. Celle-ci se renfrogna comme l’avait provoqué le prêtre de Néthys et elle alla se réfugier dans un coin, laissant monter la colère, elle retenta l’exercice de Zaël. Mais si la colère ne lui permettait pas de se concentrer efficacement, elle toucha cette fois quelque chose et dans un geste agacé elle envoya un petit éclair bleuté qui partit de sa main pour venir frapper le sol devant elle. A la fois surprise et impressionnée, elle mit un bon miment avant de comprendre que c’était elle qui était à l’origine du phénomène. La colère lui avait permis de passer outre la peur qu’elle ressentait en approchant sa tempête intérieure. Cette fois lorsqu’elle l’avait visualisée, laissant sa colère en même temps éclater, c’était une véritable furie qu’elle voyait, mais elle n’avait pas eu peur, elle était résolue, déterminée même à en finir si ça devait la tuer. Alors elle avait approché la main et elle avait senti l’énergie l’envahir. Certes elle n’avait pas réussi à se contrôler ni à rester concentré tellement elle avait été surprise, aussi elle avait aussitôt tenté de sortir de la pièce, de fermer brusquement la visualisation qu’elle avait d’elle-même, et elle avait réellement déchargé cette énergie qu’elle avait saisie.

Nadya regarda aux alentours pour voir sui Frédrigo l’avait vue, mais celui-ci racontait l’expérience mentale qu’il venait d’avoir. Paer contre Erik était là, debout non loin et la regardait avec son visage taciturne et son regard plein d’amertume. Sa voix glaciale résonna encore – « Non ça ne s’apprend pas en un claquement de doigts ! C’est juste que tu fais fausse route. Ce sont tes sentiments qui te permettent de toucher à ta magie, mais tu en as peur et c’est pourquoi tu n’y arrives pas. Sous la colère tu as réussi à faire quelque chose, parce que la colère rend imprudent et donc tu n’avais pas peur. Le monde n’a pas de place pour les faibles. Alors soit tu deviens une tigresse et alors ta rage te permettra d’être redoutable, soit tu renonces et c’est toi qui sera mangée. Et là oui tu seras une idiote. Ne crois pas que tu es là seule à avoir des blessures et une vie difficile. Nous avons eu une histoire dramatique et nous avons survécu parce qu’on n’a pas voulu céder à la facilité, au désespoir et à la tentation de baisser les bras. On se bat depuis ce temps et j’ai décidé de ne pas avoir de sentiments depuis ce qu’il s’est passé jadis. Le monde n’a pas de place pour ceux qui se laissent dominer par les sentiments, celui qui a le pouvoir de vaincre ne craint plus rien. Et je ferai tout pour avoir un jour ce pouvoir quoi qu’il en coûte. Toi tu as un don, alors apprends à t’en servir et arrête de pleurnicher ! »

Tandis que la voix de l’aîné résonnait encore, Véolia s’occupait de Ferrèol bien mal en point. Pour le poison elle ne pouvait pas grand-chose, le mal était fait, mais avec des soins, elle pouvait l’aider à résister et à guérir au plus vite. Tout d’abord elle fit appel aux grâces de Sarenraé afin de soigner les profondes et vilaines blessures dont le jeune druide faisait l’objet. Par après, il concocta une tisane avec quelques herbes qu’il avait ramassées dans le bois près du château, cela lui permettrait de combattre la contamination en plus des soins reçus. Après une bonne nuit de sommeil, il était probable qu’il n’en paraîtrait plus. Du reste il était très fatigué et il aurait bien tout donné pour être sur un bon tapis de verdure à l’ombre d’un vieux chêne, plutôt que sur cette table de pierre froide de la salle des soins du dispensaire. Finalement son corps avait résisté au poison même s’il en gardait des séquelles, séquelles qui disparaîtraient avec le temps, il le savait et il faisait tout pour que ce temps soit le plus court possible. Les soins de la prêtresse et sa préparation en seraient les éléments essentiels.

Eldas et Ridan écoutèrent avec attention la commande du soldat-forestier. Ce dernier tout en énumérant les articles comptabilisa la somme qu'il devrait débourser. L'Arbenfield n'était pas une nation de pêcheurs et de marins mais d'éleveurs, cultivateurs et montagnards, par ailleurs Bourg était une ville en bordure de la Grande Rivière de Velashu et non pas une ville côtière qui bordait la mer ou l'océan, les articles qu'elle devait posséder devaient concerner de petits gréements et non pas de gros navires de pêche, de commerce ou même de piraterie. Mais les enfants semblaient ne pas avoir ce sens de la réalité, il acquiescèrent puis entrèrent dans la maison après avoir crocheté la porte sans vraiment de difficulté. La simple serrure n'avait opposé aucune résistance.

Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que les deux gosses des rues ne reviennent. Ils avaient les mains vides mais ils avaient visiblement trouvé quelque chose. L'aîné tendit la main vers Sélim comme pour réclamer l’aumône - « L'vieux boiteux il dit qu'c'est des gros articles et qu'il a pas tout ça. Mais y connait p'têtr' quelqu'un mais faut lui donner un p'tit quelqu'chose pour qui s'rapelle qui. Ha et puis il a quelques grelots aussi si jamais vous arrivez à trouver fortune. »

Dans son calcul mental, Sélim était parvenu à une somme faramineuse. Notamment, rien qu'un petit filet de pêche était déjà assez onéreux, mais le palan représentait probablement une grosse somme compte tenu de la taille qu'il voulait. Rien que ces deux articles pouvaient coûter plusieurs dizaines de pièces d'or ! Selon lui...

Voir la liste des équipements.

Modifié par un utilisateur vendredi 12 octobre 2012 17:41:51(UTC)  | Raison: Rajout d'un lien

Eldas prit les pièces et disparut rapidement dans la maison. Il revint quelques minutes plus tard avec un air renfrogné – « Oh quel boulet ! J’vais à la pêche, il m’doit un service et y m’r’file d’la cam ! En plus y’a un Hic… J’suis r’monté contre lui là ! » – Le coureur ne rigolait pas et serrait les poings – « On va aux quais. L’a dit qu’un jeune pêcheur l’est v’nu c’ tantôt pour prendre du matériel pour réparer un grand filet d’pêche. L’es encore à quai. Le Hic c’est qui faut passer les poternes. Et elles sont gardées en permanence par des vigiles. Y’en a qu’on connait mais de c’temps on est r’cherché l’frangin et moi. Et les vigiles ils voudront pas prendre la raclée qu’on a eu par les Faces d’égouts. C’est qu’il rigole pas l’Masque ! Enfin y’a quand même moyen d’passer mais c’est chaud. Et pis après avec la camelote ça va être encore plus dur. Vous en pensez quoi M’sieur ? »

La réponse du soldat-forestier surprit les jeunes coureurs. Mais l'aîné ne se démonta pas une fois la surprise passée - « Ha oui les grelots... Pour l' coup j'avais oublié. J'étais tellement monté contre l"vieux boiteux qu'ça ma sorti d'la tête. Viens Ridan on va aller s' servir, ça s'ra ben fait pour lui. Vous en faite pas m'sieur on vous ramène ça ! » - Et sur le champ, les deux gosses des rues entrèrent de nouveau dans la maison du négociant. Moins d'une minute plus tard, plusieurs bruits sourds comme du bois qui frappe quelque chose et des bruits de casserole comme des objets métalliques qui tombent à même le sol, puis des cris, des insultes et autres vociférations fusèrent depuis l'intérieur. Presque dans le même temps, les deux frères sortirent en trombe avec un petit coffret sous le bras et ne s'arrêtèrent pas en chemin - « V'nez m'sieur faut pas rester là ! Alors vous avez décidé ? »

Denmel regarda les environs immédiat. On les avait prévenus qu'il y avait des vigiles alors rien n'interdisait qu'avec les derniers évènements, que les patrouilles ne fussent pas doublées. Tout en cherchant une quelconque activité, il cherchait le chemin à emprunter par la suite. Il était toujours comme cela, anticipant chaque action à venir quand la situation l'exigeait. il fit signe à Sélim qu'il cherchait un moyen de grimper le plus discrètement possible à l'aide de geste et de paroles en sourdines.

« N'oublions pas que nous devrons repasser par là. Il nous faut choisir un coin à l'abri des regards. »